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L'ETOILE de NORMANDIE, le webzine de l'unité normande
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12 mai 2021

La traite négrière dans l'histoire des ports normands ne doit pas être le prétexte à commémorer un... mensonge par omission!

A l'initiative de Christiane Taubira, la date du 10 mai a été choisie pour commémorer l'esclavage, crime contre l'humanité: une initiative qui ravira tous ceux qui ont besoin de se forger une bonne conscience en se battant la coulpe et qui révulsent ceux et celles qui sont attachés à la vérité historique.

Comment, en effet, commémorer officiellement un crime contre l'Humanité lorsque ladite commémoration se fonde sur un mensonge par omission?

Christiane Taubira a sciemment mis l'accent sur la traite négrière atlantique européenne en omettant sciemment TROIS lourdes réalités historiques:

1) L'esclavage a d'abord été pratiqué en Afrique par les Africains avant l'arrivée des Européens sur la côte et a alimenté une traite humaine organisée par des marchands arabo-musulmans qui fut bien plus durable et souvent plus épouvantable que la traite européenne.

2) L'esclavage et son commerce ont été interdits puis définitivement abolis par les Européens entre la fin du XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe siècle tandis que la colonisation européenne de l'Afrique a été amorcée pour conduire la lutte contre la traite arabo-musulmane qui a sévi jusqu'à l'orée du XXe siècle!

3) Les pays européens n'ont jamais connu sur leur sol ni l'esclavage et encore moins une organisation sociale séparant des groupes humains sur une base raciste à l'image de la ségrégation raciale qui a sévi dans les sociétés coloniales d'Afrique et d'Amérique.

Bref!

Il est important de commémorer l'esclavage comme crime contre l'Humanité. Mais à condition de commémorer tout l'esclavage!

Ci-après, on lira avec intérêt dans les deux articles suivants, le point de vue de l'historien Eric Saunier, maître de conférences en histoire moderne à l'université du Havre:

Qu'il faille connaître et reconnaître la participation des ports normands (Le Havre et Honfleur pour l'essentiel) à la traite négrière c'est une chose indispensable, mais de là à importer ici en Normandie des thématiques idéologiques qui sont totalement étrangères à l'histoire de la France et de la Normandie il y a un pas qu'il serait très dangereux de franchir!

Vue_du_port_du_Havre_en_1773,_d'après_un_grand_panneau_de_la_Salle_des_Etats,_à_l'Archevêché_de_Rouen,_dessin_de_Hubert_Robert

https://fr.wikipedia.org/wiki/Traite_n%C3%A9gri%C3%A8re_au_Havre


 

Esclavage, colonisation... Quand l'histoire sombre du port de Rouen laisse des traces

https://actu.fr/normandie/rouen_76540/grand-format-esclavage-colonisation-quand-l-histoire-sombre-du-port-de-rouen-laisse-des-traces_34370903.html

À Rouen (Seine-Maritime), le mouvement Floyd a réveillé des colères noires et le passé négrier du port. Retour sur cette sombre histoire qui laisse encore des traces.

Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées, à deux reprises en juin 2020, contre le racisme et les violences policières à Rouen (Seine-Maritime). (©RT/76actu)

Par Manon LoubetPublié le 26 Juin 20 à 7:12 

76actu:

Le mouvement en hommage à George Floyd, cet homme décédé à la suite de violences policières aux États-Unis, a réveillé des colères noires. À Rouen (Seine-Maritime), au-delà des violences policières, certains militants dénoncent avec ferveur l’esclavage, la colonisation et demandent réparation. Mais pourquoi cette rage et ce regard tourné vers un passé qui peut sembler si lointain ? 

À lire aussi:

Le passé négrier du port de Rouen trop méconnu

L’occasion de se replonger dans l’histoire du port de Rouen pour tenter de comprendre la colère d’aujourd’hui. Car si le passé négrier du port du Havre (Seine-Maritime) n’est plus un secret, le rôle du port de Rouen dans l’histoire de la traite des noirs est beaucoup moins connu. Plongée dans ce passé douloureux qui semble avoir laissé des traces dans ce grand format

Le mouvement en hommage à George Floyd, cet homme noir décédé à la suite de violences policières aux États-Unis, a ému le monde entier. À Rouen, ce mouvement a réuni plusieurs milliers de Rouennais à deux reprises en juin 2020 et a réveillé des colères noires. C'est le cas d'une militante qui se fait appeler Miss Attoua, figure du mouvement Floyd à Rouen. Elle dénonce l'esclavage, la colonisation et demande réparation.

Pour bien comprendre cette colère, il faut remonter dans l'histoire de l'esclavage et de la colonisation, une histoire méconnue qu'on devrait tous connaître.

Miss Attoua

« Un déni et une occultation de cette histoire »

Si le passé négrier du port du Havre (Seine-Maritime) n'est plus un tabou, le rôle du port de Rouen dans l'histoire de la traite des noirs l'est encore.  

"Quand on parle de l'histoire des migrations, on évoque toujours la Reconstruction, les immigrés qui sont venus travailler dans l'industrie automobile et autres... On invente une fiction qui débuterait après la fin des colonies, après-guerre, déplore Élise Lemercier, enseignante-chercheuse en sociologie à l'université de Rouen. Il faut bien comprendre que l'histoire des migrations s'inscrit dans une histoire beaucoup plus longue qui inclut l'histoire de l'esclavage et de la colonisation. Et aujourd'hui, il y a un déni et une occultation de cette histoire."


