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L'ETOILE de NORMANDIE, le webzine de l'unité normande
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17 juin 2016

ALENCON: Journée de réflexion "Gérard BUREL" consacrée à l'avenir des églises en France

Alors que notre pays subit en plus d'une crise économique, sociale et politique, une crise identitaire profonde (qui accentue les effets des autres crises), il était intelligent sinon courageux de la part du Conseil Départemental de l'Orne d'organiser pour l'édition 2016 de sa journée de réflexion dédiée à la mémoire de Gérard BUREL (maire de Messei et ancien président du conseil général de l'Orne) un colloque consacré à l'avenir des églises dans nos villes et nos villages en tant que bâtiment chargé souvent d'une grande qualité artistique, architecturale et surtout d'une grande pesanteur historique, symbolique et... identitaire.

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Entre les provocations violentes du djihadisme étranger sinon exotique de l'Islamisme radical mondialisé d'un côté, et les crispations identitaires nostalgiques des mouvements de l'extrême droite de l'autre...

Sur l'immense estran laissé vide par la marée basse générale du sens autrefois porté par les anciennes autorités traditionnelles institutionnelles politiques et sociales, dans ce grand terrain vague abandonné, libre de toute transcendance (sauf celle de l'argent), nous  vivons  désormais pour former, au gré des circonstances et dans le miroir aux alouettes des réseaux numériques, des multitudes d'individus tolérants (mais surtout égoïstes et indifférents) se croyant confortablement installés dans leurs chambres privées et mis à l'écart d'un monde toujours aussi remuant dans une maison de retraite de l'Histoire qui s'appelle l'Europe.

Dans le meilleur des cas, ces individus qui réapprennent à nager dans les mares laissée par la haute mer disparue, bricolent encore de l'intelligence collective dans le cadre devenu flou d'une société civile qui ne veut plus être considérée comme une nation (une antiquité aux souvenirs pénibles) qui n'accepte plus la moindre autorité ou institution sans condition et discussion et dont le "cerveau social" (des élites mondialisées) a décidé de l'ignorer sinon de la mépriser sous prétexte que ce peuple orphelin mais adulte s'accroche avec nostalgie à ce passé forcément meilleur que cet avenir vendu par les charlatans de la globalisation.

Et les djihadistes du pseudo Etat islamiste on parfaitement compris tout l'avantage cyniquement politique qu'ils pourraient tirer en déboussolant une partie de la jeunesse d'une vieille nation occidentale à ce point sécularisée qu'elle ne croit majoritairement plus en... rien! (Gilles Képel)

La haine de soi anti-française se porte bien notamment à l'étranger parmi les "élites" françaises et sur la ligne d'horizon séparant les "territorialisés moisis" d'un côté et les "déterritorialisés universels" de l'autre (Marcel Gauchet) on trouvera de plus en plus la silhouette d'une église à vendre!

En effet, les églises ne sont pas des bâtiments comme les autres même si la loi de 1905 de séparation des églises et de l'Etat les définit comme des bâtiments appartenant à la commune et affectés au culte majoritaire de l'Eglise chrétienne catholique apostolique romaine.

Trois chiffres résument la situation actuelle:

1) En France, il y a encore 42000 églises consacrées au culte catholique: c'est donc encore l'immense et écrasante majorité. Une église en France c'est d'abord un lieu de culte religieux: l'évidence tient encore...

2) Depuis 1905, 277 églises ont été désaffectées. C'est très peu mais la tendance depuis 20 ans s'accroît.

3) En 2016, seuls 5% des Français fréquentaient régulièrement un lieu de culte (aller à l'église, au temple, à la synagogue ou à la mosquée plus d'une fois par mois)

La question va donc se poser de plus en plus:

Que faire des églises dans un pays qui n'a plus de pratique religieuse majoritaire?

Et la question devient lancinante pour les territoires ruraux où la disparition de la pratique religieuse traditionnelle, ancestrale, a précédé la disparition des populations (exode rural) ou son renouvèlement (péri-urbanisation)

Et quand se pose la question du bâtiment église (entretien, restauration, démolition, vente) la question n'est plus arbitrée par des considérations religieuses mais par des considérations utilitaires et... identitaires.


