Le Président de la République était à Rouen, sa ville natale, ce vendredi 24 février 2017. Pour y découvrir le moteur électrique de Renault et le nouveau Medical training center du CHU.
Reportage
Décidément, la loi Travail colle comme un vieux sparadrap à la plupart des visites sur le terrain du Président de la République. Hier après-midi, François Hollande vient de découvrir les lignes de fabrication des moteurs thermiques de l’usine de Renault Cléon dans l’agglomération de Rouen (Seine-Maritime).
Il se dirige vers les ateliers du moteur électrique de la Zoé. Sur son chemin, une petite manifestation de syndicats maison. Le dialogue s’engage. Un syndicaliste CGT interpelle le Président : « Si vous vous étiez représenté, je n’aurai pas voté pour vous. Quand on fait le bilan de vos cinq ans… La loi Travail et tout le reste ! »
Pour compenser, quelques minutes plus tôt, un autre syndicaliste, CFDT cette fois, a remis un tract à François Hollande. Un texte plutôt favorable aux accords de compétitivité signés par certains partenaires sociaux. « Merci de vous être engagé », lance François Hollande en le quittant.
À Cléon, François Hollande a voulu saluer Renault, « un symbole de l’esprit de conquête, du dialogue social, de la réussite et de la qualité ». L’occasion aussi de passer en revue les mesures prises par ses gouvernements et qui, selon lui, « ont participé au redressement de l’industrie automobile en grande difficulté au début de mon quinquennat ».
Un peu plus tard dans l’après-midi, François Hollande a mis à l’honneur un autre champion de l’excellence française, le secteur de la santé, en inaugurant le Medical training center du CHU de Rouen. Un centre dédié à la formation des professionnels de santé, unique en France.
Cette deuxième étape a permis au Président de la République de saluer des équipes d’intervention présentes lors de deux drames qui ont récemment frappé Rouen : l’incendie du Cuba Libre, un bar où sont morts 14 jeunes, en août, et l’attentat qui a coûté la vie au père Hamel à Saint-Étienne-du-Rouvray, en juillet.
Au CHU, François Hollande s’est aussi livré à une petite séquence émotion personnelle. « Je suis né ici, à Rouen. Je reviens sur les lieux de ma naissance. Je ne vous dirai pas il y a combien de temps. Mais en tout cas, l’hôpital a beaucoup changé. Il est devenu un centre exceptionnel. »
En conclusion, le Président a passé en revue les qualités de sa ville natale : « Rouen a beaucoup d’atouts historiques, géographiques mais aussi un savoir-faire industriel, agricole, scientifique et médical. Je suis toujours heureux d’être dans votre ville qui, pour moi, est toujours la mienne. »
Voir surtout l'article proposé par les journalistes de Paris-Normandie, plus complet bien évidemment...
François Hollande multiplie les visites. En particulier dans les circonscriptions socialistes, celle de Guillaume Bachelay à Cléon et de Valérie Fourneyron à Rouen. Mais hier vendredi, lors de cette visite normande, il s’agissait aussi de mettre en valeur l’excellence tricolore, dans le domaine de l’industrie sur le site de Renault, et dans celui de l’innovation, de la recherche et de la formation médicale au Medical Training Center. Détendu, attentif, le président en a profité pour défendre, dans son bilan, les initiatives prises en faveur de l’économie.
Ils étaient de l’équipe du matin. Mais hier vendredi Jérémy, 18 ans, Nicolas et Thibault, 21 ans, tous trois employés sous contrat d’intérim sur les chaînes de Renault Cléon, ont joué les prolongations pour assister à la visite présidentielle dans l’usine où ils espèrent signer prochainement leur premier CDI. « Pour nous aussi, c’est quand même une fierté », lâche l’un, heureux d’avoir serré la main de François Hollande « qui m’a demandé mon âge ».
Si la conversation avait pu durer, tous trois lui auraient parlé des tests qu’ils viennent de subir, de leurs espoirs d’être dans le bon wagon des 200 embauches promises cette année dans le cadre de l’engagement « Renault France-Cap 2020 », et de leur volonté de participer au développement d’un site qui investit et innove en permanence. Mais déjà, le président et sa suite ont tourné les talons pour se diriger vers une ligne de production où des robots fabriquent 250 000 vilebrequins par an. « Bientôt 450 000 », se réjouissent deux hommes penchés sur une console de commande.
