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L'ETOILE de NORMANDIE, le webzine de l'unité normande
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3 mars 2021

Voies ferrées délaissées : de l'autorail au taxirail, il n'y a qu'un... petit gouffre

     La question ferroviaire défraie régulièrement la chronique normande...

     Pour une fois, il ne s'agira pas de la ligne Le Havre-Rouen-Paris, de la ligne Cherbourg-Caen-Paris, de la ligne Granville-Paris... ou de la LNPN...

     Il y a une semaine, est paru dans le périodique Actu.fr 76actu l'article suivant :

De Rouen au Havre, ce train autonome pourrait bientôt relier une dizaine de petites lignes normandes

Actu.fr 76 actu Par Adrien Filoche Publié le 23 Fév 21 à 7:12

https://actu.fr/societe/de-rouen-au-havre-ce-train-autonome-pourrait-bientot-relier-une-dizaine-de-petites-lignes-normandes_39599162.html

Le taxirail propose d'enrichir l'offre de mobilité sur les petites lignes. Des études sont en cours pour une implantation dès 2024, sur plusieurs territoires.

Le taxirail est un transport autonome et intelligent qui pourrait voir le jour d’ici 2024, sur le territoire normand. Il permettrait de relier une dizaine de petites lignes, parfois délaissées par le réseau ferroviaire national. (©EXID Concept & Développement)

Taxirail se présente comme un transport ferroviaire autonome et intelligent qui pourrait fournir, d’ici quelques années, une nouvelle offre de mobilité sur plusieurs territoires, et pourquoi pas en Normandie, notamment au niveau des petites lignes. Ce dispositif, développé depuis 2017 par la société EXID Concept & Développement, propose de mettre en circulation sur des rails des « modules » pouvant accueillir jusqu’à 40 personnes.

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« Par rapport à la situation des petites lignes qui n’est pas optimale, on se donne l’idée de les sauver en rendant un service pratique pour le voyageur, à coût réduit voir nul pour la collectivité », explique Régis Coat, président d’EXID Concept & Développement.

Chaque module peut accueillir jusqu’à 40 personnes. (©EXID Concept & Développement)

Une implantation en Normandie ?

Encore en phase de développement, il faudra s’armer de patience et attendre au moins 2024 pour que ce transport moderne voit le jour. « Nous sommes en discussion avec plusieurs régions pour les phases de test et d’implantation. La communauté d’Agglomération Seine-Eure a déjà montré un grand intérêt. Des études de faisabilité sont en cours », souligne Régis Coat. 

Ce train, qui fonctionnera avec une motorisation hybride à l’hydrogène, espère dans un premier temps relier une dizaine de petites lignes, de la rive-gauche de Rouen à Saint-Pierre-Lès-Elbeuf, du Havre à Rolleville ou encore de Bréauté-Beuzeville à Notre-Dame-de-Gravenchon et Fécamp.

La liste des potentielles lignes en Normandie en étude pour l’implantation des taxirails. (©EXID Concept & Développement)

« Par exemple, le trajet de Bréauté à Gravenchon serait fait en 18 minutes. Les modules circuleraient jusqu’à 100 km/h », explique Régis Coat. Et d’ajouter : « Sur la base potentielle du trafic voyageur de ce trajet, on pourrait économiser 446 tonnes par an de CO2. »  Une manière, selon lui, de contribuer à la transition vers une mobilité décarbonée.

« Comme un train classique »

Pour les heures pleines, le taxirail fonctionnerait « comme un train classique, avec des horaires fixes. Il desservirait les gares ou les haltes existantes. On pourrait aussi créer certains arrêts », note celui qui est à l’origine du projet.

« Il faut voir ça comme un principe de l’ascenseur. Le taxirail s'arrêtera autant de fois que nécessaire pour faire descendre ou monter les personnes à la demande, selon les arrêts prévus sur le trajet. »

Régis Coat, Président d’EXID Concept & Développement.

Pour les heures creuses, Régis Coat pense à un système à la demande. « Pour le client, il faudrait, quoiqu’il arrive, passer par une réservation, soit via une application, soit un système de bornes dans les gares. Ce serait nécessaire afin de prévoir le nombre de modules et grouper les personnes pour des raisons écologiques et économiques. »

En cohabitation avec la SNCF

Ce nouveau transport est aussi une réponse au rapport Spinetta, publié en 2018 et qui préconise la fermeture d’une multitude de petites lignes parfois peu fréquentées et jugées déficitaires.