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Programme de la journée "Gérard Burel" du 16 juin 2016

L'épiscopat de l'Eglise de France conscient de cette question lancinante a décidé de réagir en proposant une réflexion spécifique sur l'avenir des églises en France, des églises de France devrait-on même dire:

Mgr Jacques HABERT évêque de Séez, en charge de cette question à la conférence des Evêques de France, est donc venu présenter cette réflexion qui sera présentée en mars 2017 lors d'un grand colloque national qui aura lieu à Paris au couvent des Bernardins. Nous avons trouvé son propos convaincant et pragmatique en nous expliquant la "casuistique" indispensable hiérarchisant les différents degrés entre la meilleure solution et les pires situations à éviter à tout prix:

1) Une église peut rester un lieu de culte même si l'on n'y célèbre plus la messe (car il y avait 40000 prêtres en France en 1960 et seulement 15000 en 2016)

2) Si une église ne peut plus rester un lieu de culte (désaffectation) elle peut devenir un lieu culturel (passer de la transcendance du cultuel à la transcendance du culturel) en accueillant des concerts, des expositions artistiques (à condition que l'art contemporain ne soit pas trop... con)

3) Si l'église désaffectée ne peut pas être un lieu culturel, elle peut devenir un lieu public mis à la disposition de la collectivité (à condition de respecter un minimum de décence) pour accueillir des réunions, des conférences, des assemblées générales, des repas collectifs. Ou devenir un service public: bureau d'aide sociale, bibliothèque-médiathèque, salle de théâtre, auditorium (on évitera néanmoins de la transformer en gymnase).

4) Si l'église désaffectée ne peut plus être un lieu public, suite à sa vente à un particulier privé, celui-ci aura la servitude d'ouvrir les lieux au public au moins une fois par an.

5) Dans tous les cas, l'architecture, les volumes intérieurs, les oeuvres d'art immeubles par destination, c'est à dire toutes celles que l'on ne peut pas déposer ou retirer de l'église désaffectée car scellées au sol et aux mur (statues, retables, vitraux, fonds baptismaux, chaires à précher) ne doivent pas être dénaturés ou détruits (ex: ne pas construire un plancher pour couper la nef de l'ancienne église en deux) et doivent être préservés.

6) Il faut donc éviter le pire, à savoir, la transformation de l'ancienne église en boîte de nuit, en pizzerria ou en banque voire sa destruction!

7) Mais certaines mouvances catholiques identitaires (notamment les traditionnalistes et les intégristes) proposent, de plus en plus, de boucler la boucle: racheter toutes les églises et chapelles mises en vente pour les restituer au "vrai" culte. Ou l'art de passer d'une privatisation à une autre...

Moralité: l'église désaffectée garde son aura. Et plus qu'une mairie ou une caserne de pompiers, le bâtiment église est, par éminence, LE bâtiment public qui doit être considérée comme un Bien National non pas pour être aliéné, dénaturé et détruit comme hélas la Révolution de 1789 ne l'aura que trop permis mais pour continuer à être le signe visible et identitaire d'une collectivité locale et nationale qui doit dorénavant reconstruire du sens après plus de 40 années d'une révolution lente et silencieuse de désacralisation, de désaffiliation et de désinstitutionalisation des individus. (Marcel Gauchet)

Ainsi, en France, la question des églises est une question doublement sensible parce que la France a été la "fille aînée" de l'Eglise et parce qu'elle n'a plus voulu l'être en étant le premier pays au monde à vouloir subordonner totalement la question de la liberté religieuse à l'intérêt supérieur de la liberté de conscience garantie par l'Etat (laïcité) : cette mémoire historique difficile et originale pèse lourdement sur cette question en France alors qu'elle sera traitée avec plus de désinvolture dans des pays européens de tradition protestante où l'on sait plus qu'en France, fille aînée du catholicisme, que ce sont les chrétiens qui font les églises et non l'inverse...

Patrice BESSE, promoteur immobilier spécialisé dans l'achat et la vente d'édifices de caractère, notamment des anciennes chapelles et églises, a rappelé dans une intervention courageuse et pleine de verve, qu'une église n'était pas un bâtiment banal et de nous mettre sous le nez une évidence pour l'avoir expérimenté concrètement dans ses affaires: "On n'habite pas dans une église. J'ai toujours eu beaucoup de mal à vendre une église ou une chapelle dans l'idée de la transformer en immeuble d'habitation. Et les églises qui ont déjà été transformées ainsi se revendent encore plus mal!"