« D’après moi, l’action du gouvernement a été déterminante pour la modernisation de l’usine et l’installation des nouvelles chaînes », souligne Philippe Foucher, délégué CFDT et « pilote environnement pour l’assemblage des moteurs », employé depuis 35 ans à Cléon où il a vu, depuis quelques années, « beaucoup de positif ». Ainsi, 160 M€ ont été investis dernièrement pour la mise en place de quatre nouvelles lignes d’usinage. « On voit que ça bouge et on est heureux de pouvoir le montrer au président », ajoute-t-il.
La centrale syndicale s’est d’ailleurs fendue d’une lettre ouverte au président pour « se réjouir » de cette visite et de « la mise en valeur du travail des salariés ». Pour parler des recrutements en CDI promis avec une « priorité » donnée aux intérimaires déjà présents. Pour vanter le moteur 1,6 l diesel R9 et l’électrique 5Agen2. Mais aussi pour dénoncer le « fossé qui se creuse » entre les rémunérations de la base et celles des hauts dirigeants. Enfin pour s’inquiéter des déclarations de certains candidats à l’élection présidentielle, concernant les moteurs diesel qui représentaient ici 87 % de la production en 2016.
La CGT, elle, aura un ton plus offensif (lire ci-dessous). Mais l’incident n’aura pas assombri l’humeur du président, qui plaisantait ensuite avec un cadre d’origine argentine, Hector Arrachea, et se faisait présenter dans le détail le moteur électrique de Renault, leader européen sur ce créneau. « Plus l’échéance de la fin du mandat approche, plus le rythme des déplacements s’accélère : il veut aller partout, tout voir et surtout montrer les réussites françaises. C’est sa manière à lui de répondre aux propos que tiennent les populistes sur l’économie du pays », glisse l’un de ses proches conseillers.
« Le groupe Renault va bien ! », lançait d’ailleurs Thierry Bolloré, responsable des opérations, en accueillant François Hollande sur une tribune dressée face à plusieurs centaines d’employés portant, pour certains, une tenue flanquée du slogan « Les meilleurs s’équipent chez nous. Fiers. Performants. Audacieux ». Et si Renault va bien, si le groupe a signé l’an passé « un double record, en volume et en compétitivité », c’est le fruit de l’investissement, de l’innovation, mais aussi du coup de pouce de l’État et du dialogue avec les syndicats.
L’ensemble de ces éléments, expliquait Thierry Bolloré, s’est conjugué pour permettre à Renault d’améliorer les performances de ses usines, la productivité de ses équipes - avec un objectif de 90 véhicules produits par personne et par an en 2019, soit le double qu’en 2013 - et de conquérir de nouveaux marchés. 500 M€ seront investis dans les prochaines années, dont 220 M€ dans la formation, annonçait-il en outre, insistant sur la nécessité « d’adapter sans cesse les métiers et les processus », et d’imaginer la voiture du futur comme « un espace mobile et connecté ».
Pour François Hollande, « Renault est un symbole pour tous les Français ». Celui d’un fleuron de l’industrie qui vient de traverser une périlleuse zone de turbulences, mais qui a su redresser sa trajectoire avec le soutien du gouvernement et l’implication des salariés. « Vous avez vous aussi participé directement au redressement de l’entreprise, déclare-t-il aux salariés. Mais aujourd’hui les résultats sont là. » Ainsi, l’industrie automobile a construit l’an passé un million de véhicules de plus qu’au début de son quinquennat en 2012, tandis que le nombre d’immatriculations progressait de deux millions.
Abordant l’avenir, François Hollande insistait sur la nécessité de « moderniser encore notre industrie » en prenant en compte la « révolution énergétique indispensable » et des contraintes écologiques qui, selon lui, doivent constituer autant de leviers pour imaginer la production de demain. Une production qui sera plus largement électrique et hybride, beaucoup moins diesel même si la « transition » ne devra pas se faire « trop vite ». Il y avait là sans doute matière à rassurer les salariés inquiets, on l’a vu, des procès faits aux moteurs diesel. Des salariés qu’il invitait à se former en permanence grâce au compte personnel d’activité dont il faisait, en conclusion de son discours, la promotion.
en chiffres
Alain LEMARCHAND |
Franck BOITELLE |