PATRIMOINE NORMAND EN PERIL/21: un orgue à sauver à Vire et un ancien palais épiscopal à valoriser à Lisieux...
L'Etoile de Normandie en avait déjà parlé dans un billet précédent de notre lancinante série sur le patrimoine normand en péril:
L'orgue Cavaillé-Coll de la chapelle de l'hôpital de Vire est en grave danger puisqu'il s'agit de laisser partir en Allemagne pays plus réputé pour sa mélomanie que la France, un orgue qui a réussi à échapper aux bombes ayant rasé la ville de Vire à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
Symboliquement, ce dossier est donc plutôt lourd et en dit, hélas, long sur le manque de curiosité intellectuelle ou de compétence culturelle de nos élites gestionnaires administratives!
L’instrument hors d’usage du XIXe siècle qui trône dans une chapelle, propriété de l’hôpital de Vire (Calvados), est l’objet d’une bataille.
Il domine toujours avec majesté la chapelle Saint-Louis, à Vire. « Un orgue construit par Aristide Cavaillé-Coll, construit en 1864 spécialement pour ce lieu », s'enthousiasme le docteur Pascal Martin, membre du conseil de surveillance de l'hôpital et conseiller municipal d'opposition. Hélas, l'instrument a perdu de son lustre depuis longtemps déjà et son propriétaire, le Groupement hospitalier de territoire (GHT) « Les collines de Normandie » (qui regroupe les hôpitaux de Vire, Flers, Domfront, La Ferté-Macé) voit son avenir ailleurs.
« Cela fait 70 ans que l'orgue ne joue plus. Il est très délabré. Et la chapelle dans laquelle il se trouve est interdite au public à cause de sa vétusté », replace David Trouchaud, directeur général du GHT. La chapelle fait partie d'un ancien couvent des Ursulines, devenu hospice puis Ehpad. C'est d'ailleurs par une porte du service que l'on accède au clavier décrépit de l'orgue ».
« Quand je suis arrivé en 2018, je me suis penché sur l'avenir de ce bâtiment, attenant à l'hôpital de Vire, poursuit le responsable. « On estime les travaux dans la chapelle compris entre 300 000 et 500 000 €. Et pour l'orgue, entre 100 000 € et 250 000 €. Or, les crédits de la santé n'ont pas vocation à financer la rénovation d'un orgue. »
« Un vrai projet »
Aussi la direction du groupement hospitalier s'est elle mise en quête d'une porte de sortie pour l'instrument. Quelques communes françaises ont manifesté leur intérêt avant de renoncer, face aux coûts induits. Et puis, à l'été 2020, l'évêché de Mayence, en Allemagne, a fait une offre « documentée, financée, avec un vrai projet pour réparer l'orgue et le remonter dans une chapelle adossée à un Ehpad, comme à Vire ».
David Trouchaud, soutenu par la ville, a engagé les démarches administratives pour céder l'imposante pièce à titre gracieux. L'avenir du vieil orgue semblait scellé.
Mais début décembre, le projet agite la conseil de surveillance de l'hôpital. Le docteur Martin, entre autres, s'indigne du départ « d'un élément du patrimoine virois d'avant-guerre, alors que la ville a perdu beaucoup pendant les bombardements de la Seconde guerre mondiale. Il faut préserver ce qui a été épargné ».
Les opposants ont obtenu un délai pour monter un projet alternatif et garder « ce joyau, ce bijou » dans le bocage, en vue de futurs concerts et projets culturels. La clé : le financement. « La chapelle est classée monument historique. Et l'orgue en est un élément immobilier », note Pascal Martin. Il espère, si l'instrument intégrait le classement, que d'importantes subventions publiques pourraient garnir la cagnotte. « Si c'est le cas, nous pourrions compter sur 80 % des 200 000 € nécessaires à la réparation du Cavaillé-Coll ». Un dossier a été déposé auprès des autorités.
A Lisieux un autre élément insigne de notre patrimoine religieux normand est en souffance, à savoir l'ancien palais épiscopal de Lisieux, un ensemble composite datant des XVIIe et XIXe siècles qui avait longtemps abrité le palais de justice de la ville désormais transféré dans une ancienne manufacture de la ville.
