8 MAI 2020: commémoration d'un symbole confiné. Réponse au pseudo Marommix qui conteste toute fierté normande ou nationale.
Billet de Florestan
Quel triste symbole!
A Paris, en haut des Champs-Elysées rendus encore plus vastes puisqu'ils sont désertés de toute présence humaine ou presque, sous l'arche monumentale rendue encore plus grandiloquente par le silence, un président de la République solitaire (sans masque mais c'était tout comme) se recueille devant la flamme ravivée d'une religion civique qui n'existe plus faute de foi, faute de croyants.
Les jours fériés de la République sont des jours sans fête véritable et n'ont rien à envier aux fêtes du calendrier liturgique catholique: d'ordinaire tout le monde s'en fout ou presque mais en cette période exceptionnelle de confinement, cette sorte de carême sanitaire, l'absence, le vide symbolique (voire le nihilisme) d'un rapport utilitaire, opportuniste et rationnellement desséché à cet antique bibelot qui se nomme Patrie ou Nation devient l'évidence qui crève l'écran de la télévision. Cela fait longtemps que les jours fériés catholiques ne servaient plus qu'à partir en week-end au point que le patronat, à juste titre, avait proposé la suppression du jeudi de l'Ascension et du lundi de la Pentecôte: cela fait longtemps que le fait religieux chrétien s'est auto-confiné sous prétexte de respecter la laïcité et que la liberté de conscience s'est confondue avec celle de ne plus croire en rien.
Mais le confinement rend tout ceci visible, du moins, pour celles et ceux qui gardent l'oeil ouvert: c'est ainsi que, récemment, l'éditorialiste Jacques Julliard et le philosophe d'origine normande Marcel Gauchet, avaient noté que le confinement sanitaire national de 2020 était la première grande crise collective dans la longue histoire de France à être politiquement gérée sans le secours d'aucune spiritualité religieuse, sans le moindre recours à un symbole collectif, conséquence, peut-être, d'une société humaine nationale réduite à n'être qu'un conglomérat d'individus consumméristes et hédonistes aussi égoistes que rationnels, conception minimaliste et libérale qu'impose à cette même société humaine nationale des élites politiques et médiatiques qui ont décidé de ne plus en faire vraiment partie...
La marche de l'Histoire... "Mind the step!" (Churchill à De Gaulle: dialogue d'outre-tombe...)
75 ans après le 8 mai 1945, la crainte d'un virus venu de Chine nous fait commémorer notre Libération nationale dans le silence et l'absence comme si une âme collective nous avait déserté pour se réfugier au plus profond de nos consciences individuelles comme l'eau qui sourd toujours sous le lit asséché d'une rivière à l'étiage.
Justement, la France, en terme de symboles, de représentations, d'identité, d'enracinement, en terme d'âme collective (oh le vilain mot!) n'est-elle pas, justement, à l'étiage?
Le drapeau tricolore français frappé de la Croix de Lorraine: le drapeau de la Libération nationale contre l'occupant allemand nazi se souvient de Jeanne d'Arc qui lutta contre l'occupant anglais.
Départ du premier tour du monde de jeunes fiers d'être normand: les valises sont prêtes pour le dire dans le monde entier!
Quand on sait avec fierté d'où l'on vient, on sait mieux où l'on va: l'idendité et l'enracinement dans un territoire n'a pas seulement pour conséquence la médiocrité chauvine et le replis sur soi. C'est surtout un signe d'ouverture au monde et de confiance car un hôte n'accueille jamais si bien un hôte que lorsque le premier est fier de ce qu'il est et de ce qu'il a partager avec le second: un territoire national ou régional avec son patrimoine historique et son héritage culturel peut être ainsi l'occasion d'un partage riche et profond...
Pour nous c'est une évidence. Mais pas pour tout le monde semble-t-il...
Sur le forum de l'Etoile de Normandie, le webzine de l'unité normande, un site qui assume une vision régionaliste de la Normandie et qui l'assume totalement, nous recevons régulièrement les publications parfois, souvent, irritantes d'un certain pseudo "Marommix" qui s'obstine à fréquenter un site qui serait incapable de faire la promotion de la Normandie sans son identité à l'instar d'un café sans caféine: ici nous n'aimons pas les ersazts de triste mémoire...
Comme nous sommes le 8 mai la dernière provocation dudit "Marommix" nous oblige d'aller au fond du problème dont il est la marionnette:
Il vient de nous dire, en substance:
"je ne suis ni normou ni normand, je suis un habitant de la normandie." (avec une haine majuscule...)
On passera sur la diatribe qui suit et qui s'en prend, sempiternelle, à l'héritage viking: c'est éculé et on a l'habitude qu'une certaine haine de soi et de quelques autres s'érige vainement en fierté individuelle: c'est précisément ce paradoxe qui mérite d'être questionné car lorsque l'inverse d'une idée signifie l'inverse c'est le signe idéologique que l'on se vautre dans le nihilisme et parfois, souvent, sans le savoir.
