L'AXE SEINE NE SUFFIT PAS: lettre du collectif BEN au commissaire général RUFENACHT

A l’attention de Monsieur

Antoine RUFENACHT

Commissaire Général pour le Développement de la Vallée de la Seine

Objet : l’« axe Seine » ne suffit pas, il faut intégrer l’évidence normande

Cher monsieur,

Le collectif citoyen et républicain « Bienvenue en Normandie » créé en 2006 pour une expertise citoyenne de la question régionale normande se réjouit que l’enjeu national sinon européen de doter la région parisienne d’une dimension maritime soit enfin  pris en compte au plus haut niveau de l’Etat. Nous nous réjouissons, de même par principe que pour la réalisation de cette ambition, soit privilégié l’intermédiaire naturel offert par la géographie et l’histoire, à savoir la vallée de la Seine, son estuaire et sa baie. L’urgence fondamentale étant, vous le savez fort bien, de faire en sorte que la façade portuaire et maritime privilégiée de Paris soit encore en… France  avec les GPM du Havre et de Rouen . ( Pour notre part , nous disons : « Grand Paris maritime : option normande ou option flamande ? »)

 Au delà du débat public autour de la mise en œuvre d’une « Ligne Nouvelle Paris Normandie » inédite en terme d’aménagement du territoire (la grande vitesse ferroviaire « de proximité » pour desservir un réseau de villes dans un rayon de 200 km autour de Paris), la réactivation de l’ « axe Seine » répond aussi à l’enjeu d’achever les infrastructures nécessaires au bon fonctionnement de l’isthme européen entre le Nord et le Sud qu’est devenue la France avec le « rond-point » de la région parisienne dont il manque toujours, et ce n’est pas un hasard, le maillon Ouest…

Mais si le « maillon Ouest » du contournement européen de la région parisienne continue de faire défaut entre Amiens et Orléans, c’est bien précisément que la « Normandie » est toujours le « maillon faible » faute d’intégrer suffisamment l’évidence normande que nous impose l’histoire et la géographie voire la géopolitique : c’est, bien entendu, l’autre urgence fondamentale que vous savez fort bien aussi !

Or, à la lecture des termes de la lettre de mission du Premier Ministre qui vous installe comme Commissaire général pour le développement de la Vallée de la Seine, nous ne pouvons qu’être inquiet de constater qu’une fois de plus, seul est privilégié « l’axe Seine » entre le port du Havre et le « Grand Paris »  au risque d’en faire un corridor liant plus ou moins étroitement une Normandie utile étendue éventuellement jusqu’à Caen, transformée en « armoire technique » de la région parisienne et définitivement subordonnée à cette dernière : en juin 2009 nous avions autant salué l’intuition de l’urbaniste Antoine Grumbach, que vous connaissez bien, que dénoncé l’erreur d’analyse « géo-historique » qu’il fait en se limitant au seul « axe Seine », voire quand il propose l’intégration d’ une « Séquanie »  qui n’existe pas alors que nous héritons  de deux biens publics extraordinaires tant par leur qualité que par leur notoriété : la Normandie et Paris.  Ce serait à coup sûr reproduire l’erreur du Plan Delouvrier (SDAU « Basse Seine ») des années Soixante qui est à l’origine de la division administrative et institutionnelle de la Normandie.

Vallée de la Seine ou Canal « Seine-Nord » ?  Un estuaire avec une ou deux rives ? Un estuaire avec ou sans sa baie ? Une fenêtre avec ou sans sa façade ? Des ports sans une région véritable organisant tout un arrière-pays ? Un réseau régional de métropoles ou un « petit Paris de province » à  moins de 200 km du Grand Paris ? Territoires ayant une notoriété internationale ou espaces technocratiques mal définis ou mal identifiés ?

Les évidences seraient-elles les réalités les plus difficiles à mettre en œuvre ?

Nous connaissons votre intérêt pour une solution définitive de la question régionale normande devenue avec l’opportunité du Grand Paris maritime un enjeu national et nous notons que l’équipe qui va vous entourer a la volonté de travailler pour l’intérêt général…

Mais pourquoi limiter l’effort institutionnel sur le seul « axe Seine » alors que seule l’émergence d’un projet régional normand pourrait, à terme, donner toute la gravité territoriale nécessaire à cet « axe Seine » pour en faire le partenaire évident d’un Grand Paris qui pourrait , tout aussi bien,  respirer l’air du large avec le vent du Nord.

En juin dernier, 12 géographes des trois universités normandes ont fait paraître dans la presse nationale un appel dont vous trouverez le texte en copie jointe à la présente : il serait judicieux que les travaux du commissariat général pour le développement de la vallée de la Seine puisse tenir compte des lumières de ces experts mobilisés souvent depuis des années dans la mise en œuvre d’un projet de territoire ambitieux en Normandie .

Enfin, le 26 septembre prochain aura lieu à Caen un colloque qui nous paraît important sinon décisif pour l’avenir même de la Normandie : nous espérons vous y retrouver ainsi que les élus et décideurs publics attachés à l’idée de mettre en œuvre un véritable « lobby normand » pour que « l’axe Seine » prenne enfin une vraie consistance. On le sait, l’intérêt de Paris pour la Seine s’évanouit en aval du pont de Puteaux : à l’instar des voiles des esnèques normandes que nous fêtons cette année en ce XIème centenaire de  naissance de la Normandie, l’intérêt pour « l’axe Seine » ne peut venir que de l’aval avec l’ambition d’être conquérant pour remonter le plus loin possible vers l’amont. (méthode actuellement suivie avec succès par le port d’Anvers)

Les élus et décideurs de Basse-Normandie ainsi que ceux du département de l’Eure (association « Eure-Normandie+ ») semblent être conscients de ces enjeux : face aux atermoiements « seinomarins » sinon rouennais, nous espérons, qu’à l’occasion de ce colloque de Caen, une coordination des élus et décideurs normands puisse enfin se mettre en ordre avant le lancement du débat public sur la LNPN qui doit être réussi à quelques mois des prochaines élections présidentielles…

Vous avez l’intention de rencontrer les décideurs normands. La Normandie joue son avenir même en ce moment : nous avons des hommes politiques. Pourra-t-on enfin compter aussi sur des « hommes d’Etat » ?

Cordialement, avec nos salutations normandes,

 le collectif citoyen et républicain « Bienvenue en Normandie »