Qui sont les célèbres familles de Rouen impliquées dans la traite des noirs ?

En 1716, Rouen était alors désigné pour être le 4e point de départ du commerce triangulaire des colonies françaises, après Nantes, La Rochelle et Bordeaux, ce sont finalement Le Havre et Honfleur qui se sont substitués à la capitale haut-normande — les deux ports maritimes deviendront respectivement les 3et 7port négrier français — en raison de l’impossibilité de faire remonter la Seine à des navires de gros tonnages jusqu'à Rouen. 

Entre 1715 et 1780, si les riches négociants et armateurs rouennais comme la famille des Le Coulteux n'apportaient pas leurs capitaux, le commerce triangulaire qui s'est développé entre Le Havre et Honfleur n'aurait pas pu exister.

Éric Saunier

Maître de conférences en histoire moderne à l'université du Havre

Dans l'ouvrage Figures d'esclaves : présence, paroles, représentations d'Éric Saunier, Richard Flamein, docteur en histoire à l'université de Rouen, consacre un chapitre entier à l'activité des Le Coulteux dans le commerce de traite. "Les Le Coulteux, sans être armateurs, sont engagés à plusieurs niveaux, pour une partie non négligeable de leurs activités de façon directe ou indirecte, dans l’économie négrière, à la veille de la Révolution", écrit-il.

L’engagement du capital bancaire rouennais dans la traite, qui s'observe dans d'autres familles du négoce rouennais (les Legendre, les La Rue, les Bouëtte...) mais aussi dans des fratries parisiennes, "participe au changement d’échelle de son économie dans la seconde moitié du XVIIIe siècle", souligne le doctorant.

L'entrée précoce des Rouennais dans la traite

À la veille de la guerre de Sept Ans, en 1753, le tiers des navires voguant vers les Antilles appartient à des Rouennais. "L’entrée des Rouennais dans l’économie de la traite havraise est à la fois plus précoce et plus progressive qu’on ne le pense", assure Richard Flamein.

"Relier l’activité havraise à son 'arrière-pays', tant rouennais que parisien, c’est accepter le fait d’une géographie en réseau de l’intéressement au trafic négrier, rompant avec le schéma de la responsabilité ponctuelle et exclusive des grands ports maritimes, ouvrant la voie à une lecture plus intégrée des enjeux économiques de la traite, dans le dernier tiers du XVIIIe siècle", analyse Richard Flamein.  

 

Des Rouennais ont-ils eu des esclaves ?

Suite au développement de ce commerce, des noirs ont débarqué sur les quais de Rouen, suscitant l'intérêt des habitants. "À l’instar de Jacques Lemonnier ramenant Narcisse, un petit nègre de 13 ans à son domicile de la rue du marché aux Veaux, ou d’Adrien Langlois, lequel emploie Mercure, un esclave âgé de 10 ans qui lui avait été donné en guise de paiement", évoque Éric Saunier. 

Adrien Langlois, capitaine de navire demeurant à Dieppedalle, déclare le 28 septembre 1773 la présence de Mercure, petit nègre âgé de 10 ans.

L'historien précise que ce n'était pas des esclaves, "car on ne pouvait pas avoir d'esclave à l'intérieur du territoire français". "Ils étaient plutôt mentionnés comme des passagers, mais ils n'avaient pas de raison d'être là, et ils ne l'avaient certainement pas choisi. Souvent, ils se retrouvaient à travailler dans le port, là où il y avait besoin de main-d'œuvre."

Sous Louis XVI, il existait même "un dépôt des noirs près du palais de justice, soit une sorte de prison, et une police des noirs". Une relation "ambiguë" est née entre les Rouennais et ces étrangers. "À un moment donné, on a estimé qu'ils étaient trop nombreux. Certains sont alors repartis", commente Éric Saunier.

Puis, après la Révolution, les Rouennais se sont assez vite détachés et opposés à la traite des noirs. "Contrairement aux Havrais, qui ont continué ce commerce jusqu'en 1840, les Rouennais, s'ils l'ont défendu au début, en ont vite fait le deuil. Avec les manufactures de faïence à Saint-Sever notamment, ils avaient d'autres cordes à leurs arcs."

Pour l'historien, les vagues migratoires vers Rouen se font plus tard. "Au XIXe siècle, il y a eu quelques migrations. Car si le port de Rouen n'était pas un port négrier comme Le Havre, il a eu un grand rôle colonial."

Un commerce étroit avec le Sénégal

"Il est vrai que l'on a longtemps dit que Rouen était LE port de l'Afrique", se souvient Guy Pessiot, historien local, avec la présence de la Compagnie du Sénégal et de Guinée. De nombreux produits étaient échangés. Les Rouennais importaient de la gomme du Sénégal, un produit naturel issu d'un arbre africain, nécessaire pour les manufactures rouennaises de textile. Comme monnaie d'échange, les Rouennais exportaient ensuite leurs tissus. 

Ces relations commerciales étroites avec le Sénégal, décrites dans les Annales de Normandie par l'historien du Sénégal colonial Roger Pasquier, ont engendré des migrations et quelques installations à Rouen.

Mais c'est vraiment après les deux guerres mondiales que les migrations vers Rouen s'accélèrent. Le territoire souffrait alors d'un réel déficit de main-d'œuvre, notamment à la SNCF, Renault, dans le bâtiment...

