Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'ETOILE de NORMANDIE, le webzine de l'unité normande
Visiteurs
Depuis la création 4 673 628
Archives
19 octobre 2014

Jacques LEVY: Faire l'identité NORMANDE dans l'unité... ou se noyer dans le BASSIN PARISIEN

Le géographe français Jacques LEVY qui prêche depuis Lausanne, en agace plus d'un à commencer par nous mêmes ou nos amis géographes normands spécialistes du fait régional: Jacques Lévy avait notamment proposé un projet de redécoupage régional où seules comptaient les réalités économiques métropolitaines... Bigre !!!

http://www.slate.fr/story/85829/redecoupage-dix-regions


 

Mais il semblerait que le géographe le plus apprécié des grands médias parisiens ait enfin mis un peu d'eau humaine et géographique  dans son vin aigri par la seule raison économique: à l'occasion des débats de la réforme territoriale en cours, Jacques LEVY a enfin découvert une certaine évidence... Pour qu'une région ait une réelle existence, il lui faut combiner des "ressources objectives" (le poids économique, la métropolisation, les grands équipements, institutions...) et des "ressources subjectives" (l'identité culturelle régionale, l'héritage géo-historique, un espace vécu et approprié par les habitants)

Si l'on ne tient compte que des "ressources objectives" on prend le risque de créer des grands machins technos qui n'intéresseront que les élus et les haut-fonctionnaires. Si l'on ne tient compte que des "ressources subjectives" on prend le risque de développer un régionalisme identitaire tenté par le différentialisme et le séparatisme (même si, reconnaissons-le ce risque est peu élevé en France). 

L'idéal serait de tenir compte des deux: en ce sens, le projet d'unité normande est le cas d'école parfait !

Lire ci-après l'entretien donné par Jacques LEVY à l'hebdomadaire l'Express, avec pour une fois un questionnement plus que pertinent de la part du journaliste: le cas normand est, en effet, explicitement évoqué et on ne pourra que partager le diagnostic... Bigre !!!


 

http://www.lexpress.fr/region/jacques-levy-la-taille-des-regions-est-un-faux-probleme_1610876.html

Jacques Lévy: "La taille des régions est un faux problème"

Propos recueillis par , publié le 16/10/2014 à 12:43

Universitaire réputé, Jacques Lévy s'intéresse à la géographie politique. Au sein d'équipes pluridisciplinaires, ce professeur à l'École polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse) a mené des recherches sur la mobilité et les modèles urbains. Récemment, il a publié Réinventer la France (Fayard). Il est persuadé qu'il faut revoir notre découpage territorial. Mais la manière dont le gouvernement s'y prend l'alarme. Explications. 

Jacques Lévy:

 

Réforme territoriale: "François Hollande et Manuel Valls ont cherché à "faire un coup" en lançant une réforme spectaculaire", affirme Jacques Lévy.

afp.com/ Philippe Huguen

Le gouvernement a décidé de diviser le nombre de régions par deux afin de leur conférer une "taille critique". Souffrent-elles vraiment d'un manque de superficie?

Pas du tout. Les régions françaises sont diverses en étendue et en population. Ce sont même les plus vastes d'Europe, après l'Espagne ! En fait, la taille n'est pas le bon critère. Ce qui leur manque, ce sont des compétences et des moyens : le budget des régions françaises n'est pas à la hauteur des enjeux. Pour autant, la question du redécoupage territorial est capitale.  

Pour quelle raison?

Parce qu'il peut contribuer au développement juste du pays. La création des communes et des départements était adaptée à la France du XVIIIe siècle. Le problème est que l'on en est plus ou moins resté là, en aggravant même les choses depuis. De ce fait, notre organisation administrative est devenue un boulet. Il était donc urgent d'en changer. Encore aurait-il fallu suivre la bonne méthode. 

C'est-à-dire?

François Hollande et Manuel Valls ont cherché à "faire un coup" en lançant une réforme spectaculaire, mais dans l'improvisation. Ils ont ainsi annoncé en avril la suppression des conseils départementaux à laquelle le chef de l'Etat s'opposait en janvier. De même, alors que les régions et les départements actuels sont présentés comme inadaptés, le gouvernement exige que la nouvelle carte... respecte leurs contours. 

