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L'ETOILE de NORMANDIE, le webzine de l'unité normande
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17 août 2009

Etre normand c'est quoi ?

MHAP : Une jeune normande rédigeant actuellement un mémoire a demandé au Collectif BEN de répondre aux questions qui lui semblent pertinentes :

- Qu’est ce qui vous fait dire que vous êtes normand ? (lieu de naissance, de résidence, lien familial…)

- Racontez-moi les moments où vous vous sentez normand ?

- Avez-vous une autre « région » d’appartenance ? (Ville, pays à l’intérieur de la Normandie, département, autre(s) région(s) française(s), autre pays…)

- Que représente pour vous le fait d’être normand ? (apport culturel, lien social…)

- Quand dites vous que vous êtes normand ? Qu’est que cela représente pour vous ? Cela est-il un plus ? Pourquoi ? Lequel ?

- Pourquoi utiliser le terme de Normandie alors que c’est une région « fictive » ? MHAP : être normand n'est pas une fiction mademoiselle!

- Utiliser vous des symboles au quotidien qui rappelle votre appartenance régionale ? Lesquels ?

Et les réponses formulées par le Collectif BEN :

Bonsoir,

Nous avons précisement le projet d'écrire un livre sur toutes ces questions pour présenter au public habitant notre région toutes ces problématiques... J'ai une réunion de travail demain 17 août sur ce sujet avec un ami avec qui je collabore à ce projet: nous allons donc travailler ensemble sur votre questionnaire... On vous en donnera une réponse dès que possible...

A noter aussi que sur le même sujet le géographe Armand Frémont prépare un livre intitulé "Normandie sensible" qui paraîtra à l'automne prochain...

Permettez nous, néanmoins, au préalable, de vous transmettre notre analyse sur l'identité normande:

Sur l'identité régionale normande on dira qu'elle n'a pas besoin de se justifier : l'Histoire ("avec une grande hache" comme disait Pérec) suffit... Les travaux de François Guillet ont bien montré que l'identité régionale normande contemporaine a été pensée dès le début

comme un objet savant d'étude historiques et archéologiques ou comme un objet de contemplation esthétique (littérature et peinture) au moment où la Normandie devient la toute première destination touristique en France (les bains de mer et la Normandie envisagée comme destination d'étude et d'éducation pour la jeunesse des élites anglaises cherchant à retrouver en Normandie les origines de la civilisation anglaise moderne)

Cette identité est donc intellectuelle et toute tentative d'en faire une identité mythologique en se fondant sur une origine culturelle unique et ancienne a échoué: le recours au mythe Viking avait déjà été dénoncé en 1911 par les érudits de l'histoire normande  à l'occasion du premier millénaire normand. Les vikings en Normandie restent une référence culturelle en tant que signe d'appartenance parfois utilisé avec dérision: il n'y a pas en Normandie une mythologie Viking comme il peut y avoir une mythologie celte en Bretagne fournissant une grande explication générale de toute l'identité régionale. Ces tentatives sont toujours restées très minoritaires et très marquées idéologiquement...

C'est pourquoi, on ne peut pas enfermer l'identité normande dans un "ethnotype": Léopold Sedar SENGHOR, notre Normand d'adoption le plus célèbre s'était même risqué à définir une "Normannité" à partir des caractères objectifs d'une mentalité spécifiquement "normande" (froideur extérieure; vivacité et passion intérieures; méfiance; modération; légalisme; prudence dans le jugement; opportunisme...). Mais Senghor nous déçoit car nous aurions préféré qu'il définisse une "Normanditude" à la suite de la "Négritude" chère à son ami Césaire quand il s'agissait de dénoncer, avec ironie, le mépris raciste et colonialiste contre tous ceux qui n'étaient pas des Blancs d'Europe...

Pourquoi parler de "Normanditude"? Parce que la Normandie connait actuellement un déclassement économique et social qui pourrait s'apparenter, toute proportion gardée, à une mise sous tutelle de type colonial en tant que territoire dominé, banlieue de la banlieue ouest de Paris... (cf notre slogan "Nous sommes tous des ploucs normands")

Bien sûr, mis à part quelques militants, dont nous sommes, la plupart de nos concitoyens n'en est pas encore arrivé à un tel niveau de conscience politique avec l'idée d'identité régionale en Normandie...

L'identité normande c'est donc plutôt toute une série de pratiques concrètes: notamment la cuisine et les produits typés du terroir et du littoral , une relation extrêmement forte des Normands à leurs territoires qui constituent la mozaïque très diverse composant la Normandie. Des références historiques très précises renouvelées dans la fièreté douloureuse de la Libération de 1944. Un patrimoine monumental et culturel d'une richesse exceptionnelle qui inculque aux Normands le goût pour l'Histoire de leur région...

Les gens d'ici sont plutôt fiers de ce qu'ils sont et n'éprouvent pas le besoin de le dire. Beaucoup de savoir faire mais peu de faire savoir... Il y a un petit côté aristocratique dans cette mentalité centrée sur elle même: on n'a rien à prouver ni rien à demander. La Normandie se suffit à elle même car c'est avant tout le résultat d'une construction politique et historique comme l'est aussi la France... Cette région qui se souvient d'avoir été un état indépendant plus puissant que la France,  a longtemps été la plus riche de notre pays juste après Paris et l'Ile de France: pas de complexe d'infériorité justifiant une revendication particulière ou le dynamisme du nouveau riche parvenu... Par contre, une certaine idée de déclin tranquille, un défaitisme normand, une sorte d'amertume ou de nostalgie, sinon de mélancolie est apparue depuis peu: depuis le début des années 1980 la Normandie, vieille région démocrate chrétienne à la fois rurale et industrielle, décroche après des années 1960 - 1970 qui firent illusion (effet de modernité avec l'achèvement de la Reconstruction).

