Les jeunes normands de plus en plus menacés par la précarité...
La tendance est nationale et la Normandie, hélas, ne fait pas exception à la règle: de plus en plus de jeunes, notamment des étudiants, fréquentent les dispositifs d'aide d'urgence tel que les "Restos du coeur" fondés par Coluche...
Reportage proposé par Paris-Normandie dans l'agglomération rouennaise:
Précarité. Ils ont moins de 26 ans et subsistent grâce à l’aide des repas des restaurants du cœur, des épiceries solidaires ou de la banque alimentaire. Reportage.
Pour se nourrir, chaque euro compte. Au centre des Restos du cœur Jean-Jacques Rousseau du Havre, la moyenne d’âge n’est pas élevée ce jeudi après-midi. « Nous sommes ouverts uniquement pour les étudiants de 14 h à 20 h », explique Éric Villechanoux, le responsable du site qui se situe à deux pas de l’université. Presqu’une exception pour les Restos qui ont pour but de recevoir tout le monde. Sans distinction. « Il n’y a que cinq ou six centres en France qui procèdent de cette façon », assure Éric Villechanoux. Une décision prise il y a six ans pour répondre aux besoins énormes de cette population. Alors, lorsque l’on dit au responsable que 51 % des bénéficiaires des Restos ont moins de 26 ans (y compris les jeunes enfants des familles), il n’est pas surpris. « Sur les 1 200 personnes qui fréquentent le centre Rousseau, 530 sont des étudiants. Les autres jours nous recevons également des jeunes qui ne sont pas en études. » Le responsable se retrouve parfois confronté à des situations terribles. « Nous accueillons un jeune, d’à peine 18 ans, qui vit dans un abri de jardin d’une maison abandonnée... » Ici, on entend parler toutes les langues : espagnol, arabe... Beaucoup de bénéficiaires sont des étudiants étrangers. « Nous ne pouvons pas obtenir de bourse », regrette Amine, 26 ans, en troisième année de Génie civil. Difficile parfois pour lui de concilier les problèmes alimentaires et les études. « Si le budget, ça ne va pas, psychologiquement, ça ne va pas. »
Son camarade de classe, Abdelghani, 23 ans, fréquente les Restos du cœur depuis l’hiver dernier. « C’était vraiment très compliqué en 2018 personnellement », reconnaît l’étudiant. Cette année, c’est différent. « Je travaille comme agent de sécurité en parallèle de mes études pendant les week-ends. » Un petit revenu, couplé à l’aide des Restos, qui lui permettent d’envisager son année universitaire plus sereinement. « Mais ce n’est pas facile de tout concilier. »
Grâce à cette campagne d’hiver pendant laquelle 14 000 repas seront distribués dans l’agglomération, « les jeunes vont pouvoir, sous conditions de ressources, avoir six repas chauds par semaine », explique René Riquet, porte-parole pour la région rouennaise. Ceux qui dépassent le plafond pour bénéficier de la campagne d’hiver (qui a démarré mardi), peuvent se restaurer au « camion », tous les soirs place Saint Marc et place des Emmurées, à 18 h. Jeunes et étudiants, ont rarement ce problème, et peuvent se rendre dans les centres des Restos, comme celui de Maromme, pour le plein de ressources alimentaires de base. Grâce à un système de points, Mizar choisit les aliments qu’il souhaite sur les étagères. Du lait, du pain, quelques sardines, du saumon sous vide. « C’est la deuxième fois que je viens. Ça aide beaucoup, c’est une grande charge en moins », sourit-il. Derrière son ordinateur, Denis, le responsable du centre, fait les comptes : « Nous avons exactement 504 jeunes de moins de 25 ans inscrits à la campagne d’hiver pour un total de 1025 personnes ». Lorsque le centre avait ouvert ses portes, il y a cinq ans, il ne comptait que 50 étudiants. « Chaque année, nous avons de plus en plus de jeunes, étudiants ou non », confirme Jean-Luc, bénévole depuis six ans.
Dans l’agglomération rouennaise, les épiceries solidaires permettent également, sous conditions de revenu, de faire des courses. Il faut débourser quelques euros pour remplir son caddie. Bien que vendus entre 30 et 40 % de leur valeur marchande, les produits se révèlent parfois trop chers pour les jeunes au budget serré. Ainsi, en 2018, sur les 2 672 inscrits de la région rouennaise, seuls 313 ont moins de 30 ans.
