Canal Seine-Nord Europe : pour qui sonne le glas ? Nous le savons trop bien...
Le lobby nordiste a bien travaillé :
L’Etat et les collectivités s’engagent à cofinancer le canal Seine-Nord pour 2,2 milliards d’euros
Le Monde avec AFP Publié vendredi 4 octobre à 20h59
Chaque partie financera à hauteur de 1,1 milliard d’euros ce canal « à grand gabarit », qui doit relier la région parisienne au nord de l’Europe par voie fluviale.
L’Etat et les collectivités vont verser 2,2 milliards d’euros pour financer le projet du canal Seine-Nord, une liaison « à grand gabarit » devant relier la Seine au réseau fluvial de l’Europe du Nord. Le canal, long de 107 kilomètres entre Compiègne (Oise) et Aubencheul-au-Bac (Nord), doit faciliter le transport de marchandises entre les pays du Benelux et la région parisienne, et décharger l’autoroute 1 (A1). Son coût total est évalué à 5 milliards d’euros.
Dans nos archives : Le canal Seine-Nord, trente-cinq ans de débats et toujours pas un coup de pioche
Sur ce montant massif, « une contribution budgétaire de l’Etat de 1,1 milliard d’euros sera versée à la Société du canal Seine-Nord Europe par l’Agence de financement des infrastructures de transport (AFITF) », ont expliqué vendredi le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin, et le secrétaire d’Etat aux transports, Jean-Baptiste Djebbari. Ce financement fera l’objet d’un amendement au projet de loi de finances (PLF) pour 2020.
Un financement européen de 2 milliards d’euros
L’apport de l’Etat sera complété par une contribution du même montant de la part des collectivités territoriales des Hauts-de-France, de l’Oise, du Pas-de-Calais, du Nord, de la Somme et de l’Ile-de-France.
L’Union européenne doit pour sa part apporter 2 milliards d’euros, « au titre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) », selon Bercy. Bruxelles s’était engagé à financer l’ouvrage « à hauteur de 50 % du montant des études et de 40 % du montant des travaux », selon le communiqué du gouvernement.
S’agissant du reste à financer – c’est-à-dire entre 700 millions et 900 millions d’euros, précise Bercy –, « l’Etat aidera à la mise en place de ressources à assiette locale pour financer la contribution d’équilibre, dont le montant sera garanti par les collectivités », ont ajouté les deux ministres.
Le projet d’origine, conçu comme un partenariat public-privé d’un montant évalué à 7 milliards d’euros, avait été abandonné et revu à la baisse à 5 milliards d’euros, avec un financement cette fois 100 % public. Mis de côté par le gouvernement à son arrivée aux affaires, en 2017, il a été relancé l’année d’après, sous la pression notamment du président de la région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand.
Il y a 4 ans, voici quelle avait été la réaction d'un certain député de Seine-Maritime et maire du Havre devenu premier ministre depuis :
Seine-Nord : la fin des ambitions portuaires françaises ?
Edouard Philippe - Les Echos | Le 16/03/2015
https://www.lesechos.fr/2015/03/seine-nord-la-fin-des-ambitions-portuaires-francaises-1106128
L'économie mondiale dépend des flux internationaux, maritimes à 80 %, de biens matériels. Les activités et les emplois se créent le long de ces routes maritimes, autour des ports et des voies qui les desservent.
Capter une part de ces flux est donc un objectif essentiel d'aménagement du territoire et un impératif de politique industrielle et de relocalisation des activités productives. Ce doit être une ambition non seulement des territoires portuaires, mais du pays entier.
La décision du gouvernement de faire du canal Seine-Nord une priorité est, de ce point de vue, déconcertante de naïveté. Ce qui est présenté comme un « grand projet structurant » est d'abord celui de tous les excès.