La division consacrée en 1972 (pour mettre la Basse Seine normande sous la tutelle de la région parisienne au nom de l'aménagement du territoire national) a d'abord cassé un espace vécu régional à l'échelle de toute la Normandie (ex: deux zones de vacances scolaires) et renforcé le localisme normand entre villes et territoires. 38 ANS après la Normandie est, de fait, divisée en trois: à la division devenue inutile entre deux collectivités territoriales s'ajoute la division concrète entre une Normandie des villes et du littoral ou de l'Estuaire, riche et suffisamment attractive pour que certains envisagent de l'englober dans un "Grand Paris" et une Normandie des champs au mieux carte postale pour les résidents venus d'ailleurs au pire en profond déclin social et économique dans des petites villes qui voient fuir la jeunesse... A cela s'ajoute enfin un troisième niveau de division: celles qui opposent encore trop souvent les collectivités territoriales normandes entre elles. Les élus normands, contrairement aux Bretons ne savent pas "chasser en meute" à Paris ou à Bruxelles: il n'y a pas de lobby normand (même si des tentatives récentes pour en créer un existent notamment du côté des milieux portuaires et logistiques au Havre et à Rouen)

C'est pourquoi, il y a actuellement une profonde mutation en cours: le monde rural traditionnel est en phase terminale. Là où il revit, il ne le doit qu'à l'arrivée des néo-ruraux venus d'ailleurs (les "horsains"). Les parlers normands (il y a débat pour savoir s'il faut parler de langue normande ou d'un "français régional") vivotent dans le Cotentin et le pays de Caux ou disparaissent complètement ailleurs. Même dans la Normandie urbaine et littorale, la conscience d'un déclin profond progresse: le dossier ferroviaire symbolise a lui tout seul le mépris que subit aujourd'hui une région qui a toujours été pourtant du bon côté du manche ou il suffisait "d'écouter l'herbe pousser".  Les villes normandes qui ont longtemps voté à droite votent désormais à gauche. Les élites traditionnelles de notables sont en crise: le médecin, le vétérinaire, l'agriculteur FNSEA maire tout puissant de sa commune, le curé, le notaire, l'avocat ou le grand patron local: avoir le bras long pour grapiller quelques miettes chez le préfet ou chez le ministre en faisant jouer les réseaux, ça ne marche plus! On est en train de passer du bon vieux temps des notables à celui ,nouveau ,des responsables... A Rouen on se partage entre crainte et résignation face à la banlieusardisation qui menace la vieille capitale normande. A Caen, l'autre capitale, on commence à prendre conscience de la sévère concurrence bretonne dans le "Grand ouest" et dans le rural profond, il a suffi que l'on projette le passage d'une nouvelle ligne à Haute tension derrière le futur EPR de Flamanville pour mettre une trentaine de communes en révolte totale: c'est nouveau car il n'y a pas si longtemps les Normands avaient accepté le nucléaire contre espèces sonnantes et trébuchantes... Ce genre de deal, aujourd'hui ne marche plus! Plus grave c'est que le recours à une dynamique d'identité régionale ne permet pas, pour le moment encore, de positiver et d'imaginer les futurs possibles et ce pour une raison simple: c'est que les Normands s'ignorent eux-mêmes. Les "bas" ignorent les "haut" et se craignent ou se méprisent parfois réciproquement (les "bas" traitent les "haut" de parisiens hautains et les "haut" traitent les "bas" de ploucs soumis aux Bretons...) C'est le résultat de la division et les décideurs normands ne peuvent pas avoir une vision globale de la Normandie à l'échelle pertinente car il y a, par exemple, deux INSEE en Normandie...

Mais sur ce terrain aussi les choses évoluent: pour preuve le succès de l'ironie normande distillée par Heula (qui fait preuve finalement de "Normanditude"...) ou la prise de conscience chez les communicants qu'il y a ringardisation normande quand on parle de "basse" ou de "haute" Normandie (cf le colloque de Deauville organisé par l'association Nota Bene)

Bref, tout bouge actuellement en Normandie: les ferments pour une renaissance d'une identité régionale active et dynamique en Normandie sont bien là... Mais de là à poser des bombes!!!

Plus récemment, les provocations de Nicolas Sarkozy sur le Grand Paris, ses déclarations répétées sur l'ineptie de la division administrative, son intérêt persistant pour notre région (fréquents déplacements et rôle du lobby havrais à l'Elysée...) montrent que la Normandie est prise au sérieux au plus haut sommet de l'Etat: c'est aux élus et décideurs normands de prendre aussi la Normandie au sérieux car la société civile normande, face au déclin économique et social actuel semble le désirer de plus en plus...

Bien à vous,

Philippe CLERIS, après discussion avec les membres actifs du collectif "Bienvenue en Normandie"

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