La NORMANDIE c'est TENDANCE... Compte-rendu du séminaire UP Caen du 18/02/14
Mardi 18 février dernier, le collectif "Bienvenue en Normandie" recevait, dans le cadre de son séminaire de l'Université Populaire de Caen, François GILLOT qui était jusqu'en décembre 2013 le directeur délégué de la radio Tendance Ouest...
Cette soirée avec une trentaine de personnes présentes fut très riche en enseignement et informations sur un sujet essentiel: le reflet de la Normandie par les médias et la presse de Normandie dans un moment de profond bouleversement du modèle économique du journalisme et des médias. Manifestement, la Normandie c'est tendance et Tendance Ouest fait le double pari, pour l'instant réussi, du multi-média et de la... Normandie. Explications...
En 2006, les responsables de Radio Manche qui dépend du groupe Leclerc- La Manche Libre (1er hebdomadaire de la presse régionale française par la diffusion) décident de développer la première radio de la Manche par l'audience (devant même les stations généralistes nationales !) au-delà des frontières de son département d'origine. Pour cela Radio-Manche devient "Tendance Ouest" et s'implante rapidement dans le Calvados (aujourd'hui 6ème radio écoutée dans le Calvados) et l'Orne suite au rachat de Normandie FM (Tendance Ouest est désormais la seconde radio la plus écoutée dans l'Orne)
La radio Tendance Ouest, devenue la première radio indépendante normande est clairement partie à la conquête de toute la Normandie, en fonction des attributions de fréquences accordées par le CSA: depuis 2011 une station Tendance Ouest émet depuis Bernay dans l'Eure de façon suffisamment puissante pour couvrir le Roumois et l'agglomération rouennaise en attendant l'ouverture prévue courant 2014 de trois nouvelles fréquences et stations à Lisieux, Rouen et Le Havre...
Tendance Ouest ce n'est pas qu'une radio c'est aussi une entreprise de presse totalement indépendante (Tendance Ouest ne reçoit aucune aide publique) qui fait le pari osé, et pour l'instant réussi, d'un développement multi-médias (radio, presse papier et site Internet) au moment où les vieux modèles économiques de la presse et du journalisme sont en crise face à la révolution numérique et culturelle en cours: les jeunes, notamment, ont perdu l'habitude d'acheter un journal papier pour le lire alors qu'il est si simple de trouver tout et n'importe quoi sur le Net.
La grande presse nationale parisienne largement subventionnée par l'Etat est dans une crise profonde (cf. Libération, le Parisien Aujourd'hui...) avec une chute constante de la diffusion et des recettes publicitaires que ne permet pas d'enrayer, bien au contraire, une distribution gratuite d'un numéro, par ailleurs payant (c'est ainsi que France Soir est mort et que Le Figaro a failli mourir)
Cependant, le modèle alternatif des "pure players", c'est à dire des journaux 100% sur Internet (ex Médiapart et Rue 89) n'a pas encore démontré totalement sa viabilité économique: entre ces deux extrêmes, le développement d'un groupe multi-média à forte identité régionale était la solution la plus pertinente. La Normandie, c'est Tendance et ça marche !
La crise du modèle classique de la presse papier touche désormais la Presse Quotidienne Régionale: le couple encore puissant formé par un grand quotidien régional et les grandes institutions ou les grands notables s'affaiblit car les outsiders d'internet et du multi-média se développent. La Normandie qui hérite d'un paysage médiatique historiquement riche ( Jusque dans les années 1970 la Normandie a été la région de France où il y avait le plus de titres de presse avec des quotidiens de villes, des hebdomadaires d'arrondissement, départementaux et deux quotidiens régionaux...) n'échappe par à la règle même si en Normandie, plus qu'ailleurs, on aime encore lire un journal papier:
Pour la première fois depuis sa recréation en 1944, Ouest-France a stagné, l'an passé, dans sa diffusion malgré l'augmentation des distributions gratuites: le dinosaure ligéro-breton qui a pourtant neutralisé la concurrence de presque tous les hebdos locaux normands (de Haute comme de Basse Normandie) rassemblés et rationalisés au sein du groupe "Publi-hebdos" a encore dix ans devant lui avant de connaître le stade terminal vécu aujourd'hui par son voisin haut-normand Paris-Normandie vendu par le groupe Hersant et racheté in extremis par deux journalistes... Malgré le sauvetage, PN perd inexorablement en diffusion et en recettes publicitaires: Les titres havrais de PN (Le Havre Presse et Le Havre Océan) sont en vente et ils n'ont toujours pas trouvé preneurs.