"Il existait déjà une communauté sénégalaise à Rouen, mais c'est vraiment à partir de ce moment-là que l'on parle d'immigration collective et de massification. On est alors allé chercher des travailleurs dans les anciennes colonies du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest, raconte Élise Lemercier. À leur arrivée sur le territoire, ces derniers étaient administrés par d'anciens colons, rapatriés des anciennes colonies. À l'époque, on se disait que comme ils avaient vécu avec ces peuples, ils devaient savoir mieux gérer cette main-d'œuvre qui ne parlait pas français. On recomposait alors la situation dans les colonies en France métropolitaine avec une trame de l'ordre sociale raciste."

La fermeture des frontières dans les années 70

Avant les années 70, beaucoup d'hommes seuls venaient d'Afrique pour travailler quelques années, avant de repartir dans leur pays. Quelques uns s'installaient aussi, au gré des rencontres. "On est allé les chercher, c'est vrai, il y a eu quelques opérations de recrutement au Maghreb. Mais c'est une image d'Épinal de dire qu'il n'y a eu que ça. Car il y a eu aussi beaucoup d'Africains qui sont venus par le bouche-à-oreille, parce qu'on leur disait qu'il y avait du travail ici et que les relations entre Rouen, la France et leurs pays sont historiques", observe Christophe Daum, anthropologue et maître de conférence au département de sociologie de l'université de Rouen.

"En général, un jeune venait travailler et envoyait de l'argent à sa famille restée au pays, avant de revenir chez lui quelques années plus tard pour s'installer, ouvrir un commerce ou autre. Ensuite, c'était un autre membre de la famille qui venait travailler en France. Cela tournait beaucoup", relate Élise Lemercier.

Jusqu'à ce que dans les années 70, avec la fermeture des frontières de la France, les visas soient beaucoup plus difficiles à obtenir. "Giscard d'Estaing a finalement rendu captifs les étrangers, commente la sociologue. Ayant peur de ne pas pouvoir revenir, ces étrangers sont alors restés, ont fait venir leur famille et se sont installés dans les logements les moins chers du marché, les grands ensembles de la Reconstruction, désertés par les Rouennais, car souvent en mauvais état et plein de malfaçons..."

Aujourd'hui, les migrations des anciens pays colonisés vers Rouen continuent mais sont difficiles, fermeture des frontières oblige.

"Il y a encore des jeunes qui arrivent, notamment des régions du fleuve (Sénégal, Mauritanie, Guinée...), qui sont historiquement une terre d'immigration vers Rouen. Ils connaissent toujours ici un cousin ou un parent. Mais la situation est très difficile aujourd'hui pour eux. Ce sont souvent des mineurs isolés qui ont du mal à se faire régulariser", observe Christophe Daum, anthropologue.

Le concept de l'ethnoscape

Malgré ces épreuves, ces jeunes continuent de migrer à Rouen. "C'est le concept de l'ethnoscape, l'image qu'ils ont de Rouen, de la France qu'on leur a racontée, qu'on leur a fait imaginer... Un peu comme l'image qu'on a de New York même quand on n'y est jamais allé. Même si c'est difficile, on continue d'y aller pour voir, pour voir si c'est comme on l'avait imaginé", raconte Élise Lemercier. À cela s'ajoutent les multiples raisons des départs des migrants : guerre, climat, pauvreté...

Celle qui étudie les traces laissées par l'Empire colonial français dans les anciennes colonies est catégorique : "L'imaginaire des migrants est très lié à l'histoire coloniale qui a laissé des marques dans des pays comme le Sénégal, que ce soit dans les institutions ou auprès des citoyens. Il faut savoir que même aujourd'hui, on retrouve encore une structure napoléonienne dans le droit sénégalais !"

Certains normands comme David Jacob, musicien de Trust du Havre, se revendiquent comme des descendants d'esclaves.

Y a-t-il des descendants d'esclaves aujourd'hui à Rouen ? L'historien Éric Saunier précise qu'il est très rare de réussir à faire des liens directs, car il y a très peu de données précises : "Il est difficile de savoir si ces personnes issues de la traite sont restées à Rouen. D'une part, parce qu'elles étaient visiblement très peu nombreuses, d'après ce que l'on sait. Et d'autre part, parce qu'on ne sait pas si elles sont ensuite parties travailler à Paris ou encore rentrées en Afrique."

Mais le poids de l'histoire semble peser sur les épaules d'immigrés comme Miss Attoua, qui voudrait des actions fortes pour réparer ce passé douloureux. Tête haute, cette femme, née d’un père sierra-léonais et d’une mère ivoirienne, est arrivée en France à l’âge de 11 ans. 

"Mes pères ont subi l’esclavage, la colonisation, ont été arrachés à leurs propres terres pour aller servir les Européens… Cela fait partie de moi, de mon identité. Des millions d’Africains ont été déportés pendant la traite des Noirs, notre continent a été pillé et continue de l’être. Mais pourquoi ? Tant qu’il n’y aura pas réparation, nous ne serons pas apaisés."

Mardi 23 juin 2020, la statue de Christophe Colomb, pont Boieldieu, a été retrouvée dégradée.

Si elle ne soutient pas les dégradations des statues, comme celle de Christophe Colomb à Rouen, elle comprend le malaise qui existe autour de ces figures controversées.

