A quelques mois d'élections européennes qui s'annoncent désastreuses à tout point de vue (montée conjointe de l'abstention et de la critique "populiste" contre l'Europe dite de "Bruxelles"), voilà une belle question politique proposée par un dossier à lire dans le dernier numéro de l'hebdomadaire Marianne (N°1120 du 31 août au 6 septembre 2018) à partir de la page 54 et que nous reproduisons pour vous ci-après:
Commentaire de Florestan:
Dossier passionnant à lire sur ce nouveau congrès de la fédération régionale "Régions et peuples solidaires" quant à la place des régions dans la construction européenne, la seule place semble-t-il, où l'idée régionale est prise au sérieux contrairement aux Etats Nations qui ont une culture politique et institutionnelle non pas fédérale mais centralisatrice, notamment en France.
Cependant, nous aurons une objection fondamentale à ce dossier proposé par l'hebdomadaire Marianne qui fait, néanmoins, l'effort de curiosité intellectuelle de s'intéresser aux régionalistes, des gens qui sont idéologiquement opposés au jacobinisme républicain fondateur de ce titre de presse...
Cette objection est la suivante:
Précisément, c'est que ce dossier de presse suit un angle "jacobin" sur ce sujet en faisant l'amalgame entre idée ou identité régionale et... autonomisme sinon séparatisme: la confusion entre régionalisme et nationalisme est l'épouvantail parfait secoué par les Jacobins pour enterrer la question régionale et il est heureux que les régionalistes concernés commencent enfin à s'en apercevoir, on pensera tout particulièrement aux Corses qui ont enfin compris que le régionalisme corse "canal historique" était peuplé d'idiots utiles du jacobinisme parisien.
D'où l'intérêt d'un régionalisme responsable d'esprit fédéraliste girondin pour penser à nouveaux frais l'idée régionale en France: l'exemple normand en témoigne mais on remarquera que ce dossier l'ignore totalement alors qu'Hervé Morin le président normand qui préside l'association des régions de France partage des points de vue convergents avec les dirigeants de l'exécutif régional corse...
C'est assez stupéfiant de voir des régionalistes croire en une Europe des régions, car ils devraient savoir que les régions prônées seraient surtout économiques. L'UE se moque assez ouvertement de la culture et de l'histoire. Pour preuve la Région Alsace a disparu dans un grand machin "Grand Est", et l'UE a applaudi. Je crois surtout que patriotes et régionalistes, voulant à tout prix s'opposer, tombent dans le piège idéologique clivant du "fédéraliste régionaliste", ou bien du "patriote jacobin".
Je crois en une autre philosophie, bien plus équilibrée : une Europe d'États-nations collaborant sur des sujets précis, et un État composé de Régions (ou de provinces). Autrement dit, un "souverainisme girondin". C'est ce que prônait le général de Gaulle en son temps, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il avait raison sur (presque) toute la ligne : sa crainte d'institutions technocratiques déconnectées de la réalité et corrompues, une Grande-Bretagne peu fiable, des écarts trop grands entre nations rendant l'action européenne impossible... C'est assez rigolo de voir certains souverainistes prôner une suppression des régions que de Gaulle a lui-même voulu créer pour rééquilibrer la balance entre Paris et le reste de la France. Aujourd'hui, ce ne sont pas les régions et la décentralisation qui menacent l'unité française, mais bien l'ultra-concentration du pouvoir à Paris, et cette UE avide de normes intenables.