ROUEN METROPOLE, CAPITALE NORMANDE: le triomphe de la REALPOLITIK
Osons le dire... Toute proportion gardée, il y a peut-être, un point commun entre Vladimir POUTINE et... Laurent FABIUS.
Laurent Fabius et Vladimir Poutine, grands maîtres sur l'échiquier de la Realpolitik...
Il ne s'agit pas d'évoquer ici la question de l'unité de l'Ukraine (quoique...) puisque nous sommes ici sur un site qui promeut l'unité de la Normandie même si c'est peut être amusant pour nous de voir Laurent Fabius s'opposer, en tant que ministre des affaires étrangères, à une parodie de référendum en Crimée alors qu'il serait tenté d'organiser pareille parodie pour ne pas faire, dans l'immédiat, l'unité de la Normandie en tant que chef en dernier ressort (et non résident) de la future métropole rouennaise !
Mais le rapprochement inattendu à faire entre Poutine et Fabius n'est pas à chercher là. Il est à rechercher dans la comparaison que l'on peut faire des méthodes et des buts (de guerre?) poursuivis par ces deux chefs politiques.
Le russe veut reconstruire à toute force la grandeur impériale de la Russie qui s'est rétrécie depuis 1991 derrière les lambeaux de l'ancienne URSS: à toute force, il s'agit de recoller les morceaux. Après la mise sous contrôle de la Biélorussie et de la Transcaucasie (de la Tchétchénie à la Georgie en passant par l'Arménie), c'est désormais le tour de l'Ukraine et de la Crimée. Les méthodes sont plus que contestables mais nous n'avons, politiquement, aucun moyen de contester véritablement le but de cette politique sinon sa légitimité...
Le "normand" Fabius veut reboucher le "trou normand" ouvert depuis plus de 40 ans à l'Ouest de Paris parce que l'Etat avait oublié Rouen entre Rennes-Nantes à l'Ouest et Lille au Nord dans la liste des "métropoles d'équilibre". Depuis tant d'années, Rouen était "la métropole oubliée" (Y. Guermond 2007). Mais Laurent Fabius, en prenant bien garde de ne jamais apparaître au premier plan de la scène locale (Laurent Fabius ne sera jamais maire de Rouen...) a imposé, en moins de 10 ans, de transformer une agglomération totalement balkanisée en une métropole destinée à compter enfin dans le Nord-Ouest de la France avec le grand pari d'en faire une vraie métropole régionale malgré la proximité du ... Grand Paris. Mais l'affirmation fabiusienne d'une métropole rouennaise qui sera la capitale de la future Normandie, s'est faite brutalement contre Le Havre ou contre Caen qui rêvait il y a encore peu d'être la capitale administrative dans un réseau métropolitain avec Le Havre et Rouen.
Rouen Métropole capitale de la Normandie
La brutalité fabiusienne s'est exprimée notamment contre tous les projets associant les deux parties de la Normandie dès lors que la question du siège à Caen ou à Rouen était posée sans parler de la concurrence toujours aussi absurde entre Rouen et Le Havre: on vient de le voir avec l'affaire consternante du torpillage avant les élections municipales du pôle métropolitain de l'Estuaire havrais d'Edouard Philippe... On l'a vu aussi sur la question universitaire où Fabius a provisoirement reculé puisque le PRES puis l'actuelle communauté d'établissements "Normandie Universités" ont enfin pu voir le jour à la satisfaction générale mais au prix d'un "siège à roulettes" entre les trois villes normandes en concurrence...
Eclairés par ce précédent, les consulaires envisagent, prudemment, la même solution d'un "siège à roulettes" pour la future Chambre régionale de commerce et d'industrie de Normandie qui sera créée en 2016...
