L'enfer? Etre un étudiant confiné chez soi mais au coeur d'une zone blanche du Ploukistan normand!
Quelques nouvelles du... Ploukistan!
Moulins-la-Marche?
C'est dans l'Orne, au milieu de nulle part comme son nom l'indique puisque ce Moulins normand est aux marches du Perche à l'Est, du pays d'Ouche au Nord et de la plaine d'Alençon ou du Hiesmois à l'Ouest... De bien jolis noms de pays normands séculaires qui donnent l'envie de s'y mettre au vert au printemps ou en été le temps d'un week-end quand on est un cadre parisien surmené.
Mais cette annonce de Paradis se transforme vite en enfer redoutable si la liaison ferroviaire assurée par la Sncf (en l'occurrence, le Paris-Granville) reste toujours aussi incertaine en terme de fiabilité horaire et de confort et si on décide de se mettre au vert au coeur d'une zone blanche numérique entre deux haies de bocage ou deux haras...
Car c'est, bel et bien, l'enfer au sens premier du mot, c'est-à-dire, un enfermement, que vivent quelques étudiants normands originaires de l'Orne qui ne pouvant plus aller à Paris pour étudier en "présentiel" en raison du Covid ont choisi de retourner dans leurs maisons de famille en province, en Normandie, dans l'Orne pour suivre les cours en "distanciel"...
Problème?
A Moulins-la-Marche, la 3G passe à peine...
Le département de l'Orne a beaucoup dépensé ces derniers temps pour communiquer sur son offre de se mettre au vert dans un paradis rural à une heure de Paris et connecté numériquement au monde entier et c'est, effectivement, la seule opportunité sérieuse pour redynamiser le département le plus rural, le moins peuplé et le plus âgé des cinq départements normands.
Mais il y a encore très loin entre la publicité dans le métro parisien et la réalité du plancher des vaches!
Contraints de suivre les cours à distance, ces étudiants de Moulins (Orne) ont décidé de rentrer chez leurs parents. C'était sans compter sur les grandes difficultés de connexion.
Les portes des universités sont closes depuis octobre et pour l’instant toujours aucune perspective de réouverture. Cette fois c’est clair, les étudiants sont les grands oubliés de cette crise sanitaire. L’intégralité des cours se faisant désormais en ligne, certains étudiants ont décidé de retourner vivre chez leurs parents le temps que les facs rouvrent. Mais qu’en est-il de ceux qui n’ont pas accès à la fibre, comme c’est le cas à Moulins-la-Marche (Orne) ?
Retour aux sources
Valentin et Clément sont deux jeunes Moulinois que les études ont poussés à quitter leur Normandie natale. Suite aux mesures sanitaires drastiques que subissent les universités, ils ont décidé de retourner vivre au domicile familial quelque temps. Le confinement en campagne, c’est bien, mais à quel prix ? En plus de mettre les nerfs de certains à vif, la mauvaise connexion internet est très handicapante pour continuer de suivre correctement les cours.
Les deux étudiants habitent Moulins-la-Marche depuis leur plus tendre enfance. Valentin est en deuxième année de DUT Techniques de Commercialisation à Laval et Clément en troisième année de licence de Sciences de Gestion majeure Management à Toulouse. Ils nous racontent leur quotidien depuis plusieurs semaines, entre cours en visio et galères de connexion.
Plusieurs raisons ont poussé les deux étudiants à regagner la commune ornaise. « Je ne me voyais pas rester à Laval tout ce temps tout seul » confit Valentin. Et puis rester seul dans son appartement lorsque même les professeurs en visio ne font pas d’effort pour créer de l’interaction, c’est plutôt déprimant. Clément apprécie aussi son retour ici.
« Revoir la famille, c'est important. C'est plus agréable d'être ici à la campagne avec un jardin que dans mon petit appartement ».
Clément Lerine, étudiant confiné à Moulins-la-Marche
Tous les deux et comme une très grande majorité d’étudiants en France, suivent leurs cours intégralement sur ordinateur. « Pour moi, ça représente entre 30 et 35 heures de cours » explique Valentin. Pas facile de rester concentré si longtemps devant un écran, surtout quand la connexion internet fait des siennes. C’est pour cette raison que Clément ne travaille pas à Moulins-la-Marche mais à quelques kilomètres, à Tellières-le-Plessis (Orne), pour bénéficier d’un meilleur débit.
Valentin raconte « Une fois j’ai eu une coupure d’internet en plein milieu d’une épreuve de partiel. J’ai dû faire un partage de connexion avec mon téléphone qui ne capte que la 3G ici. Résultat : il me fallait plus de 30 secondes pour envoyer une seule réponse alors que l’épreuve durait seulement 10 minutes ».
96 heures de téléchargement
Et lorsque les travaux doivent être rendus sous format vidéo, les ennuis continuent. Les deux jeunes hommes utilisent la plate-forme YouTube pour déposer leur vidéo. En paramétrant l’accès, celle-ci ne sera visible que par leurs professeurs. Mais encore une fois, plus facile à dire qu’à faire.
« La dernière fois que j'ai voulu publier une vidéo de 10 minutes, ça a mis 96 heures à se mettre en ligne ! Et la qualité de la vidéo reste à désirer ».
Valentin Brisoux, étudiant confiné à Moulins-la-Marche
Pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus par ces témoignages, parlons chiffres.
1 Gbit/s représente 1000 Mbit/s. À Alençon, ville couverte par la fibre optique, le débit est de 8 Gbit/s. A Moulins-la-Marche, il est de 72 Mbit/s. « Fiber to the home » qu’ils disaient…
L’Orne 100 % fibrée en 2023, utopique ou réalisable ? Difficile à dire et puis d’ici là, Valentin et Clément auront déjà fini leurs études.
Juliette Gloria