LA BEAUTE EST AU COEUR DE LA NORMANDIE: balade à Bernay, Lisieux et dans le Pays d'Auge
Après ce troisième attentat commis contre nous par un ennemi qui nous désigne mais que nous peinons à désigner, nous avons pu trouver quelques consolations au coeur de la Normandie, entre Lisieux et Bernay, un havre de paix, de beauté et de liberté...
Le 14 juillet 2016 nous avions fait une petite visite de la ville de Bernay, l'une de ces rares petites villes historiques normandes à avoir pu échapper au désastre des bombardements aériens de 1944... par le miracle d'une mauvaise météo persistante à l'époque! Nous avons pu admirer ce petit bijou d'architecture normande témoignant précieusement de ce qu'étaient les autres villes normandes avant les bombes libératrices et avant une reconstruction plus ou moins aboutie.
Nous avons notamment admiré la superbe abbatiale Notre Dame élevée au tout début du XIe siècle et qui est la toute première grande abbatiale normande...
Depuis 2012, la ville de Bernay a obtenu le label "ville d'art et d'Histoire" et prend très au sérieux la nécessité de protéger et de valoriser ce précieux patrimoine urbain par des opérations très réussies de réhabilitation et transformation d'anciens bâtiments historiques et industriels en logements, centre culturel, conservatoire de musique etc... Le tout agrémenté d'une promenade publique le long des rivières courant en ville (la Charentonne) bien aménagée et très agréable à suivre: la ville de Caen serait bien avisée de s'inspirer du modèle bernayen!
Enfin, la ville a l'intention de développer le tourisme d'affaires (conférences, colloques et réunion) en raison de sa position centrale en Normandie entre Caen, Rouen et Le Havre sachant que la gare SNCF qui met la ville à 1heure de la gare St Lazare (quand la météo ferroviaire est clémente), se trouve au coeur de la cité...
Promenade dans l'ancienne Grand Rue qui s'appelle maintenant... rue du Général de Gaulle: au bout, l'élégant clocher de l'église Sainte Croix.
L'hôtel de ville s'abrite dans les bâtiments de l'ancienne abbaye de religieuses bénédictines Notre Dame et s'ouvre sur la place Gustave Héon, résistant et ancien sénateur maire de la ville et président du conseil général de l'Eure qui s'était opposé de 1972 à 1981 à la création de l'absurde région de Haute Normandie: Bernay, un haut-lieu de l'unité normande!
L'admirable vaisseau de l'abbatiale Notre Dame où fut inventée dès 1008 l'art de bâtir des Normands:
L'abside centrale détruite après la Révolution lorsque ce vénérable édifice fut transformée en halle publique, a été restituée depuis 1989 par une structure en bois qui fait totalement illusion...
Les murs de la nef s'élèvent à une hauteur déjà audacieuse pour l'époque...
On notera aussi une influence byzantine par l'emploi de voûtes en forme de coupoles pour couvrir le bas-côté: cet édifice a servi de chantier laboratoire...
La restitution de l'abside est recouverte à l'extérieur d'un très habile essentage en châtaigner qui évoque aussi les églises médiévales norvégiennes en bois...
A Bernay, à l'occasion du festival de la marionnette on pavoise normand!
Le lendemain, chargé de la triste nouvelle, nous étions de passage à Lisieux pour profiter du très beau festival de musique ancienne et baroque qui se tient chaque année dans la première quinzaine de juillet... Vu la circonstance tragique qui nous affecte tous, nous sommes montés pour la première fois au parvis de la basilique dédiée à l'une des saintes les plus populaires du monde, notre petite Thérèse Martin, alias Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus qui fut carmélite à Lisieux. Dans l'imposante basilique des années 1930 dont on pourra discuter encore de l'architecture et du style qui ne sont pourtant pas dénués de qualité, on peut lire en grandes lettres d'or sur le tambour de la coupole la phrase suivante:
"Je ferai tomber du ciel une pluie de roses sur la terre".
C'est précisément ce qu'il nous faudrait!
Le grandiose édifice dédié à la célèbre sainte normande attire près de 800000 visiteurs par an venus du Monde entier...
Avant de revenir à l'hôtel du Haut Doyenné, magnifique édifice du XVIIIe siècle, ancienne résidence du chanoine en chef du chapitre de la cathédrale de Lisieux et qui est aujourd'hui le conservatoire de musique niché dans ce dernier petit bout de ville authentique épargné par les bombes de 1944 (Sainte Thérèse n'ayant visiblement rien pu faire pour sauver sa ville de la destruction la plus totale...), nous décidâmes de découvrir l'un de ces manoirs du Pays d'Auge qui, derrière une végétation florissante, cache bien des secrets: sur la commune d'Ouilly Le Vicomte, au manoir de Boutemont doté d'un jardin dit "remarquable" aménagé avec grand soin depuis plus de 40 années par M et Mme Sarfati, nous trouvâmes une promesse véritable de paradis terrestre...
Promenade délicieuse pour oublier la barbarie des temps actuels!
Le paradis livre son secret à ceux qui savent lire... Une devise bien normande!
Le parc et le jardin sont agrémentés de "topiaires" (massifs taillés) qui évoquent le style des jardins à la française...
Dans l'ombre apaisante, le raffinement d'un jardin à l'italienne...
Vers la serre et le potager...
Et au fond du jardin, une épure de jardin qui attire les papillons: le paradis se trouve assurément là!
Retour à Lisieux pour écouter des beautés musicales données par la jeunesse talentueuse venue de toute l'Europe au coeur de la Normandie: grand concert des jeunes stagiaires de la 21ème académie et festival de musique ancienne de Lisieux.
Avec un florilège de belles musiques instrumentales italiennes, françaises, allemandes, espagnoles et anglaises allant du XVI au XVIIIe siècle: le 400ème anniversaire de la naissance du compositeur et claveciniste Johann Jacob Froberger fut magistralement célébré par un jeune virtuose allemand de 15 ans! Cette jeunesse au travail (la plus jeune avait 8 ans) avec ses beaux et rares instruments pourrait être fauchée comme les fleurs d'un jardin par un barbare... "Mais ici, a précisé non sans émotion le directeur du stage en introduction au concert, vous êtes à l'abri et vous vous élevez".
Belles musiques de Georg Philipp Telemann et du Padre Soler... faisant résonner les lambris d'époque du grand salon de l'ancien Haut-doyenné...
Somptueuses tables d'harmonie des clavecins (à gauche: Jacques Braux en 1986 et à droite Philippe Humeau en 2003) évoquant un jardin musical idéal...
Pendant dix jours, douze clavecins se firent entendre entre les murs du conservatoire de musique de Lisieux sans compter avec les violes d'amour ou non, les violons et violoncelles, mais aussi les flûtes à bec ou "de travers", les chalémies, chalumeaux, clarinettes, hautbois, tournebouts, cromornes, cors à bouquin, saqueboutes, basses d'archets etc...
Le stage de musique ancienne de Lisieux est l'un des plus importants de France: on vient chaque été du monde entier se perfectionner dans des répertoires rares pour des instruments qui le sont tout autant!
La journée du 15 juillet avait débuté dans la stupeur et la gravité... Elle s'est achevée dans la grâce et une certaine joie d'être au monde: la musique a consolé les coeurs. La beauté était au coeur de la Normandie!