"J'aimerais qu'on organise une table-ronde, quelque chose pour que tout le monde connaisse cette histoire et qu'ensemble, avec les Rouennais, la Ville... On décide si on doit rebaptiser des noms de rues, déboulonner certaines statues ou si on doit les garder au nom de notre histoire commune."

Un lieu pour honorer les migrations à Rouen

Koura Diouf, qui œuvre notamment pour aider les jeunes mineurs isolés au sein de l'association Pour un avenir meilleur, pense que Rouen devrait faire une force de ces migrations d'hier et d'aujourd'hui : "Moi-même, je suis née ici d'une mère Sénégalaise, qui est venue s'installer à Rouen. J'ai grandi entre deux cultures et c'est une richesse incroyable."

Pour elle, il ne s'agit pas de demander réparation. Son discours est complémentaire à celui de Miss Attoua. Au lieu de se plonger dans le sombre passé, Koura Diouf aimerait que ces migrations soient mises en avant quelque part dans la ville. "Il faut valoriser les différences culturelles, souligne-t-elle. Et c'est aussi à la population migrante de se mettre en valeur, de mettre en avant ce qu'elle a appris de son pays d'origine." Elle imagine un lieu culturel dédié aux migrations.

Une histoire aux multiples facettes

Laurent Fabius, président de la Créa (ancienne Métropole Rouen Normandie) en 2010, avait déjà voulu mettre en avant ce passé méconnu de Rouen dans un fascicule réalisé avec Éric Saunier.

À l'époque, Laurent Fabius et Christophe Bouillon, l'ancien vice-président en charge de l'Action culturelle de la Créa, voulaient "porter un éclairage sur cette page d’histoire mal connue" pour dévoiler au grand public "le rôle indispensable des capitaux des négociants de Rouen dans le démarrage de ce commerce honteux".

Aujourd'hui, des visites guidées sur le passé colonial de Rouen sont également évoquées dans le milieu touristique rouennais.

L'historien Éric Saunier n'est pas opposé à ces initiatives, mais pour lui, "cela doit être bien réfléchi et documenté" :

Dans la traite des noirs, les monarchies africaines ont aussi joué leur jeu. Il faut savoir que des noirs ont vendu d'autres noirs dans ce commerce. Dans ces projets, il faut accepter toutes les facettes de l'histoire.

Éric Saunier

Maître de conférences en histoire moderne à l'université du Havre

Ce que réclame l'historien, c'est la nuance, et un véritable travail scientifique.Table-ronde, lieu culturel, visite-guidée... reste à décider quelle forme pourrait prendre cette réflexion autour d'un complexe passé commun.

Rouen, ville d'accueil ?

  • Selon les dernières études de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) qui datent de 2016, Rouen compte 12 483 immigrés*, soit 11,3% de la population. La moyenne française est de 9,4%.

  • Les pays de naissance de ces immigrés sont en majorité situés en Afrique (67%) et en Union européenne (12%).

  • Les 20% restants se partagent entre la Turquie, d'autres pays européens et du monde.

    *Pour l'Insee, un immigré est une personne née étrangère à l'étranger et résidant en France. Elle peut être française si elle a été naturalisée. 


Éric SAUNIER - Le Havre, port négrier : de la défense de l’esclavage à l’oubli

https://www.anneauxdelamemoire.org/product-page/%C3%A9ric-saunier-le-havre-port-n%C3%A9grier-de-la-d%C3%A9fense-de-l-esclavage-%C3%A0-l-oubli

Conférence, expo, statue... Le passé négrier du port de Rouen ne restera plus dans l'ombre

Conférence, exposition, statue... La Ville de Rouen (Seine-Maritime) veut mettre en lumière une partie sombre de son histoire : le rôle des Rouennais dans la traite des noirs.

Par Manon Loubet Publié le 10 Mai 21 à 16:04 

Une statue ou un arbre des mémoires de la traite coloniale prendra place, probablement sur les quais de Seine pour le 10 mai 2022 à Rouen (Seine-Maritime). (©Archives/RT/76actu)

La nouvelle municipalité veut mettre en avant une partie sombre de l’histoire de la Ville de Rouen (Seine-Maritime) : le rôle des Rouennais dans la traite des noirs, dans un commerce triangulaire avec Le Havre et Honfleur.

Lundi 10 mai 2021, pour les 20 ans de la loi Taubira, qui vise la reconnaissance de la
traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité et à l’occasion de la journée nationale des mémoires de la traite coloniale, de l’esclavage et de leurs abolitions, la Ville organise une conférence une conférence débat sur le thème « La place de Rouen dans la traite négrière », à 18h30, en visio, sur Zoom. 

À lire aussi:

Rendre visible le passé négrier du port de Rouen

Une exposition, baptisée #CestnotreHistoire, réalisée par la fondation pour la Mémoire de l’esclavage, dans la galerie du rez-de-chaussée de l’Hôtel de ville, du 10 au 16 mai 2021, sera visible aux horaires d'ouverture de la mairie.
Un projet de statue ou d'arbre de mémoire, probablement sur les quais de Seine, sera inauguré le 10 mai 2022 "pour rendre visible cette histoire dans l'espace public", souligne Laura Slimani, adjointe en charge de la Démocratie participative et de la Lutte contre les discriminations à la Ville de Rouen.