Yann CELTON, conservateur délégué des antiquités et objets d'art du Finistère, dans une intervention pleine de nuances, a rappelé que le principal motif de vouloir conserver églises et chapelles en Bretagne était le motif identitaire régionaliste prenant le relai des préoccupations strictement religieuses. L'usage réitéré du référendum local pour trancher l'avenir des églises montrent aussi que le communautarisme villageois breton affirme à sa façon (et de façon plutôt efficace) que l'église est un bien public.

La réutilisation des chapelles en lieux culturels abritant des expositions d'art contemporain marche très bien dans le Finistère et le Morbihan mais l'opération s'adresse surtout aux touristes cultivés et le clergé peut parfois s'opposer à certaines expositions jugées "indécentes". En revanche, la mobilisation régionaliste identitaire autour de la sauvegarde du patrimoine religieux breton qui avait eu ses heures de gloire dans les années 1970 (ex: la revue "Breizh Santel"), peine à se renouveler aujourd'hui: les jeunes ne se sentent plus concernés par les vieilles pierres fussent-elles bretonnes.

Faute d'un effort de transmission suffisant, pour les jeunes des années 2000, le patrimoine a fortiori religieux est devenu, au pire, un repoussoir voire un objet de haine (cf. des affaires récentes de vandalisme "satanique" commis par des jeunes), au mieux, un sujet étrange suscitant l'indifférence.

La seule nouveauté: la réappropriation de l'identité religieuse des chapelles et des églises menacées ou à vendre en Bretagne par la mouvance traditionnaliste catholique qui a parfaitement compris tous les enjeux de la crise identitaire dans laquelle nous sommes collectivement plongée.

Lise AUBER, conservatrice des antiquités et objet d'art de Seine-Maritime, a tenté de nous démontrer que les élus locaux normands tenaient à valoriser, dans la plupart des cas, leur patrimoine religieux, notamment les anciennes églises de hameaux, souvent désaffectées aujourd'hui: dans le Pays de Caux et dans l'Eure, les exemples sont nombreux où les églises rurales ont été soigneusement restaurées et transformées en lieux publics d'animation pour la collectivité (expositions, concerts, lieu de réunion, gîte rural...).

Elle nous a, enfin, assuré que les églises rouennaises de Saint Paul et de Saint Nicaise, quoique désaffectées à la demande du clergé, n'étaient pas mises en vente et que la ville de Rouen était en discussion avec la DRAC pour leur trouver une meilleure destination que la démolition ou la dénaturation par la promotion immobilière qui visiblement, n'en veut pas: une ancienne église c'est vraiment trop compliqué à gérer!

Si les professionnels de la médiocrité architecturale ne veulent pas des anciennes églises, nous avons donc la responsabilité collective, républicaine (au sens strict du mot) de les sauver: car il s'agit de préserver l'identité de la France et de nous sauver un peu nous mêmes!

Et le promoteur immobilier Patrice Besse de dire (en s'excusant d'être un "parpaillot"): "le jour où la plupart des villages français ne seront plus dominés par leur clochers mais par les panneaux publicitaires d'un supermarché, la France aura totalement perdu son âme..."

C'est pourquoi, l'Episcopat français conseille vivement que le sort d'une église à désaffecter soit l'objet d'une discussion approfondie entre tous les acteurs concernés (élus locaux; citoyens habitants paroissiens; associations de défense du patrimoine; fonctionnaires de la DRAC) avant que des décisions définitives ou irrémédiables ne soient prises: en ce sens, le cas de l'église est un bon révélateur de l'existence ou non d'une vraie démocratie locale.

Le vandalisme édilitaire étant surtout la marque d'un manque de transparence et de démocratie avec des maires qui se comportent comme des satrapes locaux (ex: destructions de l'église Saint Jacques d'Abbeville ou de Saint Paul de Pont Audemer)

Eglise Saint-Paul - Pont-Audemer

http://www.patrimoine-normand.com/index-fiche-30123.html

Jean-Louis DESTANS, maire de Pont Audemer et président du conseil général de l'Eure a ordonné, seul,  la destruction de l'église St. Paul en 2002.

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