Touche pas à nos coquilles
Michel H. A. Patin
Échange de quotas, diminution des tailles minimales, extraction de sables, zones Natura 2000, éoliennes... De sourdes menaces s'annoncent à l'horizon.
Un gasoil redescendu à 68 centimes mercredi matin à Port-en-Bessin ; des aides versées aux salariés des navires ; une saison de coquilles Saint-Jacques moyenne, mais correcte, qui ouvre dans moins d'un mois... Voilà qui devrait rassurer Paul Françoise, le leader des pêcheurs de la Fédération française des syndicats professionnels maritimes (FFSPM) en Basse-Normandie. « L'aide aux salariés a permis d'attendre la mise en place des contrats bleus », reconnaît-il. Mais, pour le reste, il y a de quoi « pousser quelques coups de gueule ».
« Les bateaux de Dunkerque et de Calais ont atteint leur quota de soles en Mer du Nord. Les Hollandais seraient prêts à leur donner une partie du leur en échange de droits à la coquille Saint-Jacques en Manche-est et dans la baie de Seine. » C'est un marché de dupes pour les Normands qui donneraient sans rien recevoir. Hier jeudi, les pêcheurs normands, à l'unanimité, ont dit non mais...
Autre coup de grisou : la proposition de la Commission européenne « de supprimer les tailles minimales des coquillages, de la coquille Saint-Jacques, de la moule, de la praire... » Ce sera débattu au conseil des ministres de la Pêche, en décembre prochain. « Pour la saint-jacques, on s'est battu, depuis 25 ans, pour la taille minimale de 10,2 cm en Manche ouest et 11 cm en Manche et Bruxelles veut la ramener à 10 cm partout en Europe. Les États pourront conserver leurs règlements nationaux, mais ça va déstabiliser le marché ! »
La menace des granulats
Les pêcheurs sont aussi remontés contre les projets d'extraction de sables au fond de la baie de Seine, les « granulats », qui servent à faire du béton. Les expérimentations pourraient devenir rapidement des exploitations, là où les pêcheurs pêchent... la saint-jacques. Ils s'inquiètent aussi des implantations d'éoliennes en mer. « Qu'on les mette dans les trois milles au large, suggère Paul Françoise. Puisqu'en 2012, on n'aura plus le droit d'y pêcher ! » Oui, mais dans cette bande des trois milles, soit environ cinq kilomètres, les éoliennes seront visibles de la côte, donc insupportables pour les riverains. Enfin, il y a Natura 2000. D'accord pour protéger l'environnement. Seulement certains engins de pêche, dont les dragues à coquilles Saint-Jacques, seraient alors interdits. Toutes ces menaces ne sont pas pour tout de suite, certes, mais la vigilance (une des qualités des marins) doit être plus grande que jamais.
Philippe SIMON.
Ouest-France