A Rouen, le dilemme monté en... Amazon!
Billet de Florestan:
"Monter en amazone", un livre disponible sur... Amazon!
https://www.amazon.fr/Monter-en-Amazone-Jehanne-Cabaud/dp/2701132940
On peut monter un cheval soit à califourchon (pour les hommes) soit à l'amazone (pour les femmes) avec les deux jambes sur le même flanc du noble animal. Dans les deux cas, il faut éviter de tomber de l'autre côté du cheval, tenir sa monture, éviter qu'elle ne s'emballe... surtout lorsque monté en amazone, l'animal se cabrant, fait choir plus facilement son cavalier ou sa cavalière.
Une fois de plus, le sujet qui suit illustre les deux façons de faire de la politique:
1) Soit servir l'intérêt général en tenant compte de la réalité.
2) Soit ignorer le réel pour servir l'intérêt général confondu avec une idéologie particulière.
Bien entendu, il est désastreux de laisser près d'un tiers du commerce numérique français dans les griffes d'un mastodonte américain dont le patron est l'homme le plus riche du monde avec une fortune personnelle estimée à... 240 milliards de dollars!!!
Bien entendu, il est scandaleux qu'Amazon règle son impôt sur un chiffre- d'affaires déclaré au... Luxembourg et il faut bien tenir compte du fait qu'un emploi créé dans les entrepôts d'Amazon en détruirait deux dans le commerce physique.
Enfin, bien entendu, il est tout aussi inadmissible de constater que cette puissance étrangère s'autorise des libertés conséquentes avec notre législation sociale (le code du travail) et environnementale même si des progrès récents ont été faits: ils savent qu'ils ont une image déplorable tout en se sachant indispensables...
Mais si l'on regarde la réalité rouennaise et normande ce n'est pas l'ouverture d'un grand entrepôt Amazon permettant la création de 2000 emplois sur l'ancien site de la raffinerie de Pétroplus à Petit-Couronne dans la zone portuaire de Rouen qui va menacer directement le commerce du centre-ville de Rouen qui est, en ce moment, beaucoup plus menacé par la décision inepte du gouvernement de fermer les petits commerces réputés non-essentiels dont les librairies ainsi désarmées face à Amazon, ou menacé par la concurrence toujours forte des grandes surfaces de la périphérie d'une agglomération rouennaise qui, disons-le, bénéficie d'une géographie naturelle contraignante qui limite aussi la concurrence directe de ces grandes surfaces sur le commerce du centre-ville.
Bref! ce n'est pas au Maire de Rouen de faire le boulot du ministre de l'Economie à Bercy: il revient à Bruno Lemaire et au gouvernement auquel il appartient et donc, en dernier ressort, au président de la République de décider d'imposer les règles et les limites indispensables pour que le géant Amazon ne soit pas un monstre incontrôlable par exemple, en exigeant que les impôts réellement dus soient payés ou en règlementant strictement l'arnaque commerciale du "Blaque Fraille-Dé"!
Les élus locaux, notamment ceux des grandes villes qui ont un centre-ville commerçant à défendre et à promouvoir devraient, au lieu de faire de l'idéologie stérile, aider les commerçants locaux à numériser leurs commerces, à créer des places de marché virtuelles et à doubler par un portail sur Internet l'offre commerciale physique disponible: la région Occitanie vient de lancer un amazon régional et des grandes villes s'y mettent.
En Normandie, c'est Caen qui a pris de l'avance sur cette affaire stratégique de numériser le commerce physique même si, comme nous l'avions déjà constaté ici-même dans un billet récent, les Normands sont à la traîne et s'en vont en ordre dispersé... comme d'habitude!
On aurait aimé voir le maire de Rouen et le président de la Normandie contractualiser un plan stratégique de numérisation du commerce de notre métropole régionale.
http://normandie.canalblog.com/archives/2020/11/12/38645990.html
On vous épargnera la comparaison entre le site d'Amazon et le portail internet du commerce rouennais... Comme on dit: "Y a pas photo! Y a du boulot!"
