Le colloque de trop?
Après Le Havre en 2010, Rouen en 2011 et Paris en 2012, c'était le tour de Caen d'organiser le colloque rassemblant les acteurs régionaux concernés et mobilisés, pour faire enfin vivre concrètement l'espace de projets de "l'Axe Seine", de "la vallée de la Seine" ou de "Paris-Seine-Normandie". Dernier colloque d'évangélisation et de conviction? Ou premier colloque d'action pour, enfin, entrer dans le concret des projets en parlant du sujet le plus important et le plus symbolique pour préparer l'avenir: la recherche scientifique et l'innovation...
Ni l'un ni l'autre hélas! On peut même dire, sans crainte, que le colloque de Caen fut le colloque de trop: celui d'une immense déception alors que Caen est encore, avec son université fondée en 1432 par un roi d'Angleterre, l'Athènes normande où se concentre la matière grise de la recherche fondamentale disponible en Normandie et complémentaire de l'écrasant plateau parisien de niveau mondial...
La déception est venue d'un représentant de l'Etat venu dire finalement que l'Etat n'a plus rien à dire ou à faire pour organiser la volonté et les moyens d'acteurs régionaux qui en manquent encore.
Colloque caricatural même d'un certain mal français qui consiste à briller d'intelligence diagnostique pour identifier les maux et les défis à la tribune ou à la "table ronde" avant d'en discuter encore devant un buffet bien garni... De l'esbrouffe intellectuelle en guise de prospective sur l'avenir, des lapalissades convenues, du défonçage de portes largement ouvertes, des "éléments de langage" pour mieux ignorer les vraies évidences, celles qui auraient fait dire à l'enfant candide que: " le roi est nu"!
En l'occurence:
1) Il n'y a plus d'argent public, il faudra mutualiser des contrats de plan Etat-région qui s'ignorent (notamment en Normandie) pour une indispensable cohérence avec le futur Contrat Interrégional avec l'Etat et les trois régions concernées par la vallée de la Seine.
2) Il serait enfin temps que les forces normandes se rassemblent pour que l'intérêt national de la vallée de la Seine soit réellement pris en compte par l'Etat central.
3) Pour obtenir deux milliards et la venue d'un Premier ministre, il faut s'enfoncer un bonnet rouge sur les oreilles et défoncer les préfectures à coup de tracteurs...
4) La coopération interrégionale normande est forcément spécifique, indispensable et structurelle voire fusionnelle. Mais pour oser justifier une coopération entre deux régions normandes, il faut surtout dire qu'on va le faire parce qu'on coopère aussi avec la région parisienne, la Bretagne, les Pays de la Loire, etc...
5) Il n'y a plus de confiance entre les populations, les acteurs de la société civile régionale et la classe politico-médiatique ou la haute-fonction publique: que du blablabla ! Dans les allées de l'amphithéâtre Pierre Daure, ce préfet qui s'était battu pour la résurrection d'une université à Caen en Normandie après 1944, le sondage publié le 11 décembre dernier à la une du Monde était largement commenté:
Pour redresser le pays et nous sortir de la crise actuelle, seulement 11% de nos compatriotes font confiance aux élus et aux collectivités territoriales mais 43% font confiance aux entreprises et 53% font confiance d'abord... en eux-mêmes !
Le divorce que nous avons ici diagnostiqué entre la Normandie réelle des acteurs déjà unifiée ou réunifiée et la sphère politico-administrative aveugle sur elle-même et la réalité, est patent !
On dira que ce constat de divorce sera le seul intérêt de ce colloque pourtant préparé avec soin par les agences d'urbanisme des quatre villes et métropoles concernées (Paris Rouen Le Havre et Caen): mais diable quelle idée ont-ils eu de programmer cette réunion à laquelle ils sont tous venus ou presque, un... vendredi 13?
Cela ne va-t-il pas nous porter définitivement la poisse ?
