L'identité historique: un produit de promotion touristique?
L'identité historique est-il un produit de promotion touristique? Le témoignage, l'analyse et le point de vue de Notre correspondant Philippe Cléris, du collectif "bienvenue en Normandie" déjà devenu très célèbre.....(Yuca).
Texte de Philippe Cléris :
L'identité historique: un produit de promotion touristique?
Un ami du Poitou résident à Paris découvre avec admiration les richesses historiques et patrimoniales de la Normandie: ci-joint deux belles photos du choeur de la monumentale abbatiale de Fécamp pavoisant aux léopards pour commémorer le 940e anniversaire de la Bataille d'Hastings le 14 octobre prochain... Comme le dit très justement Georges Bernage dans l'éditorial du dernier numéro de "Patrimoine Normand": "Notre grande histoire, celle du XIe siècle, a une dimension européenne. Alors que nos voisins bretons savent faire des montagnes avec de petites choses, nous avons une histoire considérable, qui a totalement bouleversé le sort de l'Angleterre et celui de la Sicile et, indirectement, le sort de l'Amérique du Nord: l'anglo-americain est fortement marqué de l'empreinte de la langue normande puisqu'un chat est un cat".
Trop historique la Normandie! pensent certains élus médiocres ou incultes prêts à croire ou à laisser croire que des éculubrations très tendance (je pense à la vague new-age version celtomaniaque) ont la puissance identitaire suffisante pour créer une "image forte" ou plutôt pour embrumer les esprits: bien plus que la méconnaissance naïve du Grand public toujours curieux d'apprendre et de savoir dans le plaisir de la découverte et du jeu (c'est l'angle d'attaque du Scriptorial d'Avranches) l'inculture crasse de certaines élites (élus, technocrates spécialistes et journalistes) associée à la détermination de militants pro-celtes prêts à mélanger plus de 5000ans d'histoire dans un brouet indigeste est la principale menace qui plane sur l'image d'un département comme celui de la Manche qui fait partie prenante, par la force de l'Histoire, de la Normandie: cette Histoire qui ne date pas seulement de 1789 ou de 1944 mais qui n'a rien à voir aussi avec celle de soucoupes volantes dans lesquelles le breton servait de flux magnétique pour mettre les menhirs à la verticale il y a très... très longtemps!
Ainsi le CG50, dans sa très belle brochure d'appel, préfère nous faire planer de façon régressive sur l'implicite symbolique d'une "terre de bout du monde": quelque part en Occident en faisant référence (est-ce conscient?) à la vieille cosmogonie celte (de quand date t-elle?) qui fait de l'Occident (en latin là où le soleil meure) la porte du monde des morts, la fin de la civilisation où l'on peut faire l'expérience de "pouvoirs surnaturels"... Inutile d'insister sur les relans néo-païens d'une telle symbolique: c'est, paraît-il dans l'air du temps. "Les foules sentimentales qui ont soif d'idéal" chantées par Souchon (qui apprécie fort notre région d'ailleurs) sont déboussolées et n'ayant pas eu les transmissions culturelles suffisantes, sont prêtes à gober n'importe quelle connerie préfabriquée par des charlatans pour se retrouver une âme... Il ne s'agit pas de bannir ou de condamner le merveilleux ou le légendaire qui ont peut-être plus de "sex appeal" pour vendre n'importe quoi mais de rappeler la hiérarchie de la valeur des choses et des idées: pour identifier la Normandie, l'Histoire est un fait puissant, bien plus que certaines vagues légendes teintées de celtomanie et cela pour une raison simple, c'est que les faits historiques à la différence des légendes sont vrais et ont contribué à former les paysages, le cadre culturel, religieux, politique et tout le patrimoine mis en vente aujourd'hui par un certain marketing... hélas!
Philippe CLERIS, collectif "Bienvenue en Normandie"