A l'instar de Poutine, quand Fabius aura obtenu que la métropole de Rouen soit aussi la capitale régionale de plein exercice (préfecture + conseil régional) de la future Normandie, la realpolitik s'appuyant sur les réalités géographiques et économiques l'emportera: Caen et Le Havre pourraient avoir bien plus que des "miettes" si, à Caen et au Havre, on acceptait enfin la réalité telle qu'elle est en s'y préparant totalement dès maintenant...
1) Le rêve d'une métropole normande tripolaire Caen-Rouen- Le Havre, malgré la tentative de Normandie Métropole (1993 - 2009), risque de demeurer une illusion: si la politique concrète se faisait avec le meilleur des idées ça se saurait depuis longtemps. Nos trois grandes villes normandes sont, pourtant, plus complémentaires que concurrentes: les règles idiotes du jeu politique favorisent hélas plus la compétition que la coopération...
2) Caen, malgré une situation géographique centrale, ne sera pas la capitale régionale de la future Normandie: l'agglomération caennaise est trop petite (moins de 300 000 habitants). "Rouen est notre Babylone" disait Flaubert... Raison de plus de ressusciter à Caen "l'Athènes normande". Il est évident que la logique métropolitaine implique la concentration au même lieu des grands pouvoirs institutionnels de décision mais pas forcément tous... La Cour régionale des comptes de Normandie est à Rouen depuis 2011: il faut d'abord se réjouir qu'elle soit restée en Normandie au lieu de se carapater à Lille ou à Rennes comme tant d'autres administrations autrefois normandes.
Le grand sceau de l'université de Caen
fondée en 1432: débuts de l'Athènes normande...
Rouen, en outre, est déjà le siège de la préfecture interrégionale de Normandie ne serait-ce que par le pilotage de la Directive territoriale d'aménagement de la vallée de la Seine qui embrasse les deux régions administratives normandes. La présence à Rouen du conseil régional de la future Normandie semble, donc, aller de soi mais il ne serait pas idiot que la future institution régionale normande unique ait une antenne à Rouen et une autre à Caen dans une abbaye aux Dames plus prestigieuse et historique que la caserne Jeanne d'Arc rouennaise...
Les superbes bâtiments historiques de l'abbaye aux Dames de Caen: on ne peut imaginer qu'ils puissent cesser d'accueillir un conseil régional a fortiori le conseil régional d'une Normandie recouvrant son unité...
3) La vraie capitale de la Normandie divisée c'est Paris tant le bilan métropolitain de Caen ou de Rouen, en tant que capitales régionales séparées et respectives, est catastrophique depuis 40 ans ! Faute de taille, d'attractivité suffisantes, faute d'une gamme d'activités suffisamment diversifiées ou de salaires suffisamment rénumérateurs tant à Caen qu'à Rouen, ce sont près de 6000 jeunes talents normands post-bac qui quittent la Normandie chaque année sans y revenir ! La Normandie se vide du meilleur de sa substance pour nourrir la croissance métropolitaine des régions voisines (Paris, Lille, Nantes ou Rennes). Le simple fait que dans les années venir, une métropole de taille suffisante et de plein exercice puisse enfin émerger à Rouen est, en soi, une bonne nouvelle pour la jeunesse normande !
La métropole rouennaise c'est le meilleur moyen de stopper la vente à la découpe de la Normandie au profit de Lille, Paris, Nantes ou Rennes, voire d'enclancher le processus inverse: rapatrier en Normandie ce qui en était parti ou récupérer en Normandie quelques éléments importants de la future déconcentration parisienne à condition de valoriser un Axe Seine plus normand que parisien...
4) Rouen sera la métropole capitale de la Normandie. Soit! Mais pas sûr que les élites rouennaises tant économiques que politiques, à quelques exceptions près, sachent concrètement ce que c'est que d'être à la tête d'une vraie métropole capitale régionale puisque pendant 40 ans, Rouen a disparu dans l'ombre portée de la région parisienne tout en croyant diriger une région croupion transformée en super-département.