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Le taxirail, qui se veut comme un dispositif complémentaire, devrait ainsi cohabiter avec la SNCF, Régis Coat en a conscience. « Avec ces modules, on est dans la problématique des trains légers. C’est une toute nouvelle classification dont la réglementation est en cours d’écriture. Nous sommes en train de voir comment cela va se passer avec la SNCF. »

Il évoque ainsi plusieurs cas de figure : « D’ici 2024, il y aura des lignes qui sont ou seront retranchées du réseau ferroviaire national, c’est-à-dire qu’elles n’appartiendront plus au réseau SNCF. Alors, elles pourront être utilisées ou réservées par les taxirails. »

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Mais selon lui, il faut avant tout prévoir une cohabitation, a minima avec les trains touristiques, et éventuellement les transports de fret. Enfin, l’article 172 de la loi LOM (loi d’orientation des mobilités) publié début 2021 au Journal officiel permet désormais aux collectivités de récupérer la propriété de certaines voies. De quoi offrir une perspective intéressante afin de lancer sur de bons rails ce nouveau moyen de transport.

     Oui, mais voilà, c'était sans compter sur l'avis de membres du milieu ferroviaire animateurs d'un blog cohabitant sur Canalblog avec l'Etoile de Normandie :

Nouveau dossier 26 février 2021

A propos de Taxirail et autres « concepts innovants »

http://transportrail.canalblog.com/pages/a-propos-de-taxirail-et-autres---concepts-innovants--/38835704.html

C’est cyclique : reviennent régulièrement des idées « disruptives » dans le domaine du transport public de voyageurs. L’histoire en est riche, le plus souvent accompagnées de cuisants échecs techniques et/ou commerciaux quand l’aventure a commencé à être concrétisée. Citons ainsi uniquement pour la France l’Aérotrain, le monorail Safège, le SK (son fantôme à Noisy le Grand et son échec à Roissy), Aramis et le VEC dans le parking de la FNAC Montparnasse…

Depuis plusieurs mois, émergent de nouveaux concepts qui se présentent comme de nouvelles solutions à court terme pour les lignes de desserte fine du territoire, partant du principe que le mode ferroviaire classique n’est pas adapté, trop cher, trop polluant et désuet.

En tête d’affiche, Taxirail, développé par la société EXID en 2017, se présente comme un « train autonome assurant un service utile pour les voyageurs, rentable pour l'exploitant et à coût nul ou réduit pour la collectivité », destiné à « sauver les petites lignes ». Surfant sur les déclarations du ministre délégué aux Transports et sa démarche de « trains légers », c'est un micromodule de faible capacité, ultraléger, porté par la croyance selon laquelle la baisse du coût de rénovation de l’infrastructure est directement proportionnelle à la masse du mobile qui l’emprunte. Le module serait alimenté au biogaz ou à l’hydrogène. Sans conducteur, il pourrait fonctionner en solo ou en couplage virtuel. On n’en sait pas beaucoup plus, le site Internet est pour le moins succinct.

Taxirail est très dynamique dans son lobbying auprès des élus locaux, mais aussi du gouvernement, et sur les réseaux sociaux, où leur concept apparaît comme la réponse universelle à tous les sujets… mais en éludant bien des questions délicates. Ils ne sont pas les seuls, car d’autres, y compris au sein du groupe SNCF, planchent sur des concepts comparables… et selon la même méthode.

Dans ce dossier, transportrail liste leurs points de faiblesse (sans avoir la certitude d'être exhaustif !) un peu trop mis sous le tapis par leurs promoteurs, alors qu’ils sont pourtant nombreux et tout sauf anecdotiques…

Compatibilité avec les flux / confort

La faible taille du module, pour assurer une masse la plus réduite possible (8 tonnes pour Taxirail par exemple), pose la question de la capacité d’emport avec donc celle de la compatibilité avec les flux de déplacement. Certes, le « couplage virtuel » est mis en avant pour contourner ce sujet, ce qui amène à interroger le système de gestion du trafic sur des lignes (essentiellement à voie unique avec des points de croisement préexistants) mais aussi de la compatibilité entre un système à la demande avec d’autres circulations classiques à l’horaire, pour commencer aux points de correspondances dans les gares principales.