Car pour porter bonheur, encore faudrait-il, au préalable, croire davantage en nous mêmes et dans le potentiel même d'une Normandie qui, jamais ne fut évoquée pour elle-même et en tant que telle par les acteurs (notamment politiques) invités à prendre la parole par un Monsieur Loyal que nous connaissons bien ici et qui a fait efficacement son travail, à savoir Bertrand Tierce, l'éditeur de la Chronique de Normandie:
Tout juste a-t-on eu droit à quelques allusions bienveillantes (la Normandie ? C'est tellement évident...) sans parler du bégaiement habituel qui fit fourcher la langue de plus d'un orateur: "la , les Normandie"... "la Haute, euh ! pardon... la Basse" (dans le sens inverse aussi), "les régions Normandie", "les deux Normandie", "la grande Normandie", "les deux régions normandes"... D'où l'éviction du dilemme par la formule maniée par Bertrand Tierce: "le territoire de la vallée de la Seine"

Extrait de la belle plaquette réalisée par les agences d'urbanisme pour le colloque de Caen: le pont de Normandie, une réalisation concrète, symbolique d'une Normandie qui existe déjà sur le terrain et dans la réalité...
Les paroles du colloque (d'après notre prise de notes personnelle)
Tout d'abord, la liste des personnalités présentes:
Philippe DURON, député-maire de Caen président de l'agglomération Caen La Mer
Laurent BEAUVAIS, président du conseil régional de Basse-Normandie
Nicolas MAYER -ROSSIGNOL, président du conseil régional de Haute-Normandie
Edouard PHILIPPE, député-maire du Havre et président de l'agglomération du Havre (CODAH)
Frédéric SANCHEZ, président de l'agglomération de Rouen (CREA)
Yvon ROBERT, maire de Rouen
Christian SAUTTER, adjoint au maire de Paris
Isabelle THIS SAINT-JEAN, vice présidente du conseil régional d'Ile de France en charge de la recherche scientifique
François PHILIZOT, préfet coordonnateur et délégué interministériel au développement de la Vallée de la Seine
Antoine GRUMBACH, architecte urbaniste auteur du concept de l'Axe Seine (2009)
Michel LALANDE, préfet de région de Basse-Normandie
Pierre-Henry MACCIONI, préfet de région de Haute-Normandie

Pierre SINEUX, président de l'université de Caen-Basse-Normandie fait le mot d'accueil en rappelant les circonstances de la création d'une université à Caen en Normandie par le pouvoir anglais (1424 - 1432) et l'opposition de l'université de Paris à ce projet car "40 % des étudiants de Paris étaient Normands"... (prémonitoire !). D'emblée, il salue la dynamique de la Communauté d'universités et d'établissements (CUE) "Normandie universités" pour mettre en oeuvre "une politique de site à l'échelle territoriale pertinente". Il y a une évidente "interdépendance" derrière un "grand littoral" qui va " de Cherbourg au Tréport" qu'il faut "structurer" : le potentiel d'une "identité culturelle très forte" est là pour "sortir de l'isolement". En 1956, Caen avait accueilli les premières assises nationales de la Recherche scientifique voulues par Pierre Mendès-France afin de lancer une stratégie nationale de grands programmes structurants et le début de la décentralisation scientifique. Après les aspects économiques, industriels et logistiques, il est donc indispensable de parler des enjeux de la recherche scientifique et de l'innovation: le "rapprochement des Normandie" fait plus que jamais sens et plus encore dans le périmètre de l'Axe Seine: il ne s'agit plus d'un simple "dialogue entre Haut-normands et Franciliens". Les trois sites de recherche scientifiques de Caen (le campus 1, le plateau Nord et le pôle Efficience) rassemblent 14000 étudiants et 1400 enseignants-chercheurs avec 5 projets ou laboratoires labellisés EQUIPEX ou LABEX... La recherche et l'innovation sont indispensables pour accompagner la mutation industrielle en cours: Louis GALLOIS est venu la semaine dernière à Caen constater le potentiel caennais en la matière. La Basse-Normandie est aussi une grande région industrielle avec de nombreuses PME "pulvérisées" sur le territoire et prises dans les réseaux de sous-traitance de grands donneurs d'ordres: le potentiel d'innovation technologique est là aussi.