Ces lieux historiques intimement liés à l'histoire de la ville de Lisieux et de sa cathédrale en tant que siège épiscopal ont été miraculeusement épargnés par les bombes de 1944.
En revanche la partie la plus historique avait eu à subir, il y a quelques années, un incendie qui dévora la charpente et la toiture: d'importants travaux de restauration ont été depuis réalisés.
L'ensemble en impose avec d'importants volumes intérieurs qu'il va falloir valoriser avec des idées et des projets dignes de ce nom!
Les élus locaux n'en ayant guère, ont mis sur le coup un cabinet spécialisé. On peut donc craindre le pire comme le meilleur mais surtout le pire lorsque le président de la communauté d'agglomération de Lisieux Normandie a qui échoit la responsabilité de trouver un avenir à ce magnifique patrimoine architectural se permet de faire certaines déclarations qu'un authentique amoureux du patrimoine ou un connaisseur spécialisé de ces sujets ne feraient jamais...
Quand l'incompétence et l'incurie peuvent aller de pair...
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Une étude lancée lundi 1er février 2020 doit permettre de réfléchir à l'avenir du palais épiscopal de Lisieux (Calvados).
Une page s’est tournée dans le centre-ville de Lisieux (Calvados) en octobre 2020, avec le déménagement du tribunal judiciaire vers l’ancienne usine Wonder. Un départ qui remet sur la table la question de l’avenir du palais épiscopal, cet important ensemble immobilier de plus de 4 000 m². On devrait en savoir plus dans les prochains mois.
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Mairie et agglomération de Lisieux étaient réunies lundi 1er février 2021 avec de nombreux partenaires – parmi lesquels l’État, le Département, la Banque des territoires, le Sanctuaire, la Direction départementale des territoires et de la mer et les Bâtiments de France – pour le lancement d’une étude « de potentialité » du palais épiscopal.
Résultats attendus avant cet été
Le cabinet Hank a été missionné pour travailler sur ce dossier complexe et « interroger les usages possibles sur le site ». L’étude, financée par la Banque des territoires, doit durer un peu moins de quatre mois. La première phase doit permettre à l’équipe du cabinet Hank de réaliser un diagnostic en interrogeant les acteurs locaux, élus et techniciens, en s’inspirant d’opérations de reconversion similaires, et en réalisant des études de marché, pour en ressortir avec deux ou trois pistes possibles.
La deuxième phase consistera à mettre en perspective ces scénarios avec les différents partenaires, de les approfondir et de voir leur faisabilité technique et financière. Les résultats sont attendus en juin 2021.
Aucune piste écartée pour le moment
Sébastien Leclerc et François Aubey se disent très attentifs au projet qui naîtra dans ce lieu « magique » et « chargé d’histoires ». Habitat ? Services ? Culture ? Loisirs ? Commerces ? Bureaux ? Pour le moment, aucune piste ne se dégage, comme le confirme le président de l’agglo :
C'est prématuré de dire ce qu'il va s'y passer. Mais en tout cas, nous nous mettons au travail pour définir un vrai projet entre la ville de Lisieux et l'agglomération, dans le cadre d'Action cœur de ville.
François Aubey Président de l'agglomération de Lisieux
Même son de cloche pour le maire, qui le trouve aujourd’hui « enclavé ». Il veut le rendre « plus vivant et plus attractif », un lieu de passage et en harmonie avec la place Mitterrand et la cathédrale d’un côté, et le jardin public de l’autre.
ALERTE ALERTE ALERTE ALERTE !!!
Faut-il tout garder ? François Aubey s’interroge notamment sur l’aile qui surplombe le jardin public : « Est-ce que cela ne doit pas être mis par terre pour oser un projet mixant l’ancien et le moderne ? Je crois qu’il ne faut rien s’interdire ».
20 millions d’euros de travaux estimés
Il faudra de toute façon voir ce que les finances permettront de faire. Sébastien Leclerc et François Aubey souhaitent que le Département et l’État, qui sont les propriétaires des lieux et sont vendeurs, accompagnent financièrement l’éventuel futur projet. Pour la remise en état de l’ensemble, le chiffre de 20 millions d’euros circule.