Il faut démentir les rumeurs comme quoi Ouest-France pourrait racheter PN: on vient de dire que même la Pravda du Grand Ouest breton s'essouffle... Il est évident qu'à Rouen, future métropole, certains responsables politiques se réveillent pour s'inquiéter de cette situation: nous y reviendrons...
Aussi, c'est dans ce contexte plus qu'incertain que le groupe Tendance Ouest se lance en 2009 dans l'aventure de créer des hebdomadaires gratuits "métro", d'abord à Caen, la plus grande ville universitaire de Normandie: l'opération est un succès, grâce au gratuit Tendance Ouest, les lycéens et étudiants caennais réapprennent ou découvrent la lecture d'un journal.
En 2011, année du 1100ème anniversaire de la Normandie, Tendance Ouest se lance à Rouen mais l'opération a bien failli être un échec, notamment à cause du "parasitage politique" du projet... En clair, Alain Le Vern a tout fait pour saboter l'arrivée à Rouen d'un hebdomadaire gratuit d'information ... bas-normand ! Heureusement, les grands annonceurs privés rouennais ont soutenu puissamment l'initiative et aujourd'hui Tendance Ouest Rouen fait partie du paysage à tel point que la CREA (l'agglo de Rouen) est devenue le premier annonceur institutionnel du titre!
La logique normande de Tendance Ouest s'est encore confirmée par les mutualisations techniques qui ont été décidées entre les deux derniers groupes de presse normands indépendants: La Manche- Libre-Tendance Ouest et Le Courrier Cauchois. Depuis peu, Le Courrier cauchois sort des imprimeries de la Manche Libre à Saint-Lô !
Enfin, et c'était peut-être la partie la plus difficile à tenir du pari, la façon de travailler sur plusieurs médias (papier, radio et internet) des rédactions de journalistes de Tendance Ouest permet d'avoir une grande souplesse de travail et une grande réactivité par rapport à l'actualité (sans faire pour autant que du "buzz") tout en maintenant l'exigence d'un traitement de fond de certains grands dossiers et sujets qui concerne la Normandie ou l'actualité nationale (par ex: la question énergétique, la ligne THT, la question laitière, affaires maritimes, la question ferroviaire, le développement économique, la vie politique...) car il faut sans cesse arbitrer entre la demande d'un public de lecteurs et d'auditeurs qui s'intéressent avant toute chose à la petite chronique locale de leur ville ou de leur pays et l'offre plus exigeante souhaitée par les journalistes sur des sujets régionaux ou nationaux...
Et c'est là peut-être que la conquête normande de Tendance Ouest pourra s'achever:
Lorsque l'on pourra, un jour prochain, feuilleter un hebdo, consulter un site internet ou encore entendre un journal radiodiffusé qui donnera des informations métropolitaines (triangle Caen-Rouen- Le Havre) ou régionales pleinement normandes.
Il va sans dire que si le futur pôle métropolitain de l'Estuaire se constituait enfin de Caen au Havre, Tendance Ouest serait, d'ores et déjà, le média d'un reflet authentiquement normand: c'est la raison pour laquelle François Gillot, cet amoureux de la Normandie d'origine parisienne, a rappelé au cours de cette belle soirée normande, que le développement du groupe multi-médias qu'il a eu l'honneur de co-présider était au service de l'identité normande avant de préciser, qu'il souhaitait la réunification de la Normandie tout en affirmant que seul l'Etat sera capable de l'imposer à la classe politique avant de nous confier son plus grand secret "normand": avoir été l'ami sinon le confident d'un Serge Antoine décédé depuis, regrettant d'avoir, en tant que haut-fonctionnaire de l'Etat, coupé en deux régions notre belle Normandie... C'était en 1960: le moment est venu de réparer enfin cette erreur. Mais ceci est une autre histoire !
François Gillot derrière le micro de Tendance Ouest Caen
Serge Antoine, l'homme qui a découpé les futures régions en 1960...
Décédé en mars 2013, il était très en colère de constater que son oeuvre qu'il croyait évolutive était devenue ce carcan manipulé par les enjeux de pouvoirs de la politique politicienne
http://www.cpat.asso.fr/aanewsite/antoine.htm
En 2004, un article de l'Express consacré à son oeuvre fait dire à Serge Antoine son regret d'avoir coupé en deux la Normandie:
http://www.lexpress.fr/region/l-homme-qui-a-dessine-les-regions_490366.html