Laurent BEAUVAIS, président de région en Normandie, défend l'appellation "vallée de la Seine" (plutôt que "Axe Seine") avant de faire passer "trois messages personnels": le premier pour Nicolas Mayer-Rossignol pour sa première visite officielle à Caen: "nous avons un travail normand à faire...". Le second, pour Isabelle This Saint-Jean du conseil régional d'Ile de France: "ton regard doit se porter aussi vers les territoires normands" . Et le troisième pour Philippe Duron qui a provoqué ce colloque à Caen, qui doit être pensé non pas comme le dernier d'un cycle mais comme "le premier d'une nouvelle étape pour atterrir" sur le terrain concret des contenus et du financement. "Tous les outils sont là, notamment les fonds européens". C'est donc un"cadre nouveau" il faut donc "réussir la contractualisation" après trois colloques "de conviction" il faut donc un colloque "de construction": en conséquence, "la Basse-Normandie est entièrement dans la vallée de la Seine au delà de la dimension normande de nos territoires totalement impliqués par le développement de la région parisienne". Et Laurent Beauvais de préciser qu'il n'y aura jamais de "Grand Paris sans la Grande Normandie à ses côtés" tout en rappelant que la Basse-Normandie est une "charnière Ouest et Sud" qui nécessite une coopération "avec nos amis Bretons". Mais il y aussi la nécessité de faire coopérer les régions "avec les métropoles normandes" (NDLR: il n'y a pas que Rouen...). Enfin, il était temps d'affirmer fort que la recherche fondamentale est à la base de tout. Il faudra contractualiser avec l'Etat et coopérer avec la Haute-Normandie et l'Ile de France: les logiques de réseaux solidaires existent déjà. Par exemple, les ports: Laurent Beauvais annonce que le 14 décembre prochain, HAROPA et Ports Normands Associés (Caen-Ouistreham -Cherbourg) allaient signer un contrat de coopération...
Enfin, concrètement, Laurent Beauvais se donne deux objectifs: la réussite complète et définitive de "Normandie Universités", "objectif prioritaire" a-t-il insisté qu'il faut doter d'une "feuille de route". Et l'autre objectif: faire émerger les projets concrets à financer d'ici juillet 2014, date de signature du futur Contrat interrégional avec l'Etat... (NDLR: bon courage!)
On aura donc compris: Réussir "Normandie Universités" comme succédané à la fusion régionale normande...
Marc GIGET bonimenteur d'un obscur "European Institute for Creative Strategies and Innovation" nous a ensuite empli les oreilles de lapalissades pseudo-intellectuelles sur la "destruction créative" à la Schumpeter, sur le retour à la notion de progrès, sur les raisons qui font que les succès technologiques peuvent être des échecs commerciaux, etc, etc... Passons!
Sylvain DORSCHNER du cabinet à l'acronyme obscur nous a parlé du pays enchanté des "écosystèmes de croissance" des "croisements fertiles" des "grappes d'entreprises" (les fameux "clusters"). De ce tableau fantasmagorique à la Brueghel, on retiendra la belle image d'un "béguinage d'entreprises"... Prometteur ! Passons...
Christophe POUPART, directeur d'une pépinière d'entreprises du Val d'Oise nous fait, heureusement, revenir sur le plancher des vaches. Le Val d'Oise est l'une des collectivités territoriales les plus favorables à un Axe Seine à construire avec les Normands: c'est la vieille affaire du Vexin ou plutôt celle de "ploucs" franciliens du Nord-Ouest, coincés derrière la Défense qui ont, finalement, les mêmes intérêts que les "ploucs" normands...
Khaled MEFLAH, directeur du Centre Baclesse et président du projet ARCHADE nous explique que les technologies nucléaires appliquées à la lutte contre le cancer et pour l'étude du cerveau développées à Caen, sont de niveau mondial, que les liens sont constants entre Caen, Orsay et Saclay. ARCHADE n'est pas un projet "caenno-caennais" mais qui a une dimension au moins nationale. Il nous annonce alors la création d'un "centre européen international en hadronthérapie". Mais Bertrand Tierce ne lui a pas demandé où cette future école serait située: à Caen en Normandie ou à Saclay (Paris sud) ? Qu'importe! Ce futur établissement sera "sur le territoire de la vallée de la Seine", bien entendu !
