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L'ETOILE de NORMANDIE, le webzine de l'unité normande
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9 décembre 2020

Il faut une politique régionale normande du PATRIMOINE NORMAND!

Le Nouveau Maître de Rouen a décidé de fermer sine die la plus grande abbatiale de Normandie pour "raisons de sécurité"... avant d'engager des travaux de restauration dont on ne connaît ni la date ni l'ampleur.

https://france3-regions.francetvinfo.fr/normandie/seine-maritime/rouen/abbatiale-saint-ouen-rouen-ferme-temporairement-raisons-securite-1888994.html

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https://fr.smarttravelapp.com/poi/11478/Abbaye-Saint-Ouen-.html

A quelques mois des prochaines élections régionales, cette décision symboliquement consternante est l'occasion pour nous de réfléchir sur un projet normand pour le patrimoine.

Deux récents rapports du Sénat font des propositions utiles qui peuvent nous guider. Elles nous permettent et nous incitent à compléter l'action actuelle de la Normandie engagée dans le dispositif « Patrimoine en Création(s) ».
A l'époque de l'ex-Haute-Normandie, le CESER avait commis un rapport précurseur rédigé en 1988 et qui demeure toujours d'actualité quant à l'intérêt pour le développement économique régional de valoriser un patrimoine et une culture enracinés dans le territoire normand. Ce rapport du CESER ex HN utilisait des verbes d'action: "écouter, informer, développer,  former,  impliquer, faciliter".  Aujourd'hui, le Sénat écrit: "protégerrénovervaloriser".
Un projet pour notre patrimoine  ne pourrait s'inscrire que sur le long terme et reposer sur une présentation et un projet multifacettes. L'idée serait de créer un institut ou une agence du patrimoine normand, afin de ne pas le réduire au seul aspect culturel, muséal, archéologique ou conservatoire mais de l'inscrire dans le prolongement des attributions du Comité Régional du Tourisme ou plutôt de l'Agence de Développelment de Normandie en tant que ressource territoriale majeure et stratégique de l'économie régionale normande.
Compte tenu du délabrement actuel des politiques patrimoniales de l'Etat central, le temps est venu de soustraire le patrimoine normand du champ du ministère de la culture.

Pour tracer le début d'une route pouvant aller dans ce sens, le  20 novembre 2017 la présidence normande avait annoncé la création d'un "comité régional du patrimoine" à l'occasion d'une séance plénière du conseil régional de Normandie...

Pour mémoire, citation du communiqué de presse de l'époque diffusé par le conseil régional (21 novembre 2017):


 CRÉATION D’UN COMITÉ RÉGIONAL DU PATRIMOINE

Au titre de sa politique culturelle et patrimoniale, la Région souhaite renforcer le développement du patrimoine et l’attractivité du territoire. Dans ce cadre, les élus régionaux ont décidé, ce jour, la création d’un Comité régional du patrimoine et le déploiement de deux  nouveaux dispositifs.

Le Comité régional du patrimoine

Le Comité régional du patrimoine réunira aux côtés de la Région Normandie, les cinq Départements normands, la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Normandie (DRAC), la Fabrique de patrimoines en Normandie et la Fondation du patrimoine. Ce comité a pour objectifs :

  • d’animer un réseau de partenaires publics et privés du patrimoine, d’échanger sur les bonnes pratiques et de renforcer la professionnalisation des acteurs

  • de réaliser un diagnostic des forces et faiblesses du patrimoine culturel normand,

  • de définir un plan d’actions partagé.


     Mais, force est de constater que nous n'avons aucune nouvelle de ce comité... fantôme! Est-ce parce que la DRAC Normandie est devenue, elle-même, fantômatique en matière de protection de notre patrimoine régional?

Conscient du délitement des politiques publiques consacrées au patrimoine historique et architectural, le Sénat s'est penché sur la question et a commis, récemment, un rapport dont on trouvera le résumé ci-après. On notera que la co-reportrice dudit rapport est la sénatrice caennaise et normande Sonia de la Provôté: elle connaît bien le sujet pour y avoir été confrontée régulièrement à Caen où sévit une promotion immobilière laissée toute puissante par un Architecte des Bâtiments de France démissionnaire sinon incompétent...

En raison du désengagement de l'Etat via les DRAC et leurs services spécialisés de l'Archéologie, de l'Architecture et du Patrimoine, les élus locaux, notamment les maires, se retrouvent en première ligne avec un manque de financement et d'expertise (quand il ne s'agit pas, hélas, aussi d'un manque d'intérêt) pour traiter la question des urgences patrimoniales dans leur commune.

 

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) sur les maires face au patrimoine historique architectural : protégerrénovervaloriser,

Par M. Michel DAGBERT et Mme Sonia de la PROVÔTÉ,

Sénateurs

déposé le 13 mai 2020

 

(1) Cette délégation est composée de : M. Jean-Marie Bockel, président ; M. Daniel Chasseing, Mme Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc Daunis, François Grosdidier, Charles Guené, Antoine Lefèvre, MM. Alain Richard, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; MM. François Bonhomme, Bernard Delcros, Christian Manable, secrétaires ; MM. François Calvet, Michel Dagbert, Philippe Dallier, Mmes Frédérique Espagnac, Corinne Féret, Françoise Gatel, M. Hervé Gillé, Mme Michelle Gréaume, MM. Jean-François Husson, Éric Kerrouche, Dominique de Legge, Jean-Claude Luche, Jean Louis Masson, Franck Montaugé, Philippe Mouiller, Philippe Nachbar, Rémy Pointereau, Mmes Sonia de la Provôté, Patricia Schillinger, Catherine Troendlé, MM. Raymond Vall, Jean-Pierre Vial.

LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS

Recommandation n° 1 : Associer les jeunes générations aux enjeux du patrimoine comme vecteur d'identité partagée, en mobilisant les ministères de l'Éducation nationale et de la Culture afin d'inclure dans les programmes scolaires des actions de sensibilisation à la richesse du patrimonial historique et architectural local.

Recommandation n° 2 : Encourager les Français au « patriotisme patrimonial et culturel » en mobilisant les élus locaux pour soutenir et relayer au maximum, au niveau local, l'initiative « Cet été je visite la France », notamment en favorisant toutes les actions incitant les jeunes à se réapproprier le patrimoine de proximité.

Recommandation n° 3 : Profiter des interventions menées sur le patrimoine bâti architectural pour en faire un outil à part entière de valorisation économique : au service de l'emploi artisanal local, du dynamisme commercial et touristique, et de la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs.

Recommandation n° 4 : Ne pas déconnecter la protection et la valorisation du patrimoine bâti architectural des enjeux d'urbanisme et d'environnement en inscrivant pleinement celui-ci dans un projet de territoire.

Recommandation n° 5 : Profiter de la nouvelle mandature municipale qui s'ouvre pour développer l'approche pluridisciplinaire faisant du patrimoine un élément à part entière de l'aménagement du territoire et l'intégrer plus systématiquement aux documents d'urbanisme.

Recommandation n° 6 : Lancer, sous l'égide du ministère de la Culture et pilotée par les DRAC, une opération nationale coordonnée d'inventaire précis du patrimoine protégé et non protégé, s'appuyant sur des inventaires décentralisés réalisés par les maires, en collaboration avec les services de l'inventaire régional et les associations de protection du patrimoine.

Recommandation n° 7 : Encourager les maires, lors de l'élaboration des documents d'urbanisme, à privilégier l'utilisation du PLU ou du PLUI comme outil de préservation et de valorisation du patrimoine protégé et non protégé, afin de réaliser les bons diagnostics et les propositions d'intervention les plus pertinentes sur le bâti.

Recommandation n° 8 : Rendre plus actif le patrimoine en sensibilisant les maires au développement de nouveaux usages du patrimoine historique bâti dont les communes sont propriétaires, notamment la reconversion en logements, en commerces, ou encore en lieux de vie ou de services aux usagers.

Recommandation n° 9 : S'agissant en particulier des églises, encourager les maires à privilégier le recours au bail emphytéotique plutôt que la vente et à envisager, avec l'accord de l'affectataire, de nouveaux usages mixtes pour préserver leur dimension cultuelle.

Recommandation n° 10 : Rendre plus vivant le patrimoine en encourageant les maires à mettre en place des animations ou à organiser des événements autour des sites patrimoniaux, qui associent les habitants afin que ceux-ci s'approprient le patrimoine et soient incités à le valoriser.

Recommandation n° 11 : Privilégier les opérations de réhabilitation du bâti existant plutôt que les constructions nouvelles afin de préserver et valoriser le patrimoine, en particulier dans le cadre des initiatives de revitalisation des centres-villes et des centres bourgs.

Recommandation n° 12 : Encourager les maires à déployer des projets innovants et hybrides mêlant la protection du patrimoine, le développement du commerce, de la culture et de l'éducation, en envisageant, par exemple, la mise à disposition d'un édifice ou d'un bâtiment communal d'intérêt patrimonial à des artistes ou des associations en échange d'un projet de réhabilitation autofinancé.