Ajoutons que les voyageurs sont parfois munis de bagages, pouvant être assez volumineux, ce qui se traduira de fait par réduction de capacité du module, manifestement aménagé comme les microbus des dessertes d’hypercentre. Taxirail annonce un module de 40 places dont 16 assises, incluant aussi des aménagements pour les vélos, le tout sur une caisse a priori de 6 à 8 m de long. Ainsi, un micromodule propose majoritairement un voyage debout sur un trajet interurbain. Assurément idéal pour être attractif face à la voiture !

On se demande si l’on parle de transport collectif mutualisant les coûts fixes ou d’une individualisation du transport ferroviaire qui ne dit pas son nom et buttera sur la faiblesse des flux transportables en réalité au moment des bilans commerciaux et économiques (ce qui fait penser à l’échec d’Aramis).

Côté confort dynamique, une telle légèreté risque forcément de se ressentir sur le confort à bord, surtout aux vitesses annoncées par les promoteurs de Taxirail et autres concepts voisins. Tous les essais d’allègement du matériel ont buté sur le confort offert aux voyageurs, le roulement fer/fer, même sur long rail soudé (quand il existe) générant structurellement des vibrations que seule une structure lourde sait amortir. On rappellera les réputations des autorails FNC et 150 cv de l’après-guerre, ou des Pacers Anglais.

En fait, le point commun de ces concepts n’est pas d’améliorer la réponse à un besoin mais de demander au besoin de s’adapter aux contraintes du concept. Ce n’est pas la chaussure qui est trop petite, c’est le pied qui est trop grand !

Vitesse de pointe, compétitivité avec la voiture, sécurité

La vitesse est aussi une caractéristique inconnue : pour être crédible face à la voiture, atteindre une moyenne de 50 km/h est indispensable, ce qui implique une aptitude à circuler à 100 km/h. Peut-on raisonnablement penser qu’on puisse lancer à une telle vitesse – et surtout le freiner efficacement – un module d’aussi faible taille sur des lignes majoritairement en zone rurale avec un environnement boisé, par exemple en automne ? Ces micromodules semblent encore plus vulnérables aux feuilles mortes…

Taxirail annonce une vitesse commerciale entre 90 et 110 km/h : le promoteur semble ne pas savoir que la vitesse commerciale s’entend arrêts compris et que les chiffres avancés sont atteignables par des mobiles dont la vitesse maximale est au moins de 160 km/h. Or sur la plupart des lignes de desserte fine, la vitesse autorisée par l’infrastructure est de 80 à 120 km/h. Il est donc impensable d’atteindre de telles vitesses commerciales avec un Taxirail ; une vitesse de pointe de 100 km/h pour un module Taxirail est un objectif qu’on peut considérer assez déraisonnable, car malgré le bardage de capteurs et caméras d’un tel véhicule, le comportement en cas de collision avec un train classique, de heurt d’un engin routier à un passage à niveau ou en pleine ligne d’un animal pourrait provoquer quelques dégâts… Ces micromodules sont en réalité plus légers que beaucoup de véhicules routiers, au contraire des tramways et trains conventionnels, même les moins lourds.

On notera que les véhicules autonomes routiers ont déjà bien du mal à atteindre 50 km/h.

Si l’on raisonne par l’absurde, en imaginant un ralentissement avant chaque PN pour gérer le risque en diminuant l’impact d’une collision, la vitesse commerciale (la « vraie ») s’en ressentira fortement, diminuant la pertinence du transport collectif, à l’encontre du but recherché, sans parler du coût énergétique des relances multipliées sur des lignes avec un passage à niveau par kilomètre !

Quelle compatibilité avec les circulations classiques du RFN ?

Ces concepts sont présentés comme une réponse universelle à toutes les lignes de desserte fine du territoire, qu’elles soient exploitées ou fermées. En tournée auprès des élus locaux, ils font feu de tout bois en ce début d’année 2021, mais en passant sous silence le sujet de la compatibilité de ces concepts avec le réseau ferré national : la quasi-totalité des lignes de desserte fine du territoire est connectée aux grands axes pour l’accès aux gares têtes de ligne : cet emprunt varie de quelques centaines de mètres à plusieurs dizaines de kilomètres.

