RENCONTRES PREMIERES "NORMANDIE DEMAIN" à Caen: surtout! surtout ne pas en parler...
Surtout ne pas parler de quoi?
DE LA REUNIFICATION!
Pourtant ces rencontres premières organisées à l'initiative des géographes normands du laboratoire IDEES en partenariat avec Ouest-France, le Crédit agricole Normandie et France Bleue BN (notamment Pascal Buléon de la MRSH Université de Caen) avaient pour but de faire un premier bilan des initiatives des acteurs régionaux normands qui construisent l'avenir de la Normandie malgré le blocage institutionnel et politique que nous savons: d'ailleurs, et c'était une bonne chose, les élus n'étaient pas invités car précisément il s'agit de prendre le pouls de cette Normandie qui s'éveille dans le sommeil des politiques...
4 tables rondes se sont succédées du matin à l'après midi devant 200 personnes rassemblées à l'auditorium du musée des Beaux arts de Caen... Au titre du collectif Bienvenue en Normandie, j'ai pu assister aux séances de l'après midi avec la table ronde consacrée à l'avenir des transports et connexions et celle consacrée à la culture.
De cet après-midi on retiendra qu'il ne fallait pas en parler tout en en parlant... De quoi?
DE LA REUNIFICATION!
On retiendra l'excellente intervention de Madeleine BROCARD (université du Havre) qui a pointé sans faiblesse le déclin industrialo-portuaire normand: en 1960 Le Havre faisait le même tonnage annuel que le port d'Anvers aujourd'hui et de nous annoncer que le port d'ANVERS ETAIT DEVENU LE PORT DE PARIS. En 1970 l'axe stratégique de l'économie française c'était LE HAVRE-PARIS-LYON-MARSEILLE
Aujourd'hui c'est LILLE-PARIS-LYON-MARSEILLE
Il ne reste plus qu'à cesser de creuser le fond de la piscine pour obtenir au niveau européen que l'axe Seine soit un corridor européen alternatif au grand corridor français pour obtenir l'achèvement du contournement complet de la région parisienne (aux dernières nouvelles ce serait fait: ouf!) Autre urgence: faire en sorte que Le Havre ne soit pas que le port de Paris et faire l'avant-port de l'Europe sur la mer la plus fréquentée du monde...
On retiendra l'intervention stimulante d'Arnaud BRENNETOT (université de Rouen) sur la nécessité de faire un vrai réseau de villes pour mieux gérer des mobilités de plus en plus contraignantes (avec 2 euros le litre d'essence, ça va être dur de continuer à faire le "pendulaire" entre son domicile et son travail): il y a notamment 50000 "provinciliens" qui partent bosser chaque jour à Paris. Et Arnaud BRENNETOT de dénoncer l'aberration de faire TROIS PÔLES METROPOLITAINS EN NORMANDIE ALORS QU'IL N'EN FAUDRAIT QU'UN SEUL!
On retiendra aussi l'intervention intelligente du directeur de l'AUCAME (agence d'urbanisme de Caen) qui n'a cessé de plaider l'évidence un peu comme un prophète dans le désert aride parcouru par nos chameaux d'élus: coopérer, coopérer, s'unir, s'unir pour exister histoire qu'on nous prenne enfin au sérieux à Paris!
On retiendra surtout l'excellente intervention de Jacques-Sylvain KLEIN, le commissaire général du festival Normandie Impressionniste 2010 et qui reviendra en 2013...
verbatim: "JS KLEIN: Avec Normandie impressionnisme nous avions voulu que les Normands se réapproprient la Normandie. Nous avons contribué à la Réunification. JJ LEROSIER (journaliste de Ouest-France):mais ce n'est pas le sujet!. JS KLEIN: mais c'est le sujet et je n'ai parlé que de ce sujet!"