Recommandation n° 13 : Encourager les maires à faire labelliser le patrimoine de leur commune quand cela est possible et à profiter du coup de projecteur désormais offert par les sites de tourisme et surtout les réseaux sociaux.

Recommandation n° 14 : Mettre à disposition des maires des « fiches conseil » rédigées par les architectes des bâtiments de France (ABF) pour les aider à effectuer un diagnostic patrimonial et les éclairer sur les questions réglementaires.

Recommandation n° 15 : Prévoir, en début de mandat municipal, une rencontre entre l'architecte des bâtiments de France (ABF) et le maire, sous la forme d'un module de formation aux enjeux de préservation et de valorisation du patrimoine, afin d'amorcer un dialogue systématique.

Recommandation n° 16 : Demander au ministère de la Culture de missionner les architectes des bâtiments de France (ABF) pour qu'ils édictent, en partenariat avec les associations locales de maires, des brochures et des guides d'entretien à destination des communes propriétaires, et qu'ils assurent une mission de conseil en matière d'entretien.

Recommandation n° 17 : Encourager les maires à flécher des financements en direction de l'entretien des monuments afin d'éviter des travaux lourds de restauration futurs.

Recommandation n° 18 : S'inspirer de l'expérience menée avec succès en Bretagne, en généralisant, au niveau des DRAC, l'assistance à maîtrise d'ouvrage en direction des petites communes et des communes rurales, en particulier s'agissant du patrimoine non protégé.

Recommandation n° 19 : Encourager les maires à solliciter l'assistance à maîtrise d'ouvrage, gratuite et de droit, des services de l'État s'agissant du patrimoine inscrit ou classé, en recourant aux services des architectes des monuments historiques.

Recommandation n° 20 : Encourager les maires à solliciter plus systématiquement les Architectes conseils de l'État (ACE) en particulier : dans leur mission d'information et de conseil ; d'accompagnement et de médiation avec les ABF ; lors de l'élaboration des documents d'urbanisme ; et sur les projets concernant le patrimoine contemporain.

Recommandation n° 21 : Inciter les maires, en début de mandat, à suivre les formations courtes dispensées dans les territoires par les CAUE en matière de protection et de valorisation du patrimoine.

Recommandation n° 22 : Préserver les CAUE au niveau départemental et inciter les maires à recourir à leurs services en matière de connaissance et d'identification du patrimoine, notamment à travers l'élaboration de cartographies patrimoniales s'appuyant sur les outils numériques.

Recommandation n° 23 : Inciter les maires, notamment des petites communes rurales, à recourir plus systématiquement aux services des CAUE, en particulier pour envisager les transformations d'usage du patrimoine bâti existant.

Recommandation n° 24 : Encourager les maires à recourir aux architectes pour réaliser un inventaire patrimonial de l'ensemble de la commune et pour réunir les compétences nécessaires aux interventions sur le patrimoine bâti.

Recommandation n° 25 : Lutter contre la perte des compétences dédiées au patrimoine en missionnant le ministère de l'Éducation nationale, en partenariat avec celui du Travail et celui de la Culture, pour :

- conduire une campagne de sensibilisation auprès des étudiants afin de les encourager à s'orienter vers les métiers des filières techniques et artisanales ;

augmenter le nombre de places ouvertes dans les concours d'accès à ces filières ;

créer une filière spécialisée sur le patrimoine et la restauration.

Recommandation n° 26 : Prévoir un volet « patrimoine » dans les missions de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT).

Recommandation n° 27 : Mettre en place, auprès du préfet de département, une réunion « patrimoine » dédiée au sein de l'ANCT associant tous les acteurs de la protection et de la valorisation du patrimoine, réunie à la demande du maire pour fournir l'ingénierie nécessaire aux projets, et disposant d'un référent administratif désigné au sein de la DRAC.

Recommandation n° 28 : Missionner cette réunion « patrimoine » dédiée de l'ANCT pour établir une programmation pluriannuelle des investissements de l'État et des communes en matière patrimoniale distinguant bien les dépenses d'entretien et celles de restauration.

Recommandation n° 29 : Encourager les maires à solliciter plus systématiquement les aides déployées par les départements et les régions, que ce soit en matière de financement ou en matière d'ingénierie, au service de l'entretien et de la valorisation du patrimoine bâti architectural communal.

Recommandation n° 30 : Préserver et renforcer, dans les prochaines lois de finances, les moyens dédiés au Fonds incitatif et partenarial pour les petites communes.

Recommandation n° 31 : Encourager les maires à solliciter le soutien financier et technique de la Banque des Territoires qui accompagne, en ingénierie et en investissements financiers, les porteurs de projets dans le domaine de la préservation et de la valorisation du patrimoine remarquable.

Recommandation n° 32 : Pérenniser le dispositif du Loto du patrimoine en supprimant définitivement les taxes qui pèsent sur lui afin de se prémunir contre un risque de baisse des recettes dans les années à venir.

Recommandation n° 33 : S'appuyer sur l'aide des fondations et des associations de protection du patrimoine pour participer au financement des projets, organiser des formations, piloter des chantiers de bénévoles, ou conduire des actions de sensibilisation du public (en particulier auprès des jeunes), aux enjeux du patrimoine.

Recommandation n° 34 : Sensibiliser les maires à la faculté de faire appel à des structures associatives ou des cabinets privés pour leur fournir une assistance à maitrise d'ouvrage et des prestations de conseil sur des projets de protection, restauration ou valorisation du patrimoine.

Recommandation n° 35 : Encourager les maires à recourir aux différents outils de collectes de dons (mécénat, souscriptions), notamment les plus innovants (plates-formes de financement participatif etc.) pour mobiliser des fonds privés en faveur de la préservation du patrimoine architectural et monumental local.

Recommandation n° 36 : Sensibiliser les maires à la possibilité d'opter pour une gestion déléguée d'un site patrimonial remarquable lorsque cela est financièrement plus rentable, au profit d'un opérateur public comme le Centre des monuments nationaux, ou un opérateur privé spécialisé qui assumera seuls les coûts de gestion.


Le 22 juillet 2020, la commission de la Culture du Sénat proposait un nouveau rapport sur le même sujet: l'urgence patrimoniale déjà vive en ce qui concerne le défaut d'entretien régulier des monuments et les problèmes posés par certains mésusages, s'est aggravée avec la crise sanitaire et économique du Covid qui a mis à terre l'économie résidentielle, culturelle et touristique générée par le patrimoine:

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 juillet 2020

RAPPORT D'INFORMATION

 

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur les notes de synthèse des groupes de travail sectoriels sur les conséquences de l'épidémie de Covid-19,

Par Mme Catherine MORIN-DESAILLY

I. PATRIMOINE

Le groupe de travail « Patrimoine » de la commission de la culture animé par Alain Schmitz (Yvelines, LR) est composé de Catherine Dumas (Paris, LR), Jean-Pierre Leleux (Alpes-Maritimes, LR), Marie-Pierre Monier (Drôme, socialise et républicain), Sonia de la Provôté (Calvados, UC) et Dominique Vérien (Yonne, UC).

Le groupe de travail « Patrimoine » a été mis en place à l'initiative du bureau de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat le mardi 14 avril 2020, afin d'examiner l'impact de la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 dans le domaine du patrimoine et de suivre sa gestion par le Gouvernement.

Il a consacré l'essentiel de ses travaux aux enjeux liés à la protection du patrimoine monumental, compte tenu des conséquences terribles de l'épidémie sur les chantiers de restauration du patrimoine. Il s'est également penché sur la situation des opérateurs du ministère de la culture dans le champ des patrimoines, au regard, d'une part, du rôle central joué par ces établissements dans la conservation, la valorisation et la diffusion du patrimoine au plus grand nombre et, d'autre part, de leur contribution au rayonnement de la France dans le domaine artistique et culturel.

Dans le cadre de ses travaux, il a auditionné Philippe Barbat, directeur général des patrimoines au ministère de la culture, Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux (CMN) et Chris Dercon, président de la Réunion des musées nationaux - Grand Palais (RMN-GP).

Sur les questions relatives au patrimoine monumental stricto sensu, il a entendu Gilles de Laâge et Frédéric Létoffé, co-présidents du Groupement des entreprises de restauration des monuments historiques (GMH), Olivier de Lorgeril, président de la Demeure historique (DH), Philippe Toussaint, président des Vieilles Maisons françaises (VMF), Fabien Sénéchal, architecte des bâtiments de France à la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Bretagne et président de l'Association nationale des architectes des bâtiments de France (ANABF), ainsi qu'Henry Masson, chef de la conservation régionale des monuments historiques à la DRAC de Bretagne.