Yves CARISTAN, directeur international de la Fondation Campus Paris Saclay a été contraint de préciser ses intentions auprès de Bertrand Tierce qui, malicieusement, se présenta comme "un normand un peu myope" avec la question suivante: "Dites-moi pourquoi Saclay s'intéresse à la vallée de la Seine ?". Caristan, visiblement, n'a pas réfléchi à la question en rappelant néanmoins le lien historique qui existe entre Caen et Saclay mais en annonçant surtout que la prestigieuse école Polytechnique s'associait définitivement au plateau de "Paris Saclay"... Quid des "partenaires normands" dans cette histoire?
Isabelle THIS SAINT JEAN, vice présidente du conseil régional d'Ile de France en charge de la recherche et de l'innovation fit ensuite son "allocution" de 11h25 afin de pouvoir prendre son train pour Paris avant 14h00... Que dire de plus? Peut-être que cette éminente représentante jusqu'à la caricature de la caste politique nous a définitivement convaincu que la langue de bois, même arrosée d'eau, ne fleurit pas et ne donne pas de fruits... Avec Clémenceau on pourrait dire de cette dame, "qu'elle a tout compris. Mais c'est tout." Oui ! On a compris que les acteurs de la société civile en ont assez de perdre un temps considérable avec des procédures compliquées. Oui, on a compris qu'il fallait "décloisonner les mondes dans tous les domaines" (NDLR: à commencer par le monde politique !). Oui, on a compris depuis longtemps que le "mille feuilles" politico-administratif n'était pas une pâtisserie délicieuse et qu'on y perd un temps considérable et qu'il ne faut surtout pas de "nouvelles structures" (NDLR: ça c'est une pique contre un certain Rufenacht, ex-haut commissaire à l'Axe Seine déboulonné comme un malpropre il y a maintenant près d'un an...). Si on fusionnait la Normandie et si l'on supprimait la clause de compétence générale, pour sûr, on gagnerait un temps... considérable ! L'urgence, c'est qu'il va falloir aller chercher les fonds européens, les trois régions concernées, ensemble ! Et Bertrand Tierce de poser cette question: "Connaissez-vous Nicolas Mayer-Rossignol et Laurent Beauvais ?"
Midi: conférence de presse, les premiers rangs peuplés de grands élus se vident...
Philippe EUDELINE, président de la filière industrielle "Normandie aéro-espace" créée en 1998 par Gérard Lissot, l'actuel président du CESER de Haute-Normandie, nous présente un beau succès industriel normand qui marche bien. Mettre à disposition des nombreuses PMI -PME normandes qui participent de la filière aéronautique les outils de la recherche développement, est l'un des objectifs de cette filière (enjeu de l'électrification des avions, le wifi embarqué, réduire la masse des avions, etc...). "Toutes les collectivités et l'Etat nous aident: la Normandie est la 3ème région aéronautique française".
François PIQUET, un brave normand directeur général de "Ouest Normandie Energies Marines" nous explique, suite à la remarque de Bertrand Tierce que "la filière industrielle des énergies marines n'existe pas encore", que le potentiel est là et qu'il attire des industriels étrangers. Les Allemands (SIEMENS) s'intéressent au Raz-Blanchard, via une ferme expérimentale qui vient d'ouvrir au large de l'Ecosse. Une usine va être construite sur le port de Cherbourg pour l'assemblage des éoliennes marines, que 18 centres de recherche travaillent en Basse Normandie sur les énergies marines et que France Energies Marines se charge de veiller à la cohérence de l'ensemble pour éviter les "effets doublons" (NDLR: une coopération internormande spécifique ne pourrait-elle pas aboutir au même résultat ?)
Philippe CLERC, directeur de l'intelligence économique, de l'innovation et des technologies de l'information à l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, a rappelé simplement mais clairement, qu'il faut savoir saisir les opportunités: sur le sujet des énergies marines, par exemple, la Normandie, via l'académie de Caen a un lien privilégié avec Saint Pierre et Miquelon et par son histoire, un lien d'amitié avec le Canada. Les opportunités, le potentiel les innovations sont là sur le territoire: "aux élus de ne pas laisser partir le business !"