Enfin, nous l'attendions beaucoup, Armand FREMONT a pris la parole en mettant finalement les deux pieds dans le plat (en faïence de Rouen?) de l'évidence normande:
verbatim (d'après ma paire d'oreille) : "A FREMONT: La Normandie c'est un nom prestigieux connu dans le monde entier. La Normandie, c'est une culture un patrimoine exceptionnel. La Normandie a donc une belle image mais cette image ne souffre t-elle pas de n'être qu'un patrimoine? La Normandie politiquement et institutionnellement n'existe pas, c'est une belle idée. Je n'entends ici depuis ce matin que des lapsus: Basse-Normandie ? Normandie? alors que cette réunion est consacrée à toute la Normandie. Vous avez fait l'effort d'inviter aussi des Haut-normands mais le public ici est bas-normand et Ouest-France, vous le savez-bien, ignore la Haute-Normandie..."
Enfin, votre serviteur avait prévu de faire l'intervention dont vous pouvez lire le texte ci-après: je n'ai pas pu la faire complètement, Monsieur LE ROSIER m'ayant coupé le micro car il croyait que j'allais parler de...
de quoi?
DE LA REUNIFICATION!
INTERVENTION AU TITRE DU COLLECTIF "BIENVENUE EN NORMANDIE" RENCONTRES PREMIERES "NORMANDIE DEMAIN" CAEN 14 MARS 2012
En 2006, nous avons créé un collectif d’habitants intéressés et passionnés par leur région dans le but de proposer une expertise citoyenne de la question régionale normande et depuis trois ans nous animons un séminaire « Normandie » dans le cadre de l’université populaire de Caen : notre initiative comme la vôtre est dans l’air du temps… celui d’une Normandie qui se réveille dans son sommeil institutionnel et politique.
Depuis la fin des années 1990 je note la montée chez tous les grands acteurs de la société civile normande, la prise de conscience d’un déclin profond de nos villes et de nos territoires : l’organisation institutionnelle et les aménagements mis en place dans la Reconstruction de l’après Guerre et qui a généré une sorte d’illusion d’âge d’or au tournant des années 1970, sont périmés : en particulier le périmètre bas-normand est périmé. Il est devenu un angle mort entre la puissance de la région parisienne et le dynamisme ligéro-breton. Un symbole : 8000 à 9000 jeunes diplômés quittent chaque année nos deux moitiés de région.
C’est pourquoi nous sommes très heureux de participer à ces rencontres premières qui je l’espère seront suivies de rencontres secondes pour suivre l’éveil de nos territoires normands.
Une interrogation cependant : cette réunion a-t-elle pour but de tourner autour du pot de la Réunification ? Ou a-t-elle pour but d’informer les messieurs Jourdain de la division normande que cette unité existe déjà et qu’ils la pratiquent déjà.
En effet, qu’il me soit donné l’occasion de rappeler que la Normandie unie existe déjà et existe de plus en plus au point de rendre dorénavant urgent la refonte institutionnelle car dans la Normandie de la baie et de l’Estuaire, dans la Normandie périurbaine autour des grandes agglomérations, dans toute la Normandie centrale ou celle des marges, le cadre institutionnel mis en place entre 1956 et 1972 bouge au point de faire réapparaître de vieilles géographies que l’on croyait disparu ainsi :
- La vallée et l’estuaire de Seine se redécouvre en tant qu’ espace commun de communication
- Le pays d’Auge redevient un pays haut-normand
- Le pays d’Ouche ornais et bas-normand se prolonge profondément dans le département de l’Eure
- Le péage de Dozulé est sur l’ancienne limite entre Haute et Basse Normandie ;
- Les marges normandes redécouvrent l’intérêt d’avoir des « villes portes » d’une Normandie dont le cœur se réveille entre Caen-Rouen et Le Havre ;
- La zone de diffusion de la Manche Libre correspond au périmètre de l’ancienne généralité de Caen tandis que le quotidien Paris-Normandie est finalement condamné à la reconquête du réseau des grandes villes normandes que ce journal pouvait encore desservir dans les années 1970.
Soyons concret : j’habite à Honfleur et je travaille au Havre avec des enfants scolarisés. Comment vais-je m’organiser pour les vacances scolaires puisque la Normandie est sur deux zones différentes ?
