SONDAGE BVA-PARIS NORMANDIE: Les Normands peinent à voir l'évidence normande qu'on refuse de leur mettre sous le nez...
Car le nez au milieu de la figure est bien la chose la plus difficile à voir si l'on n'a pas à disposition un miroir qui sache... réfléchir!
Après plus de 50 années passées dans la division régionale avec pour conséquence, l'effondrement d'un espace vécu normand commun à tous les Normands et un effondrement encore plus dommageable dans un localisme stérile pour les ambitions, au point d'enfermer les Normands dans le défaitisme et l'introversion à force de mépris nourris de méprises et des préjugés, le philosophe normand Michel Onfray affirma bien tristement que "les Normands ne s'aimaient pas". Ce constat, fort logique, était dressé en 2015 alors que le processus politique et institutionnel de réunification normande venait d'être enclenché par un président de la république socialiste rouennais désireux de prendre l'Histoire à témoin sur les plages du débarquement de 1944 tout en réglant, une fois pour toutes, ses comptes avec celui qui l'avait affûblé du titre ridicule de "Guimauve le Conquérant".
La réunification normande est donc venue d'en haut mais pas de la société civile normande qui n'y croyait plus et encore moins de la classe politique régionale médiocrement vautrée dans la médiocrité de la division: tout le problème est là!
75 ans après 1944, les Normands doivent reconstruire leur image, leur fierté, leur identité mais faute d'avoir à leur disposition le reflet, le miroir médiatique pour les aider, ils peinent, trois ans après la réunification, à voir la Normandie comme une terre réellement utile à leur avenir, faute de la connaître, faute de pratiquer concrètement la Normandie dans leur travail ou leurs loisirs.
La Normandie n'est réunifiée institutionnellement et politiquement que depuis trois ans. Le jardin normand est resté en friche pendant plus de 50 ans: c'est donc normal qu'il nous faille faire preuve de patience. Mais nous sommes confiants car on ne connait aucun jardin qui ne puisse renaître à la vie et à la beauté sans le retour des jardiniers. Les jardiniers de la Normandie existent et ils sont de plus en plus nombreux depuis trois ans.
Il est vrai que le reflet médiatique normand dans le grand-public régional n'est pas très engageant: ce grand public normand reste largement ignorant des réalités institutionnelles, structurelles, économiques ou culturelles les plus essentielles à la Normandie.
La presse quotidienne régionale reste toujours divisée en Normandie. Ouest-France continue à faire la retape de la Bretagne et des Pays-de-la-Loire dans l'ex Basse-Normandie notamment auprès des jeunes de l'académie de Caen qui cherchent un emploi intéressant ou une formation supérieure: un vrai scandale! Quant aux médias audio-visuels malgré quelques émissions intéressantes sur l'antenne de France 3 Normandie, on ne propose pas au grand public Normand une connaissance exhaustive des réalités régionales ou un décryptage régulier et approfondi des questions normandes. La couverture médiatique du premier festival de l'excellence normande qui s'est tenu à Caen pendant les dernières vacances de Pâques a été médiocre et biaisée par les préjugés anti-normands de certains journalistes au point de susciter la colère de certains élus du conseil régional.
La Normandie a un problème d'image, non pas qu'elle soit laide à regarder en face, bien au contraire puisque son nom est connue dans le monde entier, mais parce que les professionnels de l'image et du reflet médiatique qui font carrière dans le trou normand s'en foutent quand ils ne méprisent pas notre région sous prétexte que la Bretagne serait la seule région à pouvoir bénéficier d'une image régionale forte, voire d'une identité, à l'ouest de Paris.
Les résultats du sondage à lire ci-dessous doivent alerter tous les acteurs du projet normand, à commencer par le conseil régional de Normandie qui doit désormais s'interroger sur la façon de résoudre au mieux l'absence d'un miroir reflétant toute la Normandie pour la jouissance de tous les Normands...
L’identité normande existe-t-elle vraiment ? Deux ans et demi après l’apparition des nouvelles régions, BVA constate que le redécoupage n’est pas un grand succès. Quant à améliorer la situation de la région, les Normands retiennent deux thèmes en priorité : l’emploi et les infrastructures de santé.
L’une était Haute, l’autre Basse. François Hollande a-t-il bien fait de fusionner les deux anciennes Normandie en une seule grâce à la loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République) adoptée 2015 ? Près de deux ans et demi après la fusion des deux anciennes régions, BVA a posé la question pour le compte de la Presse quotidienne régionale, dont Paris-Normandie (1). Et le résultat peut surprendre car là où la Normandie unique prenait tout son sens, contrairement à d’autres « nouvelles régions », comme Grand Est ou Nouvelle Aquitaine constituées par des redécoupages, seuls 35 % des Normands se disent satisfaits du nouveau découpage régional.
Si une part non négligeable de l’opinion ne se prononce pas (17 %), 48 % des personnes interrogées disent ne pas être satisfaites de ces nouveaux contours régionaux. Ce sentiment est plus prononcé encore dans l’ancienne Basse-Normandie où 51 % des ex-bas-Normands ne sont pas satisfaits d’avoir été raccrochés à leurs voisins haut-normands. En Seine-Maritime et dans l’Eure, les deux départements de l’ex-Haute-Normandie, 45 % des sondés sont insatisfaits d’avoir dû se jumeler aux trois départements de l’ex-Basse-Normandie (Calvados, Orne et Manche).