Ces auditions lui ont permis de mesurer à quel point le secteur des patrimoines se retrouvait lui aussi considérablement affecté par les conséquences de l'épidémie de Covid-19 en France, au risque de saper les efforts entrepris ces dernières années pour faire du patrimoine une « cause nationale », comme l'avait déclaré le Président de la République Emmanuel Macron lors d'une réception organisée le 31 mai 2018 en l'honneur des personnalités engagées pour le patrimoine.

La fermeture au public des musées et monuments comme l'interruption des chantiers de restauration ont des répercussions significatives sur l'emploi, les différentes filières économiques et l'accès à la culture. La reprise de l'activité n'est, aujourd'hui encore, que balbutiante et de nombreuses incertitudes demeurent sur les modalités de reprise d'un certain nombre d'activités. Dans ce contexte, le risque de faillites, susceptibles de déstabiliser durablement le secteur et de conduire à la disparition de nombreux savoir-faire, reste particulièrement important.

Les membres du groupe de travail sont convaincus que le patrimoine doit constituer l'un des axes du plan de relance.

D'une part, la relance du secteur du patrimoine répond à des enjeux économiques. Avant la crise, le patrimoine représentait, en chiffres d'affaires cumulés, près de 8 milliards d'euros, soit près de 1,4 % du PIB. Il s'agit d'un secteur essentiel au dynamisme économique de notre pays et à l'attractivité de nos territoires. Il participe à l'amélioration du cadre de vie des Français et constitue un atout déterminant pour accroître le potentiel de développement touristique de notre pays.

Ce n'est pas un hasard si le patrimoine a d'ailleurs constitué, après la crise économique de 2008l'une des quatre priorités du programme d'investissements qui avait été mis en place. 100 millions d'euros supplémentaires avaient alors été alloués pour des investissements dans le domaine de la culture et du patrimoine historique, au regard des effets attendus de ces financements à court et à long termes sur l'activité économique, l'emploi et le redressement du potentiel de la croissance économique.

D'autre part, les membres du groupe de travail estiment que le patrimoine peut constituer une réponse à la crise de confiance et à la perte de repères suscitées par la crise sanitaire actuelle. Il est un marqueur important de l'identité collective de la France, un objet de fierté et un trait d'union entre les Français. Aussi peut-il jouer un rôle significatif pour renforcer de manière concrète la cohésion entre les citoyens, au plus près des territoires, mais aussi, dans une certaine mesure, contribuer à « réenchanter » leur quotidien aujourd'hui bousculé.

Les recommandations que le groupe de travail a formulées visent à répondre à ces préoccupations. Celui-ci s'est efforcé de construire des propositions équilibrées et raisonnables au regard des fortes sollicitations dont nos finances publiques font déjà aujourd'hui l'objet. La plupart des propositions du groupe de travail correspondent à des recommandations formulées de longue date par la commission de la culture du Sénat, tant la crise sanitaire actuelle n'a, en fin de compte, fait qu'exacerber les difficultés rencontrées par ce secteur.

A. LE SPECTRE D'UNE CRISE DURABLEMENT ANCRÉE

1. De vives inquiétudes en matière de restauration des monuments historiques

a) Un impact économique atténué à court terme grâce aux aides d'urgence

Le ministère de la culture a rapidement mis en place une cellule d'écoute et d'information à l'intention des professionnels du patrimoine au sein des services du ministère afin de répondre au mieux à leurs demandes et à leurs interrogations.

Le groupe de travail tient à saluer les efforts du ministère de la culture pour adapter les critères d'octroi des mesures générales de soutien mises en place par le Gouvernement afin d'en faciliter l'accès aux entreprises et professionnels du patrimoine.

Les entreprises de restauration des monuments historiques ont confirmé avoir pu accéder aux dispositifs de soutien, ce qui leur avait permis de surmonter leurs problèmes de trésorerie à court terme. Elles ont également salué la célérité avec laquelle les factures pendantes avaient été réglées par les différentes collectivités publiques.

Les propriétaires d'un monument historique en société civile immobilière (SCI) ouvert au public ont, de leur côté, eu accès au fonds de solidarité, au dispositif du report de charges, ainsi qu'à celui de garantie des prêts par l'État.

La création d'un fonds de solidarité destiné aux professionnels des métiers d'art, directement géré par l'Institut national des métiers d'art, est encore à l'étude.

 b) Une reprise des chantiers délicate

Malgré la publication, dès le 2 avril, d'un guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de construction destiné à faciliter la reprise progressive des chantiers, l'activité demeure, aujourd'hui encore, faible et considérablement ralentie.

Les raisons en sont nombreuses : refus de certains maîtres d'ouvrage, en particulier publics, d'autoriser la reprise du chantier en application d'un principe de précaution ; inquiétudes des entreprises de restauration sur leur capacité à garantir à leurs employés des conditions de travail suffisamment sécurisées ; difficultés financières de certaines entreprises ; pénurie de matières premières ; difficultés à coordonner les différents corps de métiers intervenant sur un même chantier...

De fait, la reprise se révèle plus aisée pour les petits chantiers ou pour ceux situés en zones rurales. Elle est également plus évidente pour les chantiers déjà soumis à des conditions de sécurité renforcées du fait, par exemple, d'un risque d'exposition au plomb. Elle s'avère en revanche terriblement complexe pour les chantiers situés dans des zones densément peuplées ou pour les chantiers en co-activité.

Comme pour l'ensemble du secteur de la construction, se pose la question de la prise en charge des surcoûts liés aux mesures sanitaires, qui atteindraient en moyenne 15 %, et aux retards que celles-ci entraîneront par rapport à la date prévue de livraison des travaux. L'ampleur des surcoûts et des retards dépend largement de la dimension des chantiers : plus le chantier est important et fait intervenir de multiples entreprises et corps de métiers, plus les surcoûts sont élevés et les retards significatifs.

Compte tenu de leurs faibles marges, les entreprises de restauration des monuments historiques indiquent ne pas être en mesure d'assumer ces surcoûts seules. Elles demandent que des consignes soient données au niveau national sur les modalités de leur répartition, afin d'éviter que cette question ne donne lieu à des tours de table interminables entre maîtres d'ouvrage, maîtres d'oeuvre et entreprises. Aucune décision n'a encore été prise à ce stade. Sans attendre, certaines DRAC ont fait le choix d'inclure ces surcoûts dans le montant de la dépense subventionnable, de manière à alléger leur poids pour les entreprises. Le groupe de travail estime que cette pratique mériterait d'être généralisée.

Lors de son audition par le groupe de travail, Gilles de Lâage, co-président du GMH, a indiqué que la mise en place à titre strictement temporaire d'assouplissements au temps de travail, une fois les risques liés à la propagation de l'épidémie levés, pourrait favoriser le rattrapage d'une partie du retard accumulé depuis le début de l'année et accroître le niveau d'activité de leurs entreprises. Les membres du groupe de travail sont partagés au sujet de cette proposition.

 c) Des conséquences inéluctables à moyen terme

Le secteur de la restauration de patrimoine devrait se retrouver durablement impacté par l'épidémie de Covid-19. Les personnes que le groupe de travail a entendues ont estimé qu'un rattrapage de l'activité perdue pendant la période d'interruption serait impossible au regard du rythme ralenti auquel les chantiers reprennent.

Les perspectives d'activité d'ici la fin de l'année sont aujourd'hui réduites, compte tenu des retards pris dans la délivrance des autorisations d'urbanisme pendant la période de confinement et de l'absence d'ouverture du moindre appel d'offres depuis la mi-mars.

Deux facteurs supplémentaires attisent les inquiétudes :

- d'une part, le contexte électoral. Le renouvellement des équipes municipales peut entrainer des changements d'approche en matière culturelle et se traduire par l'abandon de plusieurs projets initiés par les équipes précédemment en place. Les craintes sont d'autant plus fortes dans le contexte économique actuel, où les finances des collectivités territoriales sont mises à rude épreuve. En outre, le report des élections municipales contribue à l'atonie actuelle et explique sans doute très largement l'absence de nouveaux appels d'offres au cours des dernières semaines ;

- d'autre part, la capacité des propriétaires privés à financer les travaux d'entretien ou de restauration qu'ils projetaient dans les mois à venir, en l'absence de recettes générées par leur activité d'ouverture au public. Le risque qu'ils décident de reporter ou de renoncer à ces travaux est aujourd'hui élevé.

Au regard de la fragilité des entreprises de restauration des monuments historiques qui préexistait à la crise sanitaire, le dépôt de bilan et la faillite d'un certain nombre d'entre elles apparaissent inévitables. Ils auraient des conséquences en cascade sur les chantiers en co-activité sur lesquelles elles intervenaient et sur la formation aux métiers du patrimoine, auxquels il convient d'être vigilant.

