L'Union fait la force pour Haïti

Retour sur le drame d'Haïti : après le tragédie des tremblements de terre, s'est succédé les tremblements du coeur venant du monde entier

Le drapeau d'Haïti, dont la devise est "L'Union fait la force".

Mais au delà de la vague intense et impressionnante de générosité, un retour sur l'Histoire paradoxale d'Haïti.

Pour cela je vous conseille le livre de l'historien, romancier et universitaire normand Christophe Wargny, " Haïti n’existe pas : deux cents ans de solitude" .

La francophone Haïti était dénommé jadis " La Perle noire des Antilles" : elle acquis son indépendance en 1804, s'arrachant ainsi à l'Empire Français de Napoléon : premier pays noir à devenir une république indépendante, en appliquant les idéaux de civilisation, de liberté et de Lumières.
Mais à côté de sa voisine Dominicaine, paradis pour touristes, Haïti fait figure de parent pauvre, immaculée de tensions sanglantes.

Un destin tourmenté, singulier, paradoxal et paroxystique : il a fallu de graves évènements pour la remettre sous les feux de la rampe du monde entier.

Article de PN : "Construire haïti.. enfin".

Comments

[Florestan]

Le malheur des mulâtres (métis) et des noirs esclaves Haïtiens, c'est d'avoir pris au sérieux les belles idées des lumières françaises lors de la Révolution: le gouverneur Toussaint Louverture et son aide de camp Dessalines ont pris au mot les belles paroles des conventionnaires de 1793 abolissant l'esclavage.

Les noirs devinrent "marrons", c'est à dire révoltés contre l'ordre injuste de leurs exploiteurs et oppresseurs blancs ou créoles qui durent quitter leurs propriétés sous la menace des machettes de leurs esclaves (ouvriers agricoles de la première "ile à sucre" des Antilles qui faisait la fortune des négociants de Nantes, Bordeaux, Rouen ou Le Havre...)

Le 1er janvier 1794, l'indépendance de la première république "nègre" à Saint-Domingue est proclamée par le gouverneur Louverture qui fit une réforme agraire en lotissant les domaines sucriers abandonnés par leurs propriétaires blancs enfuis en France métropolitaine.

La paix revenue en 1797 entre la France révolutionnaire et les puissances européennes et l'Angleterre, le commerce maritime reprend ses droits et le sucre "marron" de Haïti est sur le marché au grand scandale des créoles exilés en France.

1799 le premier consul Bonaparte devient dictateur et sa femme Joséphine de Beauharnais est la plus riche héritière parmi ces planteurs martiniquais qui n'avaient pas hésité à demander l'aide de la Marine anglaise pour faire rétablir l'ordre dans leur île soulevée, elle aussi, par les belles nouvelles de Paris...

1802 Le petit corse 1ER consul rétablit... l'esclavage afin de relancer les affaires maritimes de la France et dans l'objectif de reconquérir la république "nègre" de St Domingue

1804: année de Trafalgar, une flotte française emmène un corps expéditionnaire de 30 000 hommes placés sous le commandement du général LECLERC, beau-frère de l'Empereur pour reprendre Saint Domingue et mâter les nègres "marrons".

Les machettes des Haïtiens libres et la fièvre jaune décimèrent les hommes du général LECLERC qui rembarque pour la France avec, à son bord, le prisonnier Toussaint LOUVERTURE qui a été trahi: il mourra de maladie et de froid au fond de son cachot au fort de Joux dans le Jura.

Dessalines poursuivra la lutte pour l'indépendance d'Haïti qui ne sera reconnue par la France qu'en 1825 contre le paiement d'une indemnité de 50 MILLIONS de francs or dans le but d'indemniser les anciens maîtres blancs des noirs marrons désormais libres...

Haïti paiera cette dette jusqu'au début du XXe siècle, enchainant guerres civiles, coup d'état et dictatures et occupation étrangère des Etats-Unis en raison du conflit entre les mûlatres (les métis ou "café au lait") et la majorité noire "marron" (les anciens esclaves ou "café" marrons).

Tout cela dans l'oubli général de la bonne conscience française occupée à fouetter bien d'autres gros matous: le vaudou fit le reste avec l'aide de la corruption.

Avant la tragédie du tremblement de terre, 15 familles à peine tenait la richesse d'Haïti avec des élites politiques et intellectuelles réfugiées à l'étranger pour fuir la violence sociale et la corruption du chaudron haïtien...

Les anciens esclaves, démunis de tout, marrons dans notre mémoire bien oublieuse, reproduisaient jusqu'au 12 janvier dernier, l'enfer de mépris de leurs anciens maîtres blancs alors qu'Haïti était, il y a deux siècles, à la tête de la modernité politique du Monde!

Il n'y a pas de catastrophes naturelles, il n'y a que des catastrophes humaines!

[Yuca 2 Taillefer]

Si vous êtes intéressé par le sujet du billet :

Christophe Wargny donnera une conférence le mercredi 3 février à 20 heures dans la salle Pierre Mendès France de l'Hôtel de ville de Louviers (dept. 27 Eure) sur la situation de l'île d'Haïti ravagée par un séisme récent.

Christophe, auteur de « Louviers, sur la route de l'autogestion » a écrit plusieurs livres sur Haïti, où il a vécu pendant plusieurs années comme conseiller du président Aristide.
Ce dernier étant devenu un dictateur corrompu, Christophe Wargny est revenu en France pour devenir maître assistant au Conservatoire national des arts et métiers.
L'entrée sera libre.