La difficile implantation d’Amazon près de Rouen
C’est en terrain miné qu’avance, discrètement, un géant américain du commerce en ligne, dans la banlieue de Rouen, en Seine-Maritime. Dans sa conquête du Grand Ouest, où il n’est pas encore implanté, Amazon – contacté, le groupe n’a pas donné suite – entend ouvrir une gigantesque plate-forme logistique de plus de 160 000 m2, sur trois niveaux, sur 35 hectares de l’ancien site industriel de la raffinerie Petroplus, à Petit-Couronne, en zone portuaire.
Ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, cette usine à colis permettrait de distribuer 330 000 paquets par jour et de créer « 1 839 emplois à temps plein en période de pic d’activité ». Le projet est porté par le fonds chinois Gazeley, spécialiste en immobilier logistique, auquel Amazon fait souvent appel. Une promesse de vente a été signée avec la société Valgo, qui avait acheté le site de l’ex-raffinerie, en 2014, pour le dépolluer et le commercialiser.
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Si le nom de la firme de Jeff Bezos n’apparaît sur aucun document officiel, il est sur toutes les lèvres depuis des mois. « C’est un secret de Polichinelle », déclare au Monde le président PS de la Métropole Rouen Normandie, Nicolas Mayer-Rossignol, qui a « échangé avec les gens d’Amazon avant l’été ». La récente ouverture d’une petite agence de livraison Amazon, à Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen, témoigne également du fort intérêt du groupe pour ce bout de Normandie.
« Le projet reprend son cours »
La partie s’avère cependant loin d’être gagnée. Au-delà de l’opposition politique, associative et commerçante croissante, le premier caillou dans la chaussure d’Amazon est d’ordre sécuritaire. L’enquête publique a abouti à un avis favorable, fin octobre, mais le risque incendie, dans une métropole marquée par la catastrophe industrielle de Lubrizol, s’est invité dans le dossier. Deux rapports alarmants, rédigés par le service d’incendie (...)
Lire la suite sur le site du Monde.
Après la publication d’un rapport alarmant du SDIS, le Conseil de l’Environnement et des Risques sanitaires et technologiques devait rendre son avis sur l’implantation d’un entrepôt Amazon à Petit-Couronne. Le préfet de Seine-Maritime a reporté cette échéance à juillet 2021.
Voilà une décision qui ne va faire que des mécontents. Partisans comme opposants à l’implantation d’un entrepôt Amazon sur le site de l’ancienne raffinerie Petroplus à Petit-Couronne vont encore devoir prendre leur mal en patience. En effet, l’enquête publique s’étant achevé le 25 septembre dernier, le CoDERST (Conseil de l’Environnement et des Risques sanitaires et technologiques) devait rendre son avis la semaine dernière. Mais il n’en a rien été. Le projet, piloté par le promoteur immobilier Gazeley, a été retiré de l’ordre du jour. Dans un arrêté publié le 4 novembre dernier par la préfecture de Seine-Maritime, le préfet indique que vu les conclusions du commissaire enquêteur et en accord avec le promoteur, il proroge de 6 mois à compter du 23 janvier 2021 le délai « pour statuer sur la demande d’autorisation environnementale déposée par la société Gazeley ».
Risques sanitaires et sécuritaires
Pour rappel, le 20 octobre dernier, le commissaire enquêteur rendait un avis favorable pour l’implantation de cet énorme entrepôt de plus de 160 000 m2 malgré l’avis consultatif émis par la Métropole de Rouen Normandie qui s’était prononcée contre en raison notamment d’un rapport alarmant du Service départemental d'incendie et secours (SDIS) qui concluait que « les sapeurs-pompiers seraient confrontés à une impossibilité opérationnelle de limiter la propagation d’un incendie en cas de non maitrise de ce dernier par le système de sprinklage [ndlr: extincteur automatique à eau]».
