D'après des chercheurs de l'UNIVERSITE de CAEN, le GRAND DEBAT ne représente ni la population française, ni les Gilets Jaunes!
On s'en doutait un peu. Mais une équipe de chercheurs en sociologie de l'université de Caen en apporte la preuve après enquête: le public des réunions du grand débat officiellement organisé par le gouvernement est assez peu représentatif de la population française en général et des Gilets Jaunes en particulier. Cette base sociale et culturelle assez restreinte questionne la légitimité politique de ce grand débat et de ses conclusions dont on a vu qu'elles étaient totalement à la discrétion du président de la République qui a pioché dans le catalogue (non exhaustif) des "remontées du grand débat" ce qui l'arrange: tant par la base (le public dans les salles de réunion) que par le haut (le bureau du chef de l'Etat à l'Elysée) cet exercice de grand débat qui aurait pu être l'occasion originale et inespérée de renouveler profondément la démocratie française s'apparente à un fiasco sinon une supercherie...
"À Caen, le Grand débat ne représente ni la population française, ni les Gilets jaunes ». C’est l’intitulé d’une tribune publiée par sept chercheurs en géographie et sociologie de l’université de Caen-Normandie (1). Le collectif a enquêté sur les ronds-points et dans les réunions publiques afin d’analyser des données chiffrées. En voici quelques extraits.
Les professions représentées aux réunions publiques
« Deux des quatre réunions organisées au Mémorial de Caen ont fait l’objet d’une passation de questionnaires auprès du public. Au regard des questionnaires, il apparaît que ces débats ont majoritairement réuni des fractions stabilisées de la population. Cela est révélé notamment par une surreprésentation des cadres et professions intellectuelles supérieures (13 % parmi les participant(e)s au Grand débat à Caen contre 9,6 % en France selon l’Insee) et, dans une moindre mesure, des professions intermédiaires (16 % contre 13,8) %.
Les retraité(e)s, d’ancien(ne)s cadres et professions intermédiaires de la fonction publique pour la plupart, y sont représenté(e)s encore davantage, constituant 55 % de l’échantillon, contre 32,5 % au sein de la population française.
Le revenu mensuel net moyen déclaré s’élève à 2 300 € et seuls 9 % d’entre elles et eux ont un revenu mensuel net inférieur ou égal au Smic, soit 1 200 €. Du point de vue du patrimoine possédé, 60 % de l’échantillon est propriétaire d’un logement sans crédit en cours.
À l’opposé, les catégories sociales dites populaires apparaissent très largement sous-représentées (3 % d’ouvrières et ouvriers et 2 % d’employé(e)s contre 11,8 % et 15,3 % pour l’ensemble de la population française en 2018). »
D’autres profils sur les ronds-points
« Ces profils contrastent ainsi fortement avec ceux des Gilets jaunes que nous avons pu enquêter depuis novembre 2018 sur plusieurs ronds-points et lors des manifestations du centre-ville. Les ouvrières et ouvriers (19 % de l’échantillon) et les artisans (3 %) y sont surreprésenté(e)s contrairement aux cadres et professions intellectuelles supérieures (6 %) ou intermédiaires (9 %). Le revenu mensuel net moyen atteint pour cet ensemble 1 465 €, 36 % ayant des revenus mensuels nets équivalents ou inférieurs au Smic et seulement 26 % étant propriétaires sans prêt encore en cours. »
« S’informer » et « échanger »
« Au-delà de ces indicateurs socio-économiques, c’est du point de vue de leurs motivations et revendications que les participant(e)s au Grand débat apparaissent en décalage avec les Gilets jaunes. Seuls 10 % d’entre eux déclarent s’être déjà mobilisés avec les Gilets jaunes. Assez loin des préoccupations liées à la baisse du pouvoir d’achat et à la précarité de la vie quotidienne, de la critique des élites ou de la volonté d’un partage des richesses et du pouvoir, caractérisant les « gilets jaunes » enquêté(e)s, 53 % des participant(e)s du Grand débat, sondé(e)s à Caen, déclarent être venus pour « s’informer » et « échanger » avec leurs semblables. »
Proximité avec le gouvernement
« Si 19 % attendent tout de même de voir ce qu’Emmanuel Macron et son gouvernement tireront du Grand débat, les affinités politiques déclarées par ses participant(e)s à Caen révèlent une certaine proximité avec le gouvernement. En effet, 37 % affirment avoir voté pour Emmanuel Macron au premier tour des élections présidentielles de 2017 – contre 18,2 % des inscrit(e)s à l’échelle nationale –, et 74 % au second tour – contre 43,6 % en France.
Les électrices et électeurs de Marine Le Pen apparaissent absent(e)s du Grand débat caennais.
Notons enfin la sensible surreprésentation des électrices et électeurs de Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon qui représentent respectivement 22 % et 18 % des participant.es sondé(e)s au Mémorial, contre 14,8 % et 4,8 % des inscrit(e)s français(es) en 2017. »
Commentaire de Florestan:
Qui a dit que la lutte des classes était dépassée?
Pour résumer, le public caennais du grand débat fut plutôt celui des têtes chenues à la retraite bac plus trois, quatre ou plus qui ont voté Macron aux deux tours de l'élection présidentielle de 2017. Et entre deux têtes blanches macronisées, se sont glissés quelques cheveux poivre et sel de la France insoumise... Effectivement, ce n'est pas représentatif: l'abstention des classes populaires est donc totale sauf sur les rond-points cet hiver...