Le CESER se penche sur l'avenir de l'agriculture normande: GOURMANDIE or not NORMANDIE?
OU
La valorisation des filières agro-alimentaires normandes était au coeur des réflexions de la dernière assemblée plénière du CESER de Normandie au Havre le 20 octobre 2016. Dans le cadre de la démarche globale d'attractivité, les filières agricoles et agro-alimentaire normandes vont devoir monter en gamme et en qualité pour être à la hauteur du prestige normand réputé dans le Monde entier...
L’organisme avance des pistes pour « optimiser » les potentialités régionales. Il se montre prudent sur la création de la nouvelle marque Normandie.
Le Conseil économique social et environnemental régional (Ceser) de Normandie a adopté plusieurs travaux le 20 octobre, dont deux au sujet de l’agriculture. L’un de ces deux avis, intitulé «Pour une optimisation des relations entre l’agriculture et l’agroalimentaire en Normandie», sollicité par le président de Région, s’est attaché à révéler des leviers pour que se rapprochent encore davantage les acteurs de la production primaire et ceux de la transformation dans l’objectif «d’optimiser leurs potentiels respectifs».
Une marque Normandie :une bonne idée ?
Si plusieurs initiatives au plan national engagées ces dernières années, en particulier l’Observatoire de la formation des prix et des marges, tentent de rendre plus transparente, sur le plan financier, la répartition de la valeur ajoutée au sein des filières, l’initiative du Ceser de Normandie s’est restreint à une approche qualitative des relations entre acteurs.
De façon transversale, l’équipe du Ceser voit dans le développement des organisations de producteurs (OP), à l’image de celles mises en place dans le secteur laitier, un moyen utile de «structurer et d’organiser plus encore» les relations entre agriculteurs et acteurs agro-alimentaires, le rapporteur du rapport, Hervé Fleury, rappelant à ce sujet que moins de 30 % des éleveurs livrant leur lait à Lactalis étaient membres d’une OP et que les producteurs de viande bovine l’étaient encore moins.
La création d’une marque Normandie pour valoriser les produits régionaux, avancée par Hervé Morin, a quant à elle fait l’objet d’un avis pour le moins prudent. Si le président du Ceser, Jean-Luc Léger, estime qu’il «serait absurde de ne pas tenter» de créer cette marque, en remplacement de Gourmandie dont la connotation régionale est quasi nulle, les auteurs du rapport s’interrogent sur le risque de «banalisation» des produits, en particulier ceux déjà valorisés sous le vocable Normandie, et pointent la nécessité de réfléchir à l’existence d’un cahier des charges, à l’exigence de son contenu, à sa variabilité éventuelle d’une filière à l’autre, etc.
Le Ceser s’est également penché indépendamment sur chacune des filières agricoles normandes. Si la filière céréales est invitée à «tirer parti» de la demande en céréales d’origine régionale, les auteurs signalent l’intérêt de maintenir un maillage d’équipements locaux (abattoirs, etc.) pour la filière viande et appellent à une «valorisation accrue du potentiel herbager» en élevage laitier afin de «maintenir la capacité de production sur l’ensemble du territoire.»
Christophe Tréhet
Commentaire de Florestan:
La Normandie dispose de 14 AOC un record pour une région française encadrées par un institut régional de la qualité alimentaire unique en son genre et qui a pour objectif de maintenir sinon de renforcer les exigences des cahiers des charges qui valident une qualité qui peut être payée à un prix supérieur à celui du marché. Ainsi le maintien de l'exigence du lait cru pour les 4 AOC/ AOP fromagères normandes et une "normandisation" du lait au delà des 50% avec nourriture à l'herbe / foin du pré prévu pour 2018. (les éleveurs laitiers de l'AOC Coeur de Neufchâtel est même leader de la démarche).
On rappellera qu'au début des années 2000 le groupe Lactalis a tenté de modifier le cahier des charges de l'INAO pour supprimer l'obligation de manipuler du lait cru sous prétexte de risques sanitaires alors que c'est avec un lait pasteurisé (donc mort) que l'on a le plus de risque de listéria en cas de problème.
Les producteurs normands fromagers en AOC ont tenu bon et le lait cru est toujours une obligation face à la thermisation ou la pasteurisation pratiquées par les laiteries industrielles (Lactalis notamment mais pas seulement) qui dépotent 200000 "camemberts" par jour alors qu'une laiterie manipulant du lait cru ne peut aller au delà de 80 000 fromages par jour (ex: Réo à Lessay Manche)
Par ailleurs, le bio (plus en avance en Basse qu'en Haute Normandie) va être aidé de façon ciblé notamment grâce au plan régional alimentaire à destination des cantines des lycées normands mais aussi franciliens pour fournir 40% des repas en "biocal" normand: cette commande publique permanente va être le socle pour lancer définitivement la filière bio normande.
L'agriculture normande est donc à la croisée des chemins: elle a su éviter les pires excès de l'agro-productivisme industriel des années 1970/1990 qui a ravagé les campagnes bretonnes tout en conservant des productions et des méthodes traditionnelles (sanctuarisées dans les AOC) qui sont de qualité mais qui sur un marché devenu mondial doivent donner dans l'excellence sinon le luxe alimentaire: à terme, c'est l'ensemble de la filière laitière normande qui devra basculer dans le bio avec vaches normandes nourries à l'herbe dans le cadre d'une AOC lait de Normandie.
L'idée utopique jusque là commence enfin à cheminer dans les esprits pour la bonne et simple raison que le prix du lait conventionnel est tombé à 25 centimes le litre sur le marché mondial tandis qu'un lait cru collecté dans le cadre d'une AOC fromagère réputée peut grimper jusqu'à 1,50 euros le litre! (par ex: le lait de Salers pour faire du Cantal). En Normandie, le litre de lait bio cru pour l'AOC Coeur de Neufchâtel se négocie autour de 70/80 centimes le litre sachant qu'il faut le vendre au moins à 35 centimes le litre pour qu'une exploitation laitière soit financièrement viable.