La Brittany Ferries ferme ses lignes normandes: la mise au point d'Eric VALIN
A partir d'octobre prochain, plus aucun navire de la Brittany ferries ne transportera de passagers à destination de l'Angleterre depuis un port normand:
Toutes les rotations au départ des ports de Cherbourg, Le Havre et Ouistreham seront suspendues sauf le fret marchandises et camions. D'ordinaire pour la saison d'hiver, la compagnie bretonne réduit la voilure sauf qu'en cette année de crise exceptionnelle cumulant les effets du Covid à ceux du Brexit, l'hiver a commencé au 31 août 2020 et devrait durer jusqu'en mars prochain...
Il est logique sinon légitime qu'une entreprise en proie à des difficultés financières et conjoncturelles inédites (la compagnie transmanche a perdu 50% de son chiffre d'affaires depuis le printemps 2020) réduise drastiquement son activité pour ne pas avoir à travailler à perte et pour préserver son capital physique et financier.
Mais nous sommes bien contraints de constater que cette situation d'urgence s'exerce contre les intérêts normands: la ligne historique de la compagnie bretonne, Roscoff- Plymouth est, quant à elle, maintenue alors que les lignes fret passagers normandes qui, d'ordinaire, permettent à cette compagnie structurellement déficitaire d'équilibrer avantageusement ses comptes, sont fermées: il est vrai que le Brexit et le Covid perturbent plus la circulation des personnes que celle des marchandises...
La situation est sérieuse: le maintien sinon la survie de la Brittany ferries est une urgence d'intérêt régional tant pour la Normandie que pour la Bretagne mais aussi d'intérêt national pour la France qui vient de se doter, de nouveau, d'un ministère de la mer après une longue éclipse...
Pour sortir du concert des pleureuses, nous avons proposé ici que les collectivités territoriales normandes (départements de la Manche, du Calvados et région Normandie) qui sont déjà présentes au capital de la compagnie bretonne augmentent leur participation pour que les Normands aient enfin une voix dans un chapitre qui est pour l'instant totalement breton: la crise actuelle nous offre l'occasion d'effacer en partie la grave erreur de perspective qui fut faite en 1986 lorsque fut ouverte la ligne de Ouistréham-Portsmouth, la ligne la plus rentable de la Brittany ferries... Il est vrai qu'en 1986, la Normandie n'existait plus en tant que telle puisqu'elle était coupée en deux et que sur sa partie occidentale régnait un... Breton!
Nous avons demandé à Eric Valin, notre expert normand en intelligence économique et territoriale son analyse du dossier de la Brittany Ferries...
Voici ses réflexions:
Normandie et Brittany Ferries
La compagnie maritime a annoncé, pour cause de crises covid et brexit cumulées, la fermeture de ses liaisons vers la Grande Bretagne à partir des ports normands et certains s'en plaignent ; c'est dommage mais logique, c'est la charité bien ordonnée.
Suite à ce constat certains préconisent la montée en puissance de l'influence de la Région Normandie dans la gestion de cette compagnie et j'admets volontiers que cela serait souhaitable mais un obstacle technique évoqué ci-dessous oblige à trouver un plan B.
Pourquoi nous devons renoncer à la belle idée d'une influence à court terme dans la gestion de Brittany Ferries :
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Pour entrer au capital encore faudrait-il que les actionnaires fassent un appel de fonds suite à une perte importante, actuellement les gestionnaires de la boutique préfèrent solliciter une aide de l'Etat et donc ne pas s'encombrer de nouvelles personnes au tour de table.
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Si appel de fonds il y a, la Normandie serait-elle en mesure d'y répondre financièrement dans l'état actuel des choses et dans le cadre d'une surenchère des actionnaires actuels ?
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Si oui, avant de décider de participer, à quelle hauteur se situe le seuil d'efficacité ; le capital est détenu à 26% par des CCI et à 64% par la SOPARFI qui est une holding d'optimisation financière de droit luxembourgeois.
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C'est à la création Brittany Ferries quand la Normandie était divisée, qu'il aurait fallu montrer une marque d'intérêt autant que faire aurait pu être ; quel a été le comportement des Régions, Ports, CCI normands ? Le bilan reste mais l'histoire ne passe pas deux fois les plats ; tirons en la leçon qu'une démarche d'intelligence économique territoriale à l'époque aurait été utile et ne faisons pas le même genre d'erreur à l'avenir.
Il faudra chercher une solution de rechange, en gardant en mémoire l'initiative de Charles Revet, alors président du Conseil Général 76, sur la ligne Dieppe Newhaven dont le port était devenu la propriété du CG76 et en considérant la nature du lien juridique et réglementaire de la Région Normandie avec les ports concernés....
Il y a de quoi touiller.....
Eric Valin
Commentaire de Florestan:
Le ferry de la ligne Dieppe-Newhaven est le seul qui va demeurer en service tant pour le fret marchandises que pour les passagers... Normal! les collectivités territoriales normandes (Seine-maritime et région Normandie) sont les maîtresses du bord et du port (celui de Dieppe et celui de... Newhaven).