Peut-on faire confiance au nucléaire ?
Ce n'est pas rien que le nucléaire !!! Une vraie bombe à retardement....
Il faut dire qu'entre le souvenir d'Hiroshima, l'accident de Tchernobyl et de ses retombées et le "secret défense" autour d'elles et de ce qui est fait des déchets, pas facile de défendre l'énergie nucléaire... En Normandie on compte 3 centrales (Flamanville, Penly, Paluel), un centre de retraitement (la Hague) et la construction actée de l'EPR à Flamanville relance les polémiques.
Mais dans le même temps peut-on faire sans le nucléaire ?
Dans une rubrique du journal le Figaro du 8 mai, Bernard Cazeneuve (Maire PS de Cherbourg-Octeville, premier vice-président du conseil régional de Normandie, ancien député de la Manche) signe un article Faire confiance au nucléaire, parier sur les énergies alternatives. Des manifestations ont vu le jour dans le Cotentin concernant la mise en place de l'EPR et des lignes haute-tension induites, mais dans le même temps plusieurs sondages (à prendre avec précaution, mais cela précise la "tendance") donnent près de 65% à 80% de l'opinion du Cotentin favorable au nucléaire... Il faut dire que le Cotentin est très dépendante économiquement et socialement de la manne du nucléaire et d'emplois directs ou indirectes liés à l'activité nucléaire, sans cela ce serait un coin de Normandie sinistré. Ceci explique cela.
La Normandie est dans le peloton de tête des régions les plus "nucléaire" avec 3 centrales, le centre de retraitement de La Hague (Manche), un centre de stockage de déchets faiblement radioactifs à Digulleville et un entrepôt de combustibles nucléaires pour sous-marins à l'arsenal de Cherbourg (Manche).
Flamanville, Paluel, Penly : 3 centrales nucléaires en Normandie ! Mais sommes-nous bien informés nous les Normands sur les risques liés aux centrales nucléaires, avez-vous reçu une brochure préventive et quoi faire en cas d'incident ?
(Le nuage de Tchernobyl a pu aller très loin, en cas d'incident majeur sur une centrale normande, Le Havre, Caen ou Rouen seraient rapidement touchées).
Mais néanmoins des contrôles plus stricts et une surveillance/vigilance plus transparente doit être mis en place aux côtés des PPI (plan particuliers d'intervention). Trop longtemps le "secret défense" étatique a été évoqué, et ce qui semble aussi très néfaste, c'est que l'opinion publique normande n'est pas assez instruite et préparée à ce qui se passe réellement dans nos usines d'énergies utiles pour la France et la Francilie mais qui peuvent aussi devenir des usines de mort.
Dans les évènements qui sont le plus "critiques", cela concerne les évènements inattendus surgissant pendant les arrêts des réacteurs pour leur maintenance et le problème de la routine dans la gestion des procédures par le facteur humain.
Mais dans le même temps, soyons réalistes, pour pouvoir renoncer totalement au nucléaire et à l'EPR, il ne sert à rien de voter anti-nucléaire, mais plus sûrement il faudrait arrêter d'utiliser de l'électricité en France (adieu lumière, adieu consoles de jeux, adieux blogs etc ...)
A lire aussi : la position de la CGT sur Bellacio
Un journal breton, Ouest-France, parle de "modèle normand qui peut faire école".
Yuca de Taillefer.
L'article dans le Figaro du maire PS de Cherbourg Bernard Cazeneuve : "Faire confiance au nucléaire, parier sur les énergies alternatives" le 8 mai 2006.
La peur parfois irrationnelle du nucléaire doit-elle interdire à notre pays d'avoir une réflexion sérieuse sur sa politique énergétique ? A l'heure où le réchauffement de la planète aboutit à de graves et irréversibles désordres écologiques, où la ressource en hydrocarbures s'épuise, peut-on se satisfaire d'une proposition de renouvellement du bouquet énergétique reposant sur les énergies alternatives et les économies d'énergie mais excluant totalement le nucléaire ?
Evidemment, non. L'urgence environnementale et la raréfaction du pétrole, mais aussi la nécessité de garantir notre indépendance énergétique nous imposent de veiller au développement des énergies nouvelles, d'engager un programme ambitieux d'économie d'énergie sans toutefois négliger le renouvellement de notre parc de centrales nucléaires.
La construction du prototype EPR ne vise en effet pas à accroître nos capacités de production d'électricité mais à en préparer le renouvellement. Les premiers réacteurs français arrivant en fin de vie entre 2015 et 2020, avant la mise au point prévue du réacteur de 4e génération, il importe qu'une évolution du procédé actuel puisse être construite dans les meilleurs délais pour assurer la transition vers la technologie du futur.
