REFORME TERRITORIALE ou REQUIEM REGIONAL?
A la commission des Lois du Sénat qui prépare en ce moment la reprise des débats en seconde lecture le 28 octobre prochain sur la nouvelle carte régionale, on s'est dit que le chiffre 13 pouvait vraiment porter la poisse et que la haute assemblée censée représenter les territoires devait, enfin, prendre toutes ses responsabilités en se mettant au travail sérieusement sur ce projet de loi contrairement à ce qui n'a pas été fait cet été lors de la première lecture...
De ce travail préparatoire en commission, les Sénateurs découvrent enfin certaines évidences que nous avions défendues ici:
1) Les régions doivent être à taille humaine et se fonder sur un minimum de cohérence géo-historique pour susciter l'adhésion des populations.
2) Des régions plus grandes doivent s'appuyer sur le maillage territorial des départements pour assurer la proximité notamment dans les territoires ruraux.
3) Les départements pourront choisir de rejoindre une région plutôt qu'une autre ou pourront fusionner entre eux pour tenir compte de la géo-histoire de certains territoires qui ont une forte identité: on pensera évidemment à l'unité bretonne, à l'unité alsacienne, à l'unité savoyarde dans la future grande région Rhône-Alpes-Auvergne, ou à l'unité basque qui pourrait réclamer un département spécifique...
Pour tenir compte de ces indispensables évolutions, la commission des Lois du Sénat dans sa sagesse propose:
1) Une région Alsace unique
2) La création de la région Val de Loire permettant la création d'une Bretagne réunifiée comme la Normandie
3) Le démariage Languedoc -Midi -Pyrénées tant que les départements aquitains qui sont actuellement dans la région "Midi-Pyrénées" n'auront pas rejoint l'Aquitaine (Gers, Hautes-Pyrénées, Tarn, Tarn et Garonne qui correspondent respectivement à la Gascogne, à la Bigorre et au Quercy).
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La commission spéciale du Sénat sur la réforme territoriale a modifié mardi la nouvelle carte des régions dessinée par l'Assemblée. Elle propose 15 régions au lieu de 13, et une région Alsace.
A quoi ressemblera vraiment cette nouvelle carte des régions ? Réuni mardi en commission spéciale sur la réforme territoriale, le Sénat a modifié la carte dessinée par l'Assemblée nationale, proposant 15 régions au lieu de 13 et créant une région Alsace. La région Alsace est ainsi séparée d'une grande région qui l'englobait initialement avec les régions Champagne-Ardenne et Lorraine.
A voir ►►► La carte adoptée en juillet par l'Assemblée nationale
La commission du Sénat a également rétabli les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, que la carte de l'Assemblée unifiait. La région Centre est nommée Centre-Val de Loire, selon le Sénat. Mais ce n'est pas tout, le Sénat a également rétabli la possibilité pour deux départements de fusionner. La commission a aussi modifié les conditions de changement de région pour un département.
Deuxième lecture à partir du 28 octobre
Les membres de la commission ont par contre maintenu le nombre de conseillers régionaux et approuvé la date des élections départementales les 22 et 29 mars. L'examen du texte en deuxième lecture commencera en séance plénière au Sénat le 28 octobre, après une déclaration du Premier ministre Manuel Valls sur l'ensemble de la réforme.
Mais quant à la réforme territoriale sur le fond, à savoir, l'avenir de l'idée régionale en France, pour une France plus décentralisée, démocratique et... girondine, on ne peut que partager l'inquiétude de l'article ci-dessous: il est, en effet, à craindre que la Normandie réunifiée soit la SEULE VRAIE REGION de FRANCE dans une carte néo-régionale encore plus "techno", encore plus "machin" que la précédente... Tout va dépendre de l'examen de la seconde partie de la réforme qui va avoir lieu au tout début de l'année prochaine: les futurs conseils régionaux feront-ils vraiment le poids face aux grandes métropoles issues de la réforme "MAPAM" de 2013?
Une fois de plus, ce n'est pas la taille géographique qui compte c'est une vraie cohérence géo-historique servie par de vraies moyens budgétaires et des compétences précises... Pas sûr que l'idée régionale intéresse la classe politique française obnubilée par le centralisme parisien et par sa reproduction stérile dans de futures grosses métropoles "régionales" se préparant à écraser leurs provinces...