Éric Saunier, enseignant chercheur et maître de conférence en histoire moderne à l’université Normandie Le Havre, est l’un des invités de la conférence du lundi 10 mai 2021. Rencontre.

À lire aussi:

Sans Rouen, les ports négriers du Havre et Honfleur n’auraient pas existé

Actu : Le port de Rouen a-t-il été un port négrier ?

Éric Saunier : Non, en raison de l’impossibilité de faire remonter la Seine à des navires de gros tonnages jusqu'à Rouen. Si en 1716, Rouen était alors désigné pour être le 4e point de départ du commerce triangulaire des colonies françaises, après Nantes, La Rochelle et Bordeaux, ce sont finalement Le Havre et Honfleur qui se sont substitués à la capitale haut-normande. Les deux ports maritimes deviendront respectivement les 3e et 7e port négrier français.
Mais si les riches négociants et armateurs rouennais comme la famille des Le Coulteux n'apportaient pas leurs capitaux, le commerce triangulaire qui s'est développé entre Le Havre et Honfleur n'aurait pas pu exister. Rouen, à l'époque, était une grande ville comparable aujourd'hui aux métropoles de Marseille ou de Lyon. Le Havre était une toute petite ville en comparaison...

Pourquoi les négociants rouennais investissent dans la traite des noirs ?

ES : C'était la crise du textile et les investisseurs rouennais ont orienté leurs capitaux ailleurs que dans les manufactures de Saint-Sever. Le commerce colonial, dont une partie était le marché aux esclaves, était alors une opportunité. C'était un commerce complexe à élaborer mais qui pouvait rapporter gros. On peut dire que c'était les premiers capitalistes à jouer sur les variations des marchés de main-d'œuvre, à ne pas placer leurs affaires dans un seul domaine.

À lire aussi:

Un dépôt des noirs à Rouen

Y-a-t-il eu des esclaves qui sont arrivés sur les quais de Rouen et dans la ville ?

ES : Oui, mais ce n'était pas des esclaves car on ne pouvait pas avoir d'esclave à l'intérieur du territoire français. Ils étaient plutôt mentionnés comme des passagers mais ils n'avaient pas vraiment de raison d'être là, et ils ne l'avaient certainement pas choisi. Souvent, ils se retrouvaient à travailler dans le port, là où il y avait besoin de main-d'œuvre.
Sous Louis XVI, après les avoir fait venir, on estime finalement qu'il y en a trop et on veut les renvoyer vers les plantations. Alors en 1779, une police des noirs est instaurée et il existait huit dépôts des noirs en France, des sortes de prisons dont une à Rouen, près du palais de justice. C'est une preuve de leur présence car nous avons peu de documents qui la prouvent.

Combien de temps a duré ce commerce rouennais ?

ES : C'est une histoire qui commence dans les années 1660-1665 quand Colbert a décidé de donner une vocation atlantique au port du Havre. On sait qu'entre 1715 et 1780, les Rouennais étaient très présents. Mais après la Révolution, ils se sont assez vite détachés et opposés à la traite des noirs. Contrairement aux Havrais, qui ont continué ce commerce jusqu'en 1840, alors que la traite avait été déclarée illégale en 1815. Les Rouennais, s'ils ont défendu ce commerce au début, en ont vite fait le deuil.

Que pensez-vous des projets de la Ville de Rouen pour rendre visible ce passé ?

ES : C'est très bien que la Ville de Rouen se saisisse d'un tel sujet. Mais tout cela doit être bien réfléchi et bien documenté. Des amalgames ou des confusions sont régulièrement faits, notamment au moment de la mort de Georges Floyd aux États-Unis, les choses ont parfois été mélangées. Ce sont des sujets sensibles de façon pertinente, mais il faut les analyser avec des connaissances et des faits historiques.

Infos pratiques :
Lundi 10 mai, à 18h30, en visioconférence sur Zoom. Réunion : 883 5349 2508 /Mot de passe : 486004

 


 

Nicolas Mayer-Rossignol• Président de la Métropole Rouen Normandie, Maire de Rouen1 j • Il y a 1 jour

"Regarder notre Histoire en face", c'est aussi le faire au plan local. Avec lucidité, sans rougir, sans complaisance. Oui, la Ville de Rouen a joué un rôle majeur dans la traite des noirs. C'est l'honneur de la Ville de faire ce travail de Mémoire, que nous menons avec toute l'équipe municipale et en particulier Laura Slimani."

 


 

Commentaire de Florestan:

Nous partageons totalement le point de vue d'Eric Saunier. "Regarder notre Histoire en face" ce n'est ni mentir par omission et encore moins singer en France, à Rouen en Normandie les dingueries du "wokisme" sauce américaine...

Nicolas Mayer-Rossignol dispose d'une tête bien pleine. Mais, visiblement, cet ingénieur de formation, n'est pas... historien!

Voir aussi:

https://www.lefigaro.fr/vox/histoire/la-traite-arabo-musulmane-est-volontairement-occultee-dans-les-memoires-de-l-esclavage-20210511

«La traite arabo-musulmane est volontairement occultée dans les mémoires de l'esclavage»

FIGAROVOX/TRIBUNE - Depuis 2006, le 10 mai est la journée nationale des mémoires de la traite et de l'esclavage. L'occasion de revenir sur l'importance de la traite arabo-musulmane, dont l'histoire est sciemment dissimulée, explique Marie-Claude Barbier Mosimann.