Etre fier de ce qu'on déteste et ne pas être capable de dire avec enthousiasme ce que l'on aime voilà qui est inquiétant avec ce petit côté orwellien qui, dans 1984, parlait du ministère de l'Amour pour évoquer celui de la Guerre...
Revenons précisément au propos dudit "Marommix" qui nous trouvera bavard et professoral (j'en ai l'habitude: quand Marommix sèche il fuit comme la seiche derrière son nuage d'encre) car ce qu'il dit mérite, néanmoins, une analyse sérieuse:
Si on respecte le bon sens et l'usage de la langue française, un habitant de la Normandie est un Normand que cela plaise ou non.
Que dirait le jacobin hors-sol "Marommix" si je devais affirmer que "je ne suis ni français, ni normand mais seulement un habitant de la France"?
Cela voudrait dire que l'appartenance à la France n'est que le fruit d'un hasard de périmètre géographique au même titre qu'une pomme de terre planté quelque part dans un champ.
Que cela lui plaise ou non, le ci-devant "Marommix" est le fils de son père et de sa mère. Que cela lui plaise ou non, il est né quelque part. Que cela lui plaise ou non, l'Histoire a commencé bien avant sa naissance et se poursuivra bien après sa mort et, que cela lui plaise ou non, il vit et travaille dans un territoire habité par d'autres humains que lui, le misanthrope Marommix, et cela mérite, en principe, un minimum de respect. Sinon il y a la possibilité de vivre seul, reclus au fond d'un désert ou sur une île déserte, éventuellement sur une autre planète lorsque les conditions technologiques pourront le permettre.
Dire que l'on est seulement l'habitant d'un pays qui aurait pu en être un autre, un pays rationnellement réduit à sa stricte objectivité spatiale kilométrique, fonctionnelle ou institutionnelle, voilà qui n'est pas anodin si l'on connaît l'histoire politique de la France marquée par le rationalisme dit des Lumières dans la seconde moitié du XVIIIe siècle avec, notamment, Jean-Jacques Rousseau qui refonde le sentiment d'appartenance à une communauté nationale territoriale sur la base d'un "contrat social" rationnel voire abstrait, donc universalisable quelque soit l'histoire, la culture, la langue, la religion de tel ou tel peuple.
Mais un pays n'est pas seulement qu'un tas de statistiques, un fatras de codes juridiques tatillons à respecter, des contrevenants à juger, à mettre à l'amende ou à mettre en prison. Un pays ce ne sont pas que des flux financiers à réguler, des activités économiques à développer, des fonctionnaires à salarier, des impôts à payer... Un pays ne se résume pas au territoire justifiant la machinerie d'un état, centralisé de préférence car il est des pays et des peuples qui, contrairement au cas français, ont préexisté bien avant l'Etat qui leur correspond aujourd'hui.
En outre, une région n'est pas simplement qu'un découpage territorial de ce même état, une zone pour préfixe téléphonique.
Avec la "grande révolution" de 1789, ils sont allés plus loin que Rousseau ou Descartes et avec la première dictature totalitaire de l'histoire contemporaine, celle de Robespierre (1793-1794) le parti jacobin français rationaliste égalitaire et universaliste a eu pour objectif l'universalisation au reste de l'humanité d'un modèle de communauté politique débarrassé, purifié, désinfecté de toute identité nationale, de tout héritage historique, culturel ou religieux (le jacobin caricatural à la française n'assume pas d'ailleurs totalement son athéisme puisqu'il a fait de la Raison sa divinité).
Projet hyper-rationaliste de découper les provinces de France en 80 départements de 80 lieues de côté proposé par le député rouennais Guillaume Thouret en 1789: un Normand que les autres députés normands ont bien fait de ne pas écouter...
Les Jacobins révolutionnaires français et à leur suite le petit corse Bonaparte marqué par l'héritage de l'expérience d'une constitution pour la Corse écrite par Rousseau, sont partis à la conquête de l'Europe en inventant un nouveau concept de croisade: la croisade pour le Progrès et la Raison, croisade aussi intolérante et sanglante que les croisades précédentes.
Mettre la Raison sur son étendard est peut-être encore plus dangereux que d'y mettre l'emblème de son pays ou la marque de sa foi religieuse: c'est le risque de l'intolérance absolue car si vous êtes un être humain adulte parfaitement responsable et rationnel vous avez le devoir de ne plus croire dans quelque père Noël que ce soit.
Au XXe siècle, malgré quelques avertissements aussi sérieux que lucides notamment dès l'époque napoléonienne avec les écrivains et poètes romantiques allemands réunis autour de Germaine de Staël qui fut la première à dénoncer l'orgueil monstrueux du rationalisme à la française, on a vu ce qu'une conception strictement rationaliste de l'état et de la politique a été capable de produire: les deux plus épouvantables épreuves collectives que l'humanité s'est donnée le triste plaisir de vivre depuis que l'histoire de l'humanité existe.
