LE HAVRE: y aura-t-il un 49.3 municipal?
Billet de Florestan
Contre toute attente, un récent sondage mettrait le candidat Edouard Philippe en tête des intentions de vote des citoyens havrais au premier tour des élections municipales le 15 mars 2020.
En essayant de demeurer objectif on ne pourra que constater l'étrangeté de la situation politique havraise si l'on considère qu'un choix rationnel est encore possible lorsqu'un individu citoyen glisse un bulletin de vote dans une urne. Nous avouons la même perplexité qu'un Tocqueville observant les résultats du premier suffrage universel direct (masculin) de l'histoire de la République française, durant lequel, manifestement, une partie du corps électoral, a voté contre son intérêt en élisant massivement à la présidence de la République le Prince Louis- Napoléon Bonaparte en ces beaux jours des 10 et 11 décembre 1848. Constatant les résultats dans sa circonscription du département de la Manche, le normand Tocqueville avait eu ce mot cruel: "la partie ruminante de l'électorat s'est exprimée". On ne sait pas s'il parlait aussi des vaches... En 1852, un jeune journaliste allemand couvrant les événements politiques de Paris, un certain Karl Marx aura aussi un mot encore plus cruel en comparant à "des pommes de terre enfermées dans un sac" les électeurs français ayant voté pour un Prince président qui fera, quatre ans plus tard, le coup d'état que l'on sait.
Pour en revenir en 2020 et dans notre grande cité portuaire et maritime normande que nous aimons tous ici, on doit, hélas, constater pour le déplorer que depuis qu'un ancien député-maire a décidé d'être le Premier ministre de la France, Le Havre n'est plus un havre de paix ni de grâce, d'ailleurs, car les enjeux locaux et portuaires (qui sont pourtant d'intérêt national) sont littéralement "pris en otage" par la polémique politicienne nationale donc parisienne.
Schizophrénie et masochisme...
Depuis l'entrée d'Edouard Philippe à l'hôtel de Matignon, Le Havre, notre grande ville portuaire et maritime normande a été nationalisée. Et le maire président de la communauté urbaine qu'on y trouve, un certain Jean-Baptiste Gastinne véritable "honnête homme" perdu dans une époque sans vergogne qui assume, en outre, d'importantes responsabilités dans l'actuel exécutif régional normand (avec la charge des transports), n'est pas le véritable patron.
Et l'on peut craindre que le fait d'avoir à élire pour une tête de liste à la mairie du Havre qui ne pourra pas être objectivement, concrètement, le futur maire du Havre (selon la coutume républicaine qui veut que les conseillers municipaux élus qui votent pour le maire choisissent la tête de la liste arrivée en... tête) ne fasse définitivement de l'actuel maire sortant, aussi sympathique et honorable soit-il, un homme de paille.
Après plusieurs mois d'un charivari national sur la réforme des retraites avec ses violences et blocages inacceptables qui ont pertubé gravement le fonctionnement du grand port maritime et perturbé le quotidien du centre-ville, la ville du Havre a besoin de retrouver de la sérénité et de l'apaisement.
Mais, hélas, avec la décision d'utiliser le fameux article 49.3 de la constitution, Edouard Philippe en tant que Premier ministre ne pouvait pas tenir compte de l'intérêt immédiat d'un maire du Havre qu'il ne sera pas au lendemain du second tour des prochaines élections municipales.
Bref! Ce seront aux électeurs et électrices de la commune du Havre, la plus peuplée et la plus étendue de Normandie, de décider!
On lira, avec intérêt, cet article de Stéphane Siret publié sur le site de Paris-Normandie:
Le Havre. Selon un sondage Ifop pour CNews, Édouard Philippe arriverait en tête du premier tour, loin devant Jean-Paul Lecoq. Reste à savoir quel sera l’effet du recours au 49-3 sur les intentions de vote.
Ce n’est qu’un sondage, une photographie à un instant « T ». Il donne une première tendance à moins de deux semaines du premier tour. Selon une enquête de l’Ifop pour CNews, Édouard Philippe, certes, ne réitèrerait pas son exploit de 2014 – élu au premier tour avec 52 % des suffrages – mais virerait en tête au soir du dimanche 15 mars.
Candidat dans la ville où il fut maire (2010-2017), le Premier ministre obtiendrait 42 % des intentions de vote au premier tour, lui permettant ainsi de prendre une option sérieuse sur le second. « C’est évidemment très encourageant pour nous, mais ce n’est qu’un sondage, commentait mardi soir l’entourage d’Edouard Philippe. Il faut continuer à travailler, faire campagne auprès des Havrais et les appeler à la mobilisation le jour du vote. Aucun sondage ne fait une élection et Édouard ne considérera jamais que c’est gagné d’avance. »
Derrière le candidat de la majorité (ex-LR), son principal adversaire, le député communiste Jean-Paul Lecoq, qui a adroitement pris la lumière lundi en interpellant le Premier ministre à l’Assemblée nationale lors des questions au gouvernement sur le dossier « chaud bouillant » des retraites et du recours au 49-3 (mais connaissant trop les ficelles de la politique, le chef du gouvernement a laissé répondre son secrétaire d’État, Laurent Pietraszewski) serait à 25 % des intentions de vote, loin devant le candidat écologiste, Alexis Deck, à 16 %. En soutien, ce dernier accueillera d’ailleurs l’ancien député-maire de Bègles, Noël Mamère, mercredi au Havre.
Le candidat du Rassemblement national, Frédéric Groussard, serait à 10 % (le score nécessaire pour se maintenir au second tour). Guillaume Milert (Divers droite) serait à 3 %, Magali Cauchois (Lutte ouvrière) et Béatrice Canel-Depitre (Parti animaliste) se partageant le reste des intentions de vote.
S’il donne un état des lieux, ce sondage Ifop est à prendre avec prudence. Pour une raison simple : il a été réalisé en fin de semaine dernière, avant qu’Edouard Philippe annonce le recours au 49-3 pour faire adopter sans vote la réforme du système des retraites. Si elle peut remobiliser une partie de l’électorat favorable au Premier ministre, cette décision a aussi provoqué une vive colère qui s’est traduite, dès samedi soir au Havre, par des actes de vandalisme à la permanence du candidat, puis des insultes dimanche matin au marché à l’égard de la numéro 2 de la liste, la députée Agnès Firmin Le Bodo, et des manifestations lundi soir à l’occasion du dernier conseil municipal de la mandature. « Il y aura un effet 49-3 c’est sûr, souligne un proche d’Édouard Philippe. Il pourrait peut-être nous coûter quelques points. Et il faut savoir à qui cela va profiter aussi... »