2. Une situation des opérateurs préoccupante

 a) Une sévérité des dommages corrélée au taux des ressources propres au sein du budget de l'opérateur

La crise sanitaire n'a pas épargné les établissements publics, au premier rang desquels les principaux opérateurs de l'État. Ses conséquences sont particulièrement douloureuses pour les opérateurs dont le montant des ressources propres excède largement le montant des subventions qu'ils perçoivent. La RMN-GP, l'établissement public du château de Versailles, le musée Picasso, le musée du Louvre, le Centre des monuments nationaux ou le Musée d'Orsay sont des établissements dont le budget est majoritairement constitué par leurs ressources propres.

La fermeture des établissements se traduit par d'importants manques à gagner sur les différentes catégories de ressources propres, en particulier :

- la billetterie ;

- la médiation et les différents services aux visiteurs, par exemple les visites guidées, les ateliers, les audioguides ou les services de restauration gérés directement par les établissements ;

- la vente des publications et des produits dérivés du fait de la fermeture associée des librairies et boutiques, y compris, dans la majorité des cas, de la vente en ligne ;

- les activités culturelles annexes, à savoir les spectacles produits ou coproduits, les activités des auditoriums ou les recettes de formations ;

- les opérations de valorisation du domaine, qui recouvrent par exemple les redevances de concessions, les prises de vues et tournages, les locations d'espaces publicitaires ou les locations d'espaces pour de l'événementiel.

La demande répétée de l'État au cours des dernières années d'accroitre le niveau de leurs ressources propres les a rendus plus vulnérables face à ce type de crise.

b) Des risques persistants en dépit de la reprise programmée de l'activité

Même une fois le redémarrage complet de leurs activités possible, les opérateurs ne cachent pas leurs inquiétudes concernant leurs perspectives pour la fin de l'année 2020 et l'année 2021 en raison de deux incertitudes majeures.

 Ø La première concerne la reprise de la fréquentation.

Même si le Premier ministre n'a pas exclu, lors de sa conférence de presse du 28 mai 2020, la possibilité d'une réouverture des frontières extérieures à l'Europe, en coordination avec les partenaires européens, le nombre de touristes étrangers susceptible de se rendre en France cet été sera sans doute extrêmement réduit, alors qu'ils constituent une part majoritaire des publics de plusieurs établissements. Le musée du Louvre, dont 80 % des visiteurs proviennent de l'étranger, s'attend à une fréquentation située à 30 % de son niveau habituel au moment de sa réouverture.

L'attention des établissements se focalise donc sur l'attitude qu'adopteront les visiteurs français, oscillant entre l'envie de renouer avec des pratiques culturelles et la peur de s'exposer au virus en fréquentant un lieu public. D'après les informations recueillies par le groupe de travail, le public se serait très largement montré au rendez-vous pour visiter les premiers monuments autorisés à rouvrir après la levée du confinement le 11 mai, mais la fréquentation aurait eu tendance à stagner ensuite. Des efforts de communication apparaissent donc indispensables pour rassurer les publics.

 Ø La seconde porte sur les recettes de mécénat.

Les opérateurs anticipent une baisse des recettes liées au mécénat à compter du second semestre, sans être pour autant en mesure à ce stade d'en mesurer l'ampleur.

Plusieurs facteurs étayent ces craintes :

- un effet d'éviction créé par l'élan de générosité en faveur de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Cet effet a été particulièrement ressenti par le Centre des monuments nationaux, qui fait traditionnellement appel au mécénat pour financer partiellement un certain nombre d'opérations de restauration sur ses monuments ;

- la réduction de 60 % à 40 %, à compter de l'exercice 2020, de l'avantage fiscal accordé aux entreprises pour les versements effectués au titre du mécénat excédant 2 millions d'euros, en application de la nouvelle rédaction de l'article 238 bis du code général des impôts résultant de l'article 134 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 ;

- les difficultés financières des entreprises à la suite de la crise sanitaire ;

- la baisse de l'attractivité des actions de mécénat dans le domaine culturel dans le contexte de la crise sanitaire, où les entreprises privilégient en premier lieu les dons au profit des institutions sanitaires.

Ce sujet préoccupe également les associations de sauvegarde du patrimoine, comme la Fondation du patrimoine, qui financent une part croissante de leurs opérations par le biais de dons émanant des particuliers et des entreprises. Cette fondation anticipe une forte réduction de ses ressources liées au mécénat l'an prochain.

Dans ce contexte incertain, la direction générale des patrimoines du ministère de la culture a indiqué qu'elle évaluait à 400 millions d'euros le montant des pertes de ses opérateurs d'ici la fin de l'année 2020.

 

B. LES PRÉCONISATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL POUR PRÉSERVER LA DYNAMIQUE EN MATIÈRE DE PROTECTION DU PATRIMOINE

1. Les questions relatives au budget de l'État

a) Un besoin impérieux de maintien des financements

Il apparaît primordial que le patrimoine ne serve pas de variable d'ajustement dans les prochains mois face aux besoins engendrés par la crise sanitaire, alors que nos monuments et nos musées sont essentiels à la relance, que ce soit en tant que vecteur d'émancipation pour les citoyens, que levier de cohésion ou que facteur de rayonnement de notre pays et d'attractivité de nos territoires. La disparition de la réserve parlementaire en 2017 prive aujourd'hui les acteurs du patrimoine d'un outil qui pouvait se révéler particulièrement efficace en de pareilles circonstances pour financer des opérations de restauration du patrimoine.

 Ø Pas de coup de rabot sur les crédits du programme 175 dans le cadre d'une loi de finances rectificative pour 2020

Le constat dressé par le Gouvernement en novembre 2017 lors de l'adoption de la stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine reste toujours d'une grande actualité : l'absence de stabilité et de visibilité concernant les financements publics génère des incertitudes préjudiciables à l'accomplissement des projets de restauration, d'entretien et de valorisation du patrimoine, dans la mesure où ces initiatives ont besoin de s'inscrire dans la durée.

Pour ne pas casser l'intérêt grandissant pour la cause du patrimoine sous l'effet du lancement de la mission Bern et du Loto du patrimoine notamment, il est impératif de maintenir en place la stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine, qui comporte notamment l'engagement d'une sanctuarisation des crédits destinés au patrimoine monumental tout au long du quinquennat.

La tentation de réduire les crédits du programme 175 par le biais d'une loi de finances rectificative pour 2020 doit absolument être évitée, au regard des effets dramatiques qu'une telle réduction aurait sur toute une filière économique essentielle à nos territoires et sur l'état de notre patrimoine. Le dernier bilan sanitaire du patrimoine protégé, réalisé en 2018, a montré que les besoins de restauration restent importants : 23 % des immeubles sont en péril ou en mauvais état et seuls 35 % peuvent véritablement être considérés en bon état. Les moyens financiers inscrits en loi de finances initiale pour 2020 demeurent donc indispensables pour entretenir, restaurer et valoriser correctement nos monuments.

 Ø Pérenniser le Loto du patrimoine en 2021

Depuis son lancement en 2018, le Loto du patrimoine a joué un rôle considérable pour améliorer la protection du petit patrimoine. Il a permis d'apporter des financements supplémentaires et de sensibiliser les Français à cette cause, tout en facilitant le recensement du patrimoine menacé.

La poursuite de ce dispositif l'année prochaine n'est toutefois pas garantie. La convention conclue entre le ministère de la culture et la Fondation du patrimoine en février 2018 ne prévoit l'organisation de l'opération que pour une durée de trois ans.

Compte tenu du caractère précieux de cet outil pour de nombreux territoires en particulier ruraux et de l'activité qu'il génère pour les entreprises spécialisées dans la restauration du patrimoine, il paraît fondamental de pérenniser le Loto du patrimoine ou, à tout le moins, de reconduire le dispositif pour une nouvelle période de trois ans.

Au regard de l'ampleur des besoins dans le domaine du patrimoine, il semblerait également important que l'État renonce définitivement aux taxes qu'il perçoit à la fois sur le tirage et les jeux de grattage du Loto du patrimoine afin de les réinjecter en faveur de la protection du patrimoine, comme il l'avait fait la première année de l'opération, en 2018.

 Ø Différer à l'exercice 2022 l'entrée en vigueur des dispositions réduisant l'incitation au mécénat pour les grandes entreprises

Compte tenu des contraintes pesant sur les budgets publics et de la contribution désormais importante des acteurs privés au financement des actions de protection du patrimoine et des projets des établissements patrimoniaux, il serait souhaitable de reporter à 2022 l'entrée en vigueur des dispositions introduites par la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, qui réduisent l'avantage fiscal aux entreprises qui consentent des dons dans le cadre du mécénat au-delà de 2 millions d'euros.

Ce dispositif devrait en effet freiner le mécénat des grandes entreprises qui paraissent pourtant les plus à même de continuer à manifester leur générosité dans le contexte actuel, compte tenu de l'impact économique de la crise sanitaire sur les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises.

