J'irai revoir ma Normandie: la jeunesse de Jean-Luc MELENCHON au pays d'Annie ERNAUX
L'accueil fut rude. Mais c'est la Normandie qui accueillit en 1962 un jeune "pied-noir" du Maroc né à Tanger avec sa famille. A Elbeuf d'abord. Puis à Yvetot au coeur du plateau de Caux et ses Cauchois fortes têtes qui parlaient une langue inconnue. La liberté individuelle chicaneuse insoumise et rebelle, la lucidité chassant toutes les illusions, le mépris et les préjugés, la solidarité forgée dans de mâles camaraderies... Sur cette terre cauchoise et normande, Jean-Luc Mélenchon s'est forgé le caractère qu'on lui connait !
On notera que ce fut à Yvetot, la ville qui a vu naître une autre âme grande et forte, littéraire celle-là: Annie ERNAUX qui a fait du roman une arme de destruction massive de tous nos préjugés moraux et sociaux...
La France Insoumise est donc née en Normandie...
A quelques jours du passage de Jean-Luc Mélenchon au Havre le 29 mars 2017, lire ci-après le rappel biographique proposé par Paris-Normandie:
À chaud. En meeting au Havre mercredi, Jean-Luc Mélenchon va revoir sa Normandie où il a vécu enfant à son arrivée du Maroc. Souvenirs de ses camarades de classe.
Quand il se rendra mercredi prochain au Havre, pour son meeting aux Docks Océane, Jean-Luc Mélenchon ne fera probablement pas de détour par Yvetot, où il a pourtant vécu pendant trois ans. Tant cette adolescence normande ne lui a pas laissé que de bons souvenirs. Lui, le pied-noir du Maroc, « déporté en Normandie » en 1962 alors qu’il n’a que 11 ans. « J’ai vécu la Normandie comme un monde terrifiant »,confie le candidat de la France insoumise à Marc Endeweld, l’auteur de son entretien biographique. « Faut pas exagérer, Yvetot ce n’était pas Zola non plus », raconte un de ses camarades. Mais lui, le gosse de Tanger a vécu son arrivée en France et en Normandie comme une fracture, un déchirement.
En fait, quand il arrive à l’été 1962 avec sa mère et son beau-père, c’est d’abord vers Elbeuf que la famille se dirige, accueillis par des membres de la famille. Les lycées publics sont complets, « on me colle chez les curés », admet JLM. À l’institut Fénelon, on confirme la présence pendant un an du futur candidat à la présidentielle, « mais on a plus les archives », assure-t-on comme pour éviter de s’étendre sur le sujet. « Pas de problèmes, les curés étaient bons pères et bons pédagogues. Par contre, pour les mômes qui étaient là, j’étais le bougnoule, le bicot. J’ai donc commencé une carrière d’immigré qui m’a suivi aussi longtemps que j’ai gardé l’accent pointu des pieds-noirs », racontera plus tard l’homme politique.
Puis la famille déménage pour Yvetot. Le choc est rude. D’autant plus que l’hiver est l’un des plus froids depuis des décennies. Elle est bien loin la douceur de vie marocaine. « On ne comprenait pas tout ce que ces Normands disaient, ils avaient un accent terrifiant. » Mais c’est aussi le temps de l’adolescence et « de grandes amitiés. »
Cinquante ans plus tard, Jacques Tanguy se souvient de Jean-Luc. Celui qui est connu aujourd’hui comme guide-conférencier à Rouen habitait à l’époque tout près du collège Dégremont, rue Carnot. « C’était déjà un organisateur né », se souvient Jacques. Jean-Luc Mélenchon habite à l’époque dans la cité, au Fort Rouge, dans un petit groupe d’immeubles HLM qui existe toujours. « C’était là, au 4e et dernier étage de l’immeuble Bleuets », assure un autre de ses copains, resté à Yvetot. Dans le quartier, le jeune Jean-Luc s’improvise rapidement en chef de bande. « Il a su fédérer les jeunes autour de lui, proposant même des loisirs pour les plus petits. Je me souviens d’une balade qu’il a encadrée vers Rançon et les berges de la Seine. Il savait animer. »
Au collège, le jeune Jean-Luc étonne aussi. « Ce qui m’a frappé à l’époque, c’est sa verve. Il ne respectait pas les codes, nos codes. Il interrompait les profs pour donner son avis, ou les tutoyait parfois. » Le futur tribun de l’échiquier politique est né. « Ce n’était pas un manque de respect de sa part, mais nous, nous ne le savions pas. Il avait une aisance de parole avec les adultes que nous n’avions pas à son âge. »
Avec Jacques et deux ou trois autres copains, il fait les 400 coups aussi. Deux d’entre-eux se souviennent de l’épisode des fusées, dans la campagne yvetotaise. « On avait récupéré de grands tubes de cartons et du chlorate de potassium chez le père d’un copain, grainetier. »
L’expérience aurait pu tourner au fiasco mais heureusement tourne court. « On était complètement inconscient. Un gros nuage s’est échappé. » La petite bande se retrouve aussi régulièrement sur la butte Henri IV, sur la route de Touffreville, appelée ainsi à la suite d’un âpre combat entre les Ligueurs et l’armée d’Henri de Navarre. Quatre-cents ans plus tard, autour du futur candidat, il s’y déroule d’autres bagarres. De collégiens celles-là.
Fan d’histoire, admirateur de Napoléon, le jeune Mélenchon est aussi un grand lecteur. « On était curieux de tout, on avait soif de connaître, de comprendre »,assure Jacques Tanguy. « Je me souviens que nous avons fait à plusieurs des recherches sur l’île de Pâques. Nous avions souvent des discussions passionnées sur des sujets historiques ». Sans trop de moyens pour acheter des livres, les apprentis historiens se retrouvaient dans les rayons de la grande librairie d’Yvetot, « la maison Delamare, où l’on nous autorisait à feuilleter les ouvrages, tant que nous ne les abîmions pas. C’était un peu notre bibliothèque ».
Il s’essaye même à la mise en scène en montant avec Jacques la pièce de théâtre de fin d’année. Au théâtre d’Yvetot cette année là : « Les deux timides», d’Eugène Labiche. Un vaudeville avec sûrement autant de rebondissements que lors de cette campagne présidentielle.