Une fois de plus, le cas régional normand fait école car si l'on réussit la "mise en réseau" de la Normandie, qui est la méthode qu'impose la géographie urbaine normande, il serait possible de démontrer qu'une région à taille humaine reposant une cohérence géo-historique forte, pourrait réparer la fracture qui sépare de plus en plus les territoires urbains métropolisés de tous les autres territoires...
http://www.slate.fr/story/93005/requiem-regions-francaises
mis à jour le 11.10.2014 à 14 h 04
Une carte des anciennes provinces de France, via Wikimédia Commons.
Plus grandes et disposant de compétences élargies, les treize nouvelles régions devaient être enfin capables de lutter face à leurs homologues allemandes ou italiennes. Mais derrière les grands discours, la réforme s’annonce comme une victoire par K.O. des métropoles.
La France n’a jamais aimé ses provinces. À l’inverse d’autres grandes nations, l’État français s’est même construit contre les régions. Dès le Moyen Âge, la royauté a misé sur les villes pour affaiblir les baronnies locales, avant que la Révolution ne confirme définitivement la construction centralisatrice de la France. C’est si vrai que la prise de la Bastille a fini par faire oublier que le 14 juillet célébrait à l’origine la Fête de la Fédération avec le rassemblement des gardes nationales de toutes les provinces. Une volonté de rompre avec le passé qui s’est traduite dès 1790 par la suppression des provinces françaises au profit de 83 départements.
Deux siècles plus tard, l’heure de la revanche aurait-elle sonné? Une chose est sûre: les régions semblent prendre l’ascendant alors que le temps des départements parait compté.
Ce retour des régions remonte à 1969 quand elles ont été placées au cœur du référendum voulu par De Gaulle –retour manqué, comme chacun sait. Qu’à cela ne tienne: dans les années 80, 22 régions métropolitaines renaissent avec les lois de décentralisation. Bientôt regroupées en 13 régions –peut-être plus si l’Alsace obtient de rester seule–, elles sont promises à un bel avenir. Elles auront, selon le secrétaire d’État André Vallini, «les compétences nécessaires pour devenir de vrais moteurs de développement», afin d’atteindre l’objectif fixé par François Hollande: créer des régions «de taille européenne, capables de bâtir des stratégies territoriales». André Vallini l’a rappelé pour conclure: «Les Français veulent cette réforme, tous les sondages le disent.» 60% des Français, c’est vrai, sont favorables au regroupement des régions, selon l’Ifop. Mais les nouvelles régions auront-elles les moyens de leurs ambitions ? C’est loin est d’être aussi évident.
1.Plus grandes mais pas plus fortes
Le chef de l’État veut voir naître des régions «de taille européenne». Sur ce plan, il ne sera pas déçu. Les nouvelles entités seront grandes, très grandes même. Au sein du top 20 des régions européennes les plus riches, quatre régions françaises compteront parmi les six plus vastes: Aquitaine/Poitou-Charentes/Limousin sera ainsi deuxième avec 84.000 km² de superficie, juste derrière l’Andalousie. Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon sera troisième, Rhône-Alpes/Auvergne fera jeu égal avec la Bavière (quatrième ex aequo), devant Alsace/Lorraine/Champagne-Ardenne, sixième.
Mais cet effet de taille ne créé pas de miracle: les mégarégions françaises sont dans les dernières positions en termes de PIB global. En dehors de l’Île-de-France, portée par Paris (deuxième), et de Rhône-Alpes/Auvergne, située en milieu de tableau (onzième), les autres régions seront à la peine: Aquitaine/Poitou-Charentes/Limousin est seizième, Nord-Pas-de-Calais/Picardie dix-septième, Alsace/Lorraine/Champagne-Ardenne dix-huitième, Provence-Alpes-Côte-d’Azur dix-neuvième et Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon vingtième.
Une donnée dont tous les présidents de région ont conscience. Pour Alain Rousset (PS), président de l’Aquitaine et de l’Association des Régions de France (ARF), «la taille des régions ne change rien au problème, c’est la question des ressources et des compétences données aux régions qui est centrale».[1] Un point de vue que partage le seul président de région UMP, Philippe Richert, qui compare les 28 milliards de budget de l’ensemble des régions françaises au budget de 40 milliards du seul Bade-Wurtemberg.
2.L'usine à gaz de la fusion
Comme dans le secteur privé, la fusion de plusieurs groupes a des avantages: réduction des frais de fonctionnement, meilleure gestion et diminution des risques, progression des parts de marché face à la concurrence… Mais il y a aussi des contraintes à court terme, car il n’est jamais simple d’harmoniser les procédures de deux entreprises ou de fixer de nouvelles grilles de salaires.
