VALLEE de la Seine: le système logistique fluvio-maritime normand va se renforcer grâce un promoteur... tchèque!
Tout progrès de la coopération systémique, équilibrée, concertée, spécialisée et complémentaire entre les deux grands ports maritimes normands du Havre et de Rouen, appelés à fusionner d'ici 2021, est une bonne nouvelle.
Tout comme la montée en puissance du report modal vers le fleuve pour éviter des norias de camions polluantes sur chaque rive de la Seine. De même que le progrès du désenclavement ferroviaire du GPM du Havre via la ligne Serqueux-Gisors est aussi une bonne chose quand bien même elle devrait être complétée d'un désenclavement ferroviaire de large horizon vers l'Est (Tergnier-Metz-Allemagne) pour permettre le maintien ou le progrès de l'hinterland des grands ports maritimes normands au delà du seul terminus de la région parisienne:
Sur ce dernier point, nous avons le défaut d'être ambitieux pour l'avenir portuaire normand et ce défaut ne se trouve pas chez des haut-fonctionnaires parfaitement calibrés pour leur poste, le temps d'y rester avant d'en occuper un autre... Cette fatalité jacobine condamne nos ports à une certaine atonie commerciale si on devait les comparer au dynamisme insolent de leurs principaux concurrents de la fameuse Rangée Nord européenne.
A moins de prendre en considération quelques réalités dénichées à Anvers, Rotterdam ou Hambourg suite à quelques opérations de "benchmarking" chez les concurrents, notamment à Anvers, pour savoir comment là-bas, ils s'y prennent pour animer, dans l'immédiat amont de l'outil portuaire, un véritable hub logistique dans le but de donner le plus de valeur ajoutée possible aux marchandises en transit...
Bref! du côté de Rouen, un haut-fonctionnaire ingénieur des ponts et chaussées mais aussi des eaux et forêts (ça peut toujours servir...) découvrant son nouveau métier de directeur de grand port maritime a, semble-t-il, enfin compris qu'il ne fallait plus regarder passer les conteneurs comme les vaches normandes regardent passer les camions et les trains. Il faut ouvrir, dépoter les conteneurs, pour enclencher, dès que possible, un travail qualitatif autour des marchandises pour qu'elles soient communiquées au plus vite vers les clientèles finales en évitant les manutentions et les transports inutiles (notamment les fameux rétro-transports de camions revenant au Havre à vide...).
Concrètement il s'agit d'ouvrir, non pas en région parisienne ou plus loin encore, les conteneurs débarqués au Havre puis transitant par barges sur la Seine mais de les ouvrir dans des bases multi-modales et des entrepôts situés dans la vallée de la Seine, au coeur même du système portuaire normand, à l'instar de l'Escaut dans l'amont immédiat d'Anvers... Après dix années de palabres et de colloques sur l'Axe Seine, le début du commencement d'un "gateway" logistique normand se met, peu à peu, en place.
En effet, pendant que certaines huiles officielles répandent leur salive dans l'écume des discours, d'autres experts préfèrent agir concrètement sur le terrain en assurant le portage foncier et financier nécessaire à la création des surfaces d'entrepôts qui nous manquent pour traiter dans la vallée de la Seine normande les conteneurs débarqués notamment dans le GPM du Havre.
Un groupe d'experts nommé "Seine Solutions" a démontré son agilité et son efficacité depuis quelques années pour doter la vallée de la Seine normande des infrastructures logistiques indispensables pour permettre d'assurer l'avenir même du trafic conteneurisé du port du Havre: en effet, si ce dernier stagne en dessous de la barre des 3 millions d'EVP annuels depuis un certain nombre d'années c'est que la logistique terrestre dans l'amont immédiat du grand port normand n'est pas calibrée ni organisée pour permettre de débarquer plus de... 3 millions d'EVP annuels. Et le grand port normand souvent qualifié de meilleure escale du Monde par ses qualités nautiques, techniques et de productivité, se voit contraint de ne pouvoir débarquer que 10 à 20%, grand maximum, de la cargaison des géants des mers qui escalent à Port 2000 avant de remonter la Manche puis passer le Pas-de-Calais pour décharger le reste à... Anvers! faute des capacités logistiques terrestres normandes suffisantes...
Cette médiocrité havraise calée à 3 millions d'EVP annuels pourrait être, à terme, fatale au grand port normand: d'ici dix ans, l'essentiel de l'hinterland commercial actuellement desservi depuis Le Havre pourrait passer entre les mains d'Anvers voire de Dunkerque si le Canal Seine Nord se fait dans les temps et conditions prévus.
Face à fatalisme, le groupe d'experts Seine Solutions agit et grâce à son action près de 300 000m² d'entrepôts placés sur des bases multimodales vont très prochainement sortir de terre sur le foncier des deux GPM normands notamment à Honfleur et à Port-Jérôme.
