Grumbach à Honfleur
- Rencontre avec Antoine Grumbach, urbaniste coordinateur du « Grand Paris » organisée par l’association « Pays d’Auge expansion » à Honfleur, cinéma le Jeanson, 18h00 – 20h00. Présentation faite par Nicole Ameline, députée UMP et introduction par Jean Lévèque, urbaniste devant une petite centaine de personnes présentes.
- Présence de Philippe Augier, maire NC de Deauville, d’Ambroise Dupont sénateur UMP ; de Claude Duteurtre député UMP ; de Bernard Aubril maire de Lisieux ; d’Anne d’Ornano, présidente du conseil général du Calvados ; de M. le Sous-préfet de Lisieux et de Christian Fougeray président de la CCI de Lisieux-Pays d’Auge.
Présentation : Nicole Ameline
« Le
futur se construit » ; « le Grand Paris est une
opportunité
extraordinaire pour les deux régions et pour le Pays d’Auge ».
« Cette région (laquelle ?) a toujours su dans son histoire profiter
de la Région parisienne ». (rappel de l’effort de
déconcentration
des années 1980 avec l’arrivée du Ganil par exemple...). « La
Basse et la Haute Normandie doivent s’allier ». Sinon, pas
de projet donc pas de poids suffisant pour obtenir le TGV normand. C’est
maintenant qu’il faut décider. Il ne faut pas passer à côté de
notre développement futur. « C’est un projet régional Haut
et Bas normand qui justifiera le projet de TGV pas l’inverse ! ».
« Il faut les deux régions réunies pour défendre un projet de l’estuaire
normand ». (ndlr : route du Grand Paris ou chemin de Damas ? La
conversion et la profession de foi de Nicole Ameline sont
saisissantes...)
Introduction : Jean Lévèque
Il faut rappeler avant toute chose la continuité historique, ouvrir le champ des questions et réfléchir véritablement au devenir de « l’espace normand ».
Tout d’abord un constat :
Le projet « Grumbach » d’un Grand Paris maritime est « une onde de choc » qui met ici tous les décideurs en mouvement : ça oblige à réfléchir enfin sur l’avenir (ndlr : cela fait agir les plus lucides et cela fait peur aux imbéciles...). Le fleuve, la mer, l’avenir du Havre, donc l’avenir de la Normandie...
Cela bouleverse les schémas éculés de l’Aménagement du Territoire, ça nous oblige à avoir ici un projet qui puisse tirer parti du projet du Grand Paris sans en subir les conséquences. « La Normandie peut avoir un projet : c’est son potentiel maritime, sa qualité territoriale et son patrimoine à condition de concevoir ce projet à la bonne échelle ».
Néanmoins, le projet « Grumbach » pose quelques questions :
- Est-il tronqué ? Pourquoi s’arrêter au Havre ?
- Est-il flou ? Le rôle de l’espace normand entre le Grand Paris et le port du Havre ne semble pas avoir été pensé.
Qu’en est-il de l’harmonisation du projet de « Grand Paris tourné vers la mer » et la présence de la DTA de l’estuaire normand ?
- Reproduira-t-on les erreurs du passé d’un aménagement fonctionnaliste d’un corridor de Seine (ne pas recommencer les errements du SDAU de 1965 pensé par Paul Delouvrier) : il y a une qualité territoriale exceptionnelle à préserver et à mettre en valeur !
Car il y
a des réalités normandes : la relation avec Paris ne se réduit pas
au seul axe Paris-Le Havre. C’est toute la Normandie, peu ou prou,
qui a eu partie liée depuis des siècles avec Paris et la région
parisienne.
Au XIXe siècle, la plupart des migrants normands allaient à Paris.