Quelle aurait été la bonne méthode?

Il fallait partir du local pour aller vers les régions et non l'inverse. L'urbanisation généralisée et l'explosion des mobilités ont changé la donne. La commune doit être remplacée par des territoires locaux pertinents, correspondant, en gros, aux espaces de vie des habitants, c'est-à-dire la ville, la banlieue et le périurbain ensemble. Une fois ce travail effectué, on pourrait regrouper ces "intercommunalités" à l'échelle de nouvelles régions, sans se soucier des découpages administratifs existants. Ainsi, dans l'Aisne : au sud, Villers-Cotterêts fait partie de l'aire urbaine de Paris tandis qu'au nord, Hirson jouxte la frontière belge. 

Mais quels critères suivre pour rassembler ces intercommunalités en régions?

Selon moi, il y en a deux. En premier lieu, il faut observer les ressources objectives : universités, entreprises de pointe, lieux de création, hubs de mobilité, etc. En général, ces points forts se trouvent dans les grandes villes : on peut donc construire des régions autour de Lyon, Toulouse, Bordeaux ou Lille... Mais il faut aussi tenir compte des ressources subjectives, c'est-à-dire de l'identification des habitants à un territoire. 

En quoi est-ce important?

Pour mener à bien un projet de développement, il faut s'appuyer sur une identité commune, laquelle suppose une mémoire partagée et un horizon de projection. Voyez la Catalogne ou la Bavière. 

L'identité ne conduit pas toujours au développement : on pourrait vous opposer la Sicile ou l'Andalousie.

L'homogénéité des appartenances perçues ne suffit pas, en effet. Une identité tournée vers le passé, fermée aux autres, aboutit à des blocages. En revanche, une identité ouverte, sur laquelle on va s'appuyer pour définir un projet d'avenir, est source de dynamisme, comme on le constate en Suisse ou en Suède, où se combinent de fortes identifications au(x) pays et une claire attirance vers la modernité. 

En France, quelles sont les régions qui cumulent grande ville et identité?

L'Alsace, par exemple, qui dispose à la fois d'une métropole, Strasbourg, et d'une culture spécifique incontestable. Il n'est donc nullement nécessaire de lui adjoindre la Lorraine ou la Champagne-Ardenne. Si on le fait, on va compliquer la mise en place de projets cohérents. La Bretagne est dans le même cas, sachant qu'il faut probablement lui adjoindre Nantes afin de lui donner toute sa force -si, bien sûr, les habitants concernés le souhaitent. 

Pourtant ailleurs, ressources "objectives" et "subjectives" ne coïncident pas forcément...

Non, et c'est alors qu'il faut trancher, en s'appuyant sur le débat public. La Corse, par exemple, n'a pas de grandes villes, mais dispose d'une singularité si forte que son maintien comme région s'impose. Le gouvernement a d'ailleurs eu la sagesse de ne pas proposer de la fusionner avec la Provence. Et il existe des situations plus ou moins comparables : la Savoie, la Catalogne comme la Vendée gagneraient à être traitées au moins comme des espaces spécifiques au sein de leur région. 

Mais il s'agirait de territoires minuscules!

Plutôt que de grandes régions faibles, mieux vaut de petites régions cohérentes, politiquement et fiscalement fortes, à condition qu'elles assument les conséquences de leur autonomie. 

Que faites-vous de la solidarité nationale?

Elle doit intervenir, bien sûr, et massivement, mais sur la base de raisons explicites et non dans l'opacité, comme c'est le cas aujourd'hui. Le point de dé- part, c'est l'autonomie ; la solidarité a pour mission de contribuer à une égalité effective, non à obtenir pour l'éternité des ressources payées par l'Etat central. 

La création d'un second département en Corse a débouché sur la mise en place d'une préfecture, d'un conseil général et d'une foule d'emplois publics dont l'utilité est très contestable. Il faut rompre avec cette tradition. La vraie question est : quelles sont les meilleures conditions pour que toutes les parties du territoire se développent ? Ou, dit autrement, quelle aide sera la plus efficace pour rendre les aides à venir moins nécessaires ? 

