UNITE NORMANDE: Le journaliste de Paris-Normandie arrive enfin au Mont Saint Michel
Dernière étape et but du pélerinage proposé tout le long de cet été, bien éprouvant par ailleurs, par la rédaction de Paris-Normandie sur l'ancien grand chemin "montois" liant Rouen, la métropole normande au Mont Saint Michel.
Une fois de plus, nous saluons chaleureusement cette initiative du seul quotidien d'informations régionales 100% normand et 100% indépendant qui est un manifeste symbolique d'unité normande d'Est en Ouest, du Val de la Seine à la baie du Mont Saint Michel, à l'instar de ce que Rollon lui-même, ce Danois de Rouen avait pu faire il y a plus de mille ans pour reconstituer, à la demande de l'archevêque de Rouen, l'unité géographique et spirituelle de l'ancienne Seconde Lyonnaise, province ecclésiastique de Rouen créée au Ve siècle après Jésus-Christ pour les 7 futurs diocèses normands en mettant au pas les Iro-Norvégiens du Cotentin et en chassant les intrus Bretons de l'Avranchin...
N'oublions pas aussi que l'abbaye bénédictine du Mont avait été fondée en 966 sur ordre du duc Richard 1er de Normandie (et inhumé dans l'abbatiale de Fécamp) par des moines venus de Saint Wandrille-Rançon, au coeur du Val de Seine.
On comprend dès lors que Ouest-France ne pouvait pas être en mesure de nous proposer la même chose, a fortiori, dans le sens inverse! (du Mont St Michel à la cathédrale de Rouen) alors que si les journalistes bretons du grand quotidien ligéro-breton avaient plus de curiosité pour l'histoire spirituelle normande ils auraient pu au moins marcher vers l'Est jusqu'à l'ancienne abbaye Notre Dame de Bernay fondée par ... Judith de Bretagne ( + 1017) qui fut aussi duchesse de Normandie, mariée au duc Richard II en l'an Mil dans la nouvelle abbatiale du Mont St Michel.
http://www.wikitree.com/wiki/Bretagne-24
Ultime étape vers le Mont-Saint-Michel
«Vous savez que le pèlerinage paroissial existe toujours. Il a lieu chaque année à la mi-juillet avec le curé», raconte Christine Guernigou, notre logeuse au gîte de Genêts. En ce dernier jour, le temps s’annonce plutôt maussade entre averses, rafales de vent et rares éclaircies. Un temps normand dans toute sa variété de lumières peut-on se dire pour se donner du baume au cœur. Pourtant, notre guide Jacky Gromberg nous lâche à midi sous prétexte de risques d’orages sur la baie en fin d’après-midi. Panique ! Allons nous rater l’ultime étape ? Un rapide coup de fil à Julien Avril, guide avec qui nous avions un contact sans suite, concrétise un départ à 13 h 15 à la pointe du Grouin du Sud, à cinq kilomètres de Genêts. Départ précipité vers le lieu de rendez-vous en se demandant si nous n’avons rien oublié. Tous en shorts, coupe-vent et chaussures légères, nous arrivons au Grouin du sud sous une pluie battante qui cingle avec le vent soutenu. Julien Avril arrive en compagnie de sa chienne Imafa, frétillante à l’idée de courir tout l’après-midi sur le plus merveilleux terrain de jeu imaginable.
Certains bancs de sable ont bien diminué
Première surprise, l’heure du départ bien plus tôt que celle du guide qui nous a fait faux bond. «J’aime les sorties un peu atypiques. Là, nous sommes sur un petit coefficient de 48 et la marée haute est à 13h10. Donc, la mer est actuellement au plus haut et va donc désormais amorcer sa descente. L’avantage, c’est que nous aurons en début d’après-midi, la baie pour nous seuls.» Barbe fournie, cheveux longs attachés en catogan, Julien est un baroudeur de la baie, et aussi un érudit féru d’histoire, de légendes et de poésie, un passionné de nature. Et un grand bavard toujours prêt à narrer une anecdote, donner son avis sur les aménagements du Mont, le commerce incessant sur la Merveille, voire sur l’organisation opaque et fermée des guides de la baie. D’ailleurs, quand on lui évoque la cause de notre mésaventure avec son confrère, Julien fait la moue. «Des orages en fin d’après-midi, c’est peu probable. En fait, dans notre règlement, les traversées de la baie sont strictement interdites en cas d’alerte orange aux orages. Imaginez-vous les pieds dans l’eau avec la foudre qui tombe? C’est le plus grand d’entre vous qui sert de paratonnerre.» Gilles, le plus grand d’entre nous, se protège comme si le ciel allait lui tomber sur la tête.