Ces mobilités demeurent vives au détriment d’ailleurs du dynamisme
démographique global normand puisque la jeunesse normand s’en va
à Paris sans revenir et se sont les retraités résidents franciliens
qui viennent en Normandie trouver une qualité de vie qu’ils ne trouvent
plus en région parisienne, d’où un vieillissement accéléré des
populations normandes. « Le Pays d’Auge c’est la prairie de
Paris » : depuis plusieurs siècles, la Normandie fournit les
produits agricoles frais, animaux pour le gros marché de consommation
parisien. Par son refus du productivisme agricole dans les années 1970,
le Pays d’Auge a gardé une rare qualité paysagère et territoriale
qu’il faut désormais mettre en valeur et préserver dans le cadre
d’une économie résidentielle impulsée par le centre parisien (ndlr :
problème de l’artificialisation des terres agricoles, mitage
pavillonnaire
et pression financière sur le prix du foncier). C’est en Normandie
que le tourisme balnéaire a été crée il y a plus de 100 ans : Deauville
est la vraie plage de Paris. Depuis plus de 100 ans, il y a une inter-
fécondation culturelle et artistique entre la Normandie et le centre
parisien (peinture impressionniste, photographie, cinéma, littérature)
tandis que la tradition universitaire de Caen a su tisser des liens
avec Orsay et Saclay dans le domaine de la recherche scientifique
fondamentale.
Conclusion de Jean Lévèque : Il ne faudra pas casser ce qui existe déjà ici. Il faudra « valoriser le patrimoine normand et prendre en compte l’ensemble du territoire normand ». Ainsi, plus que le val de Seine, le vrai fleuve qui unit Paris à la Normandie, c’est aujourd’hui l’A13 jusqu’à Caen.
« L’estuaire a deux rives. Elles sont différentes mais parfaitement complémentaires : les différences peuvent se multiplier tandis que les similitudes ne font que s’additionner ».
« La DTA de l’estuaire normand, c’est 10 années de réflexion » et une expérience de travail en commun depuis 2006 et il y a aussi les réflexions du récent « Grenelle de l’Estuaire » : c’est pourquoi le projet « Grumbach » doit tenir compte de ces réalités normandes et s’en nourrir...
INTERVENTION d’Antoine GRUMBACH
Tout d’abord,
l’urbaniste coordinateur du « Grand Paris » se déclare être heureux
de se retrouver à Honfleur qui lui rappelle des souvenirs de vacances...
Il précise : « le Grand Paris ce n’était pas un concours mais
une action collective de recherche-développement » qui a
mobilisé
10 équipes internationales qui ont fait travaillé 500 personnes sur
le dossier parisien avec pour ambition de répondre aux deux questions
suivantes :
- Qu’est-ce que pourrait être une métropole de « l’après Kyoto » ?
- Comment imaginer Paris en tant que grande métropole mondiale ?
(ndlr : on rappellera que l’absence d’une vraie maîtrise d’ouvrage définie pour le « Grand Paris » entretient une confusion préjudiciable à l’identification des priorités et des projets. Entre la coordination faite par Antoine Grumbach, l’action souterraine, dans tous les sens du mot, du secrétaire d’état Christian Blanc et la fronde des élus locaux franciliens, la gouvernance du « Grand Paris » ressemble à une pétaudière : raison de plus pour ne pas y ajouter une pétaudière normande !)
Antoine
GRUMBACH
(qui avait déjà travaillé avec l’agence d’urbanisme
du Havre) suggère de prendre au sérieux une citation de Bonaparte
visitant le port du Havre le 7 novembre 1802 :
« Paris, Rouen, Le Havre, cette unique ville dont la Seine est la grande rue »
(ndlr : c’était à la veille de la reprise de la guerre contre l’Angleterre alors que la Normandie et ses ports n’ont prospéré que s’il y avait la paix avec l’Angleterre : on verra plus loin qu’il faudra abandonner le petit corse pour faire vraiment un « Grand Paris » tourné vers la mer... La prémisse proposée par Bonaparte n’étant pas la bonne !)
Cette vision du petit corse a été reprise le 29 avril 2009 par Nicolas Sarkozy, président de la République à l’occasion de la présentation des 10 grands projets pour le « Grand Paris » : « à notre grande surprise » le président faisait de la réflexion de l’équipe Grumbach le cadre stratégique global dans lequel il faudra désormais penser les projets architecturaux et urbains d’un « Grand Paris » qui doit être relié à son port : Le Havre.