Existe-t-il des régions sans identité forte dotées de ressources "objectives"?

Oui. Le Bassin parisien, typiquement. L'influence de Paris déborde largement les frontières de l'Ile-de-France et com- prend la Picardie, la Champagne, le Centre, la Normandie, l'essentiel de la Bourgogne et une partie des Pays de la Loire. Il est logique que la région influencée par une aire urbaine de 12 millions d'habitants ait une certaine taille. Personne n'est surpris que Lyon, six fois plus petit que Paris, influence la Savoie, le Dauphiné et l' Auvergne. 

La Normandie est dotée d'une réelle identité. Pourquoi voulez-vous l'inclure dans le Bassin parisien?

Sur le papier, Rouen-Caen-Le Havre, cela fait beaucoup de monde et d'énergie. Mais ce réseau métropolitain n'a toujours pas d'existence concrète, pas plus que Nantes-Rennes,Tours-Orléans ou Nancy-Metz. Si, au nom d'une identité commune, les Normands sont prêts à faire mieux que les synergies qui pourraient fonctionner au sein d'un grand Bassin parisien, cela mérite attention. Mais à eux de prouver qu'ils peuvent construire un projet de développement qui tienne la route. L'intégration dans le grand Bassin parisien est en tout cas une solution pertinente. 

Les habitants de ces régions ne sont pas forcément d'accord : ils auraient l'impression d'être ramenés à un statut de banlieusards éloignés...

En dehors de la France, tout le monde a compris que c'est une chance d'appartenir à un espace doté d'une grande ville! En étant associés à Paris, ils profiteraient de sa richesse. Et tout le monde y gagnerait car les villes moyennes comme Amiens ou Reims ont des atouts que la capitale n'a pas, notamment la modicité du foncier et la proximité d'espaces naturels plus sauvages. 

On aboutirait alors à un ensemble de 20 millions d'habitants! De grandes régions, adossées sur des sentiments identitaires, ne constituent-elles pas une menace pour l'identité nationale?

Ce chiffre est comparable à la population de la Rhénanie du Nord-Westphalie. Le ministre-président de ce Land est puissant : ce n'est pas pour autant qu'il menace Angela Merkel. Les républiques démocratiques n'ont pas peur des contrepouvoirs. Elles les recherchent. 

Vous proposez également une région Méditerranée, mais sans l'Aude ni les Pyrénées-Orientales. C'est curieux...

Cette partie sud du Languedoc-Roussillon a plus de liens avec Toulouse qu'avec Marseille. Cela dit, l'identité catalane peut mériter une prise en compte spécifique. 

Vous appelez de vos voeux une région Sud-Ouest immense, regroupant Aquitaine, Poitou- Charentes et Limousin. Quelle identité commune les Basques et les Béarnais, depuis les Pyrénées, partagent-ils avec les habitants de Poitiers?

Le gouvernement est arrivé, après tâtonnements, à une proposition raisonnable. Le point commun, c'est Bordeaux. Cela dit, ici comme ailleurs, il faut s'appuyer sur les désirs exprimés par les populations. Si, par exemple, les Poitevins se sentent plus ligériens (partie prenante du Bassin parisien) que Bordelais, à eux de le dire. 

Dans le Cantal, il n'y a pas de grande ville et le conseil général rend bien des services... Faut-il vraiment supprimer les départements partout, y compris en milieu rural?

La réponse est oui. Les odes au département émanent pour l'essentiel de roitelets qui s'accrochent à leur trône et à leur cassette. Ce sont eux, non les habitants, qui exercent actuellement un chantage sur le gouvernement. Des régions fortes et des intercommunalités de grande taille peuvent très bien gérer les compétences du conseil général, les routes par exemple. 

Grandes régions, métropoles, intercommunalités... N'est-on pas en train d'éloigner le pouvoir du citoyen?