Sauf qu'à lire certaines feuilles bien informées, notamment la Chronique de Normandie proposée par Bertrand Tierce (édition du 1er avril 2019, n°576), on apprend que la création d'un futur parc logistique de près de 80000m² d'entrepôts prévus sur le site du GPM de Rouen à Grand Couronne a été confiée non pas à notre promoteur normand qui a fait, désormais, ses preuves mais à un mystérieux groupe de promotion immobilière nommé P3 Logistic Parks, un opérateur d'origine... tchèque si l'on en croit la Lettre Eco de Normandie du 29 mars dernier qui nous a révélé cette information: on se demande donc bien pourquoi Pascal Gabet le nouveau directeur du GPM de Rouen ou son prédécesseur Nicolas Occis se sont enferrés dans une négociation encore inaboutie avec un opérateur étranger inconnu alors que nous avons ici même les experts normands de Seine Solutions emmenés par Marc Ligot.
Tout cela nous paraît bien étrange au regard des capacités des opérateurs financiers venus de Bohème à mener chez nous des opérations d'envergure (on l'a vu récemment dans la presse hebdomadaire parisienne): faudrait-il chercher plus loin à l'Est que Prague et sa célèbre Moldau? Ne serait-ce pas plutôt l'arrivée discrète, à la bohémienne, sur nos bords de Seine de l'une de ces nouvelles routes de la Soie chinoises?
Pour le reste, la Chronique de Normandie confirme ce que nous savions déjà au sujet de projet de chatière dont on parle depuis la création de la darse de Port 2000 afin de relier directement cette dernière au port intérieur du Havre et donc au fleuve sans passer par la haute mer plus agitée de l'estuaire: l'Europe et la région Normandie confirment leurs financements et c'est heureux car ce projet de chatière permettra d'augmenter les capacités havraises de dégagement des conteneurs pour leur traitement logistique dans l'amont.
Cependant, contrairement à ce que nous chante le Marin breton de Ouest-France, il ne semble pas question d'un financement par l'Europe de la construction des postes à quai 11 et 12 permettant d'achever l'équipement portuaire prévu lors de la création de Port 2000:
Cela voudrait-il dire que la Commission européenne ne croit pas possible que le grand port maritime normand puisse un jour dépasser la fameuse barre des 3 millions d'EVP?
Pour en savoir plus sur le projet de plateforme multimodale sur le site de Grand-Couronne, lire l'article suivant proposé par le journal de la marine marchande:
http://www.journalmarinemarchande.eu/actualite/p3-logistic-parks-retenu-par-haropa-port-de-rouen
Les ports du Havre et du Rouen planchent depuis quelque temps sur un projet visant à faire de Rouen un hub destiné aux conteneurs en priorité pour développer les flux import transitant par Le Havre. Au service de ce projet figure notamment la création d'une plateforme logistique Rouen Vallée de Seine Logistique (RVSL Amont) de 60 000 à 80 000 m2. L'attribution des parcelles vient d'être décidée.
Pour développer la logistique sur Rouen Vallée de Seine Amont (RVSL Amont), Haropa Port de Rouen avait lancé en 2018 un appel à projets pour l'aménagement d'une zone logistique de 22 ha adossée au terminal à conteneurs et marchandises diverses de Grand Couronne (TCMD). Cette nouvelle plate-forme destinée à la logistique conteneurs a pour objectif de développer en priorité les flux import overseas transitant par Haropa Port du Havre. Cette future zone doit proposer de 60 à 80 000 m2 de nouveaux entrepôts logistiques et ainsi contribuer à renforcer le hub de Rouen.
Priorité stratégique
À l'issue de l'appel à projets, Haropa Port de Rouen vient de sélectionner P3 Logistic Parks, un opérateur basé à Prague (République tchèque), présent sur le marché européen depuis 2001. Outre un portefeuille paneuropéen de 185 entrepôts totalisant 3,9 millions de m2 d’actifs dans neuf pays, P3 dispose également d’une réserve foncière de plus de 1,8 million de m2 à développer.
« Le développement de l'offre logistique est une priorité inscrite dans le projet stratégique du port de Rouen. La création de plateformes logistiques permet de développer la multimodalité mais aussi d'identifier le trafic en renforcant les synergies entre Rouen et Le Havre. RVSL Amont concentre des atouts comme la proximité de TCMD et RVSL qui représente déjà 150 000 m2 d'entrepôts et compte 600 emplois », explique Pascal Gabet, le directeur général d'Haropa Port de Rouen.
RVSL Amont représente un investissement de 6 M € pour le port de Rouen, cofinancé par l'État, la Région Normandie et la Métropole Rouen Normandie. Pour Christophe Chauvard, le directeur général de P3 Logistic Parks France, l'emplacement est stratégique à seulement 80 km de Paris et à proximité immédiate de la Cosmetic Valley.
Jacques Laurent