Nous n’allons pas faire une liste exhaustive, mais prenons quelques exemples :

. Etang sur Arroux – Autun : la gare d’Etang sur Arroux est située sur l’axe Nevers – Chagny, et la bifurcation vers Autun se situe à 312 m de la gare, après l’ouvrage franchissant l’Arroux : une exploitation de micromodule en partie à la demande devra pouvoir circuler sur cette portion empruntée par des trains classiques de voyageurs (essentiellement des AGC) mais aussi du fret lourd… et emportera ipso facto la suppression des trains directs Autun – Nevers et Autun – Dijon. Quelles pré-études de sécurité et d’exploitation ont été lancées pour identifier les problèmes posés et les solutions à apporter pour y répondre, absolument majeures pour que ce concept soit utilisable entre ces deux gares. Ne pas soulever cette question du côté des Collectivités appâtées par Taxirail peut être qualifié de légèreté, acceptable du côté d’Autun, mais beaucoup moins du côté des élus régionaux de Bourgogne – Franche-Comté ayant compétence transport depuis 2002, et pouvant s’appuyer sur des services rompus aux questions techniques ferroviaires. Quant à Taxirail, ne pas identifier ce sujet et y apporter une première esquisse minimale de traitement, alors que des délais très court de mise en service sont annoncés, interpelle beaucoup plus sur ses qualifications, motivations et compétences réelles !

. Bréauté-Beuzeville – Lillebonne : la ligne n’est pas utilisée par des trains de voyageurs mais par des trains lourds de matières dangereuses (produits pétroliers), et est amorcée de chaque côté sur des voies de services du fait de son usage fret (modification lourde et onéreuse des plans de voie de Bréauté et Lillebonne pour séparer les trafics voyageurs et marchandises). Dans l'hypothèse d'une réouverture aux voyageurs, le besoin porte sur une liaison Le Havre - Lillebonne, sans correspondance. Il faut donc être compatible avec des trains de voyageurs à 160 km/h et du fret sortant du port du Havre (qu'on espère plus nombreux !) : mission impossible pour ces micromodules !

. Limoges – Saint Yrieix la Perche : il y a 11 km de tronc commun avec la ligne Limoges – Périgueux empruntée par des trains classiques de voyageurs et de fret, avec une vitesse maximale de 110 km/h : comme pour le cas précédent, une correspondance à Nexon n'aurait pas de sens (la demande, c'est l'accès à Limoges) et impliquerait de toute façon l'emprunt des voies de l'axe principal... ou la création d'une voie dédiée (mais ce n'est plus le même prix) ;

. Saint Auban – Digne : la ligne est privée de desserte depuis 1989, mais peut-on sérieusement envisager un 3ème système de transport entre l’axe Marseille – Briançon (à voie normale) et les Chemins de fer de Provence (à voie métrique) ? Le bon sens serait évidemment de réactiver cette section par extension du domaine des CP, en appliquant les prescriptions et démarches sécurité du STRMTG… mais il va falloir trouver une solution dans la traversée de l’usine Péchiney.

Autun - 18 juillet 2009 - Une autre époque : l'X4630 est arrivé d'Etang sur Arroux, où il a relevé la correspondance sur un Dijon - Nevers, tandis que l'X73500 est arrivé de Laroche-Migennes, à l'époque où la liaison n'avait pas été coupée à Avallon. © ortferroviaire

 La Meyze - 31 juillet 2020 - Les X73500 avec leurs 80 places, leurs 12 tonnes à vide à l'essieu et leur vitesse de pointe de 140 km/h sont-ils des trains trop lourds et trop capacitaires pour les lignes de desserte fine ? La réponse est négative, quand on sait comment sont aujourd'hui sous-utilisées ces lignes et ces autorails, et quand on étudie de près la vie locale qui fournit leur trafic actuel... et surtout leur potentiel ! © E. Fouvreaux

Saussay la Campagne - 15 mars 2020 - Les promoteurs des micromodules ne reculent devant rien y compris envisager de faire rouler ces ascenseurs horizontaux sur une voie de cette nature, comme ici entre Etrepagny et Pont de l'Arche, où passent à faible allure des convois céréaliers. © ortferroviaire