Aux échelons local et régional, on pourrait fixer un socle de services accessibles à chacun, quelle que soit la localisation. De fait, le niveau des services disponibles pour la population a fortement augmenté, surtout grâce à la mobilité, qui rend la ville accessible à tous. Et il y a internet. Il serait absurde de se représenter la société de flux qu'est devenue la France contemporaine, comme si ses membres étaient encore rivés au sol. Il n'est pas forcément optimal pour la qualité du service d'installer des maternités ou des universités partout. Il y a d'autres manières d'établir l'égalité. 

Le gouvernement justifie sa réforme en expliquant qu'elle permettra des économies. Y croyez-vous?

Evidemment, dans un premier temps, ce changement aura un coût -l'alignement des statuts des personnels, par exemple. Dans un second temps, on peut espérer des économies d'échelle, à la fois par la mutualisation des prestations et la mise en cause des logiques clientélistes du système actuel. Cela dit, l'essentiel est ailleurs. Il consiste à savoir si cette réforme permettra ou non de créer les conditions du développement local et régional. Si les territoires sont bien agencés et mobilisés autour d'un projet cohérent, tout le pays en profitera. Le problème, c'est la France ; les Français, la solution. 

Publicité
Publicité
Commentaires
C
@Draner: le problème de Jacques Lévy c'est qu'il confond idée de région (par ex: la Normandie) et espace de coopération interrégionale (par ex: Axe Seine ou Bassin Parisien) ce ne sont pas les grands projets d'aménagement du territoire qui font des régions, c'est l'inverse !<br /> <br /> A la réunion de ce 19 octobre de l'association "Normandie Demain" présidée par Philippe Augier à Beuvron en Auge, j'ai rappelé ces évidences et j'ai proposé dans le cadre du futur réseau métropolitain normand que Rouen métropole devienne la super préfecture interrégionale du Nord Ouest entre Lille Nord et Rennes-Nantes à l'Ouest pour piloter depuis la Normandie la logistique de l'Axe Seine, car ai-je précisé, on n'a jamais vu un hinterland piloter une façade portuaire: c'est l'inverse partout dans le Monde et c'est donc aux Normands que revient la lourde responsabilité de s'organiser et de travailler ensemble pour que cela soit le cas aussi pour la Normandie et la France.<br /> <br /> Dans cette possible répartition des rôles, Caen serait le siège du conseil régional pour assurer la cohérence et la solidarité normande pour toute la Normandie en raison de la position centrale de Caen et du Calvados: à Rouen métropole reviendrait donc la charge de brancher l'ensemble normand sur le Monde via l'espace de coopération interrégionale du Bassin Parisien et l'Axe Seine...<br /> <br /> Jacques Levy depuis Lausanne a donc encore du mal à voir les méandres de la Seine !
Répondre
D
Bjr,<br /> <br /> cf. "L'Express" n°28 Oct.-Nov. 2014 avec notamment la proposition du géographe Jacques Lévy incluant la Normandie dans le bassin parisien.<br /> <br /> Précisément, la solution pratique n'est-elle pas de passer par la phase très prochaine d'unification de la Normandie (celle enfin actuellement entreprise), et, parallèlement et simultanément, par la phase de réalisation du projet du "Grand Paris" avec sa déclinaison, "versant" Normandie, du projet de développement dit "Axe Seine", mieux dénommé pratiquement "ParisSeineNormandie"? <br /> <br /> "Les choses étant ce qu'elles sont" , l'ensemble s'avère être une nécessité compte tenu de la récente décision, par ailleurs bienvenue, de réalisation du Canal Seine Nord.<br /> <br /> Ce n'est pas pour autant antinomique de la réflexion actuelle du groupe des 15 géographes normands et cf. le livre de Jacques Attali de mai 2010 "Paris et la mer. La Seine est capitale."<br /> <br /> Bien cdlt.
Répondre
Publicité
L'ETOILE de NORMANDIE, le webzine de l'unité normande
  • Le webzine des Normands pour contribuer à la renaissance concrète de la Normandie après la fin, au 1er janvier 2016, d'une division administrative funeste décidée par l'Etat central jacobin en 1956, sans l'avis de nos concitoyens!
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Derniers commentaires
L'ETOILE de NORMANDIE, le webzine de l'unité normande
Publicité