Un philosophe militant décolonial s'en prend à Alexis de Tocqueville sur France Inter... Sauf qu'il ne sait pas lire!

Jean-Louis Benoît, normand, grand spécialiste universitaire et érudit de l'oeuvre intégrale d'Alexis de Tocqueville reconnu internationalement pour la qualité de ses travaux de recherche sur l'oeuvre du grand philosophe et homme politique normand que l'on ne présente plus, est furieux!

Le 18 juin dernier, sur l'antenne matinale d'une radio publique payée à dire trop souvent n'importe quoi avec l'argent du contribuable, Jean-Louis Benoît a relevé la bourde suivante:

https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-vendredi-18-juin-2021

Extrait de la présentation de cette émission, "le grand entretien" qui, semble-t-il, n'est pas à une approximation près:

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Tocqueville un penseur pour la démocratie d'aujourd'hui

En lisant "De la démocratie en Amérique" "je me suis dit qu'il me parlait à moi et aujourd'hui" affirme Géraldine Mosna-Savoye. 

L'égalité entre tous

Pour Françoise Mélonio, Tocqueville "a saisi une forme de grandeur dans la démocratie" : "Pour Tocqueville, entre le domestique et son maître l’égalité se répand, entre parent et enfant le tutoiement se répand, et sur les races, il considère qu'il n'y a pas de différence de nature, pour lui la construction des races c’est artificiel. Il n'y a qu'une égalité qu’il n’a pas reconnue, ce que les féministes américaines lui reprochent aujourd'hui, c’est celle entre hommes et femmes".

La grandeur nationale pour justifier la colonisation

Tocqueville a produit un rapport sur la colonisation en 1847 et s'y montre favorable. Il s'agissait, selon Pierre-Henri Tavoillot, d'assurer "la grandeur nationale" face  à la concurrence de l'Angleterre, mais il y écrit des choses "abominables", puisqu'"il incite l’armée à massacrer la population indigène."

Penseur de l'individualisme

Penseur de l'individualisme, explique Pierre-Henri Tavoillot, Tocqueville dit que "c’est aussi ancien que le monde, mais dans la vie démocratique, l’individu devient la valeur suprême. Le risque c’est ce de s’enfermer dans le silence de son propre cœur". 

"Tocqueville pense qu'avec l’individualisme on risque de se retrouver sous la domination d’un seul"  ajoute Françoise Mélonio.

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La réaction très vive de Jean-Louis Benoît:

Pierre- Henri Tavoillot  affirme que Tocqueville a tenu des propos abominables et incité l'armée à massacrer la population! 

Qu'il cite les passages et donne ses références !

Ces propos sont la reprise du texte de Grandmaison et absolument pas celui de Tocqueville ! 

Que Monsieur Tavoillot lise, à ce sujet, la communication que j'ai faite au symposium de Compostelle, publiée aux États-Unis par Liberty Fund et reprise sur le site des universités québécoises et, partiellement, dans le n° 163 de la Revue Commentaire.

Qu'il lise également le livre d'Amin Boukerche : "Chronique d'une colonisation ratée"; qu'il lise aussi la biographie de Tocqueville aux éditions Perrin/Tempus.

http://classiques.uqac.ca/contemporains/benoit_jean_louis/reflexions_tocquevilliennes/reflexions.html

Tocqueville termine son rapport de 1847 par ces mots :

« La commission est convaincue que de notre manière de traiter les indigènes dépend surtout l’avenir de notre domination en Afrique, l’effectif de notre armée et le sort de nos finances ; car, en cette matière, les questions d’humanité et de budget se touchent et se confondent. Elle croit qu’à la longue un bon gouvernement peut amener la pacification réelle du pays et une diminution très notable dans notre armée.

Que si, au contraire, sans le dire, car ces choses se sont quelquefois faites, mais ne se sont jamais avouées, nous agissions de manière à montrer qu’à nos yeux les anciens habitants de l’Algérie ne sont qu’un obstacle qu’il faut écarter ou fouler aux pieds ; si nous enveloppions leurs populations, non pour les élever dans nos bras vers le bien-être et la lumière, mais pour les y étreindre et les y étouffer, la question de vie ou de mort se poserait entre les deux races. L’Algérie deviendrait, tôt ou tard, croyez-le, un champ clos, une arène murée, où, les deux peuples devraient combattre sans merci, et où l’un des deux devrait mourir. Dieu écarte de nous, Messieurs, une telle destinée ! »

Et dans ce rapport il condamne la poursuite de la guerre et des violences par Bugeaud !

Commentaire de Florestan:

Extraordinaire lucidité normande de Tocqueville sur ce qu'il adviendra de l'Algérie française un siècle plus tard...

Quant à Monsieur Tavoillot il est à craindre qu'il ait trop de choses à lire pour se faire une vraie religion: l'idéologie lui suffit!