Ce qui
implique
concrètement d’unifier les trois ports de la Seine (Le Havre ;
Rouen et Gennevilliers-Paris), d’améliorer toutes les relations
entre la région parisienne et sa façade maritime proche : d’où
le projet dans le projet d’une liaison TGV directe d’abord envisagée
pour Le Havre (tracé option Nord via Cergy –Pontoise) mais qui a
été sagement repoussé en juin dernier au profit d’un vrai TGV
normand proposant une desserte conjointe des trois grandes
agglomérations
urbaines normandes à 1h 15 maximum de Paris (projet actuellement piloté
par le conseiller d’Etat Jean-Pierre Duport qui d’ailleurs sera
l’invité de « Pays d’Auge expansion » en mai prochain).
Plus que
de favoriser l’étalement de « l’omelette
urbaine » de la région parisienne vers la Basse- Seine normande
et renforcer ainsi sa mise sous tutelle, le projet consiste surtout
à renforcer tous les réseaux de communication (« tresser les
mobilités »
entre la région parisienne et la mer
à partir du val de Seine : fluvial ; ferroviaire ; transports en
commun ;
mobilités domicile/travail / loisirs ; déplacements doux) et respecter
les alternances entre densités urbaines ou industrielles et les
territoires
ruraux ou agricoles (ndlr : favoriser l’agriculture « urbaine »
d’hortillonnage pour une réconciliation du génie urbain avec le
génie rural dans le cadre d’une « ville paysage ».
Rêve du honfleurais Alphonse Allais, ou cauchemar ?).
D’après Grumbach : « au-delà
de la région parisienne, on ne sait plus très bien où
on habite » prétextant un découplage entre rapport à l’histoire
et appropriation d’un territoire
(ndlr : doit on choisir entre l’omelette parisienne ou les
œufs brouillés d’une Normandie divisée ?)
La vallée
de la Seine c’est concret et permettrait une « appropriation
territoriale en tant qu’entité géographique assimilable ».
D’ailleurs, la géographie française serait, d’après Antoine Grumbach,
composée de cinq grandes régions naturelles formées par les bassins
versants des grands fleuves : Seine ; Loire ; Rhône ; Rhin et Garonne...
(ndlr : avouons que c’est peut-être là le point le plus discutable
de la proposition Grumbach ! Les Français sont-ils à ce point « froggies » !
pour être avant tout des « séquanais » ; des « ligériens » ;
des « rhodaniens » etc... Vision quelque peu naïve
de la question des identités régionales qui ignore les permanences
géo-historiques : sur la Seine il y a, depuis des siècles, des Parisiens
et des Normands, pour le meilleur et pour le pire... (une
demi-finale de la coupe de France de football devrait prochainement
nous rappeler l’existence de ces réalités fondamentales...)
Cependant, valoriser les mobilités et le potentiel logistique et industriel du val de Seine entre Paris et le port du Havre obéit à un impératif géopolitique de niveau mondial : « c’est Braudel qui m’a appris cela » déclare Grumbach. Dans l’histoire, toutes les grandes métropoles ayant une « économie monde » ont été des villes portuaires. (ndlr : attention à ne pas confondre le concept braudélien d’ « économie monde » avec l’idée d’économie mondiale : ce n’est que récemment que les « économies mondes » sont devenues réellement mondiales). La réflexion sur les ports permet un « accrochage économique concret » : si on compare avec ce qui fait ailleurs, il est évident qu’il faut aller vers une unification portuaire entre les GPM du Havre, de Rouen et le PA de Paris-Gennevilliers. Car, au niveau mondial, la planification et la stratégie portuaire se jouent sur de vastes échelles :
Le périmètre géographique « Londres- Rotterdam- Anvers-Paris-Le Havre » est comparable au périmètre actuellement mis en valeur aux USA (« Boston-New-York » ou « San Francisco-San Diego » ou au périmètre prévu pour le développement du port de Shanghaï !).
Les autorités portuaires de Rotterdam démarrent l’immense chantier de « Rotterdam 2 », une île artificielle au large du port actuel équipée de plusieurs dizaines de kilomètres de quais pour accueillir les futurs portes-boîtes géants (16mètres de tirant d’eau) qui, d’ailleurs ne pourraient plus passer le Pas de Calais lors de certains niveaux de marée basse ... Ces navires géants arriveraient directement d’Asie par la nouvelle route maritime du « Nord-ouest » grâce à la fonte de la banquise arctique.