 Ø Des efforts inévitables en 2021 en ce qui concerne les opérateurs

Le budget pour 2021 qui sera présenté à l'automne aura valeur de test pour se rendre compte la manière dont le Gouvernement entend associer le secteur du patrimoine au processus de relance. Dans ce contexte, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication se montrera très attentive aux crédits qui seront consacrés au patrimoine monumental et aux musées.

Même s'il paraît indispensable que les opérateurs poursuivent leurs efforts pour réduire leurs coûts de fonctionnement et examinent de quelle manière ils pourraient faire évoluer leur modèle de financement, une aide de l'État sur l'exercice 2021 apparait indispensable pour compenser une partie des pertes qu'ils auront subies au cours de l'année 2020. En dépit de leur prochaine réouverture, les opérateurs continueront à accumuler des pertes au second semestre 2020 et, probablement encore, en 2021. Leurs réserves de trésorerie ne sont pas suffisantes pour leur permettre de poursuivre leur activité l'année prochaine sur les bases habituelles sans renfort de l'État. Allonger la durée des expositions ne permettra pas forcément de réaliser des économies, compte tenu des montants auxquels les oeuvres d'art sont prêtées, et renoncer à certaines grandes expositions aurait des conséquences immédiates sur le niveau de la fréquentation.

Les grands établissements doivent sans cesse se renouveler et se moderniser pour s'adapter aux attentes des publics, particulièrement exigeants. Les efforts réalisés au cours des dernières années ont permis à plusieurs établissements, y compris parmi les plus récents, tel le musée du quai Branly-Jacques Chirac, de figurer parmi les établissements les plus prestigieux et fréquentés dans le monde. Pour plusieurs d'entre eux, des retards ont déjà été accumulés ces dernières années dans la mise en oeuvre de leurs schémas directeurs ou, dans le cas du Centre des monuments nationaux, dans le lancement de plusieurs chantiers sur ses monuments, faute de moyens financiers suffisants. Il convient de prendre garde, au motif que la survie des opérateurs n'est pas véritablement menacée, à négliger de les accompagner face aux conséquences de cette crise, au risque que notre pays perde sa position de leader dans le domaine culturel, dont nous pourrions longtemps payer les conséquences économiques en termes d'attractivité touristique.

À cet égard, une attention particulière doit être portée à la question des budgets d'acquisition de nos musées, qui ont subi de fortes baisses au début de la décennie. Compte tenu des nombreuses annulations de foires d'art internationales dans plusieurs pays en raison de la crise sanitaire, la France pourrait opportunément revaloriser sa place sur le marché de l'art en décidant de maintenir ses principaux événements prévus à l'automne, sous réserve que les exigences sanitaires puissent être respectées.

 b) Assurer la consommation des crédits destinés au patrimoine monumental en 2020 et veiller à maximiser leur efficience

Les crédits de l'État destinés au patrimoine monumental jouent un rôle déterminant pour soutenir la filière de la restauration. Leur consommation revêt donc une importance primordiale pour ce secteur. Elle accuse cette année des retards significatifs par rapport aux années précédentes. L'accélération du rythme de consommation revêt donc un enjeu majeur dans le contexte actuel.

Consciente de cet enjeu, la direction générale des patrimoines a indiqué que les DRAC auraient pour instruction de rattraper, d'ici décembre, les retards accumulés dans la consommation des crédits au cours du premier semestre. Afin de garantir une consommation intégrale des crédits au cours de l'année 2020, des crédits pourraient être redéployés entre les DRAC selon les besoins de financement dans chacune des régions - plusieurs cathédrales nécessitent des travaux de restauration. Une partie des crédits déconcentrés pourraient, par ailleurs, être transférée aux opérateurs nationaux afin de financer des opérations, jusqu'ici reportées faute de financements, qui avaient été identifiées dans le cadre des schémas directeurs des établissements ou qui concernent des monuments gérés par le Centre des monuments nationaux.

D'autres pistes mériteraient pourtant d'être prises en considération pour garantir une utilisation plus efficiente des crédits, tout en permettant le lancement rapide d'un certain nombre de chantiers.

 Ø Privilégier les opérations pour lesquelles les crédits de l'État créent un effet de levier plutôt que les opérations qui portent sur les seuls monuments historiques appartenant à l'État

Même si l'on peut comprendre la tentation de l'État de consommer prioritairement les crédits pour des projets dont lui-même ou l'un de ses opérateurs assume la maîtrise d'ouvrage, il ne s'agit pas nécessairement des chantiers qui ont les plus fortes retombées, ni pour les entreprises de restauration du patrimoine dans leur ensemble, ni pour tous les territoires.

Les crédits investis par l'État pour subventionner des opérations portant sur des monuments historiques qui ne lui appartiennent pas profitent davantage aux entreprises de restauration des monuments historiques, dans la mesure où des subventions des collectivités territoriales, des aides d'associations de sauvegarde du patrimoine et/ou une prise en charge des travaux par les propriétaires privés s'ajoutent aux crédits de l'État. En outre, les collectivités territoriales et les propriétaires privés possèdent près de 95 % des monuments historiques.

C'est la raison pour laquelle il serait utile que les DRAC se mettent en relation avec les collectivités territoriales et les propriétaires privés pour identifier les chantiers qui pourraient être rapidement lancés.

À cette fin, des simplifications administratives pourraient être pertinentes afin de garantir que les projets puissent effectivement démarrer d'ici la fin de l'année : accélération du temps d'instruction des demandes d'urbanisme, report des délais pour éviter la caducité des autorisations ou des subventions.

Dans le même ordre d'idées, le groupe de travail estime que l'élargissement du champ géographique du label de la Fondation du patrimoine à l'ensemble des immeubles, bâtis et non bâtis, situés dans des communes de moins de 20 000 habitants, que l'article 1er de la proposition de loi déposée par la sénatrice Dominique Vérien prévoit d'autoriser, serait de nature à créer un surcroît d'activité pour les entreprises de restauration du patrimoine. Ce label est en effet octroyé aux propriétaires qui s'engagent à réaliser des travaux de restauration sur un immeuble relevant du patrimoine non protégé et leur procure un avantage fiscal qui leur permet de déduire de son impôt une partie du montant des travaux. L'élargissement du champ géographique du label se révélerait efficace pour faciliter la relance de petits chantiers, facilement compatibles avec le respect des contraintes sanitaires.

Ø Instaurer, pour une période limitée, des mécanismes incitant les autres propriétaires de monuments historiques à lancer des opérations

Diverses mesures pourraient être mises en place pour faciliter la consommation des crédits, l'activité des entreprises de restauration et inciter les collectivités territoriales et les propriétaires privés à engager rapidement des opérations. Le groupe de travail estime qu'il serait pertinent de donner des instructions aux DRAC pour adapter certaines des règles et pratiques en vigueur à la situation exceptionnelle que nous connaissons. Ces adaptations pourraient s'appliquer de manière temporaire, pour une période n'excédant pas le terme de l'année 2021.

· Augmenter le taux de subvention de l'État sur les immeubles protégés au titre des monuments historiques, ce qui impliquerait de relever le plafond maximal de subvention concernant les monuments inscrits

Le taux de subvention de l'État s'établit aujourd'hui en moyenne à 40 % pour les immeubles classés et à 15 % pour les immeubles inscrits au titre des monuments historiques. Face à l'impact économique de la crise sanitaire sur la situation financière des collectivités territoriales et des propriétaires privés, l'accroissement de la subvention de l'État pourrait constituer un levier important pour déclencher des opérations, dans la mesure où le coût de celles-ci s'en trouverait réduit pour leurs propriétaires.

Cette mesure répond à la même logique que celle qui a présidé à la création du Fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques des communes à faibles ressources (FIP) en 2018, à savoir susciter, par le biais d'une participation accrue de l'État au financement, de nouveaux projets ou permettre la réalisation de projets n'ayant pas pu trouver la totalité de leur financement à ce jour. Dans le cadre du FIP, la subvention de l'État peut être portée à 80 % s'il s'agit d'un immeuble classé et jusqu'à la limite légale de 40 % s'il s'agit d'un immeuble inscrit. Mais, le bénéfice du FIP est aujourd'hui limité aux immeubles en mauvais état ou en péril situés dans des communes à faibles ressources de moins de 10 000 habitants, sachant que les communes de moins de 2 000 habitants sont privilégiées. Il est également conditionné à une participation de la région représentant au moins 15 % du coût des travaux.

Dans le contexte actuel, le groupe de travail recommande d'ouvrir provisoirement la possibilité d'une participation accrue de l'État pour les immeubles en mauvais état ou en péril, sans autres conditions.

Il lui paraitrait également opportun de relever parallèlement le plafond de la subvention pour les immeubles inscrits, aujourd'hui fixé à 40 %. Les DRAC estiment en effet que ce plafond constitue à l'heure actuelle un frein pour leur permettre d'accompagner certains projets qui pourraient être rapidement lancés.

