- 1. Nicolas Poussin (1594-1665)
Coriolan supplié par sa famille
Huile sur toile - 112 x 198,5 cm
Les Andelys, Musée Nicolas Poussin
Photo : Musée des Andelys
Voir l'image dans sa page
Nicolas Poussin est né aux Andelys. Dans le petit musée municipal, on peut voir un tableau du maître déposé par le Louvre, Coriolan supplié par sa famille (ill. 1). Faut-il s’étonner que le spécialiste incontesté de l’artiste, Pierre Rosenberg (ill. 2), ait décidé de donner sa collection, sa bibliothèque et sa documentation, afin de créer dans cette ville de l’Eure un grand musée Nicolas Poussin, qui sera également un centre d’étude dédié notamment au XVIIe siècle français autour de la figure du peintre ?
Le petit milieu de l’histoire de l’art était au courant depuis quelques mois. Nous le savions depuis au moins deux ans. Mais le principal intéressé nous demandait d’attendre avant d’en parler. Bien entendu, cela ne pouvait rester confidentiel plus longtemps et un petit article paru dans l’hebdomadaire local L’impartial a vendu la mèche, ce qui nous autorise à en dire ici davantage.
- 2. Pierre Rosenberg
Photo : D. R.
Voir l'image dans sa page
Pierre Rosenberg, ne souhaitant toujours pas s’exprimer publiquement sur cette opération qui n’est pas encore totalement finalisée, nous avons néanmoins pu joindre Frédéric Duché, le maire des Andelys. Celui-ci a complété les informations que nous avions déjà, et confirmé que le projet va bientôt entrer dans sa phase opérationnelle, probablement dès septembre. Un conservateur chargé de le mener a bien est déjà pressenti : il s’agit de Guillaume Kientz, actuellement chargé des peintures espagnoles au Musée du Louvre, bien connu de nos lecteurs puisque nous l’avons reçu récemment dans notre émission consacrée à l’attribution et qu’il a écrit quelques articles sur notre site, notamment pour identifier un nouveau tableau à Velazquez (dont il avait, on s’en souvient également, été commissaire de la rétrospective au Grand Palais).
Il était presque certain que la collection de Pierre Rosenberg finirait dans un musée. Toute sa vie a été dédiée à l’enrichissement des collections publiques, et il profite de chaque occasion possible pour demander aux collectionneurs privés de donner aux musées (par exemple, dans la préface au catalogue de la collection de Louis-Antoine Prat).
La sienne, qui porte essentiellement sur la France et l’Italie du XVIIe au XXe siècle, est foisonnante, et serait riche d’après les estimations, de près d’un millier de tableaux et d’au moins trois fois plus de dessins (ces chiffres ne pourront être confirmés qu’après la fin de l’inventaire actuellement en cours). Nous nous sommes rendu quelques fois dans sa maison parisienne dont nous ne connaissons que l’entrée, une autre pièce et le petit salon où il reçoit ses visiteurs. Bien entendu les murs sont couverts de tableaux. Lui-même s’assoit sur un canapé au-dessus duquel est accroché une toile de Simon Vouet ! Beaucoup d’expositions montrent des œuvres lui appartenant, mais celles-ci ne sont jamais répertoriées comme « collection Pierre Rosenberg ».
Quelles seront les modalités de la donation ? S’agira-t-il d’un don sous réserve d’usufruit, d’un legs ou d’une donation progressive des œuvres une fois que le musée sera ouvert ? Les modalités restent à préciser comme nous l’a dit Frédéric Duché. La collection de Pierre Rosenberg pourrait d’ailleurs rapidement être complétée par d’autres dons : nous avons entendu plusieurs collectionneurs français évoquer de possibles libéralités à ce nouveau musée.
Celui-ci sera sans doute constitué sous la forme d’un EPCC (établissement public de coopération culturelle) avec comme partenaires la ville des Andelys, le département de l’Eure, l’agglomération Seine-Normandie, la Région et l’État, via le ministère de la Culture. Ces collectivités sont déjà impliquées dans cette opération dont les modalités sont en cours de finalisation. Il s’agira notamment, dans un premier temps, d’établir la programmation scientifique et de de définir la manière dont l’ensemble fonctionnera.
L’un des défis de ce nouveau musée sera de le faire vivre et d’exister dans une ville qui ne dispose pas de liaison ferroviaire. Si cela inquiète certains observateurs, le lieu possède néanmoins beaucoup d’atouts. Aux Andelys même se trouve Château Gaillard ; Gaillon, qui se trouve à seulement 15 km (et dont le château est actuellement insuffisamment mis en valeur), bénéficie d’une gare SNCF ; et Giverny, à 25 km, attire 800 000 visiteurs par an avec son Musée des Impressionnistes et sa Maison de Claude Monet. Des liaisons en cars seront mises en place entre ces trois sites. Monet, Poussin : il y a une certaine cohérence à regrouper deux des plus grands peintres français dans un même parcours. Frédéric Duché nous a par ailleurs indiqué quelques pistes qui se développent actuellement en lien avec l’association « Axe Seine », dont un des objectifs est de développer le tourisme autour du fleuve. Le transport fluvial est déjà conséquent avec environ 55 000 à 60 000 visiteurs annuels. Par ailleurs, le projet « La Seine à vélo » a pour objectif à terme de créer les infrastructures qui permettront de relier Rouen à Paris, soit 390 km de voies cyclables, le long de la Seine. Le département de l’Eure est moteur dans la construction de cette route qui reliera dès 2020 Les Andelys à Giverny. Si Les Andelys sont situés en zone rurale, ils sont donc reliés à de nombreux sites touristiques, et se trouvent à 50 minutes de Rouen et à une heure et quart à peine du centre de Paris.
- 3. Hôpital Saint-Jacques, futur Musée Nicolas Poussin
Les Andelys
Photo : La Tribune de l’Art
Voir l'image dans sa page
- q. Hôpital Saint-Jacques, futur Musée Nicolas Poussin
Les Andelys
Photo : Office du tourisme des Andelys
Voir l'image dans sa page
Le nouveau musée sera installé dans un magnifique monument historique : l’hôpital Saint-Jacques (ill. 3), reconstruit en 1781-1785 par l’architecte Gambier pour le duc de Penthièvre, lui-même au cœur d’un site extraordinaire, entre la Seine et les falaises de craie (ill. 4). Centre d’étude, bénéficiant de la bibliothèque et de la considérable documentation de Pierre Rosenberg, le lieu pourrait ainsi devenir, toutes proportions gardées, une espèce de « Getty Normand », qui accueillera des chercheurs invités.
Les Andelys ne sont pas seulement le lieu de naissance de Nicolas Poussin.
La ville possède également une tradition de fabrication du verre. Or, qui connaît Pierre Rosenberg connaît aussi sa passion pour les verres de Murano dont il possède une collection très importante. Même s’il n’en est pas question pour l’instant, il pourrait s’agir d’un complément très intéressant pour le musée.
Comme nous l’a dit Frédéric Duché, la création d’une nouvelle maison de retraite médicalisée, qui remplacera celle qu’abrite l’hôpital Saint-Jacques, est en cours. Celle-ci s’installera dans une autre partie de la ville et le concours d’architecte va être lancé, ce qui devrait permettre de libérer les lieux dans des délais compatibles avec le projet du musée. Si les deux opérations sont indépendantes, elles sont parfaitement en phases.
Nous avouons être particulièrement impatient de voir ce projet commencer vraiment. La Tribune de l’Art le suivra attentivement et en rendra compte, jusqu’à l’ouverture de ce nouveau musée qui devrait reprendre le nom de Musée Nicolas Poussin.