Patrimoine normand en péril/25: LA TOUR DU CHU DE CAEN SYMBOLE DE LA RECONSTRUCTION NE DOIT PAS ETRE DETRUITE!
Billet de Florestan:
Il y a une réflexion de Jean-Paul Sartre avec laquelle on ne pourra qu'être d'accord: "l'argent n'a pas d'idées."
C'est le problème principal d'un bâtiment, d'une architecture, d'un objet qui perd son usage et dont la dépense pour son entretien devient un scandale pour les comptables. Pis! sa destruction coûterait plus chère que son entretien pour rien.
Reste une solution qui n'est pas évoquée par Maxence Gorréguès dans l'article à lire ci-après:
La réhabilitation-transformation patrimoniale de cette formidable tour de Babel qui symbolise, à elle seule, l'arrivée fracassante de la modernité dans la Normandie de l'après-guerre et de la Reconstruction:
Cette tour d'hôpital est l'oeuvre d'Henry Bernard, architecte français, grand prix de Rome qui est aussi l'auteur de la reconstruction de la vénérable université de Caen dans son actuel palais universitaire inauguré en 1957 et qui a été classé Monument Historique. Henry Bernard est aussi l'auteur de la maison de la radio publique à Paris, la fameuse "maison ronde" qui, elle aussi, a été classée au titre des Monuments historiques.
https://journals.openedition.org/insitu/10864
Pour en savoir plus sur le contexte historique et idéologique de la création d'un"hôpital-paquebot" à Caen dans les années 1960, à l'image du modèle américain déjà proposé par Paul Nelson pour l'hôpital Mémorial de Saint-Lô...
https://journals.openedition.org/insitu/13998
Dans ces conditions, on aura du mal à justifier dans un débat national la destruction du 3ème grand chef d'oeuvre de cet architecte si les deux autres sont classés, protégés et entretenus: on aimerait bien entendre notre déplorable Architecte des Bâtiments de France en poste à Caen sur ce sujet qu'il connaît bien lui qui aime à se présenter comme un défenseur et un promoteur du patrimoine architectural de la Reconstruction à Caen.
Il y a toujours eu une grande tour dans l'histoire du paysage urbain caennais: autrefois c'était le donjon du château ducal qui datait du XIIe siècle. Haut de près de 30 mètres, il fut en partie arrasé en 1793 par la Convention pour punir la ville de Charlotte Corday puis il fut totalement démoli et ces derniers vestiges dynamités en 1840 pour construire plus tard, à sa place, une caserne militaire qui sera elle-même détruite dans les bombardements de 1944. Les vestiges du donjon seront retrouvés puis mis en valeur dans le cadre de la redécouverte du château dans les années 1950.
La tour de Caen ne fut jamais oubliée: elle figure encore sur le blason des gendarmes de la Basse-Normandie en compagnie de nos deux léopards. Elle figure toujours sur les armes de la ville de Caen si l'on avait le courage et la curiosité intellectuelle de nous débarasser du logo débile qui tient lieu d'héraldique municipale...
C'est certainement en ayant à l'esprit cette forte symbolique que l'architecte Henry Bernard eut l'idée, à la fin des années 1960, de proposer cette monumentale tour de 80 mètres de haut sur le plateau d'Hérouville-Saint-Clair pour développer un CHU ultra-moderne à Caen: ce nouveau donjon caennais, qui se voit de très loin, au point qu'on le voit depuis le cap de la Hève ou du... beffroi de l'hôtel-de-ville du Havre, domine autant qu'il achève le grand programme de reconstruction et de modernisation d'une vieille cité normande meurtrie par la Seconde Guerre mondiale.
De fait, c'est LE monument de la Reconstruction caennaise.
La "Tour de Nacre" ne doit pas être détruite.
Certes, depuis sa création, cette tour a eu contre elle tous les défauts de ses avantages: trop lourde pour ses fondations, elle se serait enfoncée dans le sol. Elle est amiantée et son désamiantage a déjà commencé. Cependant, le bâtiment est sain et le béton brut de ses façades a particulièrement bien résisté depuis près de 50 années aux intempéries du ciel normand.
