A rien...
Ou à chicaner devant la justice administrative l'action des collectivités territoriales qui veulent aider les entreprises menacées par la crise économique: on savait que le jacobinisme était inefficace. On sait, désormais, qu'il est... nuisible!
La préfète de l’Orne, Françoise Tahéri, a saisi le tribunal administratif de Caen sur le dispositif d’aides directes aux entreprises « Orne Rebond » mis en place par le conseil départemental pour soutenir les artisans, commerçants et petites entreprises locales durant la crise du coronavirus.
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Des aides décidées par délibérations du 24 avril 2020, du 14 et du 29 mai « en dehors du fonds de solidarité en faveur des petites et micro-entreprises institué par l’État », rappelle la préfecture dans un communiqué.
Il fallait alimenter le fonds de solidarité de l’État
Si l’intention de ces aides aux TPE est compréhensible dans le contexte de crise actuelle, le dispositif adopté par le Département n’est pas légal car il crée un régime propre d’intervention sans coordination avec le fonds de solidarité prévu par la loi, alors que la situation requiert une cohérence des initiatives.
La préfecture rappelle par ailleurs que, « afin de permettre de mobiliser l’énergie de l’ensemble des acteurs, l’ordonnance du président de la République du 25 mars 2020 a créé un fonds de solidarité pour soutenir financièrement les entreprises particulièrement touchées par les conséquences de l’épidémie de Covid-19 ».
Ce fonds est financé par l’État et peut l’être par les collectivités territoriales sur la base du volontariat. Ainsi, 11 millions d’euros d’aides ont été attribuées par l’État aux entreprises ornaises dans le cadre du fonds de solidarité, auxquels s’ajoutent 25 millions d’euros au titre de l’activité partielle.
Un dispositif distinct « illégal »
Le Conseil départemental de l’Orne, « à l’inverse d’autres collectivités », n’a pas fait le choix de contribuer au fonds de solidarité mais a décidé de créer un dispositif distinct en dehors de celui-ci.
Dans le cadre du contrôle de légalité des décisions des collectivités locales, la préfète de l’Orne a demandé au Conseil départemental de revoir ses modalités d’intervention afin de se conformer à la loi et a ensuite saisi la juridiction administrative.
« Dans un contexte où les ressources des conseils départementaux risquent d’être fortement sollicitées dans le cadre des compétences sociales dont ils ont la responsabilité pour répondre aux conséquences de la crise sanitaire, les départements ne peuvent intervenir en dehors du cadre légal qui consacre notamment leur rôle prépondérant en matière de protection de l’enfance, d’aides aux personnes en situation précaire ou en perte d’autonomie et aux associations », conclut la préfecture.
Commentaire de Florestan:
On peut aussi avoir une autre lecture de cette affaire qui est celle d'un coup de force "départementaliste" plutôt maladroit du président du conseil départemental de l'Orne contre la loi NOTRe de 2015 qui a confié les compétences du développement économique et du soutien aux entreprises au conseil régional.
En Normandie, Hervé Morin a pris la sage décision d'une co-gestion de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques avec l'Etat avec la mise en place d'une cellule de crise unique et une participation au fonds de solidarité déployé par l'Etat pour n'intervenir que là où il était nécessaire pour suppléer l'Etat jacobin qui, contrairement à ce qu'il prétend, ne peut pas tout faire et tout prévoir...
Du côté des départements, cette co-gestion privilégiée de la crise entre le préfet et le président de la région a été plus ou moins bien perçue: dans l'Orne, le département le plus rural, le plus pauvre et le moins peuplé de Normandie, on a donc été tenté par une sorte de... rébellion qui finira devant les décisions du tribunal administratif de Caen.
S'il y avait eu davantage de coordination entre le conseil régional et les cinq départements normands (il y avait autrefois un "G6" qui se réunissait de temps en temps...) ce genre de péripétie plutôt ridicule ne se serait peut-être pas produite...
Voir aussi l'analyse de la Lettre Eco Normandie (n°1669 12 juin 2020):

https://www.ouest-france.fr/normandie/manche-les-aides-du-departement-aux-petites-entreprises-bloquees-6865791