En conclusion, Antoine Grumbach souligne que le projet proposé par son équipe est global et peut se concevoir à plusieurs échelles (échelle locale « retrouver la solidarité ancienne entre ville et campagne » ; échelle régionale normande « articulation des deux Normandie » ; échelle nationale « tisser les mobilités, désenclaver » ; échelle européenne et internationale « Grand Paris tourné vers la mer avec le port du Havre »).
DISCUSSION :
Avec un
public
plutôt conquis et impressionné par le propos d’Antoine Grumbach,
un échange s’engage. Nicole Ameline distribue la parole d’abord
aux élus assis aux premiers rangs. Les réactions sont positives et
se rejoignent sur la nécessité
de développer ici un projet régional pour ne pas subir l’ambition
du Grand Paris maritime qui « dépasse les limites habituelles de
la prospective » (sénateur Dupont). Nicole Ameline défend
l’idée de créer dans le Pays d’Auge un « cluster vert »
mais une élue du conseil général s’empresse de lui rappeler que
le maintien du « vert » sur le territoire est garanti par les
activités agricoles qu’il faut préserver face à la pression foncière
de la résidentialisation. Les élus présents, Anne d’Ornano en tête
demandent des précisions sur l’architecture du projet de TGV normand.
Anne d’Ornano demande des nouvelles d’un hypothétique projet de
débranchement TGV à partir du « grand huit de RER francilien » proposé
par Christian Blanc vers le Nord via Cergy et Amiens pour envisager
le dédoublement futur du TGV nord actuel en voie de saturation...
Antoine Grumbach répond que le projet étudié est bien celui d’un TGV normand à partir de la LGV du Mantois avec « y » de débranchement dans l’Eure pour la desserte conjointe des trois grandes agglomérations normandes. Mais il faut voir plus loin et envisager de faire de Rouen et de sa gare TGV rive sud St Sever un « hub TGV » pour un TGV « anglo-normand » dédoublant l’actuel TGV nord Paris-Lille, via Rouen-Amiens-Calais et le tunnel sous la Manche à l’horizon 2020. (ndlr : cette ambition de très long terme est donc incompatible avec l’idée défendue par Alain LEVERN de faire entre Paris et Rouen une « ligne haute performance », c'est-à-dire un RER amélioré...)
Christian FOUGERAY prend la parole à son tour pour défendre l’urgence d’un projet pour l’Estuaire normand, qu’il y a une prise de conscience et qu’il va falloir faire « remonter les atouts et avantages de notre territoire » (ndlr : remonter vers où ? Vers Paris bien évidemment ! Il faut un lobby normand)
Philippe AUGIER prend la parole pour défendre l’idée de créer un réseau de ports normands autour du Havre et en relation avec l’Angleterre et propose de relancer une navette maritime fret léger / voyageurs dans l’estuaire entre Ouistreham, Trouville et Le Havre. En outre, Philippe Augier annonce que le texte du rapport Attali commandé par les CCI du Havre, de Fécamp et de Lisieux pour étudier la valorisation de la Basse-Seine normande dans le cadre du Grand Paris a définitivement été mis au point lors d’une commission terminale de travail qui s’est réunie trois jours durant à Deauville. Le rapport sera officiellement présenté le 4 mai prochain lors du colloque du Havre et fera l’objet d’une publication éditoriale à partir du 12 mai. Philippe AUGIER a, en outre, tenu à préciser en présence de Nicole Ameline, qu’il avait dîné la veille au soir avec MM Attali et Grumbach après la conférence de presse donnée par Jacques Attali et les trois présidents de CCI. (ndlr : pour des raisons évidentes d’agenda politique, Jacques Attali a refusé pour l’instant de communiquer le contenu des 50 propositions pour l’avenir de la Basse-Seine. D’après les déclarations de Jacques Attali lors de cette conférence de presse, la Normandie est désormais associée de façon globale en tant que façade maritime et portuaire au projet Grumbach de Grand Paris tourné vers la mer. L’avenir du port du Havre est donc lié au rayonnement du Grand Paris et vice versa : c’est un enjeu national qui ne pourra se réaliser que s’il y a unification régionale normande. La réunification de la Normandie devient dès lors, à son tour, un enjeu national !)