Rouen métropole capitale va devoir se mettre à l'école de la Normandie et porter l'intérêt général de toute une région si à Rouen on a enfin le désir d'être autre chose qu'une banlieue de Paris: on ne peut pas être, à la fois, une métropole capitale régionale et un prolongement du Grand Paris !
Laurent Fabius l'avait certainement parfaitement perçu en juin 2010 lors du colloque Axe Seine du Havre quand il avait déclaré, de façon un peu énigmatique, que: "Rouen ne devait pas être la capitale d'un territoire interstitiel".
Et d'ailleurs, signes qui ne trompent pas, la montée en puissance de Rouen au coeur de l'Axe Seine avec le siège d'HAROPA, le rayonnement de l'Armada ou le succès international et régional du festival "Normandie Impressionniste" voulu par Laurent Fabius, commence à agacer certains milieux parisiens... L'affirmation d'une métropole rouennaise capitale normande passera aussi par un moment de vérité sinon de confrontation avec la région parisienne et les grands pouvoirs parisiens si à Rouen se confirmait le désir de ne plus être une "seconde Mantes la Jolie"... La vieille querelle des "marchands de l'eau" qui opposa au Moyen-âge les bateliers parisiens aux bateliers normands et rouennais pourrait-elle ressurgir?
5) Mais pour faire une vraie métropole normande, realpolitik dans la realpolitik, il faudra que Rouen coopère avec Le Havre et Caen: les deux villes "outsider", alternatives maritimes et normandes à la mise en Seine métropolitaine rouennaise, débarrassées des charges de centralité administratives qui pèseront sur Rouen (la centralité administrative n'a pas que des avantages notamment en terme de prix du mètre carré ou de déplacements urbains) pourraient valoriser complètement leur profil particulier et stimuler grandement le futur ensemble normand...
Cela implique, au préalable, que Caen et Le Havre s'associent dans un pôle métropolitain commun pour peser ensemble vis-à-vis de la métropole rouennaise et ainsi entamer la réunification du cadre métropolitain commun.
Alors la solution ?
ROUEN : métropole, capitale régionale de la Normandie. C'est poutinien, donc fabiusien: c'est du non négociable, car il s'agit de l'avenir même de la Normandie.
CAEN: technopole universitaire et scientifique et d'innovations de niveau international pour la Normandie 6ème région de France.
Philippe DURON s'apprête à renoncer à l'illusion de Caen "capitale régionale" pour préparer Caen "technopole régionale":
Si Rouen veut jouer au Lyon, Caen a tous les atouts pour être la Grenoble normande avec le projet de transformer le Plateau Nord Côte de Nacre en grand campus de recherche fondamentale et d'innovation avec 30 000 étudiants et 800 chercheurs de niveau international... Caen a déjà le siège de la délégation normande du CNRS: à terme, Caen sera le siège de "Normandie Universités".
Le plateau Nord de Caen "côte de Nacre" avec au premier plan les travaux d'aggrandissement du GANIL
(Grand Accélérateur National Ions Lourds)
Philippe DURON espère aussi augmenter le nombre d'habitants de l'agglomération caennaise en renforcant la cohésion entre l'agglomération et la ville centre: le statut de "Caen La Mer" pourrait ainsi évoluer vers une Communauté Urbaine. Ce serait une bien meilleure solution que de créer autour de Caen un pôle métropolitain local comme celui qui associe Rouen à Louviers, Val de Reuil et Louviers.
LE HAVRE: port international avec un pôle d'enseignement supérieur spécialisé dans l'économie maritime (Ecole Nationale Supérieure Maritime) et à terme, le siège de la future CRCI Normandie ou siège d'une grande administration décentralisée de l'Etat spécialisée dans les affaires maritimes le tout dans le cadre d'un pôle métropolitain de l'estuaire de la Seine normande allant de Caen à Fécamp.
Moralité: la realpolitik, toujours à la fin, triomphe...
On finira bien par s'entendre avec Vladimir comme on finira bien par s'entendre avec Laurent...