Pour aider la population estudiantine, la banque alimentaire a mis en place une épicerie itinérante qui passe à Mont-Saint-Aignan, Pasteur et Madrillet. « Les jeunes donnent 2 € et ils ont de quoi se nourrir pour une semaine, explique Mari Carmen, responsable de la communication de la banque alimentaire. Aujourd’hui on dépasse les 600 étudiants. C’est hyper important, parce que la malnutrition, c’est les ennuis de demain : diabète, problème cardiaque, échec scolaire... »
Journaliste, éditions du Dimanche, Le Havre
En ce milieu du XVIIe siècle, loin des fastes du palais de Versailles, la France des campagnes souffre. Frappée par l’aggravation de la crise économique, la monarchie durcit sa politique pour tenter d’enrayer la progression de la mendicité.
Le jeune roi Louis XIV en a marre des pauvres, il décide donc... de les interdire. Tel est le sens de l’édit royal du 27 avril 1656, qui ordonne la création d’un Hôpital général dans toutes les villes de France, où seront enfermés «les pauvres, mendiants valides et malades… pour être employés aux ouvrages, manufactures et autres travaux».
Présentée comme une œuvre de charité, cette nouvelle institution semble partir d'une bonne intention. Mais en réalité, elle fait presque exclusivement œuvre de police.
En Normandie, comme partout dans le royaume, ceux qui sont aperçus en train de mendier risquent désormais le fouet. Pour partir à la chasse aux pauvres et faire régner l’ordre dans la ville, chaque Hôpital général possède au moins un «archer des pauvres», que la population surnomme vite «chasse-coquin» et «archer de l'écuelle».
À Rouen et à Caen, mendier c'est risquer le fouet
Un arrêt du parlement de Rouen, du 27 avril 1672, interdit la mendicité dans les villes et villages de Normandie , "sous peine des galères contre les hommes, et du fouet contre les femmes et les enfants". Sous Louis XV (juillet 1724), les peines encourues pour mendicité sont encore alourdies : pour la première fois, deux mois de prison ; pour la seconde fois, la marque de la lettre M au bras droit ; pour la troisième fois, cinq ans de galères (pour les hommes) ou de prison (pour les femmes).
À Bayeux, un pauvre à la chasse aux pauvres
L’évêque Mgr de Nesmond conféra l'emploi d'archer des pauvres à un certain Gilles Collibert, au mois d'octobre 1666. L’emploi n’était ni facile ni bien payé. Les anecdotes à ce sujet sont cocasses. «Afin de rehausser l'autorité de Collibert, qui n'avait pour arme qu'un modeste, mais solide gourdin, et aussi le faire reconnaître dans l'exercice de ses fonctions, on lui donna une tenue peu coûteuse. Elle consistait en un juste-au-corps en drap bleu de Valognes. Trente-six boutons de cuivre, soigneusement astiqués, brillaient sur les revers, tandis qu'un large écusson aux armes de la ville, brodé en soie sur le côté gauche de la poitrine, était son insigne. Si le mirobolant juste-au-corps, dans lequel se pavanait notre archer, fit des jaloux lorsqu'il le porta pour la première fois en public, il devait en être autrement pour sa paie. Elle était plus que modeste. Quarante sous par mois, sans pitance, avec la casaque (veste) officielle pour plusieurs années, étaient peu faits pour exciter l'envie. Il y avait à peine pour manger du pain sec.» Un pauvre à la chasse aux pauvres.
Anecdote : Le savant normand pris pour un mendiant
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Le sire de Mézerai © M-L Nguyen
Né à Ri (près d'Alençon) en 1610, le sieur de Mézeray était un historien aussi talentueux qu'original. Ses contemporains racontent qu'il ne travaillait qu’à la chandelle « même en plein midi et au milieu de l’été et chaque fois que quelqu’un venait le visiter il le reconduisait le flambeau à la main jusqu’à la porte de la rue ».
« Un des travers de Mézeray, raconte un auteur de l'époque, était d'aller souvent vêtu comme un mendiant. Un jour, étant en course, et vêtu ainsi, il fut arrêté par les archers des pauvres. "Messieurs , leur dit-il, en plaisantant sur cette aventure, j'aurais peine à vous suivre à pied. On racommode quelque chose à ma voiture (signe de sa fortune, ndlr), aussitôt qu'elle m'aura joint, nous irons ensemble où il vous plaira !" ».