Réponse d’Antoine Grumbach :
Il faut aller
bien sûr vers la constitution d’un réseau de ports en Normandie
avec Le Havre en « hub » d’un réseau de navires
« feeders » pour l’éclatement des marchandises sur les ports normands :
une association avec les ports anglais pourrait se révéler stratégique
puisque selon un récent rapport des autorités maritimes et portuaires
britanniques les directions des ports anglais sont appelés à renforcer
leurs liens avec les ports français au sein de l’arc Manche puisque
le sud anglais ne dispose plus des réserves foncières suffisantes
et que les conflits type « NIMBY » s’y multiplient... (ndlr : Cherbourg
joue déjà cette carte anglaise avec le charbon tandis que Dieppe avait
fait le pari d’acquérir le port de Newhaven avec l’échec que l’on
sait. Dieppe doit donc sortir de son isolement actuel : le maire de PCF
de Dieppe, Sébastien Jumel aurait certainement apprécié la vision
développée par Antoine Grumbach...). Derrière le hub portuaire il
faut un « hinterland » logistique performant pour valoriser les boîtes
et leurs contenus « garder les boîtes le plus longtemps possible »
précise Grumbach, massifier les convois et éviter les retours à vide...
Le sous-préfet s’inquiète de l’état inquiétant du fret ferroviaire en Normandie : Antoine Grumbach rappelle l’urgente nécessité d’un vrai désenclavement ferroviaire du port du Havre (ndlr : plus de 70% du trafic havrais est éclaté par transport routier alors que le port d’Anvers éclate plus de 50% de son trafic via le fluvial et le ferroviaire) vers l’Est (ligne Serquigny-Gisors) mais surtout vers le Sud bas-normand pour organiser le sillon fret ferroviaire sur l’axe Caen-Tours-Bordeaux –Espagne et l’arc atlantique (rôle de la future plate-forme multimodale de Mézidon –Canon) : Antoine Grumbach annonce alors qu’il a fait le nécessaire pour trouver 500 millions d’euros dans le cadre du projet du « Grand Paris » pour les études et travaux nécessaires au 3ème franchissement « sous-fluvial » et ferroviaire de l’estuaire entre le port du Havre et Honfleur-la Rivière St Sauveur (ndlr : annonce intéressante car les études commandées sur ce sujet par les deux conseils régionaux normands doivent prochainement paraître...). Aussi pour l’organisation d’un « hinterland » havrais de niveau national par le fret ferroviaire (vers l’Espagne et vers le Rhin en contournant Paris) il faudra faire très vite car le projet de Canal Seine-Oise-Nord en arrive dans sa phase financière (partenariat public privé) pour un début des travaux dans 2 ans à Achères non loin de la confluence entre la Seine et l’Oise : ce canal permettra une relation directe entre Anvers et le marché parisien par la voie d’eau : quel port sera donc finalement le port de Paris ?
Jean LEVEQUE intervient à nouveau à propos de la conception même du projet proposé par Antoine Grumbach puisque celui-ci s’appuie sur le précédent du SDAU de 1965 (plan Delouvrier) pour justifier son intuition de départ « ces vieilles idées qui traînent dans les cartons ne sont pas mauvaises » : ne pas reproduire l’erreur de Paul Delouvrier (effet « corridor » et aménagement fonctionnaliste qui a justifié la division administrative de l’espace normand) et ne pas oublier l’existence de la DTA . Antoine Grumbach s’en défend donc en démontrant qu’il souhaite conserver l’actuelle « alternance ville-campagne », améliorer toutes les mobilités (ex : réaménagement qualitatif de l’A13 pour en faire une vraie rocade métropolitaine équipée d’un système de transports en commun et de « conciergeries » pour organiser socialement le co-voiturage). Par contre on ne partagera pas l’optimisme d’Antoine Grumbach sur « la coexistence pacifique entre le marais Vernier et la raffinerie de Notre Dame de Gravenchon » (sic !), ou ses réserves sur le classement des boucles de la Seine (ndlr : on aura une pensée pour le préfet Pierre Chaussade !).