On finira cette réflexion par un ultime paradoxe puisque ledit "Marommix" se prend, volontiers, pour notre directeur de conscience en nous faisant ici la leçon à l'envi sur ce que nous ne devons pas faire: aimer la Normandie et en être fiers.
L'intolérance d'un rationaliste, athée de surcroît, est plus intolérante que celle d'un homme de foi qui n'a pas jeté son âme d'enfant à la poubelle car pour reprendre ce mot de Pascal, l'athée rationaliste croit qu'il sait alors que le croyant peut se contenter seulement de savoir qu'il croit.
C'est la raison pour laquelle le ci-devant "Marommix" se fait ici en permanence le prédicateur d'une raison que la raison de notre coeur normand ne saurait entendre: il prêche ici en vain et nous ne cessons pas de lui dire...
Mais quand la raison se confond avec la morale (le bien = le vrai = la raison) cela devient une arme de destruction massive notamment dans les mains des imbéciles de la raison qui ont, par principe, toujours raison: le sang coule à flot des guillotines, des baïonnettes, des fusils des pelotons d'exécution, des barbelés des camps de travail ou d'extermination...
Ils ont appelé ça: "la liberté ou la mort", "les suspects", "les ennemis du peuple", "la dictature du prolétariat", "la liquidation des koulaks", "l'éradication de la vermine juive", "le travail qui rend libre", "la destruction des vipères lubriques", "le grand bon en avant", etc, etc...
Sur cette confusion tragique entre la raison et la morale on relira pour le plaisir de l'humour et de l'ironie, le dictionnaire des idées reçues de Gustave Flaubert.
Mais revenons, pour finir, à la signification du 8 mai 2020 voire aux jours qui vont le suivre...
Pour être honnête, qui donc, aujourd'hui, a célébré, d'une manière ou d'une autre, la journée commémorative du 8 mai qui risque d'être suivie, deux jours plus tard, par la plus confinée des fêtes nationales de notre République, à savoir, la très oubliée fête de Jeanne d'Arc et du patriotisme instituée depuis le 8 mai 1920 pour célébrer la mémoire de la Pucelle d'Orléans et la martyre de Rouen chef de file de toute nos résistances?
Le 10 mai risque d'être tout aussi symboliquement confiné que la célébration du 8 mai 2020, 75ème anniversaire de notre Libération du Nazisme, ce nihilisme absolu régressif identitaire et sauvage faisant face au Stalinisme, le nihilisme absolu faisant aussi des camps de la Mort sur l'autre rive du même fleuve des Enfers: on attend, paraît-il, un discours d'Emmanuel Macron à la télévision ce dimanche 10 mai. A défaut de nous dire clairement comment la Nation française (ou dumoins ce qu'il en reste) sera déconfinée ou comment elle pourrait se déconfiner elle-même (ce qui serait mieux) peut-être qu'il nous expliquera enfin la raison pour laquelle le déconfinement, cette nouvelle Libération nationale, doit débuter le lendemain de la commémoration confinée d'un symbole oublié...
En attendant et comme une sorte de consolation, on pourra relire, non sans émotion, ce que nous dit la philosophe résistante gaulliste Simone WEIL:
Citations extraites de son essai "l'enracinement" (1943):
Le dogme du progrès déshonore le bien en en faisant une affaire de mode. C'est d'ailleurs seulement parce que l'esprit historique consiste à croire les meurtriers sur parole que ce dogme semble si bien répondre aux faits.
L'enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l'âme humaine.
L'acquisition des connaissances fait approcher de la vérité quand il s'agit de la connaissance de ce qu'on aime, et en aucun autre cas.
L'amour pur est cette force agissante, l'amour qui ne veut à aucun prix, en aucun cas, ni du mensonge ni de l'erreur.
Les publications destinées à influer sur ce qu'on nomme l'opinion ne doivent porter aucun préjudice illégitime à aucun être humain.
La liberté d'expression totale, illimitée, pour toute opinion quelle qu'elle soit, sans aucune restriction ni réserve, est un besoin absolu pour l'intelligence.
Cette dernière citation de Simone Weil explique pourquoi il faudra encore ici se fader la lecture des opinions de Monsieur Marommix...
La rédaction de cette réflexion s'est achevée le 8 mai 2020 à 20 heures:
Les applaudissements dédiés aux personnels soignants et à tous les "premiers de corvée" de la Nation confinée n'en avaient que plus de valeur: un symbole de fierté patriotique nationale enfin déconfiné?
Pour aller plus loin, on vous recommande aussi la lecture de l'essai de Marcel Gauchet sur Robespierre "l'homme qui nous divise le plus" et cette guerre civile idéologique ouverte en 1793 et qui se poursuit, semble-t-il, toujours...
La thèse de Marcel Gauchet:
https://www.youtube.com/watch?v=qwsegft-QB4
https://www.youtube.com/watch?v=1wELTJ3VK3s
Un avis en faveur de l'héritage de Robespierre et qui s'oppose à la lecture proposée par Marcel Gauchet:
https://www.en-attendant-nadeau.fr/2019/01/26/comment-etre-robespierriste-gauchet/