Par son gigantisme : 106 kilomètres de canal creusés, des dizaines d'ouvrages d'art. Par son impact environnemental : 2000 hectares de terres agricoles sacrifiés, des dizaines de millions de mètres cubes d'eau prélevés pour sa mise et son maintien en eau. Par son coût, évalué à 4,5 milliards d'euros au moins.
Il ne garantit ni l'allégement du trafic sur l'autoroute A1 ni la création d'activités et d'emplois pérennes. Il concentre l'essentiel des financements européens au détriment des autres projets français, notamment ceux qui doivent revitaliser le transport ferroviaire. Et, au moment où l'Europe, via le programme Weastflows, incite à des flux est-ouest afin de décongestionner la logistique du fret, nous lui proposons de renforcer un axe nord-sud déjà saturé !
Surtout, le canal Seine-Nord, c'est conforter Anvers et Rotterdam comme les portes d'entrée de l'Europe au détriment du Havre, de Dunkerque et de Calais. Ce sont les ports flamands et néerlandais que nous aidons à capter une part encore plus importante des flux économiques maritimes, des activités et des emplois !
Il ne s'agit pas de s'opposer au transport fluvial ni à une amélioration de la liaison Seine-Escaut. Mais on ne comprend pas ce gâchis économique et environnemental qui consiste à construire à grands frais un axe navigable - parallèle à la Manche ! - pour renforcer, aux dépens des intérêts français, les ports du nord de l'Europe, dont la position est déjà dominante.
On le comprend d'autant moins qu'un projet différent existe : la rocade Nord-Est, autoroute ferroviaire d'acheminement du fret entre Le Havre et l'Europe centrale par Amiens et Châlons-en-Champagne, en évitant le goulet d'étranglement de Paris et de sa banlieue.
Il répond aux exigences économiques et à celles du développement durable, il préserve les intérêts de nos territoires et la vocation maritime de la France, et il s'inscrit dans le cadre de la politique européenne des grands corridors multimodaux.
Il permettrait au Havre de rivaliser à armes égales avec ses concurrents par l'amélioration de sa desserte ferroviaire - les travaux envisagés actuellement ne visent que la liaison avec l'Ile-de-France - et l'accès facilité aux marchés d'Europe centrale. Il permettrait à la Picardie, au carrefour des grands axes européens, d'accueillir les centres logistiques dont nous avons besoin. Il raccorderait enfin cette plate-forme industrialo-portuaire à l'aéroport de Vatry (Marne) et à l'axe Rhin-Rhône.
Loin de la démesure du canal Seine-Nord, la création de la rocade ne nécessiterait dans un premier temps que la modernisation des infrastructures existantes et l'électrification, pour 160 millions d'euros, de la ligne Amiens-Châlons-en-Champagne.
Pour desservir Paris et l'Ile-de-France, la route reste certes compétitive. Mais, pour voir plus loin, vers la Ruhr et l'Europe centrale, il faut l'être aussi en transport massifié : c'est la bataille européenne du rail qu'il faut gagner ! Tout miser sur la liaison Seine-Escaut, c'est marginaliser nos territoires et accroître les déséquilibres continentaux.
Cette politique industrielle et portuaire, contraire à nos intérêts et qui sert avant tout Anvers, il est grand temps de la remettre à l'endroit.
Edouard Philippe
Edouard Philippe est député UMP de Seine-Maritime et maire du Havre.
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Les grandes déclarations lyriques ne suffisent pas contre l'action d'un lobby déterminé, monsieur le Premier ministre "droit dans ses bottes"... plombées...
Frédéric Cuvillier, lui-même originaire de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), au cœur d'une région qui a tout à gagner de la construction du canal Seine-Nord Europe, a su, lui, profiter de son passage au Ministère des Transports pour avancer les pions du lobby nordiste...
Oserez-vous, Monsieur le Premier ministre, être candidat aux prochaines élections municipales dans la ville-port que vous avez protégé avec une telle efficacité ?!
Voir aussi: (Les Echos 7/10/19)