A partir
d’une vue de l’estuaire de la Seine d’après la carte de Cassini
(XVIIIe siècle) Antoine Grumbach argumente sur la longévité historique
de cette estuaire comme espace de communication profondément aménagé
par les hommes (ndlr : la même carte permettait de montrer par
conséquent
que la Seine ne fut jamais ou presque une frontière et que si frontière
naturelle il y avait, elle se trouvait sur les marais de la Dives
véritable
limite, s’il en faut une, entre « Basse » et « Haute » Normandie)
Intervention
au nom du collectif « Bienvenue en Normandie » :
Tout d’abord
je rappelle que l’ambition du projet « Grumbach » est salutaire : elle
nous oblige enfin à réfléchir. « Le Grand Paris ne s’intéresse
pas à nous pour la beauté des yeux des vaches normandes. A nous donc
de nous intéresser davantage à nous-mêmes ». L’autre intérêt
du projet « Grumbach » est de reconsidérer le potentiel maritime
de la France, qui possède le second domaine maritime mondial,
via la première région maritime française qu’est sans nul doute
la Normandie, toutes activités confondues sur ses 671km de littoral...
Ensuite je conteste la logique même de la citation de Bonaparte qui tend à confondre la géographie avec les cartes de géographie pour lui préférer la réflexion plus intelligente et plus aboutie de Jules Michelet :
« La Normandie, ce visage de majesté qu’offre la France au monde sur la mer face à l’Angleterre ».
Toute notre
problématique du jour se trouve résumée dans cette superbe métaphore.
A quoi bon donc de faire du Havre le port de Paris si Anvers, Rotterdam
voire Gennevilliers qui peut accueillir des barges fluvio-maritimes
venues directement du large peuvent être aussi des ports de Paris :
il faut coupler cette ambition à une autre, celle de l’avant-port
européen avec un avant-pays anglais et profiter ainsi de
l’exceptionnelle
notoriété de la Normandie à l’étranger notamment dans le monde
anglo-saxon.
Enfin, je
termine en rappelant que tous ces ambitieux projets d’infrastructures
ne pourraient se faire sans conduire des coopérations interrégionales
fusionnelles entre les deux conseils régionaux normands (notamment,
le phasage technique et le montage financier du projet de TGV normand)
Les principales informations :
1° Les 50 propositions du rapport « Attali » pour la valorisation de la Basse-Seine normande sont prêtes. Elles seront révélées le 4 mai prochain au colloque du Havre (invités : A Rufenacht ; L Fabius : V Fourneyron ; B Delanoë ; P Duron ; les deux présidents de région normands ne sont pas encore officiellement invités...) Déclaration de Jacques Attali reprise par Drakkar online le 2 avril 2010 : « Paris, Rouen, Le Havre et Caen ont un destin commun. Si Paris ne dispose pas demain d’une façade maritime elle ne sera jamais une capitale mondiale. Si cette façade ne se situe pas en Normandie, Rouen, Le Havre et Caen sont vouées au déclin » . La question régionale normande devient une question d’intérêt nationale.
2° Le gouvernement dans le cadre de la réflexion sur le « Grand Paris » a décidé de provisionner 500 millions d’euros pour le projet de tunnel ferroviaire fret sous l’estuaire afin d’assurer le désenclavement bas-normand du port du Havre (annonce d’Antoine Grumbach)
3°
Le projet « EOLE » a été intégré aux projets de Christian
BLANC : c’est donc le désenclavement de la gare Saint Lazare vers
la Défense et l’aéroport de Roissy qui va pouvoir se réaliser.
4°
Le projet de TGV normand (architecture du tracé ; phasage technique ;
montage financier) doit être prêt pour la fin de l’année quant
au consensus politique : le débat public de 2011 ne doit pas
être le débat du déraillement ! Confirmation que Jean-Pierre Duport
tient à ce projet et souhaite qu’il permette l’expression d’un
lobby normand pour un projet normand car il n’y aura pas de TGV
normand dans le cadre du Grand Paris sans projet normand.
5°
Le projet de Canal « Seine-Oise-Nord » en est à l’étape du
montage financier (en partenariat public privé) avec l’aménagement
prévu d’un grand port fluvial à Achères non loin de la confluence
Seine-Oise : il faut donc agir très vite pour préserver les chances
de développement du port du Havre et donc de la Normandie.
6° Antoine GRUMBACH nous assure enfin que Nicolas SARKOZY veut aller très vite sur le « Grand Paris » pour faire le maximum sur le projet avant... 2012 !
Philippe CLERIS, Caen, le 03 avril 2010
p/o le collectif citoyen et républicain
« Bienvenue en Normandie »