Daniel KAPLAN, délégué général d'une obscure Fondation Internet Nouvelle Génération (sic), nous gratifie d'un nouveau numéro de bonimenteur digne de la "rue du bagou" de la foire de Caen, en nous expliquant que l'innovation numérique était une promesse de progrès paradoxale, nous assurant, à la fois, une impression d'ubiquité et de pouvoir à distance mais qui n'a pas permis de chasser les voitures de nos centres villes... Il a été question d'un tour d'horizon de diverses innovations dont les trois quarts ne pourraient survivre longtemps... Ainsi la fameuse impression en 3D, invention française dont tout le monde parle en ce moment.
D'où cette suggestion: faire la réunification de la Normandie en impression 3D... le temps de la pause déjeuner !
Retour rapide de Marc GIGET qui nous explique, en guise de résumé de la matinée, que les "contacts doivent se multiplier à Caen sur la technologie sans contact" et que finalement "tout le monde doit travailler avec tout le monde"... Passons !
Passons, de même, sur le rapport bredouillé par le DGA de la région Basse Normandie, François Lorfeuvre à propos des groupes de travail organisés le 22 avril dernier par le nouveau délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, pour en venir à la grande table ronde des politiques normands de l'après-midi...
Nicolas MAYER-ROSSIGNOL, d'une voix claire et un peu frêle débite fermement ses priorités. On sent que la créature qui prend encore ses ordres régulièrement au téléphone d'un certain Alain LE VERN, n'est pas encore un personnage... L'emploi. Bien entendu ! Qui sera contre ? L'état inquiétant des finances dans les labos et les universités: mais comme le gouvernement est de gauche, Nicolas Mayer-Rossignol n'ira pas jusqu'à l'interpeller comme l'aurait fait son mentor. Comme c'est la première fois qu'il vient à Caen, dans sa vénérable université, il a tenu à préciser ceci: "je suis partisan de tout ce qui se rassemble dans Normandie Universités" (voilà qui nous change de LE VERN...). Pour le reste, il veut paraître "humble et modeste" notamment en ce qui concerne les coopérations interrégionales qui existent déjà: elles doivent se faire "en fonction de l'utilité des projets" . Voilà une humilité et une modestie sans enthousiasme... normand: ça risque de ne pas aller très loin ! D'autant plus que les questions de recherche et d'innovation ne sont pas directement dans le champ des compétences des conseils régionaux: "c'est flou" dixit NMR. Néanmoins, début janvier 2014, il va falloir réfléchir à un schéma régional commun impliquant la Haute, la Basse Normandie et l'Ile de France pour confirmer les priorités mises en exergue lors de la réunion de Rouen du 8 novembre dernier.
En clair: il faut bosser avec l'Ile de France pour justifier l'évidence (sinon l'urgence) qu'il faille bosser surtout entre Haute et Basse Normandie !
Et NMR de dire, dans un élan aussi soudain qu'étrange: "les Normandie c'est de l'énergie"
Etrange syntaxe française ! Doit-on comprendre que: "les Normandie c'est de la dispersion d'énergie ?"
Et de finir, sous quelques applaudissements: "je suis venu ici pour entendre M. Philizot me dire combien d'euros il va mettre dans le CPIER"
Cette phrase va rendre plus que pathétique la suite et la fin de ce colloque...
Edouard PHILIPPE, le député-maire du Havre nous explique ensuite avec vivacité qu'il ressent une "tension double": à la fois l'enthousiasme de tous les acteurs de la société civile normande pour l'ambition de l' Axe Seine et l'inquiétude ou l'impatience devant des échéances à très long terme (horizon 2020 ou 2030). La création, il y a deux ans, du GIP HAROPA ou le démarrage des études sur les études pour la future LNPN, voilà des réalisations concrètes qui restent maigres..."Il faut de la cohérence" et donc, pour l'exiger de l'Etat, un "pacte local normand" pour faire le lien avec l'Ile de France car à quoi bon claironner que la vallée de la Seine est "d'intérêt national" si les financements ne sont pas à la hauteur? Certaines décisions récentes manquent de cohérence: ainsi l'alliance des écoles de commerce entre Rouen et Reims alors que l'Ecole de Management de Normandie existe ainsi que le CUE Normandie Universités. Ainsi les arbitrages qui viennent d'être rendus pour le site havrais de l'Ecole Nationale Supérieure Maritime (confirmation du départ des étudiants de premier cycle à Marseille). Pour être crédible, "il faut cesser de prendre des décisions incohérentes".