· Accroître la part des crédits alloués aux monuments appartenant à des propriétaires privés parmi les crédits destinés aux monuments qui n'appartiennent pas à l'État

Généralement, seuls 15 % des crédits déconcentrés destinés aux monuments qui n'appartiennent pas à l'État vont en direction des monuments qui appartiennent aux propriétaires privés, ce qui représente en 2020 environ 20 millions d'euros sur les quelques 130 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale pour 2020 en faveur des monuments historiques hors État.

Du fait du report des élections municipales, les collectivités territoriales pourraient rencontrer des difficultés à consommer intégralement les crédits qui leur étaient destinés. Les propriétaires privés devraient être plus facilement en mesure de prendre la décision d'entreprendre des travaux dans les prochains mois. Dans ces conditions, il serait souhaitable qu'une partie des crédits initialement destinés à la restauration du patrimoine des collectivités territoriales soit réaffectée aux propriétaires privés de monuments historiques dont les travaux seraient prêts à être lancés, sous réserve qu'ils fassent appel à des entreprises qui disposent des compétences et des qualifications nécessaires pour garantir une restauration en bonne et due forme.

· Inclure les surcoûts de chantiers causés par les contraintes sanitaires dans le montant total de la dépense utilisé pour calculer le montant de la subvention de l'État

Les maîtres d'ouvrage et les entreprises sont aujourd'hui inquiets des surcoûts engendrés par les contraintes sanitaires, au point que certains chantiers initialement prévus pourraient être reportés à une date ultérieure dans l'attente d'un retour à la normale. Les maîtres d'ouvrage et les entreprises pourraient être partiellement rassurés si le montant des surcoûts pouvait être intégré dans le montant de la dépense subventionnable, ce qui permettrait d'en alléger le coût.

· Consacrer une part plus importante des crédits à l'entretien des monuments historiques

Si l'État réserve habituellement environ 15 % de ses crédits destinés aux monuments historiques à l'entretien de ceux-ci, il pourrait être pertinent de favoriser, dans les mois à venir, les chantiers d'entretien aux chantiers de restauration afin de faciliter la consommation intégrale des crédits inscrits au titre de l'année 2020. Il s'agit en effet de chantiers dont le lancement est à la fois plus facile et rapide, puisqu'ils ne nécessitent pas d'autorisation préalable. Ils pourraient procurer de l'activité aux entreprises de restauration de monuments historiques à travers tout le territoire.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication plaide, depuis plusieurs années, pour qu'une culture de l'entretien des monuments se mette véritablement en place dans notre pays. L'entretien régulier des monuments demeure le meilleur moyen d'éviter la survenance de situations de péril. Les pays qui ont mis en place une politique systématique d'entretien des monuments ont constaté des résultats au bout d'une dizaine d'années, avec une baisse sensible du nombre de monuments nécessitant des travaux de restauration. Au final, le surcoût initial de cette politique d'entretien régulier s'est révélé bénéfique en termes de finances publiques par la suite, les travaux de restauration étant beaucoup plus onéreux que les travaux d'entretien.

C'est pourquoi le groupe de travail estime qu'il serait judicieux de lancer une expérimentation en matière d'entretien des monuments historiques et que la crise sanitaire actuelle pourrait, en fin de compte, en fournir l'occasion.

 

 2. Tirer les enseignements de cette crise au niveau des politiques de valorisation du patrimoine

a) Adapter certains discours aux contraintes de la situation sanitaire

 Ø Communiquer en direction des publics

Même si les opérateurs devraient organiser leurs propres campagnes de communication pour inciter les visiteurs à fréquenter de nouveau leurs établissements, les services du ministère de la culture auront un rôle à jouer pour les accompagner afin que la crise puisse être surmontée le plus rapidement possible.

Deux axes de communication apparaissent essentiels :

- d'une part, rassurer les publics sur la nature des précautions sanitaires prises pour assurer leur accueil dans des conditions sécurisées ;

- d'autre part, éveiller ou raviver leur intérêt pour les visites, en insistant sur différents aspects, comme le plaisir de la découverte d'un lieu et de son histoire, l'enrichissement né de la confrontation avec une oeuvre ou un monument, la proximité géographique des établissements patrimoniaux ou encore le caractère convivial de ce type de sorties, compte tenu de la multiplicité des activités et services proposés.

La question des modalités d'organisation des visites guidées constitue également une question cruciale pour la relance de l'activité des opérateurs, tout en étant fondamentales pour l'activité des guides-conférenciers, une profession particulièrement affectée par la crise sanitaire actuelle.

Le groupe de travail estime qu'un soin tout particulier devrait être apporté cette année à l'organisation des manifestations culturelles nationales, telles que les Journées européennes du patrimoine (19-20 septembre) ou la Nuit européenne des musées (reportée au 14 novembre), afin que ces événements apportent un coup de projecteur plus puissant encore qu'habituellement sur le secteur des patrimoines et soient l'occasion de dynamiser leur relance.

 Ø Conserver le concours des mécènes

Jusqu'alors très dynamiques, les ressources procurées par le mécénat aux établissements et associations oeuvrant dans le domaine culturel pourraient pâtir des conséquences de la crise sanitaire. Cette ressource est pourtant aujourd'hui indispensable au financement des actions dans le secteur des patrimoines (projets de restauration du patrimoine, enrichissement des collections, modernisation des espaces d'expositions...).

Il serait important que la mission mécénat noue rapidement un dialogue avec les mécènes qui investissaient jusqu'ici dans le champ des patrimoines, à commencer par les principaux bienfaiteurs de la vie culturelle membres du Club des mécènes de la culture, afin de s'assurer qu'ils maintiennent leurs engagements. Les DRAC auraient également un rôle à jouer au niveau local pour poursuivre la création de réseaux entre le monde de la culture et le monde de l'entreprise.

Le discours à l'attention des mécènes sera sans doute amené à évoluer, afin de faire valoir aux entreprises l'impact sur le renforcement de la cohésion sociale que pourrait avoir leur générosité en faveur des patrimoines.

 b) L'occasion de répondre à des besoins précédemment identifiés, encore exacerbés par la crise

 Ø Fournir davantage d'ingénierie aux propriétaires de monuments

Depuis 2008, les propriétaires publics ou privés de monuments exercent la pleine maîtrise d'ouvrage des travaux d'entretien ou de restauration qu'ils font exécuter et les DRAC n'ont plus la possibilité de se substituer à eux. Même si le code du patrimoine autorise ces dernières à apporter une assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO), l'usage de ce dispositif « reste très hétérogène sur le territoire », comme le constatait Philippe Nachbar dans son rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2020. À l'exception de la région Bretagne, où une expérimentation en matière d'assistance à la maîtrise d'ouvrage par les services de l'État est menée, les DRAC n'exercent pratiquement plus cette mission, faute de moyens, même si les architectes des bâtiments de France (ABF), en particulier, continuent à dispenser des conseils techniques et administratifs lorsqu'ils sont sollicités en ce sens par les maîtres d'ouvrage.

Le manque d'ingénierie des petites communes et des propriétaires privés constitue un frein à la réalisation de nombreux projets. Cette difficulté pose particulièrement problème à l'heure actuelle, où le temps presse pour lancer des projets susceptibles d'aider les entreprises de restauration du patrimoine à surmonter la crise. Si les propriétaires de monuments historiques pouvaient accéder à une expertise en matière de travaux, la relance de l'activité pourrait en être facilitée. La DRAC de Bretagne a indiqué aux membres du groupe de travail qu'elle comptait justement utiliser le biais de l'AMO pour stimuler l'activité des entreprises sur son territoire.

Dans ce contexte, le groupe de travail estime opportun que, sur tous les territoires, les services de l'État reprennent leur mission d'AMO pour favoriser la relance de l'activité. Il pourrait en résulter également des effets positifs à plus long terme pour l'image des services déconcentrés sur le territoire et la qualité des relations entre les élus locaux et les ABF, en démontrant que cette profession n'a pas vocation à interdire la réalisation de projets, mais au contraire à mettre à disposition ses compétences scientifiques et techniques pour les accompagner.

Le groupe de travail est conscient que la reprise de cette mission représente un coût important pour l'État, puisqu'elle exige de pourvoir aux postes d'ABF vacants dans les différents départements et de remplacer les ingénieurs et techniciens qualifiés partis à la retraite au cours des dernières années. Il estime cependant ce coût proportionné à l'impératif de relance de l'activité et à l'enjeu de la préservation du patrimoine sur la durée, dont les ABF constituent un maillon central.