Marie-Claude Barbier Mosimann est maître de conférences honoraire à l'ENS Paris-Saclay. Elle a notamment publié Livingstone (Ellipses, 2016)


En 2004, l'ouvrage de l'historien Olivier Pétré-Grenouilleau, intitulé Les traites négrières, suscita bien des controverses. Il y montrait en effet qu'il existait non pas une mais trois types de traites négrières : la traite atlantique, la traite arabo-musulmane et la traite interafricaine qui alimentait les deux autres traites. Or ce livre sortait trois ans après le vote de la loi Taubira de 2001, qui reconnaît comme crimes contre l'humanité, la seule traite négrière occidentale, faisant des «blancs» les seuls coupables. Comme on ne pouvait pas en nier l'existence, Pétré-Grenouilleau fut accusé de hiérarchiser les traites pour minimiser la responsabilité occidentale puisque les chiffres donnés (respectivement 11, 17 et 14 millions) montraient que la traite transatlantique avait été la moins meurtrière. La polémique s'intensifia quand, en 2005, il déclara au Monde[1] qu'au «poncif raciste blanc - l'Occident civilisé face aux sauvages noirs - a succédé l'image tout aussi déformée de bourreaux uniquement blancs face à des Noirs uniquement victimes». Il fit, de ce fait, l'objet d'une plainte pour «diffamation publique raciale» et un collectif de Guyanais, Réunionnais, Mahonnais et Antillais l'attaqua au civil devant le tribunal de grande instance de Paris. Un collectif de 600 historiens se forma pour défendre la liberté des chercheurs, soulignant le sérieux du travail et mettant en garde contre une lecture sélective du passé. La plainte fut abandonnée. Notons que la polémique portait sur l'implication des Africains dans le processus de traite puisque plusieurs ethnies servaient de pourvoyeurs aux négriers. En 2005, Jacques Chirac décida que le 10 mai, jour de l'adoption de la loi Taubira, serait désormais célébré comme «la journée des mémoires de la traite négrière, de l'esclavage et de leur abolition». Ce singulier amnésique ramenait la culpabilité sur le seul Blanc. Un an plus tard, à la veille de la célébration, interrogée par un journaliste de l'Express sur son silence concernant la traite orientale, Christiane Taubira déclara qu'il était préférable de ne pas évoquer la traite négrière arabo-musulmane pour que les «jeunes Arabes» «ne portent pas sur leur dos tout le poids de l'héritage des méfaits des Arabes[2]». Autrement dit, outre le mépris infantilisant de cette remarque, les enjeux du présent autorisent l'amnésie mémorielle.

Or, si la traite occidentale a duré 3 siècles, la traite arabo-musulmane, elle, s'est étendue sur 13 siècles. Dès les débuts de l'Islam, au 7e siècle, elle s'est répandue dans tout le Maghreb d'où partaient des caravanes qui traversaient le Sahara pour ramener des esclaves noirs de la côte subsaharienne. Tombouctou fut une plaque tournante de cette traite qui déclina au plus fort de la traite occidentale, avant de reprendre de plus belle après les abolitions en Europe. Avec l'extension de l'Empire ottoman en Afrique du Nord, traite et esclavage restèrent florissants et des villes comme Alger, Tunis ou Tripoli, offrant de grands marchés d'esclaves, alimentés par des raids terrestres et également maritimes puisque d'elles partaient les pirates barbaresques pour razzier des esclaves chrétiens sur les rives nord de la Méditerranée. La traite arabo-musulmane a concerné pratiquement tout le territoire africain au nord du Zambèze, se divisant en plusieurs volets : transsaharien, sahélien, nilotique, et le moins connu, la traite zanzibarite qui saigna à blanc toute la région des lacs à partir de Zanzibar.

Zanzibar possède un grand marché aux esclaves - créé en 1811 - dont le spectacle bouleverse Speke du fait de l'extrême brutalité de traitement des esclaves.

Marie-Claude Barbier Mosimann

Ce sont les premiers explorateurs britanniques qui la firent connaître à l'occasion d'expéditions commanditées par La Société royale de géographie, pour cartographier l'intérieur de l'Afrique et élucider le mystère des sources du Nil, le Graal géographique de l'ère victorienne. À cette époque, vers 1850, la présence européenne sur le continent africain était pratiquement inexistante en dehors de la colonie du Cap, d'enclaves portugaises, britanniques, françaises, plus ou moins importantes, et de divers comptoirs côtiers. Les cartes de l'Afrique du Nord-Est s'arrêtaient à Khartoum et l'intérieur de l'Afrique restait inconnu.

La présence territoriale étrangère la plus importante était celle de l'Empire ottoman, qui occupait tout le Maghreb, à l'exception du Maroc, plus un vaste territoire le long du Nil. Or l'esclavage était un rouage essentiel de l'économie et de la société ottomanes.

