LUBRIZOL: les Rouennais se prennent en mains. Une association vient d'être créée...
On n'est jamais aussi bien servi que par soi-même!
Plus d'un mois après la catastrophe de l'incendie de Lubrizol et dans l'attente de procédures juridiques qui s'annoncent longues et difficiles, les sinistrés Rouennais ont décidé de créer une association pour ne pas subir la situation et construire une partie puissante et active au dossier judiciaire en cours de constitution.
L’association des sinistrés de Lubrizol a été créée en novembre 2019 pour répondre aux interrogations après l’incendie qui a touché le site Seveso à Rouen (Seine-Maritime). (©MN/76actu)
L'association des sinistrés de Lubrizol est une nouvelle structure en quête de vérité sur l'incendie de l'usine Seveso à Rouen. Elle s'est entourée de spécialistes pour agir.
Une nouvelle structure a fait son apparition en novembre 2019 dans le paysage associatif à Rouen (Seine-Maritime) après l’incendie chez Lubrizol : l’association des sinistrés de Lubrizol (ASL). L’ASL découle de la page facebook Collectif Lubrizol, très active depuis les premiers jours du sinistre, et forte aujourd’hui de 26 000 membres.
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Malgré son importante représentativité, le collectif citoyen se voyait refuser l’entrée au comité de transparence mis en place par l’État. « L’association est né d’une prise de conscience qu’il fallait dépasser la réunion sur Facebook pour la recherche d’information, détaille Sébastien Duval, membre du conseil d’administration. Pour obtenir des choses des autorités, il faut une structure légale. » Le collectif a franchi le pas. « Maintenant on existe et on va agir. » Afin d’être le plus efficace possible, L’ASL s’est entourée de spécialistes et se concentre sur plusieurs pôles d’action.
« La tentation serait grande et humaine de penser que parce que ça ne sent plus rien, il n’y a plus rien », alerte Sébastien Duval. Pour lui, un combat de longue haleine s’amorce. « Nous espérons avoir le plus d’adhérent possible pour réunir le maximum de bonnes volontés et peser face aux autorités. »
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L’ASL travaille en relation directe avec une avocate du barreau de Rouen, Julia Massardier, chargée d’aider les adhérents dans leurs démarches concernant Lubrizol. « J’ai déposé des plaintes pour 53 foyers, indique cette dernière. Certaines pour obtenir la vérité, d’autres pour un préjudice matériel ou médical. »
Le dépôt de plainte est selon elle un des meilleurs moyens d’obtenir des réponses :
J’appelle tout le monde à se saisir d’un avocat afin d’avoir accès à la procédure, réaliser des demandes d’acte et comprendre tous les éléments du dossiers d’instruction qui se révèlera certainement très technique.
Julia Massardier, spécialisée dans le pénal, se coordonne déjà avec des spécialistes d’autres questions comme les femmes allaitantes, les travailleurs ou l’environnement. La procédure pénale permettra d’obtenir des éléments via les investigations portant par exemple sur l’origine de l’incendie, la gestion de crise, les moyens mis en œuvre ou encore l’efficacité des dispositifs d’alerte.
Créée trop récemment, l’ASL n’a pas la possibilité de se constituer elle-même partie civile, mais elle pourrait recevoir des agréments via la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac), qui lui apporte son soutien.
En parallèle de son action judiciaire, le collectif a également envoyé deux lettres ouvertes en date du 15 octobre 2019 à la préfecture et à la société Lubrizol, demandant notamment des informations sur les procédures d’analyses et d’indemnisations pour les sinistrés, restées sans réponse. L’association espère une indemnisation des victimes avant la fin de la procédure.
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Le pôle scientifique de l’ASL s’attache aux enjeux médicaux et environnementaux après l’incendie. Il offre un accompagnement aux parents et au monde éducatif, où « subsistent des inquiétudes encore aujourd’hui », selon Sébastien Duval. Des chercheurs de l’université de Rouen participent également au projet. L’association n’a pas révélé leurs noms ou leur nombre pour le moment.
« Nous avons contacté des chimistes dont l’ATC [association toxicologie-chimie, ndlr], représentée par le professeur André Picot, annonce Simon de Carvalho », coprésident de l’ASL. Toxicologue reconnu, ce dernier s’occupera notamment du dossier amiante.
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L’association fera le relais entre les scientifiques et les citoyens qui mènent aussi leurs propres recherches sur le terrain. Un habitant du quartier Saint-Gervais a par exemple réalisé une carte des retombées d’amiante qu’il continue à alimenter.
La page facebook du collectif reste un moyen de générer des discussions et de l’information après la création de l’association. Cette communication est nécessaire face au manque d’informations sur le sujet, selon Agnès Laurent, secrétaire de l’ASL, mais il est nécessaire de faire le tri .
Quand on est dans le noir, on a peur de tout. Il se crée certaines psychoses comme sur celle du nucléaire, qui revient régulièrement. J’essaie dans la mesure du possible de ramener des éléments factuels et scientifiques pour calmer les choses. Nous donnons aussi des conseils de précaution quant à l’alimentation ou le nettoyage des surfaces, indique la secrétaire.
L’association a créé par ailleurs un site ressource où se trouvent des informations juridiques, des éléments factuels, une section participative via un forum pour la collecte de données sur l’incendie et le formulaire d’adhésion. L’ASL mettra également en place des réunions publiques. « Nous pensons à des réunions dans des petites salles dans les quartiers, les villes de l’agglomération ou du plateau », souligne Simon de Carvalho.
L’ASL s’apprête à réunir des groupes de travail dans les semaines à venir pour plancher sur différentes problématiques ayant trait à Lubrizol. Une des premières portera sur la question de la gestion de crise au regard du droit du travail avec des spécialistes du domaine.
L’ASL a rejoint le collectif unitaire Lubrizol. Elle espère à terme fédérer les autres associations. « Nos statuts permettent aux autres associations d’adhérer ou d’avoir des représentants, indique Simon de Carvalho. Notre but est de regrouper toutes les énergies ensemble. »
Le 26 novembre prochain, les sinistrés de Lubrizol sortiront dans la rue pour un nouvel « anniversaire », celui des deux mois après l’incendie.
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