Christian SAUTTER, adjoint au maire de Paris en charge du développement économique a tenu à rassurer d'emblée: "je me sens concerné. Quand je parle du Grand Paris et de ses 12 millions d'habitants, je précise: Paris- Seine...". On dirait qu'il a bouffé une partie de la consigne le Monsieur de Paris: effet catastrophique sur la salle! A croire que la Seine, en aval du pont de Puteaux, s'évanouit dans un désert qu'on n'osera pas nommer... "Normandie". Bertrand Tierce se doit donc de relancer: "vu de la ville de Paris, le territoire de la vallée de la Seine c'est quoi?" Et Christian Sautter de rassurer encore: "des entreprises régionales à visée internationale il y en a en Normandie, haute et basse". Et de préciser que le pôle MOVEO est le seul pôle de compétitivité de niveau mondial commun aux trois régions: "il faudra faire des choix mais décider aussi et surtout que l'automobile du futur doit naître ici". Ainsi, les entreprises qui s'organisent déjà sur le territoire pertinent (Paris-Seine-Normandie) pourraient recevoir un bonus financier dans le cadre du futur CPIER...
D'où l'intérêt de fusionner en Normandie: il n'y a plus assez d'argent !
Et Christian Sautter de conclure: "j'ai été le ministre des décrets, je veux être l'élu du concret".
Voilà qui nous fera une belle gambette...
Philippe DURON, le maître des cérémonies et l'hôte qui reçoit, pensait ronronner tranquille avec son discours rodé sur l'aménagement du territoire par l'attractivité métropolitaine qui doit croiser l'innovation avec l'urbanisme, l'architecture, la culture, etc... Mais Bertrand Tierce l'interrompt en précisant qu'il s'agit d'un discours convenu... On avait connu Philippe Duron plus en verve ou plus en forme car il répondit par cette formule toute réchauffée comme les mets du buffet précédent: "on n'est pas en concurrence entre nous mais en concurrence avec le reste du monde". Très bien. Mais alors quid des coopérations indispensables entre les grandes agglos normandes de l'axe Seine ? Mise à part le travail collectif des agences d'urbanisme, il n'y a rien ou presque!
Frédéric SANCHEZ, le président de l'agglomération de Rouen (pour le compte de Laurent Fabius) a, enfin, un éclair de lucidité: "ici, nous sommes confiants dans l'avenir et l'innovation. Mais les Français ne le sont pas. Les Français ne sont pas tournés vers l'avenir". "Il faut être concret et le temps passe trop lentement. Depuis 2010, nous essayons de faire vivre cette ambition de la vallée de la Seine mais nos concitoyens sont-ils au courant?". Il va falloir faire vite: Frédéric Sanchez rappelle alors "qu'on a six mois" pour réussir le futur CPIER qui doit être supporté par les trois CPER régionaux concernés: il va falloir faire des choix et des priorités pour que l'ensemble soit cohérent et crédible. Il faudra aussi s'entendre sur les urgences: le ferroviaire, la thrombose routière rouennaise...
Bertrand Tierce pose la question: "la discussion a-t-elle été intense au déjeuner ?" Sanchez confirme que oui...
Etaient-ils treize à table ce vendredi 13?
Laurent BEAUVAIS intervient de nouveau pour confirmer qu'il faudra faire des choix car "les finances publiques sont devenues rares" mais que la décentralisation a changé les rapports entre l'Etat central et les collectivités territoriales: "le fait régional avec de nouvelles compétences s'est imposé" de même que "le fait métropolitain" qui ne doit pas oublier qu'un conseil régional a en charge de veiller à la cohérence territoriale générale (il n'y a pas que les villes il y a aussi les territoires ruraux ). En effet, l'innovation existe même "dans les bocages les plus reculés": il faut faire confiance aux porteurs de projets. Enfin, les régions ont la capacité "d'accélérer les solutions de financement" grâce à toute une série d'outils dont elles disposent désormais, à commencer par la possibilité de gérer directement les fonds européens FEDER ou en utilisant le relais de la toute nouvelle Banque Publique d'Investissement.