Ce sont les témoignages des explorateurs britanniques qui vont révéler l'existence de la traite zanzibarite. Les deux premiers, John Hanning Speke et Richard Burton partent de Zanzibar et découvrent une ville commerçante prospère, avec de riches demeures et des palais, mais très insalubre, avec ses cadavres d'animaux et d'esclaves dans les rues et sur le rivage. Elle possède un grand marché aux esclaves - créé en 1811 - dont le spectacle bouleverse Speke du fait de l'extrême brutalité de traitement des esclaves. Sur le marché, hommes et femmes défilent nus, les femmes doivent se prêter à toutes sortes d'examens corporels intrusifs ; pour les hommes, une épreuve supplémentaire consiste à les attacher à un arbre au milieu de la place et à les fouetter avec les branches d'un épineux, pour mesurer leur résistance à la douleur. Jusqu'à sa fermeture en 1873, Zanzibar sera le cœur de la traite orientale.

À partir de 1830, la demande en esclaves s'accentue pour fournir l'Occident en ivoire, devenu à la mode, et surtout pour favoriser le développement de la culture du clou de girofle. De ce fait, les traitants arabes - qui jusque-là s'approvisionnaient en esclaves auprès de certaines ethnies africaines - décidèrent de monter eux-mêmes de grandes expéditions caravanières vers l'intérieur du pays.

Speke essaie, sans résultat, de convaincre le gouvernement britannique d'intervenir dans la région car, écrit-il, vu la violence des guerres tribales et des razzias arabo-musulmanes, les Africains seront bientôt « wiped off the face of the earth »

Marie-Claude Barbier Mosimann

Quand arrivent Speke et Burton, sur une population totale de 300.000 habitants environ, on comptait 200.000 esclaves, soit deux tiers de la population. Les conditions de vie sur les plantations étaient si dures qu'on estime à 30 % le nombre d'esclaves mourant chaque année et qu'il fallait donc remplacer[3].

Speke et Burton vont découvrir la logistique zanzibarite qui reposait sur des stations relais créées pour ravitailler les caravanes et y stocker ivoire et esclaves ramenés des raids alentour. À son retour en 1863, Speke essaie, sans résultat, de convaincre le gouvernement britannique d'intervenir dans la région car, écrit-il, vu la violence des guerres tribales et des razzias arabo-musulmanes, les Africains seront bientôt «wiped off the face of the earth» (balayés de la surface de la terre) par la traite.

Un an plus tard, la demande sera réitérée, sans plus de succès, par David Livingstone, médecin et missionnaire, le plus célèbre des explorateurs britanniques de l'ère victorienne et le premier à avoir pris conscience de la pénétration de la traite arabo-musulmane à l'intérieur de l'Afrique, et il va faire de son éradication son combat. Il suggère deux remèdes : évangélisation et commerce licite, donc désenclaver l'intérieur du continent pour y installer des voies commerciales et des missions chrétiennes. C'est dans ce but qu'il va explorer la région du lac Malawi, au nord du Zambèze et découvrir, atterré, que le lac est sillonné de boutres chargés d'esclaves en route pour la côte, et que maints villages sont jonchés de «squelettes et de cadavres en putréfaction», témoignage des raids négriers meurtriers. Dans son expédition suivante, plus au nord, jour après jour il trouve des esclaves morts, «abattus d'une balle, poignardés ou morts de faim la fourche au cou». Le 15 juillet 1871, il se trouve à Nyangwe, au nord-est du lac Tanganyika, et assiste au massacre programmé de tout un village pour inciter les Africains à «coopérer» avec leurs tortionnaires. Lorsqu'il parvint en Occident, le récit qu'il en fit («la lettre de Nyangwe») suscitera un tel tollé qu'il fera plus pour la prise de conscience occidentale des ravages de la traite arabo-musulmane que toutes les démarches précédentes. C'est Stanley, journaliste au NewYork Herald, qui, après avoir retrouvé Livingstone - dont on était resté cinq ans sans nouvelles - relaya le combat contre la traite auprès des journaux occidentaux et reprit le flambeau anti-esclavagiste après la mort de l'explorateur. Citons enfin un extrait du journal de Verney Cameron qui mena une expédition de secours à Livingstone, en 1873 : «Traverser les ruines de tant de villages déserts était d'une tristesse indescriptible. Où sont maintenant ceux qui les ont construits et qui ont cultivé les champs environnants ? Chassés comme esclaves, massacrés […] L'Afrique se vide de son sang par tous ses pores, sa population est quotidiennement décimée par la traite et les guerres intestines».

Si, en un premier temps, les missions ont lutté contre la traite, force est de constater que c'est la colonisation qui a réellement stoppé l'hémorragie dans la région des Grands Lacs.

Marie-Claude Barbier Mosimann

Le bilan que l'on peut tirer de tous ces témoignages (ici très résumés), c'est la progression inexorable des traitants arabo-musulmans à l'intérieur de l'Afrique de l'Est à partir de 1850 avec, en corollaire, le dépeuplement des régions parcourues. Ils illustrent bien le constat de Pétré-Grenouilleau : «Au 19e siècle, alors que la traite atlantique disparaissait progressivement, les traites orientales prirent une ampleur considérable, drainant entre 4,5 et 6,2 millions de personnes hors de l'Afrique noire continentale. Pour répondre à la demande croissante, les traitants arabes, Swahilis ou Africains islamisés, non seulement ouvraient des routes vers l'intérieur, mais, de plus, ils créaient des stations, fixes ou temporaires à l'intérieur du pays, pour y entreposer et y accumuler un maximum de « prises », avant de les ramener vers la côte […] Ce scénario eut pour résultat la mise à sac de régions entières, jusqu'aux Grands Lacs d'abord, puis bien au-delà, le fleuve Congo constituant une des grandes voies de pénétration ».