Mallemoisson - 28 décembre 2015 - L'ancienne voie normale Saint Auban - Digne mériterait d'être réactivée pour assurer une navette en rabattement sur l'axe Marseille - Briançon : le plus logique serait de la confier aux Chemins de fer de Provence avec une voie toute neuve mais à écartement métrique. Mais d'autres idées sont émises : une piste cyclable, une voie pour les autocars (la route à juste à côté) ou des micromodules autonomes. © ortferroviaire

Par conséquent, il faut que le module soit apte à circuler en toute sécurité sur le réseau ferroviaire et à cohabiter avec des convois de taille variable, y compris des trains de fret de 1800 tonnes circulant à une vitesse variant de 40 à 100 km/h sur ces lignes. On attend avec impatience la position de l’EPSF sur ce sujet… et même du STRMTG, puisque certaines lignes pourraient changer de réglementation sécuritaire et que la question des passages à niveau est en réalité tout sauf anecdotique sur les contraintes à gérer et l’impact sur l’efficacité du transport collectif ferroviaire

Nous sommes aussi interrogatifs sur la compatibilité entre un module autonome à la demande, avec des arrêts eux-mêmes facultatifs, et des circulations ferroviaires conventionnelles, avec un horaire prédéfini, un espacement au signal et interface sol-bord déjà défini. Le poste de commande centralisé d’un système de modules autonomes devra être interfacé avec les postes gérant les sections de lignes appelées à être empruntées pour accéder aux gares têtes de ligne. Et toutes les lignes du RFN n’en sont pas capables, quand il s’agit de sections en block manuel ou des techniques automatiques analogiques anciennes. Quant à la « petite ligne », quel sera le régime d’exploitation d’une section sur laquelle circulerait à la fois des micromodules autonomes et aussi du fret (la moitié d’entre elles), sous block manuel ou sous cantonnement téléphonique ?

Par conséquent, envisager un carrousel de modules autonomes en mixité – même ponctuelle – avec une exploitation ferroviaire classique nous apparaît fort peu probable, ce qui pose donc la question de la continuité pour les voyageurs avec la création de ruptures de charge pour éviter un tronc commun à deux systèmes différents, ce qui amènerait à créer de nouvelles gares ou à créer – à quel prix et sous quels délais ? – des infrastructures nouvelles dédiées aux micromodules. Bref, on approche le piano du tabouret !

Evoquons aussi à ce stade que l’extrême légèreté est encore moins compatible avec la « lourdeur relative » des trains classiques quand il faut shunter des circuits de voie. Ceux-ci posent déjà des difficultés avec les matériels modernes du fait de la disparition des semelles de frein en fonte, on n’ose imaginer les qualités de shuntage d’un micromodule.

Coût de l’infrastructure

La légèreté des modules (moins de 10 tonnes) est mise en avant pour expliquer que le coût de rénovation de l’infrastructure sera fortement réduit voire éludé. C’est en grande partie erroné et transportrail a déjà abordé ce sujet dans son dossier sur les trains légers. Ainsi, un viaduc maçonné ou un tunnel à rénover ne sera pas moins onéreux à traiter qu’on y fasse passer un Régiolis, un X73500 ou un de ces concepts innovants. Justement, leur extrême légèreté imposera une infrastructure à la géométrie parfaite pour procurer un bon niveau de confort et éviter de malmener la structure du module au risque d’attenter à la sécurité de la circulation et assurément de réduire sensiblement sa durée de vie.

Par exemple, Taxirail évoque un coût de 150 000 € par kilomètre renouvelé, contre une moyenne de l’ordre de 850 000 € pour des opérations réalisées par SNCF Réseau avec des trains classiques, ou 400 à 500 000 € pour des lignes réservées aux seules circulations fret au mieux à 40 km/h. Encore une fois, il est assurément possible de faire mieux que le gestionnaire d’infrastructure actuel, mais du moins faut-il préciser les conditions : niveau de performance, compatibilité avec les autres types de circulations, fréquence des interventions de renouvellement ?

Autre dimension économique : quel est le coût complet du système ? Les modules et le poste de commande centralisée ? Quels sont les coûts associés aux interfaces avec le réseau ferroviaire conventionnel, si tant est qu’ils soient possibles (ce dont il est permis de douter).