Un schéma qui se vérifie également dans les collectivités locales.
Entre les transferts de personnels, le regroupement des services, les changements de locaux, la mise en cohérence des régimes indemnitaires, du temps de travail et des RTT, sans oublier les inévitables rivalités politiques et géographiques (notamment autour du choix de la capitale régionale), il faudra beaucoup de temps pour parvenir à une coopération efficace au sein des nouvelles régions. Surtout dans le cas des regroupements difficiles, comme Alsace avec Lorraine/Champagne-Ardenne ou Nord-Pas-de-Calais avec Picardie. Compte tenu des difficultés prévisibles, des grèves ne sont pas exclure.
Comme le relève le géographe Gérard-François Dumont, «tout ce temps que les élus et les collaborateurs vont consacrer aux fameuses fusions, c’est du temps en moins pour travailler sur l’attractivité de leur propre région».
3.Des économies d'échelle inexistantes
«À ce jour on n'a pas d'études parce qu'on ne fait pas cette réforme pour faire des économies, en tout cas pas dans un premier temps.» Cette position de Marie-Guite Dufay, présidente de la Franche-Comté, rejoint celles des autres élus régionaux et des Français.
Mais si André Vallini assure que la fusion des régions va générer des économies d’échelle à moyen terme, il n’a avancé aucune estimation précise. Le président de la Région Lorraine, Jean-Pierre Masseret, juge que «deux mandats, soit dix ans, seront bien nécessaires pour que les synergies se traduisent, non seulement en création de richesses mais aussi en économies». Nombre d’experts et d’élus se montrent encore plus pessimistes. L’agence de notation Moody’s a ouvert le débat en juin, estimant que les mesures envisagées «ne font que redistribuer les coûts vers d’autres organes de l’État».
Plusieurs cabinets, comme KPMG, vont encore plus loin: le regroupement des régions devrait même leur coûter de l’argent, au moins dans un premier temps. Il faudra, entre autres chantiers, égaliser par le haut le régime indemnitaire des personnels, qui n’est pas le même entre Franche-Comté et Bourgogne ou entre Alsace et Lorraine, par exemple, mais aussi sans doute financer la création de nouvelles antennes régionales.
Enfin, les régions devront plus que jamais compter leurs dépenses, dans le contexte national d’austérité lié au remboursement de la dette publique. Déjà, les dotations de l’État accordées aux régions sont en forte baisse. Cela fait beaucoup d’impératifs pour ces futures régions, en attendant le nouveau souffle économique promis. Voilà de quoi donner raison aux 54% de Français qui doutent que la réforme permette de réaliser des économies.
4.Des possibilités d'investissement quasi-nulles
«Alors que les Länder allemands ont l’autonomie fiscale et un système de répartition des ressources, la France n’a rien de tout cela. Nos régions sont dépendantes de l’État», rappelle Jean-Paul Bachy, président de Champagne-Ardenne. Conscient de l’inadéquation entre le rôle qu’il souhaite leur voir jouer et leur budget actuel, le gouvernement envisage de céder aux futures régions la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Mais leur capacité d’investissement dans les années à venir, qui est l’essence même de la réforme, semble plus que précaire. Les nouvelles régions sont censées accompagner elles-mêmes les entreprises, via le renforcement des pôles de compétitivité, et s’occuper seules d’infrastructures clés comme l’énergie, les transports ou le tourisme. Un objectif séduisant sur le papier, mais comment l’atteindre avec si peu de ressources?
En Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne souligne «qu’il a fallu mener une bataille homérique pour obtenir de l’État une part du versement transport, qui n’est pourtant qu’une subvention minime». Avant d’ajouter: «Si grâce aux régions, l’astre Etat n’est plus le seul astre qui puisse faire le bonheur des Français, alors il serait logique de tendre vers un partage des grands impôts d’Etat.» Rêve impossible en pratique: le gouvernement ne peut se permettre d’augmenter encore les impôts alors qu’il vient juste de resserrer brutalement la vis.
Dans ces conditions, on ne peut s’attendre qu’à des marges d’investissement réduites à peau de chagrin. «Récemment par exemple, j’ai voulu investir pour renforcer nos voies ferrées, se souvient Martin Malvy en Midi-Pyrénées, mais lorsque la SNCF m’a présenté la facture, c’était impossible de la régler.» Un problème auquel la réforme ne répond pas.