La publication de tous ces récits d'exploration inspira, dès 1875, une série d'initiatives, non de la part des politiques, mais d'un certain nombre d'églises : anglicans et non-conformistes décidèrent d'agir pour protéger les Africains et créèrent des missions, les Écossais sur le lac Malawi dès 1875, les Pères blancs du cardinal Lavigerie sur le lac Tanganyika à partir de 1878. Stanley contribua à l'arrivée de missionnaires au Buganda. Mais si, en un premier temps, les missions ont lutté contre la traite, force est de constater que c'est la colonisation qui a réellement stoppé l'hémorragie dans la région des Grands Lacs.

Il serait utile pour terminer de donner quelques dates permettant de contextualiser ces péchés attribués au seul homme blanc que sont l'esclavage et le colonialisme. Il ne s'agit nullement de dédouaner l'Occidental mais de montrer qu'il n'y a pas de raison historique d'en faire le bouc émissaire des malheurs de l'Afrique.

La traite négrière arabo-musulmane en Afrique a duré, elle, 13 siècles. Elle a été qualifiée de « génocide voilé » par l'anthropologue sénégalais Tidiane N'Diane.

Marie-Claude Barbier- Mosimann

La traite occidentale, partie émergée de l'iceberg, a duré moins de 3 siècles : elle a commencé à la fin du 15e siècle pour les Portugais, mais beaucoup plus tardivement pour la France puisque le premier bateau négrier, l'Union, partit de Nantes en 1707. Elle s'est terminée un siècle plus tard pour la France, qui, comme la plupart des autres nations européennes, a aboli la traite à la suite du congrès de Vienne de 1815. La traite négrière arabo-musulmane en Afrique a duré, elle, 13 siècles. Elle a été qualifiée de «génocide voilé» par l'anthropologue sénégalais Tidiane N'Diane qui écrit : «Bien qu'il n'existe pas de degré dans l'horreur ni de monopole de la cruauté, on peut soutenir […] que le commerce négrier et les expéditions guerrières provoquées par les Arabo-musulmans furent, pour l'Afrique noire et tout au long des siècles, bien plus dévastateurs que la traite atlantique».

L'Empire ottoman envahit tout le Maghreb - sauf le Maroc - à partir de 1517 et s'effondre à la fin de la Première Guerre mondiale, soit quatre siècles d'occupation du territoire nord-africain, alors que la colonisation européenne de l'Afrique est un épisode très court dans l'histoire du continent. Elle a véritablement commencé après 1885 avec la «ruée vers l'Afrique», conséquence de la conférence de Berlin où les Occidentaux ont fixé les règles du partage du continent et ouvert la voie à la colonisation. L'accession de la plupart des pays à l'indépendance s'étant faite autour des années soixante, la colonisation européenne de l'Afrique a duré, pour une majorité de pays, 80 ans maximum. Rappelons enfin que l'esclavage a été aboli au Royaume-Uni en 1833 et en France en 1848 alors qu'il a fallu attendre la fin du 20e siècle pour que bon nombre de pays islamiques suivent le même chemin, en théorie tout du moins. Comme l'a dit l'anthropologue algérien Malek Chebel «l'esclavage en terre d'islam» est «un tabou bien gardé».

Comment peut-on encore accepter que seul l'homme blanc soit qualifié d'esclavagiste et de colonialiste ? Faut-il penser avec N'Diane, qu'une forme de fraternité religieuse dans l'Islam ait abouti à l'oblitération par les Africains de ces siècles d'asservissement ?


À VOIR AUSSI - «L'État français doit apprendre à regarder en face son histoire»: Franco Lollia est jugé pour avoir dégradé une statue de Colbert

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Commentaires
V
Un grand merci, BEN, pour cette utile clarification ! Notamment par le renvoi vers l'article de FigaroVox, qui remet les pendules à l'heure à propos du partage de culpabilité entre "civilisations"... J'avais moi-même eu l'occasion d'accéder au dit article entretemps... qui met notamment en évidence, il faut le souligner, l'influence révisionniste d'une certaine Christiane Taubira...
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G
Il n'y a pas des années, un proche travaillant en Arabie Saoudite avait pu constater que certaines familles disposaient de personnel de maison vendus par leur famille en provenance d'Asie ou de la corne de l'Afrique.
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A
Ou comment se déresponsabiliser des actes commis par nos ancêtres...<br /> <br /> Ou comment nier le passé...<br /> <br /> <br /> <br /> "Si lui le fait, pourquoi pas moi ?"<br /> <br /> "C'est lui qu'a commencé..."<br /> <br /> <br /> <br /> Et l'esclavagisme existe toujours, il a juste changé de forme... Pourquoi nos industries, et vous le rappelez souvent la Normandie est ou était une grande région industrielle, sont délocalisées à l'autre bout du Monde ? Parce qu'on peut y payer des hommes et des femmes pour faire le même travail mais bien moins cher ! N'est-ce pas une forme d'esclavagisme ?<br /> <br /> <br /> <br /> Autrefois l'Europe et les Etats-Unis d'Amérique déplaçaient des hommes et des femmes pour faire le travail, aujourd'hui ils déplacent les usines. Loin des yeux, loin du cœur.<br /> <br /> <br /> <br /> Autant vous êtes un grand défenseur de la Normandie, autant passées les frontières du Duché votre perception semble moins sagace.
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