Qui n’apprécie guère le redécoupage des régions ? Selon BVA, les plus rétifs à l’échelle nationale sont les seniors, les plus de 50 ans (59 %) et les 65 ans et plus (60 %).
Commentaire de Florestan: c'est normal, c'est la population qui a vécu la division normande et qui est aussi le coeur du lectorat d'une presse quotidienne régionale qui entretient la division normande.
Employés, ouvriers et retraités sont aussi les plus méfiants à l’égard des nouvelles régions. De fait, ce sont les classes moyennes modestes et les classes populaires du milieu rural et des villes de 20 000 à 100 000 habitants qui jugent le plus sévèrement le redécoupage des régions. Et selon la proximité politique, les sympathisants du Rassemblement national sont les plus sceptiques sur les nouveaux contours tandis que les sondés se disant proches de La République en marche et du Parti socialiste sont les plus enclins à apprécier les nouveaux périmètres.
Commentaire de Florestan: on retrouve là le clivage idéologique lié au niveau d'études. En revanche, pour contredire factuellement cette assertion, on notera que le mouvement de Gilets Jaunes, largement issus des classes populaires normande, s'est spontanément identifié à la Normandie parfois de façon très affective. La Normandie est dans les coeurs mais elle peine à être dans la raison faute d'être suffisamment informé sur les réalités institutionnelles régionales: les classes populaires normandes ne savent pas grand-chose de l'existence ou de l'action publique du conseil régional de Normandie faute d'en être informées régulièrement et correctement!
Si le redécoupage ne constitue pas un succès unanimement partagé, l’attachement à une région s’exprime de manière plutôt claire. En France, 75 % des habitants se disent attachés à leur région. En Normandie, cette part est légèrement supérieure, à près de huit Normands sur dix (79 %). Loin, malgré tout, de l’attachement que les Bretons ont pour leur territoire (89 %) et les gens du Nord pour les Hauts-de-France (84 %).
En y regardant d’un peu plus près, les Haut-Normands semblent plus attachés à la Normandie (80 %) que leurs voisins bas-normands (77 %). C’est sans doute la raison pour laquelle la région est, selon BVA, l’échelon régional, dont les personnes sondées se sentent les plus proches, devant la commune, le département ou le niveau intercommunal (Métropole, agglomération ou communauté des communes).
Commentaire de Florestan: il y a peut-être le début d'une prise de conscience dans le bassin de vie rouennais que la construction d'un projet normand est la dernière chance pour ne pas disparaître dans la banlieue parisienne.
Là encore, les Bretons font la course en tête avec 31 % des Bretons expliquant qu’ils se sentent appartenir en priorité à leur région avant tout autre collectivité locale.
Commentaire de Florestan: c'est paradoxal de voir le fort attachement des Bretons pour leur région qui demeure géographiquement amputée de la Loire atlantique alors que les Normands boudent leur réunification régionale. Là encore, la responsabilité des médias dans le domaine essentiel et stratégique de l'image et du symbole est essentielle. La Bretagne est un totem médiatique et on sait que les Bretons ont investi le journalisme comme les Corses les commissariats et les Normands les librairies et l'édition...
Les Normands sont 12 % dans ce cas, derrière les régions Grand Est (17 %) et Hauts-de-France (14 %), mais devant la Bourgogne-Franche-Comté (11 %), l’Occitanie (10 %), Centre-Val-de-Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur (9 %), la Nouvelle Aquitaine (8 %) les Pays de la Loire (5 %) et l’Ile-de-France, à 4 %.
Pour autant, tout n’est pas négatif dans l’histoire du « reprofilage » des régions. Et c’est bien le paradoxe. Si le redécoupage n’apparaît pas comme étant un grand succès, la fusion emporte globalement un sentiment de satisfaction. Et là, la Normandie est concernée au tout premier chef. « Seule la Normandie s’illustre par une satisfaction majoritaire (51 %) à l’égard de la fusion, un sentiment qui vient confirmer la tendance observée en 2015 et qui plaçait les Normands parmi les plus satisfaits de la fusion de leurs territoires », observe BVA. Ainsi, 56 % des ex-Haut-Normands se disent satisfaits de la fusion avec l’ancienne Basse-Normandie. Dans l’autre sens, 45 % des ex-Bas-Normands se disent satisfaits d’avoir rejoint leurs voisins.
Commentaire de Florestan: le sondage ne fait que confirmer ce que nous cessons de dire. La réunification normande est perçue comme une évidence voire comme la réparation d'une erreur. Le sondage positif n'est que le constat de cette évidence au même titre que la pluie qui tombe du ciel et qui mouille. Le problème c'est que les Normands ne sont pas encore convaincus que la pluie tombant du ciel normand réunifié puisse faire croître l'herbe plus vite faute d'être informés et davantage impliqués dans la reconstruction d'un projet régional authentiquement normand qui mobilise une valeur qui a été si longtemps, trop longtemps, négligé, nié sinon méprisée: la fierté d'être normand par la transmission d'un héritage, d'un patrimoine normand permettant d'assumer une identité régionale normande alors que les médias régionaux dominants (notamment en Basse-Normandie) continuent de faire toujours autant la promotion d'une région voisine...
(1) - Étude réalisée par BVA pour la Presse quotidienne régionale, dont Paris-Normandie, via internet, du 15 au 22 avril 2019, auprès d’un échantillon de 5 324 inscrits sur les listes électorales identifiés au sein d’un échantillon de 6 000 Français représentatif de la population nationale de 18 ans et plus.