Ainsi la décision de construire un EPR n'a-t-elle pas pour effet d'engager notre pays sur la voie du tout-nucléaire, mais dans un processus de validation technique d'un réacteur annoncé comme plus sûr, plus économique et produisant moins de déchets. C'est au terme de ce processus que le choix de généraliser ou non la technologie EPR aux autres sites nucléaires français devra intervenir. Et ce sera au gouvernement d'alors, au terme d'un large débat démocratique mené devant le Parlement et dans l'opinion de préciser la place de l'option nucléaire, en tenant compte de l'apport des progrès scientifiques constatés.
Cette orientation responsable doit être assortie de garanties. La première d'entre elles est le maintien du nucléaire dans le giron d'un service public de l'énergie. Inscrite dans la loi d'orientation sur l'énergie, cette exigence mériterait d'être réaffirmée comme un principe intangible manifestant la volonté d'une maîtrise par la puissance publique de l'objectif de sécurité.
Une autre garantie doit être la mise en place d'une autorité de tutelle indépendante et responsable devant les Assemblées. Si la séparation est aujourd'hui franche et incontestable entre les exploitants du nucléaire et ceux qui sont chargés de faire appliquer les réglementations, il n'en reste pas moins que la future Haute Autorité ne sera un nouveau progrès que si elle est comptable devant le Parlement des modalités et des résultats de son action.
Au même titre que la puissance publique doit rester maîtresse du processus nucléaire, la représentation populaire doit rester garante de la réglementation et du contrôle des industriels.
La dernière garantie exigible est celle de l'information. L'information complète de la population et de ses représentants doit rester au coeur des objectifs des politiques publiques.
Evoquer, comme cela est souvent le cas aujourd'hui, la question des déchets, en la résumant à la profondeur de leur enfouissement est évidemment réducteur et amène insidieusement à stigmatiser une technologie aux rebus embarrassants et à la considérer comme irrespectueuse pour l'environnement et insupportable pour les générations futures. Il suffirait pourtant de rappeler que le million de mètres cubes de déchets qu'a produit le nucléaire civil français en quarante ans doit être comparé aux millions de mètres cubes de gaz à effet de serre relâchés par la combustion d'hydrocarbures.
Cette brève mise au point qui ne veut en aucun cas clore le débat montre qu'une simple comparaison éclaire ces enjeux d'une lumière différente, les ramène sur un terrain plus rationnel et offre au bout du compte à chacun la possibilité de reconsidérer sa vision. C'est dans ce cadre et aux conditions de sécurité qui viennent d'être rappelées que pourra s'engager un débat démocratique ne se limitant pas à l'énumération sommaire des avantages et inconvénients de l'atome, mais où l'ensemble de la problématique énergétique de la France devra être abordé. Indépendance, protection de l'environnement, place des énergies renouvelables, rôle de la recherche, relations Nord-Sud : chaque argument devra être étudié à l'aune de ces exigences.
L'enjeu de l'énergie est depuis la révolution industrielle au coeur des politiques nationales et, on le voit en Irak comme en Iran, source de graves tensions internationales. La raréfaction du gaz et du pétrole ne fera qu'amplifier un phénomène qui mérite par conséquent la plus grande attention de la part de tous et interdit le recours aux anathèmes et aux raccourcis trompeurs.
La définition d'une politique énergétique moderne suppose une réflexion approfondie, la création d'outils appropriés, susceptibles d'élargir réellement le panel national aux sources d'énergies renouvelables comme aux procédés de demain. Les avantages fiscaux consentis pour encourager les procédés domestiques innovants doivent être amplifiés et il reste à inventer de nouvelles interventions publiques pour que, progressivement, l'électricité d'origine renouvelable atteigne une part de 30 à 40% dans le bouquet de 2020, là où elle devra occuper 20% en 2010.
La garantie de notre indépendance induit une position à la fois offensive et mesurée, conciliant l'expérience acquise dans le nucléaire et la confiance dans les technologies nouvelles ou alternatives. Tout parti désirant gouverner un pays moderne doit aujourd'hui préalablement définir une politique énergétique digne de ce nom, au même titre qu'il se sera doté d'un projet économique, social ou culturel.
Ignorer cette dimension d'un projet politique moderne ou la considérer comme une variable d'ajustement dans la définition d'une plate-forme de gouvernement relèverait de l'irresponsabilité. Dans ce domaine, comme dans bien d'autres, notre pays doit s'engager sur une voie fondée sur son expérience et sa capacité d'innovation. C'est le gage d'une transition énergétique douce vers une société moderne de croissance durable sans pétrole.
Bernard CAZENEUVE, Maire PS de Cherbourg-Octeville, premier vice-président du conseil régional de Basse-Normandie, ancien député de la Manche.