Il faut donc ouvrir le dossier de la patrimonialisation de la tour Henry Bernard et de sa réhabilitation pour d'autres activités et d'autres fonctions qui pourraient être mixtes: un projet qui pourrait l'objet d'un concours international d'architecture?
Du logement (une cité universitaire?); un hôtel; des bureaux pour des entreprises liées à la recherche-développement; des commerces; du loisir; du sport (en intérieur) et surtout... LE restaurant panoramique en haut de la Tour avec une vue extraordinaire à 360°: rien que pour avoir le droit de monter là-haut, l'agglomération caennaise a d'ores-et-déjà sa Tour Eiffel.
Demeure, cependant, un problème, juste un seul qui est, semble-t-il, plus grand que la Tour:
L'argent n'a pas d'idées et l'actuel maire de Caen n'en a pas davantage!
Alors que les deux premiers bâtiments du vaste chantier de la reconstruction du CHU de Caen vont sortir de terre au printemps 2021, se pose la question de l'avenir de la tour.
C’est un point de repère pour tous les habitants de l’agglomération de Caen (Calvados) : la tour du CHU et ses 23 étages seront vidés de leurs occupants après 2026, une fois le nouvel hôpital construit. Disparaîtra-t-elle pour autant dans la foulée ? Alors que les travaux de terrassement des deux premiers bâtiments du futur hôpital ont été lancés fin février 2021, la question se pose ?
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Une « déconstruction » à 100 millions d’euros
Pour l’heure, difficile de répondre, mais une chose est sûre : aucun montage financier validé n’existe pour payer le coût de sa déconstruction. Il est estimé à environ 100 millions d’euros. Autre élément admis des porteurs de projet : une fois le nouvel hôpital ouvert en 2026, plus aucun soin ne sera assuré dans la tour actuelle.
« Et on parle bien de déconstruction plutôt que de démolition car il est impossible de faire tomber d’un bloc un tel bâtiment avec toutes les activités existantes autour, explique Pierre Nassif, directeur des ressources matérielles du CHU. Sinon, le temps de l’abattage, il faudrait fermer le futur CHU, le périphérique et faire évacuer tous les bâtiments du secteur. »
C’est le coût global estimé de la reconstruction du CHU de Caen, taxes comprises. 14 % de cette somme est dédiée à la construction des deux premiers bâtiments qui seront livrés en 2023 ; 46 % à la seconde phase attendue pour 2026 et 40 % pour de nouveaux équipements (meubles, lits d’hôpital, nouvelles machines…), les études et les autres frais annexes.
La tour ne devrait donc pas rester en place éternellement, ne serait-ce que pour les obligations d’entretien que cela impliquerait, même à vide. « Actuellement par exemple, ce sont 40 personnes qui sont employées à temps plein pour assurer la sécurité incendie, pour une présence de 7 personnes 24h/24. »
En 2019, la Chambre régionale des comptes appelait vivement les porteurs de projet à alerter les collectivités territoriales au sujet de la déconstruction de la tour, et à se mobiliser sur ce sujet :
Le plan de financement initial de l’opération comprenait trois composantes : l’autofinancement (19 M€), les subventions (245 M€), l’emprunt (238 M€). [...] Outre le risque inévitable lié à l’évolution du taux des emprunts, ce plan de financement même actualisé est un réel pari sur l’avenir car dès le départ, il est incomplet. Le projet rend impérative la destruction de l’actuel bâtiment de la « Tour de Nacre ». [...] S’il est admis, pour des raisons de continuité du service public hospitalier, que ce bâtiment ne peut être détruit qu’après la construction du nouveau, il n’en demeure pas moins que sa destruction doit d’ores et déjà mobiliser les acteurs impliqués par la présence d’une tour de 23 étages dans un paysage urbain à forte visibilité.
Extrait d'un rapport de la Cour régionale des comptes de Normandie Février 2019
Les études de désamiantage et de déconstruction ont déjà été réalisées. La réflexion se poursuit…
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