Familiers des enjeux urbanistiques, les départements pourraient trouver un intérêt à développer une expertise en matière d'ingénierie patrimoniale en faveur des petites communes et intercommunalités de leur périmètre géographique, afin de valoriser les territoires et de promouvoir la solidarité et la cohésion territoriales. Ils possèdent d'ailleurs déjà des services d'ingénierie pour remplir leur mission d'assistance technique en matière d'assainissement, de voirie, d'aménagement et d'habitat. Mais ces services proposent rarement une aide en matière patrimoniale et ne possèdent donc pas, aujourd'hui, les compétences requises pour venir en aide aux communes et intercommunalités sur le sujet. Par ailleurs, certains départements facturent le coût de ces services aux communes et aux intercommunalités auxquelles ils viennent en aide quand d'autres les offrent gratuitement. Par conséquent, il paraît difficilement envisageable de leur confier une compétence obligatoire sur ce sujet, compte tenu de leur manque de moyens financiers, sans prendre le risque de créer des inégalités territoriales. S'il était décidé de s'orienter dans cette voie, il faudrait absolument que l'État mette à la disposition des départements des moyens financiers pour leur permettre d'exercer convenablement cette nouvelle mission.

Ø Renforcer les liens entre culture et tourisme

En dépit du rôle incontesté de nos patrimoines dans le rayonnement et l'attractivité de notre pays, les liens entre culture et tourisme paraissent encore trop timides. Pourtant, nos patrimoines, en tant que vitrine de la France et de nos territoires, ont un impact direct sur le dynamisme économique. La restauration, la valorisation et la diffusion du patrimoine font partie intégrante d'une stratégie d'ensemble qui dépasse le seul champ des enjeux patrimoniaux pour englober l'attractivité des territoires et le rayonnement de la « destination France ».

Dans un rapport de mars 2017 consacré aux moyens d'améliorer la fréquentation touristique de la France à partir de nos patrimoines, Martin Malvy soulignait à juste titre qu'« accroître la fréquentation touristique ne dépend pas seulement du site, mais de l'histoire qu'il raconte ». Même si le ministère de la culture a pris l'initiative d'organiser, depuis maintenant trois ans, des « Rencontres du tourisme culturel » chaque année afin de renforcer la coopération entre les professionnels du tourisme et ceux de la culture, les interactions entre les ministères de la culture et du tourisme pourraient être encore renforcées.

La dimension économique et touristique du patrimoine n'est en effet véritablement traitée par aucun des deux ministères. En témoigne le fait que les critères d'octroi des aides au titre du plan de soutien au secteur du tourisme ne permettent pas, à ce stade, à l'ensemble des propriétaires et gestionnaires de monuments, quelle que soit leur forme juridique, de pouvoir y prétendre, puisque les aides accordées sont destinées aux seules entreprises. Plusieurs aides proposées par ce plan seraient pourtant utiles à l'ensemble d'entre eux dans le contexte actuel, telles que la prolongation du dispositif d'activité partielle, l'exonération des cotisations sociales pendant la période de fermeture et de très faible activité, ou l'accès au prêt garanti par l'État « saison » pour faire face aux difficultés susceptibles de survenir en fin de saison...

Alors que les Français devraient essentiellement passer leurs vacances cet été sur le territoire national, il est important d'éveiller leur intérêt pour le tourisme patrimonial, véritable alternative au tourisme balnéaire, compte tenu des incertitudes qui pèsent sur les modalités de séjour sur les plages dans le contexte sanitaire actuel. Le secrétaire d'État au tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, a annoncé le lancement prochain d'une campagne d'information et de promotion, destinée à poursuivre le mouvement lancé par le collectif Patrimoine 2.0. avec l'initiative « Cet été, je visite la France ». Son besoin se fait particulièrement sentir pour venir en aide à ce secteur sinistré, dont les perspectives pour l'été sont mauvaises du fait de l'absence des touristes étrangers qui représentent généralement une bonne partie de leur fréquentation.

 Ø Poursuivre les efforts pour mieux faire circuler les chefs d'oeuvre sur le territoire national

Face aux difficultés accrues pour faire venir des oeuvres de l'étranger, compte tenu du caractère mondial de la crise sanitaire, le groupe de travail estime qu'il serait opportun d'amplifier encore la politique de circulation des oeuvres sur le territoire national, à laquelle s'attelle la direction des musées de France depuis plusieurs années. Cette politique de mobilité croissante des oeuvres d'art pourrait avoir des effets positifs sur la relance de l'activité et le niveau de la fréquentation, tout en renforçant l'égalité d'accès à la culture à travers le territoire national.

c) Et demain, l'Europe du patrimoine ?

La stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine comporte un volet européen destiné à remédier à l'absence de stratégie coordonnée au niveau européen en matière de patrimoine. Elle évoque l'idée d'un « Grand tour » du patrimoine, mais peu d'avancées concrètes semblent avoir été enregistrées dans ce domaine depuis sa publication.

Le Conseil européen du 20 juin 2019 a pourtant reconnu que la culture et le patrimoine culturel était « au coeur de l'identité européenne », justifiant, à ce titre, des investissements de sa part.

Le groupe de travail s'interroge donc sur la possibilité d'utiliser le plan de relance de l'Union européenne en réponse à la crise sanitaire, s'il était effectivement validé par les États membres, pour amorcer une véritable stratégie européenne en matière de patrimoine.


Enfin, concernant le patrimoine normand et certaines opportunités de faire briller notre Normandie, nous avons adressé la note suivante au président de la Normandie le 5 décembre 2020 alors que nous étions à Epaignes...

A l’attention de Monsieur,

Hervé Morin président de la Normandie

Epaignes/Epagne le 5 décembre 2020

  1. A Caen, un double millénaire normand ?

En 2027 nous aurons l’opportunité exceptionnelle de fêter au niveau local, régional et international un double millénaire normand, à la fois, celui de la naissance de la ville de Caen (1027 : charte de Richard III pour le douaire de sa femme qui mentionne un site nommé « Cathim ») et celui de la naissance de notre duc Guillaume qui aura pour Caen, la Normandie ainsi que pour l’Angleterre, le destin que nous savons.

Autre avantage : cet événement surviendrait juste avant l’année 2028 pour laquelle, notre métropole de Rouen ainsi que la « vallée de la Seine normande » candidatent pour la capitale européenne de la Culture. Ces deux occasions associées permettraient de faire rayonner notre Normandie réunifiée depuis 2016 à l’échelle nationale et européenne.

Mais il y a un inconvénient qui ne devrait pas en être un si l’on était sûr de servir la Normandie au lieu de s’en servir pour l’asservir : 2027 c’est après les prochaines élections… municipales.

Je suis au regret de constater que la solution choisie par M. Bruneau de fêter le millénaire de Caen dès 2025 (certes, sur la base d’une autre charte datée et identifiée par Lucien Musset) est une solution de confort qui nous éloigne de l’intérêt général normand.

Une fois de plus, à partir de l’exemple caennais, j’insiste sur un sujet qui me paraît essentiel et qui demeure un angle mort de toutes nos politiques publiques qu’elles soient celles de l’Etat (DRAC) ou celles de nos collectivités territoriales :

Le patrimoine n’est ni une charge qui encombre les promoteurs, les bétonneurs et les démolisseurs ou un héritage encombrant du passé dont on ne serait que faire (pensons, notamment, au patrimoine religieux si important en Normandie) ni une instrumentalisation à des fins de communication politique qui n’engage à rien (par exemple, le « label ville d’art et d’histoire » dont on ignore concrètement le cahier des charges après l’avoir obtenu).

Le patrimoine, pour paraphraser Valéry Giscard d’Estaing (discours de Vassy sur l’agriculture française), c’est « le pétrole du territoire normand ».

A Caen, cela devrait être une politique stratégique de moyen et de long terme de promotion d’une destination touristique patrimoniale et culturelle complète à partir du riche héritage historique caennais qui ne se résume ni à 1066 ni à 1944 dans le but de relancer durablement et sur toute l’année le centre- ville commerçant par la chalandise touristique :

Le château de Caen n’est pas qu’un central-parc. Cela doit surtout être le lieu d’une valorisation de la dimension européenne de l’héritage historique et culturel normand au travers de la figure de Guillaume Le Conquérant : on espère que la salle de l’Echiquier pourra bientôt remplir cette mission mais il faut dire aussi que le projet récemment dévoilé n’est pas satisfaisant avec, entre autres, l’ajout d’un bâtiment administratif contemporain de style « Motel » devant les vestiges de l’ancien donjon d’Henri 1er Beauclerc. Je m’étonne du fait que la DRAC et les services spécialisés et compétents du Ministère de la Culture n’aient pas cru bon devoir piloter cet enjeu patrimonial d’envergure régionale et nationale. Le projet précédent de mise en valeur du château était, pourtant, plus ambitieux et plus respectueux de l’esprit des lieux avec l’idée de restituer à l’identique certains éléments architecturaux (porte Saint-Pierre, clocher de l’église Saint-Georges, escalier du logis des gouverneurs…)

Au titre du collectif « Bienvenue en Normandie » qui porte le projet de statue publique que vous connaissez dédié au couple le plus célèbre de notre histoire normande, il me paraît judicieux d’associer étroitement cette statue publique au château dans le cadre du nouveau jardin public créé au pied des remparts qui pourraient constituer aussi l’écrin et l’écran idéal d’un spectacle lumineux dédié à l’histoire de la ville et de la Normandie : il y a quelques années, Michel Onfray avait eu le projet d’écrire le texte du narrateur d’un tel spectacle…

La ville de Caen a magnifiquement fait restaurer le clocher de l’église Saint-Pierre qui était jusqu’en 1944 le symbole le plus connu pour identifier notre ville à l’extérieur : dans la perspective du double millénaire caennais et normand, il ne serait pas idiot d’équiper ce magnifique beffroi d’un petit carillon automatique sonnant les heures et de créer la cloche commémorative du millénaire pour compléter la sonnerie actuelle de trois cloches. Enfin une mise en lumière dynamique coordonnée avec l’événementiel régional et national permettrait au clocher de l’église Saint-Pierre d’être, à nouveau, le phare symbolique de la fierté caennaise à l’instar de la flèche en fonte d’Alavoine de la cathédrale de Rouen qui sera, à nouveau, la « tour Eiffel des Normands » après sa restauration prochaine.