On ne pourra qu'être d'accord avec Laurent Beauvais: les conseils régionaux doivent être les chefs d'orchestre de la vallée de la Seine mais à condition d'en finir avec la cécité normande!
Philippe DURON reprend la parole pour rappeler les grands atouts de la vallée de la Seine:
20 % des emplois de la France métropolitaine
15 millions d'habitants
43% des chercheurs français
"le potentiel normand est complémentaire" ajoute Philippe DURON en précisant quatre directions de travail pour valoriser ce potentiel normand:
1) Coopérer davantage au niveau de la recherche fondamentale et recherche développement: ce sera le rôle de "Normandie Universités"
2) Soutenir les filières innovantes déjà reconnues
3) Améliorer les relations entre les filières émergentes (une coopération normande sur les énergies marines serait la bienvenue...)
4) Une approche maritime spécifique avec les grands ports, la logistique, (HAROPA -PNA) la formation supérieure et l'ingénerie (ENSM Le Havre) et les énergies marines renouvelables (Cherbourg et Le Havre)
On verra avec les tableaux de chiffres et la carte ci-après, que la réalité est plus brutale car, en vérité, on parle d'une petite Normandie divisée et pantelante adossée au mastodonte parisien...
Respirer l'air du large et s'en inspirer, voilà la solution! Tous les succès de l'histoire normande en témoignent !
Alors que nous arrivons au terme de ce compte-rendu, nous nous posons véritablement la question s'il faut vous infliger ne serait-ce qu'un modeste rappel de l'intervention finale de ce colloque confiée à François PHILIZOT, le fameux délégué interministériel, ancien préfet de la Corrèze (ne croyez surtout pas que tout haut-fonctionnaire d'Etat passé par ce département enchanté, en revient doté de pouvoirs magiques...): pour les quelques 600 personnes présentes dans l'amphithéâtre d'une université normande fondée au XVe siècle, c'était la première fois qu'une majorité d'entre elles voyait enfin le fameux "préfet coordonnateur"...
De l'intervention qui restera mémorable dans les esprits chagrins d'un François PHILIZOT devenu, malgré lui, le symbole d'un Etat central fatigué d'avoir à être ce qu'il doit être, nous retiendrons que cette phrase étonnante de poésie surréaliste:
"NOUS AVONS SIX MOIS POUR PREPARER L'HORIZON 2030"
Pour le reste, nous vous renvoyons à la lecture de la fiche WIKIPEDIA consacrée à la Guerre de Cent ans...
Aucune annonce! Aucun calendrier ! Aucune feuille de route: pas la moindre confirmation d'une quelconque ligne budgétaire...
Alors que le délégué interministériel du gouvernement se perdait dans des considérations savantes sur les conséquences de la victoire de Formigny de 1450 et tandis que Bertrand Tierce s'amusait à rappeler, pour brosser un tableau complet, que vers 1430 à Rouen "Jeanne d'Arc jetait ses derniers feux", devant un public médusé très sérieux de gens très occupés, on nous infligeait un dérisoire cours d'histoire...
Celui qui raconte comment la Normandie a été définitivement rattachée au domaine français.

Monument commémoratif de la bataille de Formigny (15 avril 1452) dû à Arthur Leduc, sur la commune de Formigny (Calvados)
PAUVRE NORMANDIE !
Le même jour, le Premier ministre était en Bretagne avec DEUX MILLIARDS dans ses poches...
suggestion: le prochain colloque AXE SEINE (s'il y en a un), venez avec un bonnet rouge vissé sur les oreilles, bloquez la ville et mettez le feu à la salle !