Accessibilité

La facilité d’accès est mise en avant, mais on ne connaît rien de ces micromodules quant aux interfaces physiques entre le mobile, la voie et les installations en gare : organes de roulement, hauteur de plancher, largeur de caisse, lacune horizontale et verticale quai-train et modalités d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. A priori, les véhicules sont à gabarit réduit (2,40 m ? 2,65 m ?) impliquant des comble-lacunes embarqués. La rectification de quais est difficilement envisageable dans le cas – majoritaire – de mixité de trafic, et a minima dans les gares de correspondances où les quais ne peuvent pas être spécialisés dans de nombreux cas

Décarbonation

Fondamentalement, il n’y a pas de différence majeure entre un train classique et des micromodules : le verdissement du train classique est déjà engagé avec une palette de solutions variée, exposée par transportrail dans son dossier consacré à ce sujet. La focalisation sur l’hydrogène amène aux mêmes questionnements sur le cycle production – stockage – distribution – consommation. En outre, avec une pile à combustible, il est nécessaire de se doter de batteries. Tout ceci dans un module de 8 tonnes ?

« L’âme des affaires c’est l’abstrait »

Aussi, il est très peu probable que ces concepts innovants puissent circuler sur le réseau ferroviaire actuellement exploité, surtout avec les délais très courts (quelques mois) annoncés par certains promoteurs dont le seul but est manifestement de s’assurer quelque rémunération de leurs cogitations de concours Lépine par des collectivités et quelques industriels peu au fait des sujets ferroviaires.

Les promoteurs de Taxirail mettent par exemple en avant les lignes dont les Régions accepteraient de récupérer la gestion à la place de SNCF Réseau… mais pour l’instant, tous les cas envisagés envisagent des trains classiques (cas de Montréjeau – Luchon, Pont Saint Vincent – Vittel, Molsheim – Epinal / Sélestat par exemple).

A court terme, le lobbying de ces inventeurs peut avoir pour conséquence de bloquer des solutions pragmatiques : ainsi, Taxirail cherche à séduire la Région Bourgogne – Franche-Comté sur Etang sur Arroux – Autun, promettant une mise en œuvre en quelques mois d’un module qui n’existe que sur une animation sur Youtube, évidemment sans le moindre début d’une démarche d’homologation : sous prétexte qu’il s’agit d’un « train léger », marotte ministérielle, peut-on envisager sérieusement que les organismes sécuritaires, qu’il s’agisse de l’EPSF ou du STRMTG, accepteront de signer une « homologation en blanc », et qu’avant cette ultime étape, les ingénieries spécialisées puissent apporter les démonstrations de sécurité nécessaires à celle-ci ? Pour Autun, c’est l’assurance d’être privée de service public de transport interurbain. Mais la Région semble prise à ses propres turpitudes quant au sauvetage de cette ligne qui ne représente pas un coût pharamineux !

A la rigueur, pourrait être envisagée un terrain d’essai grandeur nature avec des voyageurs, mais sur une ligne sans adhérence avec le réseau exploité, de sorte à tester le concept… mais même ceci nous semble peu probable et surtout un gaspillage d’argent public.

En conclusion, évoquons une nouvelle fois cette réflexion pleine de sagesse d’un grand monsieur du transport récemment disparu, Michel Bigey, l’un des pères du tramway français moderne.

Posté par : JJ Socrate

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Commentaires
D
Bsr,<br /> <br /> <br /> <br /> cf. l'audition du 3 Mars du Haut-Commissaire au Plan partisan de la relance des petites lignes ferroviaires,<br /> <br /> <br /> <br /> bien cdlt.
Répondre
F
Railcoop, une alternative crédible au désengagement de la SNCF?<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.lefigaro.fr/conjoncture/ligne-bordeaux-lyon-la-cooperative-ferroviaire-railcoop-franchit-une-etape-majeure-20210304
Répondre
G
C'est amusant, ceux qui vantent un hypothétique hyperloop comme solution pour les lignes régionales avec une infrastructure à construire de A à Z se précipitent pour démolir un projet utilisant les infrastructures actuelles, outre les réserves techniques, j'ai l'impression que ce qji défrise le olus, c'est l'idée que cela échappe à la SNCF, dernier bastion de la cgt avec edf.....
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