Par ailleurs, le concept d’implanter une « halle gourmande » dans le centre-ville de Caen pour valoriser la gastronomie normande est une excellente idée mais encore faudrait-il qu’elle puisse être créée au bon endroit : force est de constater que le coup parti actuel sur la place de la République n’était pas le bon tant pour des raisons environnementales (abattage d’arbres, risque d’inondation) que pour des raisons patrimoniales (mise en péril du sous-œuvre des bâtiments classés MH adjacents par la mise sous pression de la nappe phréatique). Il conviendrait d’établir la halle gourmande dans le cœur de l’îlot Bellivet sur la friche de l’ancienne brasserie du « Chandivert » (qui est la marque de la gastronomie caennaise) et d’assumer l’histoire et l’esprit des lieux de la place de la République depuis 1944 et les années 1950 à savoir d’être une grande place publique piétonne ouverte sur un jardin public et une promenade caennaise « Unter den linden » (par la suppression de l’actuelle rue Lebret) où il serait possible de rendre hommage aux victimes civiles caennaises de l’été 1944 en faisant de la restitution à l’identique de l’ancien portail monumental de l’hôtel de ville disparu, un mémorial enfin digne de leur mémoire.

Tout en formulant ces remarques et ces suggestions, j’ai bien conscience de ne pas m’adresser au maire de Caen mais au président d’une région millénaire et prestigieuse dont le siège est à Caen.

  1. Urgence de faire du patrimoine normand une ressource territoriale stratégique pour l’économie régionale.

Sur l’Etoile de Normandie nous faisons régulièrement état dans notre rubrique « patrimoine normand en péril » de situations urgentes qui démontrent qu’au-delà de certains grands monuments historiques emblématiques bien entretenus ou restaurés par les tutelles publiques (Etat et collectivités territoriales), le patrimoine architectural normand n’est pas dans un état de conservation satisfaisant notamment pour ce qui est des bâtiments de propriété privée situés en zone rurale. Nous recevons une alerte tous les dix jours ou presque : ici un château du XVII ou du XVIIIe siècle qui prend l’eau (derniers exemples : Magny-en-Bessin et Sercquigny) là une église médiévale qui menace de s’effondrer (ex : Ménerval dans le pays-de-Bray).

Dans tous les cas ou presque : des propriétaires désemparés ou absents qui n’ont pas les moyens de faire les travaux et qui ont peur d’affronter non sans raison l’hydre de la bureaucratie pour monter un dossier de financement. Des communes et des associations locales qui voudraient agir mais qui en sont empêchées pour des raisons financières ou juridiques (ex : châteaux de Martinvast, Sercquigny…) Et, dans tous les cas : une DRAC Normandie aux abonnés absents ou en mode service minimum ! Est-il normal que les habitants de Ménerval soient obligés de faire une cagnotte sur Internet pour sauver une église officiellement classée au titre des MH ? Est-il normal de laisser sans réponse Gilles Ménard, le maire de Granville qui a demandé, non sans courage politique, le classement en urgence du domaine et manoir d’un armateur de la fin du XVIIIe siècle pour stopper un promoteur indélicat ?

Certes, après « deux ans de démarche » (château de Magny-en-Bessin) un architecte en chef honoraire des MH arrive à quémander à la DRAC… 24000€ pour boucler un budget de 60000€ alors qu’il en faudrait 800000€ pour assurer le sauvetage de ce chef- d’œuvre normand du XVIIIe siècle et qui pourrait être l’une des locomotives de l’économie touristique et résidentielle du Bessin entre Bayeux et les plages du Débarquement…

La DRAC Normandie est en train d’abandonner le patrimoine bâti de notre région suite à des arbitrages financiers mais aussi idéologiques sachant que le service public du patrimoine après le passage de plusieurs réformes dévastatrices est en aussi mauvais état que les monuments qu’il est censé protéger :

La région d’Arcisse de Caumont qui a inventé l’archéologie médiévale et le concept de monument historique ne mérite pas un tel affront !

1

C’est pourquoi, la question de créer un volet « patrimoine » dans le plan de relance régional mais aussi dans la politique publique régionale d’intelligence économique et territoriale déjà menée par la région, non sans succès depuis la réunification mérite d’être clairement posée lors des prochaines élections régionales : une fois de plus, l’Etat central est défaillant et la question se pose d’une prise de relais par la subsidiarité régionale.

Pour la Normandie, le patrimoine est une ressource territoriale de premier ordre pour l’économie régional : en tant que tel, c’est stratégique et cela mériterait une attention particulière au-delà de la question du tourisme ou de la culture. Il est stratégique que le patrimoine normand soit en bon état au même titre que nos ponts, nos routes et nos chemins de fer car depuis le XIe siècle, les abbayes et les châteaux sont des pièces maîtresses de l’aménagement du territoire normand au même titre qu’une zone d’activités ou une centrale nucléaire.

Les politiques publiques de valorisation du patrimoine sont aujourd’hui trop dispersées entre les collectivités territoriales et font preuve d’inefficacité (par ex : aucun entretien entre deux grandes restaurations coûteuses) sur fond de désengagement de l’Etat central avec une DRAC démissionnaire. La fermeture sine die pour « raisons de sécurité » de l’abbatiale Saint-Ouen de Rouen qui est la plus grande abbatiale de Normandie symbolise  tristement cette situation…

La région a aussi multiplié les initiatives (cluster Normandie médiévale, la fabrique des patrimoine, partenariat sites et cités remarquables, etc…) et depuis le transfert du service de l’inventaire régional, a développé une administration ad hoc. Mais cet ensemble donne, de loin, une impression quelque peu disparate.

Par exemple, nous n’avons pas, à notre connaissance, de nouvelles de l’activité de ce comité régional de suivi pour le patrimoine normand qui nous avait été annoncé il y a trois ans…

Ne serait-il pas judicieux de créer une agence régionale dédiée au patrimoine à l’instar de celle qui a fait ses preuves vis-à-vis des entreprises régionales ?

L’urgence est, notamment, d’assurer le portage technique, juridique et financier des nombreux projets de sauvetage et de valorisation du patrimoine portés par une société civile normande et des élus locaux normands qui, sauf malheureuse exception, admirent le patrimoine historique inestimable de notre région.

Philippe CLERIS

Collectif "Bienvenue en Normandie"


Les politiques publiques de la région Normandie en faveur du patrimoine régional, état des lieux:

https://www.normandie.fr/le-patrimoine-regional


La société civile normande et ses associations sont, souvent, très souvent les seules instances qui permettent de sauver ce qui peut l'être: que resterait-il de notre patrimoine bâti, historique ou artistique si nous ne devions compter que sur l'action actuelle des services spécialisés de l'Etat ou celle des collectivités territoriales?

Exemple au Havre où une association se bat pour sauver un ancien cinéma de style art Déco:

https://www.paris-normandie.fr/actualites/societe/en-images-au-havre-l-ancien-cinema-theatre-normandy-sera-bientot-ouvert-au-public-LD17503998?utm_source=newsletter_mediego&mediego_euid=7b65029da2&utm_campaign=newsactu&utm_medium=email&mediego_ruuid=5e25b5b8-7dea-404b-8eab-36a012f70b24_0&mediego_campaign=20201205_news_actu&utm_content=20201205

 Au Havre, l’ancien cinéma-théâtre Normandy sera bientôt ouvert au public

Patrimoine. Les propriétaires de la salle de spectacle construite en 1933 au Havre ont effectué un grand nettoyage de l’intérieur des lieux. Ils envisagent des travaux de rénovation de la façade et de la toiture. Dans les prochaines semaines, l’ancien cinéma pourrait ouvrir ses portes au public.

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