Descente sur la baie où chacun enlève ses chaussures pour marcher dans les herbus avant de franchir des vasières et tout le monde s’enfonce jusqu’aux mollets. «Vous pouvez y aller, cette tangue, c’est celle qu’on vous badigeonne en thalasso pour le bien de la peau. La différence c’est qu’ici c’est gratuit», hèle notre guide. Il nous racontera qu’il lui est déjà arrivé de surprendre une jeune femme qui se roulait nue dans cette tangue aux mille vertus. Julien sait émoustiller le pèlerin en goguette. Notre groupe avance sur les bancs de sable jusqu’à la rencontre avec la Sée, le fleuve côtier qui se perd dans la mer. «Si vous goûtez, vous verrez que c’est de l’eau douce», précise Julien qui joint le geste à la parole. La chienne Imafa sert de premier repère pour savoir si on peut traverser sans avoir de l’eau jusqu’à la taille. Bonne surprise, l’eau n’est pas trop froide et elle permet de décoller la matière sableuse qui nous colle aux orteils. Les options restent encore ouvertes. Passer au large de Tombelaine, le rocher secondaire de la baie ou se diriger au plus direct vers le Mont. C’est la seconde option qui s’impose très vite à Julien, car la marée descendante est moins rapide que prévue. «Les nouveaux aménagements du Mont pour le désensabler fonctionnent mieux que prévu», explique-t-il. «Certains bancs de sable ont bien diminué. À ce rythme-là, la traversée de la baie ne pourra plus se faire qu’à marée basse.» La chienne Imafa est intriguée par de singuliers habitants des lieux. «Nous avons beaucoup de chance. Il y a 80 phoques sur 550 kilomètres carrés et nous en avons trois devant nous à l’ouest», lance Julien. De loin en loin, des têtes noires surgissent, des gerbes d’eau altèrent l’horizon... Notre guide se révèle un observateur pointu de la faune de la baie. «Sur votre gauche, vous allez assister à un envol de tadornes de belons».
Notre diplôme du pèlerinage
À peine dit, les oiseaux décollent... «Là, un goéland marin dont l’envergure le rapproche de l’albatros.» Le volatile tournoie au-dessus de notre groupe. Tout au long de notre promenade, Julien évoquera cette nature discrète, mais si précieuse, notamment le saumon, le poisson-roi de la baie dont la pêche fait toujours l’objet de polémiques sans fin. Rituel obligé, entre folklore et réalité, l’enfoncement dans la lise, plus connu sous le nom de sable mouvant. Enfoncé au-dessus du genou, Julien se balance en avant, puis en arrière, et surtout montre comment s’extirper de ce limon qui peut devenir paralysant. «Mais l’image du pèlerin dont on ne voit plus que la main s’enfonçant dans le sable, c’est de la légende...» Tout de même, lors du retour, un membre de notre groupe, s’enfoncera suffisamment pour que Julien vienne l’aider à se sortir de ce mauvais pas. Comme dit plus haut, avec les nouveaux aménagements, la mer descend moins vite et oblige notre guide à rejoindre la passerelle pour nous mener jusqu’au Mont. Là, Olivier pense à passer à l’Office du tourisme pour présenter notre carnet de miquelots tamponné à chaque étage par nos hôtes d’une nuit et de se voir en contrepartie recevoir un diplôme du pèlerinage. Thierry le roule soigneusement pour le montrer au siège du journal à notre retour. Il nous reste plus qu’à rentrer en traversant la baie dans l’autre sens sous un timide soleil de fin de journée. Le temps de voir une carcasse de voiture, une deux-chevaux, enlisée dans les années 80, qui se délivre du sable qui fuit la baie. Au large de Tombelaine, Julien nous raconte la légende de la Princesse Hélène qui mourut d’amour en attendant son chevalier parti à la guerre. Un dernier regard vers le Mont-Saint-Michel. «C’est bizarre. Depuis qu’ils ont reposé la statue de l’archange Saint-Michel, le 26mai dernier, j’ai l’impression qu’elle est de travers», confie le guide. C’est vrai ça : l’archange a l’air de pencher d’un côté. Les quatre pèlerins que nous sommes, en restent bouche bée. Même après quinze jours de randonnée...
Philippe LENOIR