Le rapport précisait également que l’Institut National de l’Environnement industriel et des risques « ne peut se prononcer sur les effets possibles de gêne sur les personnes ni des retombées possibles de composant présentant une toxicité chronique » en cas d’incendie de l’entrepôt. De quoi rappeler de mauvais souvenir à toute une population victime des conséquences de l’incendie de l’usine Lubrizol en septembre 2019. Le commissaire enquêteur recommandait alors que soit « explicitement analysées les mesures propres à répondre aux observations du SDIS ».
Les quantités d'eau projetées dans le cadre de la lutte contre l'incendie du bâtiment pourraient dépasser les capacités de rétention des bassins... et engendrer un risque de pollution des sols et de la Seine »
LE DILEMME AMAZON
Le géant américain du commerce en ligne, Amazon, souhaite implanter un entrepôt de 160000 m² à Petit-Couronne, sur le site de Petroplus. La majorité des élus de la Métropole Rouen – Normandie s’insurge. Avec des arguments de valeurs inégales, mais qu’il faut analyser dans leur contexte.
Amazon écrase le petit commerce : c’est vrai. Autant, et peut-être plus à terme que la grande distribution dans ses hypermarchés. Mais, outre le fait que le E-commerce n’en est qu’à ses débuts et est plébiscité par les consommateurs, ce qui peut paraître anormal, c’est qu’Amazon, avec sa puissance financière et son envergure mondiale, jouisse, pour l’instant, d’une situation de quasi monopole, se transformant à peine en oligopole avec quelques concurrents qui se réveillent. Là, d’ailleurs, est le véritable problème : les opérateurs hexagonaux interviennent avec retard et le commerce en ligne n’apparaît dans les boutiques de ville qu’à la faveur – si l’on peut dire – de la crise virale et de l’absurde confinement du commerce de détail. La crise virale étant passée, nul doute que le E-commerce continuera à se développer. Les pouvoirs publics seraient avisés d’aider les petits commerçants à s’informatiser et se digitaliser pour ainsi s’adapter aux nouvelles conditions des échanges.
Bref, quoi qu’on en dise,, il y a un caractère inéluctable à cette évolution et la protestation moralisatrice et hypocrite d’idéologues jusqu’alors peu favorables au monde du petit commerce paraît suspecte et démagogique.
Amazon tue plus d’emplois qu’il n’en crée : ce n’est pas faux, mais l’écart n’est pas aussi grand qu’on ne le dit. D’une part, et ce n’est pas par philanthropie, Amazon se fournit en partie auprès des entreprises, y compris locales, qui fabriquent les denrées que le géant du E-commerce distribue. D’autre part, il crée des emplois dans ses entrepôts. La vraie question devrait être : s’agit-il d’emplois très qualifiés et, partant, bien payés ?
Autre question : ce système ne favorise-t-il pas les importations étrangères ? La seule réponse serait que les manufactures françaises se réveillassent enfin de leur léthargie et de la désindustrialisation ambiante depuis des années.
Amazon ne paie pas d’impôts, etc. Il est du ressort du Gouvernement de prendre les mesures adéquates pour faire cesser ce scandale français parce qu’européen…
Deux critiques environnementales ont été émises par les opposants : une augmentation du trafic routier et les risques d’incendie. Elles sont réelles. Il faut suivre les injonctions des pompiers lors de la construction de la plate-forme et il faut canaliser les flux d’une manière globale dans l’agglomération.
On comprend dès lors que le Préfet de la Seine-Maritime proroge le délai d’instruction pour cette implantation. Faisons le bilan de l’affaire :
Les grands principes de moralité sont à mettre en balance avec le principe de réalité. Si Amazon ne peut s’implanter à Petit-Couronne, il ira plus loin et cela ne changera en rien les conséquences pour le petit commerce.
Le principe de précaution qui est invoqué pour éviter les conséquences environnementales ne peut être un frein dès lors que la puissance publique impose ses exigences de sécurité et d’organisation des flux.
Il faut arrêter les flots de moraline et de démagogie facile à visées électoralistes.
« Appuyez-vous sur les principes, ils finissent toujours par céder » (Talleyrand)
Cercle C.N.O. de Rouen – Rive Gauche, le 20 novembre 2020