ANNEXES TERRIBLES:
RECHERCHE et INNOVATION : LES REALITES NORMANDES


Documents extraits de la plaquette de présentation du "colloque thématique de Caen: Recherche et Innovation, le regard des agences d'urbanisme". Coopération des agences d'urbanisme (APUR AUCAME AUDAS AURBSE AURH IAU- IDF )
VENDREDI 13 DECEMBRE 2013
(Une date qui porte bonheur... ou la poisse !)
Voir aussi ci-après, le compte rendu du colloque dans les pages Ouest-France "Normandie" édition caennaise :
Vallée de la Seine : six mois pour bâtir des projets
Normandie - 13 Décembre
Xavier ORIOT.
La dynamique d'une coopération entre les trois régions partageant la Vallée de Seine ne retombe pas. Comme l'a montré le quatrième colloque sur le thème de la recherche et de l'innovation, hier à Caen.
La Vallée de la Seine unissant les trois régions de Paris à Cherbourg prend un peu plus corps. Après Le Havre, Rouen et Paris, Caen a accueilli hier un quatrième colloque avec un thème, la recherche et l'innovation, qui a réuni 600 personnes à l'université.
Dès le printemps 2014, « un calendrier extrêmement court », Ile-de-France, Haute et Basse-Normandie arrêteront avec l'État un plan interrégional de six ans (2014-2020). Quels projets ? Quelle répartition entre les trois régions ? Quels crédits de l'État ? Questions encore sans réponse.
Des grandes lignes ressortent, certaines déjà engagées : la recherche et l'innovation - d'où l'état des lieux d'hier à Caen - ; de meilleures connexions avec Paris ; les ports ; Normandie universités ; la transition énergétique avec l'éolien et l'hydrolien à Cherbourg et au Havre ; la logistique ; les transports ; l'automobile ; la technologie de l'information ; le paiement sans contact...
L'attente grandit, ne la décevons pas
François Philizot, délégué interministériel pour le développement de la Vallée de Seine auprès du Premier ministre, prévient : « Il ne faut pas attendre une enveloppe de l'État. C'est à vous defaire remonter des projets. Certains, multirégionaux, sont déjà engagés. » « On a six mois pour les six ans qui viennent », résume Frédéric Sanchez, président de l'agglo de Rouen (Crea). Pensant pour sa part au contournement routier de Rouen, il soutient « des choix courageux. Ne pas se disperser. Tout ne sera possible. »
Laurent Beauvais parle d'un autre « pacte d'avenir » après celui de la Bretagne. « La méthode n'est pas la même. Celui-ci est raisonné, avec un pilotage mature depuis des mois. » L'État ne pourra se montrer moins généreux avec les Normands et Franciliens qui construisent ensemble.
Philippe Duron, député-maire de Caen et président de l'agglo caennaise, salue ce collectif : «Nous ne sommes pas concurrents entre nous mais avec le reste du monde. » Édouard Philippe, maire et président de l'agglo du Havre, seul élu UMP dans un aréopage socialiste, met en garde : « Plus l'enthousiasme grandit, plus l'attente grandit. Ne la décevons pas. On ne sait pas si l'apport de l'État répondra à cette attente. Pour l'instant, la seule chose concrète qui fonctionne est Haropa, le regroupement des trois ports du Havre, Rouen et Paris. »
Pour Nicolas Mayer-Rossignol, nouveau président de la Haute-Normandie, « l'engagement de l'État doit être important. Ce sont des projets d'intérêt national. » Christian Sauter, ancien ministre des Finances et adjoint au maire de Paris, rêve que « la voiture du futur soit mise au point dans la Vallée de Seine ».
« Favoriser les coopérations »
En attendant, hier, Régions et agglomérations ont signé une nouvelle résolution finale s'engageant à « favoriser et accompagner les coopérations entre campus technologiques, de recherche et d'innovation de la Vallée de Seine. A soutenir les filières reconnues (physique nucléaire, énergie, biologie-santé, matériaux...), et émergentes (captage de CO2, recyclage des déchets, méthanisation, écoconstruction...). »
Plus tôt, Marc Giget, président du Club des directeurs de l'innovation, avait indiqué le cap : « La seule recherche qui vaut est celle qui aboutit à des progrès sensibles pour l'homme. »