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L'ETOILE de NORMANDIE, le webzine de l'unité normande
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10 mars 2013

Laurent DAVEZIES: une critique jacobine (mais intelligente) de la décentralisation

Depuis quelques temps, dans le climat intellectuel français actuel qui confine à la morosité pour temps de Carême avec sac de cendres versé sur la tête, les élus et les médias prêtent de plus en plus l'oreille à la petite musique pas toujours douce à nos tympans de Laurent DAVEZIES, un économiste qui se propose d'étudier, non sans finesses, les évolutions des revenus et des modes de vie des habitants de notre beau pays sur leurs territoires...

Laurent Davezies, économiste enseignant  au Centre National des Arts et Métiers

et à l'Université de Paris-Est Créteil Val-de-Marne

Il est l'auteur de deux livres qui ont fait beaucoup parler:

"la crise que vient, la nouvelle fracture territoriale" qui actualise et prolonge un premier ouvrage consacré à une analyse fine des mobilités sociales et  des évolutions de revenus des Français à partir d'une exploitation inédite des données fiscales:

Le 13 mars 2008, l'Etoile de Normandie avait déjà consacré un billet lors de la sortie de ce premier livre qui critiquait déjà le décalage de perception entre la réalité socio-économique observable sur les territoires et le pilotage institutionnel des élus: la division institutionnelle normande  étant, comme vous le savez LE cas d'école, qui entretient ses cancres depuis plus de 40 ans...

Autant, en 2008, nous avions accueilli avec enthousiasme cette analyse roborative d'un économiste parti chasser sur les terres des géographes ou des régionalistes que nous sommes, autant nous sommes désormais réservés sur les présupposés et les conclusions de Laurent DAVEZIES qui affiche, désormais, sa nostalgie jacobine face au bordel actuel du millefeuille territorial de l'actuelle décentralisation, "un bidouillage à la Mac Gyver"  dit-il qui n'est qu'une déconcentration des responsabilités de l'Etat vers les collectivités à moyens de moins en moins constants...

Nous partagerons presque sans objection les constats critiques posés par le jacobin Davezies:

1° le développement régional: depuis le discours de Michel Rocard de 1966 à St Brieuc "il faut décoloniser la province" et l'échec du référendum de 1969 sur la régionalisation du Sénat, c'est une vaste fumisterie... Les préfets, la Datar, les députés et sénateurs maires, la haute fonction publique perméable aux grands lobby industriels sont les véritables acteurs de ce développement régional: tous jacobins en diable!

En clair, la France entre Jacobinisme centralisateur parisien et Girondinisme décentralisateur des régions, n'a toujours pas choisi: l'usine à gaz qui est en cours de préparation au titre de l'Acte III de la décentralisation risque même d'épaissir la brume qui stagne au milieu du gué...

2° l'aggravation des inégalités et des ségrégations entre territoires "qui marchent" et territoires qui "ne marchent pas": une France des métropoles et une France des périphéries mais qui offre des avantages et des inconvénients. Sans embages, Davezies décrit une France des territoires compétitifs (les grandes métropoles) et une France du retrait de la compétition internationale qui ont, chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Ainsi, Le Limousin est, à la fois, la 19ème région sur 22 pour le PIB par habitant mais aussi la première de France pour l'indice IDH (Indice de Développement Humain): c'est la vieille opposition entre approche quantitative et approche qualitative...

3° la difficulté des mobilités: pour toute sorte de bonnes ou de mauvaises raisons, les salariés français sont peu mobiles. Plus on est riche et vivant dans sur un territoire riche, plus on est mobile... 22 % des cadres pratiquent, sans broncher, la mobilité professionnelle contre seulement 4% des ouvriers. Quant aux jeunes qui veulent partir d'un territoire "qui ne marche pas", il faudrait les laisser faire...

A partir de ce moment là on sera moins d'accord avec l'économiste jacobin:

D'une part parce que Laurent Davezies refuse, sous prétexte d'un flou conceptuel impossible à circonscrire, de définir la notion même de territoire: il n'est pas géographe, c'est un économiste jacobin pour qui le territoire renvoie au passé.  Et au féodalisme qui cloisonnait l'avenir des habitants et leurs désirs de mobilité (Davezies n'est pas historien non plus...). A fortiori, évoquer ou revendiquer la pertinence d'un territoire régional n'aurait aucun sens pour lui sauf si ce territoire régional est l'instrument pertinent et efficace permettant l'avenir et le progrès des situations sociales et économiques des habitants...

Ayant le cas normand sous les yeux depuis 40 ans et sachant qu'il y a corrélation évidente entre l'absence d'une vision globale normande et déclin relatif sinon absolu des cinq départements et des deux régions administratives normandes, on aurait envie de répondre à Davezies:

le territoire régional pertinent:  c'est la poule ou c'est l'oeuf?

(où est donc passé le coq?)

D'autre part, la fluidité absolue des mobilités sociales et professionnelles n'est pas en accord avec l'intérêt général d'un pays qui se veut construit et défini par le principe d'égalité sinon d'équité:

l'impérialisme parisien sur la France ou le miroir aux alouettes provinciales...

Et que dit Laurent Davezies de la souffrance du déracinement ou du désespoir de quitter son pays, sa terre parce que "vivre et travailler au pays" n'est pas possible? Il n'en dit mot hélas car Laurent Davezies est un économiste jacobin et nous sommes ici des imbéciles très heureux et très fiers d'être nés quelque part...

En 1790, l'abbé Sieyes pour justifier le découpage départemental de la France, disait: "je préfère quatre-vingt dix roquets à neufs dogues". Laurent Davezies se dit jacobin face au constat du parasitisme des projets et des initiatives par les barons élus locaux qui nous affligent de chicayas politiciennes plus ou moins permanentes. Et de regretter les effets d'une "dispersion démocratique" nuisible à la prise de décision avant d'avouer sa satisfaction devant les résultats du jacobinisme ... chinois!

Sur ce dernier point nous aurons notre plus grand désaccord avec Laurent Davezies:

 Ce n'est pas parce que nous critiquons ici, inlassablement, le baron demi -régional Alain Le Vern qui refuse l'évidence normande sous prétexte falacieux de s'opposer au retour à l'Ancien Régime que nous devrions nous découvrir jacobin nostalgique du centralisme parisien...

Bien au contraire! Si les Jacobins de 1793 voyaient les Jacobins de 2013, ils en viendrait certainement à regretter les Girondins!


Laurent Davezies était l'invité de l'émission "Esprit Public" du 10 mars 2013 sur France Culture.

Pour ré-écouter cette émission, cliquer sur le lien ci-dessous:

http://www.franceculture.fr/player

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