Cherbourg-Bayonne: construction d'un Axe Plantagenêt pour le fret ferroviaire...
En période de crise, il faut investir en sachant regarder un peu plus loin que l'horizon assombri par la brume de la conjoncture. La géo-histoire peut nous y aider...
La géographie de la Normandie permet de doubler par l'Ouest, le corridor isthmique européen saturé "Amsterdam- Marseille" : c'est l'axe que nous appelons ici "axe Plantagenêt" parce que nous connaissons ici l'histoire normande ou anglo-normande.
Le Brexit a créé l'opportunité de faire du port normand de Cherbourg la porte d'entrée privilégiée de l'Irlande en Europe: c'est une opportunité qui doit être totalement prise en compte en Normandie.
Voilà plusieurs années que les gouvernements successifs cherchent à développer les autoroutes ferroviaires. En 2022, la première autoroute ferroviaire de la façade atlantique reliant Cherbourg à Bayonne pourrait entrer en service. Les travaux ont déjà commencé en Normandie et Pays de la Loire.
« Chaque camion chargé sur le train, c’est une tonne de CO2 économisée, se réjouit Maxime Boisson, représentant de la maîtrise d’ouvrage SNCF Réseau. L’autoroute ferroviaire, transition écologique dans le transport de marchandises, permet d’éviter la saturation des autoroutes et des routes. C’est le fret d’avenir ! » Six autoroutes ferroviaires ont déjà vu le jour dont l’une permet le passage en Espagne, l’autre en Italie. Une septième devrait entrer en service l’année prochaine et relier Cherbourg à Bayonne. « La part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises en France n’est actuellement que de 9 % mais l’offre devrait se développer davantage dans les années à venir : l’État entend doubler ce chiffre d’ici à 2030 », précise Laurent Fléchet, pilote maîtrise d’ouvrage des autoroutes ferroviaires à SNCF Réseau.
Un projet soutenu par Brittany Ferries
Cet axe situé sur la façade Atlantique est stratégique pour de nombreux acteurs français comme Brittany Ferries. En 2018, la compagnie maritime bretonne interpelle SNCF Réseau via un appel à manifestation d’intérêt lancé par l’État, car elle cherche à proposer à ses clients une solution alternative au transport maritime et faciliter les échanges commerciaux entre l’Angleterre et l’Espagne. Le principe est simple : acheminer des camions complets ou des semi-remorques sur des wagons spécialement aménagés, surbaissés pour franchir ponts et tunnels. Les ingénieurs se mettent au travail, imaginent un tracé permettant de traverser la France de nuit, à raison d’un aller-retour par jour, cinq jours par semaine.
Un mode de transport plus économique
Chaque wagon peut transporter deux semi-remorques : « Il suffit d’un terminal de départ avec une plateforme de chargement des camions, explique Laurent Fléchet, un terminal à l’arrivée et la définition d’un « sillon », le tracé de l’itinéraire du train calé dans le temps en vérifiant les disponibilités et fréquentations de la voie. » Les transporteurs optent davantage pour le transport de la remorque seule, afin d‘éviter la présence d’un conducteur durant tout le trajet. Il suffit d’organiser une récupération à l’arrivée par un autre conducteur : « L’autoroute ferroviaire est pertinente d’un point de vue économique à partir de 600 km et plutôt orientée sur les transports transfrontaliers, poursuit Laurent Fléchet. Elle est aussi intéressante pour franchir des obstacles comme des zones de montagnes.
Trois ponts en Normandie et Pays de la Loire
En Normandie, ils repèrent deux ponts voûtés et maçonnés gênant la circulation. Le camion sur le wagon augmente en effet la hauteur standard habituelle. L’un est déconstruit, jugé inutile. Pour l’autre, il est décidé de creuser le sol afin d’abaisser la voie et permettre le passage des wagons chargés. Les travaux débutent.Un troisième pont est identifié à Écommoy dans la Sarthe : « Nous avons procédé à un abaissement de plateforme et donc, creusé le sol pour permettre le passage du train », explique Maxime Boisson. Les travaux ont eu lieu en septembre et octobre 2020 dans le respect du protocole sanitaire. Pendant dix jours, la circulation a été totalement interrompue, la double voie a été démontée et déposée. Les pelles mécaniques ont creusé le sol d’une trentaine de centimètres sur une longueur de 300 mètres. En même temps, la traversée de la voie piétonne de la gare d’Ecommoy a été sécurisée. Le montant des travaux s’élève à 1,18 million d’euros, intégralement financés, comme pour la Normandie, par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Lever les contraintes
Pour la partie sud, les études préliminaires se poursuivent, notamment pour franchir les quatre tunnels situés entre Poitiers et Bordeaux. Afin de permettre une mise en exploitation dans le calendrier souhaité, une méthode innovante est en cours de mise en œuvre. « Nous avançons sur une route que nous fabriquons en même temps, explique Laurent Fléchet. Nous tentons de résoudre les difficultés au fur et à mesure qu’elles se présentent. » Les réflexions devront aussi examiner les différentes contraintes d’exploitation, comme le risque de fermeture prolongée des passages à niveaux pour la traversée de Cherbourg et éviter les heures de pointe. Alors que les travaux réalisés en Normandie et Pays de la Loire s’élèvent à 3 millions d’euros, on évoque le chiffre très approximatif de 8 millions d’euros pour la partie sud. L’État prendra à sa charge la totalité des travaux concernant les infrastructures.