Un espace vécu commun a été brisé il y a 38 ans, il renaît aujourd’hui aussi bien dans les prospectus de la grande distribution qui vante régulièrement les produits des terroirs normands que dans le succès formidable de l’humour identitaire de la marque Heula ou dans la renaissance des jeux et sports traditionnels normands…
Plus récemment de grands événements collectifs et populaires ont su rassembler les populations normandes autour de la célébration d’un bien public commun : la Normandie impressionniste en 2010 et le 11ème centenaire de la Normandie ont intéressé des centaines de milliers de nos concitoyens et de touristes étrangers qui n’avaient pas l’air de douter de l’évidence normande comme certains responsables politiques… Normandie impressionniste et l’armada en 2013, les jeux équestres mondiaux en 2014 vont permettre de confirmer la reconquête de la Normandie par ses habitants.
Car finalement, la Normandie institutionnelle existe déjà ou de plus en plus malgré la détestable habitude de déménager Caen à Rennes ou Nantes et Rouen à Lille: petite liste non exhaustive à la Jacques Prévert qui appréciait tant la Hague :
- La caisse primaire d’assurance maladie (à Rouen)
- Le comité régional de tourisme (à Evreux)
- La chambre régionale des comptes (à Rouen)
- La promotion des agglos de Caen Rouen et Le Havre sur les salons internationaux,
- L’établissement public et foncier de Normandie pour requalifier nos friches urbaines et industrielles
- La directive territoriale d'aménagement de l'Estuaire de Bayeux à Fécamp et Elbeuf pilotée par la préfecture de Rouen
- Le soutien financier aux entreprises normandes qui exportent et la création d’une marque « made in Normandy »
- Les pôles de compétitivité (Move’o)
- Les directions régionales de la SNCF, de France Télécom, d’EDF : on regrettera que cela ne soit plus le cas pour France 3 Normandie
- L’aéroport interrégional de Deauville-Normandie
- La chambre régionale d’Agriculture (à Caen), le bassin laitier, la promotion de l’agro-industrie avec la marque Gourmandie,
- Le conservatoire du littoral, le contrôle de la qualité de l’air et des eaux des bassins versants
- La sécurité nucléaire (à Caen)
- Le CNRS, le PRES rassemblant les trois universités ( à Caen), les CHU, les écoles d’ingénieurs et de commerce
- La CGT, la Caisse d’Epargne (à Caen et Rouen)
- L’église catholique ( cathédrale de Rouen primatiale de Normandie) et de nombreuses associations culturelles ou professionnelles
- Les sociétés savantes (à Caen et Rouen)
- La fédération de tennis
- Et pour bientôt : la création d’une chambre consulaire unique pour l’Estuaire et la Normandie toute entière à l’horizon 2015 (siège possible à Deauville)
Alors vous me direz que les élus et leurs collectivités territoriales semblent manquer l’appel d’une Normandie qui se réveille: j’ai envie de citer le poète René Char
« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque : à te regarder ils s’habitueront »
L’évidence normande se fait sous leurs yeux mais ce sont les élus qui ont la responsabilité de penser et de gouverner nos territoires normands à l’échelle pertinente : Depuis les années 1960 et malgré la décentralisation des années 1980, seul l’Etat semble être capable de penser un intérêt général normand malheureusement réduit au seul corridor industrialo-portuaire Paris-Le Havre qui a d’ailleurs justifié en son temps la division en deux régions administratives spécialisées. Depuis 2008, la Normandie est redevenue un enjeu national sinon européen car face à la concurrence des grands ports du Nord de l’Europe il faut doter la région parisienne d’une façade portuaire et moderniser radicalement toutes les liaisons ferroviaires.
Qui va défendre et piloter la mise en œuvre de cette ambition? Comment sera-t-elle financée ? Sachant que l’Etat de Grand Papa n’existe plus, que nous avons toujours la chance d’avoir deux ambassades régionales à Bruxelles et que nous aurons le luxe insigne d’avoir en Normandie trois pôles métropolitains au lieu d’un seul…
Depuis que l’on parle du Grand Paris on voudrait enfin s’intéresser à nous : d’où l’idée de l’axe Seine pour mettre la Normandie en Seine. Sauf qu’à Paris on ne parle que du Grand Paris et la vision maritime anversoise vaut bien celle de la porte océane havraise. Veut-on garder en France le premier port français ? Veut-on faire de la Normandie l’avant-port européen ?
On voudrait s’intéresser à nous : nous avons donc intérêt à nous intéresser davantage à nous mêmes !