5.Un poids politique proche de zéro
Faute de transferts massifs de compétences, c’est à Paris, Lyon, Lille, Bordeaux, Toulouse que les ressources se concentreront, que les entreprises s’installeront, que les projets de développement économique d’envergure verront le jour. Ce sont les grandes métropoles, et pas les nouvelles régions, qui seront les grandes gagnantes de la réforme territoriale. Personne ne peut croire un instant que les départements de l’Auvergne sortiront plus forts que la métropole du Grand Lyon à l’issue de la fusion Rhône-Alpes/Auvergne. D’ailleurs, la réforme prévoit d’accorder aux métropoles des pouvoirs spécifiques –qui restent encore à préciser. Un exemple déjà connu: en Île-de-France, c’est la métropole de Paris, et non les villes de la région, qui bénéficiera des impôts des entreprises (CVAE).
Promues dans les médias, avec leurs nouvelles compétences liées à l’effacement du département (voirie, lycées, aides aux entreprises…), nos grandes régions deviendront en fait la cinquième roue du carrosse. Avec moins d’argent et plus de contraintes budgétaires. Certes, elles hériteront de certaines compétences du département… mais ne devront-elles pas s’acquitter un jour de leurs dettes?
Pour les futures régions, la position de Manuel Valls n’est pas rassurante. Dans ses récentes déclarations, le Premier ministre a non seulement défendu un Grand Paris le plus puissant possible mais aussi fait l’éloge public du «modèle lyonnais». Un discours cohérent avec celui de la ministre en charge de la Réforme territoriale. Pour Marylise Lebranchu, «les métropoles devront être des moteurs de la croissance, en confortant les facteurs du développement économique: l’innovation technologique mais aussi culturelle, la recherche-développement, l’enseignement supérieur, le rayonnement international…» Pour elle, «ces fonctions ne peuvent être assumées et portées que par des entités urbaines fortes», la ministre s’empressant d’ajouter « en cohérence avec les régions»...
6.Grand vainqueur: les agglomérations
La réforme territoriale repose sur le renforcement d’un binôme: la région et les métropoles. Officiellement, l’heure des régions a sonné. Mais concrètement, l’histoire amorcée voici des siècles suit son cours. L’Etat entend s’appuyer sur les villes comme il l’a toujours fait, et continuer de limiter au maximum l’autonomie politique et économique des régions.
Contre toute attente, les départements ne disparaîtront pas tous en 2020. Et dans l’immédiat, les transferts de compétence s’annoncent moins importants que prévus. La faute à une longue tradition centralisatrice que les velléités d’indépendance de l’Ecosse et de la Catalogne ne font que renforcer.
La faute aussi, en partie, au rebasculement du Sénat à droite, puisque les défenseurs du département y sont les plus virulents. Mais l’absence de cohésion entre les présidents de région, pourtant presque tous socialistes, aura lourdement pesé dans la balance, certains refusant d’assumer les transports interurbains, d’autres ne voulant à aucun prix des collèges quand d’autres encore étaient prêts à accepter l’ensemble des transferts de compétence pour peu que l’Etat leur garantisse les ressources correspondantes. Le premier vice-président de la région Nord-Pas-de-Calais, et futur candidat PS en 2015, Pierre de Saintignon, en convient: «Les présidents de régions auraient du travailler plus ensemble et l’Association des régions de France aurait pu jouer un rôle plus important»… Un constat qui sonne comme un regret à la veille de la reprise du débat parlementaire sur la réforme territoriale. Quant au gouvernement, la défaite prévisible des régionales aura fini par imposer une évidence: pourquoi donner plus de pouvoirs à des collectivités qui auront peut être toutes basculé à droite fin 2015? Autant dire que le lobbying de l’Association des régions de France relevait d’une mission impossible…
Les grandes figures politiques, elles, semblent déjà avoir fait leur choix entre métropoles et futures régions. Le Grand Paris suscite la convoitise de NKM, Alain Juppé vient de reprendre les commandes de la métropole de Bordeaux en avril et Gérard Collomb a même indiqué que s’il était «obligé de choisir entre un très beau ministère et la métropole de Lyon, [sa] réponse serait Lyon». Pour ces politiques qui misent sur la métropole, pas de doute: le requiem des régions a beau avoir de la gueule, il n’en reste pas moins le prélude à un enterrement…
1 — Les propos tenus par Alain Rousset, Philippe Richert, Jean-Pierre Masseret, Jean-Paul Bachy, Jean-Jack Queyranne et Pierre de Saintignon ont été recueillis par l'auteur lors d'entretiens téléphoniques réalisés entre le 10 septembre et le 4 octobre.