A l’époque ou les interrogations sur les marques fleurissent, il est intéressant de suivre la notoriété actuelle en France des différents toponymes.
Certes, les analyses précises font défaut et il manque des études ou enquêtes permettant à différentes échelles d’envisager le « pouvoir de séduction ou de rejet » exercé par différentes appellations. Quelles images (positives ou négatives) exercent les appellations territoriales ? Comment réagissent les populations aux termes de « Provence », « Bretagne », « Champagne », « Corse », « Berry »… ou aux différentes appellations urbaines (Lyon, Rennes, Bordeaux, Toulouse….) ?
Il est bien sûr loin d’être simple de répondre à ces questions qui touchent au marketing territorial. Toutefois, une source originale réside dans la base de données des marques déposées à l’INPI (Institut National de la Production Industrielle). En effet, ces marques ont pour l’essentiel une visée économique et l’on peut du coup envisager une corrélation relative entre le nombre de dépôts et la notoriété escomptée.
Au plan méthodologique, notre choix a ainsi été sur le registre de l’INPI de relever sans plus de nuance le nombre de marques déposées au titre des régions françaises, puis de taper d’autres appellations urbaines, départementales ou identitaires pour voir quelles étaient les concepts et noms déposés. Certes, l’initiative est très lacunaire car l’ensemble des noms n’a pas été saisi. De même, on n’a pas effectué une typologie croisée des appellations choisies selon leur caractéristiques économique, institutionnelle, culturelle ou de renommée.
Il n’empêche que ce premier debriefing apporte quelques éléments intéressants sur les noms porteurs … ou « perturbateurs ». A l’heure ou le marketing territorial se renforce (le « made in France »), l’analyse offre des clés de réflexions sur les territoires d’avenir, avec des tensions qui ne sont pas neutres entre les différentes échelles promues (Villes ou régions ? Département ou pays ? Régions administrées ou espaces de vie ? etc.).
Ainsi, si l’on décrypte tout d’abord les régions administrées françaises au regard de leur niveau de notoriété, il est clair que certaines appellations restent sans suite lorsque d’autres fleurissent. Ainsi, si l’on tape les noms des 22 régions françaises, on trouve par exemple 830 appellations « Bretagne » et 677 « Alsace », qui sont les deux premières régions citées. Un second type de région bénéficie d’une appellation relativement revendiquée : Bourgogne (453), Ile-de-France (395) et Corse (394). Par contre les chiffres s’effondrent bien vite et des appellations administrative sont souvent utilisées par les porteurs de projet de façon squelettique : 96 dépôts revendiqués pour la région « Languedoc-Roussillon », 75 pour le « Poitou-Charentes », 74 en « Champagne-Ardenne », 63 pour les « Pays de la Loire », 42 pour la Provence-Alpes-Côtes-d’Azur, 22 pour la « région Centre », respectivement 39 et 21 pour les « Haute » et « Basse » Normandie.
( carte ci-jointe : cartemarquesrégionales )
Ce répertoire ne signifie toutefois pas que des noms précités soient dénués de retentissement. Ainsi, au plan régional, on dénombre 1561 dépôts liés à la marque Provence, 705 pour la marque Champagne, 518 pour l’appellation Normandie… En somme, qui trop embrasse mal étreint. On lit dans le choix des marques et appellations claires un effet de levier pour créer des marques régionales. Des structures administrées et sans âme comme les « Pays de la Loire » (63 dépôts) sont débordées par l’appellation d’un seul de ses départements nommé Vendée (211 citations). La marque de la puissante région Rhône-Alpes (258 citations) est moins usitée que le toponyme Savoie (359 dépôts). La Franche-Comté (97 dépôts) est dépassée par le seul territoire du Jura (140). Le Poitou-Charentes (75 références) débordé par sa Charente (187) et son Poitou (131). La Provence-Alpes-Côtes-d’Azur surtout, avec 42 dépôts, se déflagre face au seul toponyme de Provence (1561 références). La région « Champagne-Ardenne » (74 citations) est près de 10 fois moins usitées que le patronyme Champagne, il est vrai lié au vignoble.
Alors, les identités territoriales porteuses ?… Il semble qu’un nom clair soit essentiel au fait que des projets et initiatives économiques s’y associe. Le terme de Bretagne (830 citations) est apparemment 13 fois plus porteur que celui de Pays de la Loire (63 citations) ou que les noms urbains de Nantes (245 citations), Rennes (149), Brest (89), Saint-Malo (67), ou Lorient (43). Toutefois, des appellations urbaines peuvent être aussi douées de retentissement. Ainsi, le terme Paris explose avec 10255 mentions devant le terme « France » (10127 dépôts). Bordeaux, en lien avec ses vignobles, dépasse la région Bretagne et compte 1096 mentions. En somme, rien n’est simple. Dans certaines régions notamment celle jouissant de la présence d’une capitale politique ou gastronomique, c’est la marque d’une ville qui compte. Ailleurs les régions « administrées » ou villes sans notoriété devraient sans contestation possible mutualiser leurs forces sur des appellations régionales simples qui donnent du sens et semblent être porteuses au plan économique. L’avenir se placera sûrement dans le choix de termes clairs, avec des options qui sont clairement à nuancer selon les effets d’aubaines ou de valeurs des appellations territoriales.
Jean Ollivro