La Chapelle Darblay: sursis pour l'usine mais pas pour les salariés qui seront licenciés!
Eloge de l'industrie
La papeterie de la Chapelle Darblay était au bout du rouleau ainsi que l'industrie, cette mal aimée en France où une bureaucratie dominée par des financiers et des experts comptables (et non plus, comme autrefois, par des polytechniciens et des ingénieurs), s'exerce avec obstination au masochisme anti industrie, anti usine pour mieux détruire les emplois d'une classe populaire qui ne vote plus ou qui vote... mal!
Pour faire vivre l'industrie il faut savoir l'aimer et savoir comment elle fonctionne et s'apercevoir ainsi que l'industrie dépasse les logiques entrepreneuriales, marchandes et financières qui la font vivre et... mourir: servir l'industrie c'est comme servir son pays. Il y a une dimension d'intérêt général et d'aventure humaine collective dans l'industrie qui l'a fait entrer souvent dans la politique nationale sinon dans l'Histoire. L'industrie est au service du bonheur de l'Humanité même si elle a, parfois, souvent, contribué à nos plus grands malheurs collectifs puisque l'industrie a servi et sert encore à faire la guerre et que les activités industrielles humaines ont été nuisibles pour l'environnement naturel et le demeurent encore.
Mais une société humaine peut-elle se passer d'industrie?
C'est la mise en oeuvre concrète de solutions techniques par l'industrie qui permet de résoudre bien des problèmes à commencer par la question de la pollution de l'environnement et la question du changement climatique.
L'usine de la Chapelle Darblay qui traitait jusqu'à présent l'énorme production de papier à recycler en provenance de la région parisienne pour en faire du papier journal ou pour l'édition, ferme ses portes car son propriétaire finlandais en a décidé ainsi: inutile de dire que pareille usine n'aurait jamais fermé en... Finlande.
Une fois de plus, il nous aura manqué non pas du courage comptable ou financier mais du courage politique en décidant, par exemple, la nationalisation temporaire de cette usine pour garder tant les machines que les hommes qui sont capables de s'en servir ou de les entretenir non sans avoir des idées précises et intelligentes sur ce qui conviendrait de faire pour sauver l'avenir d'une usine qui rend des services si précieux pour notre collectivité nationale.
Car il y a des pays qui mettent plus de politique et de collectif que le nôtre dans leur industrie et ces pays ont su garder bien plus que nous leur patrimoine industriel: parce que la trésorerie et les fonds propres sont plus disponibles et sont dirigés vers l'investissement, parce qu'il n'y a pas d'impôt pesant sur la production ou parce que l'impôt sur les sociétés demeure modéré, parce que les successions industrielles et les reprises d'entreprise sont plus faciles et moins taxées par l'Etat, parce qu'il existe encore des obligations garanties par l'Etat qui permettent aux citoyens et aux salariés de placer leur épargne dans l'industrie, parce que les salariés ont réellement voix au chapitre au conseil d'administration, parce qu'il existe une fierté nationale ou locale pour défendre et pour promouvoir les fleurons industriels du pays...
Ici nous sommes fiers d'être Normands tant par le souvenir et la mémoire d'un héritage historique prestigieux que par le présent et l'avenir que nous préparent les magnifiques savoir-faire mis en oeuvre par les salariés normands dans leurs usines et leurs ateliers.
La région Normandie tente depuis quatre ans maintenant de développer un modèle régional de l'industrie enracinée dans son territoire, modèle qui fait la prospérité économique et sociale de certains Länder allemands mais aussi de la Suisse ou de l'Italie du Nord, voire, encore, de certaines régions françaises.
Pour en revenir à l'usine de la Chapelle Darblay, les salariés et les cadres avaient proposé de réorienter la production de papier journal (qui se vend de moins en moins, il suffit de penser, par exemple, à ce qui arrive au quotidien Paris-Normandie) vers la production de carton recyclé pour fournir le marché en pleine expansion de la livraison et de la vente par correspondance: c'était simple à comprendre et relativement simple à faire. Mais les Thénardier de Finlande ont préféré prendre le risque d'une fermeture totale de l'usine plutôt que de la voir tourner, d'une manière ou d'une autre, pour la concurrence: on nous raconte que des négociations étaient avancées avec un repreneur belge mais qu'elles n'ont pas pu aboutir. Certains ont fait preuve de la mauvaise volonté nécessaire pour que ces négociations n'aboutissent pas: inutile de se demander pourquoi!
Bref! c'est quasiment un Mers-el-Kébir industriel! Puisqu'en juillet 1940, les Anglais avaient préféré détruire la marine française neutralisée par l'armistice plutôt que de prendre le risque de la voir passer sous le pavillon de l'ennemi...
Certes! L'usine de la Chapelle Darblay n'a pas été détruite ni sabotée par son dernier propriétaire. Mais les Finlandais ont manoeuvré d'une façon telle que la production de l'usine va être durablement stoppée: on aurait obtenu le même résultat avec une destruction physique. En attendant, on se demandera qui est en charge de l'intérêt général en région parisienne voire au-delà car les déchets papier générés par l'activité de la région capitale ne vont pas disparaître avec la fermeture de l'usine normande qui les retraitait...
Faute de repreneur, les 230 salariés de la papeterie UPM Chapelle Darblay à Grand-Couronne vont être notifiés de leur licenciement après l'ultime réunion, ce lundi 15 juin, officialisant le plan social. Mais l'outil industriel reste encore sur site pendant un an.
Le groupe finlandais UPM avait annoncé l'année dernière mettre en vente son site de Grand-Couronne.
Malgré des discussions avancées avec le groupe belge VPK Packaging, la reprise du site n'a pas pu se concrétiser. Si UPM abandonne la papeterie, le site de Grand-Couronne peut encore croire à un avenir. "Nous ne pouvons que regretter la manière dont la chose a été menée", regrette Cyril Briffault, délégué syndical CGT.
Mais "nous avons un nouvel espoir", indique Julien Sénécal, secrétaire du Comité social et économique. "Dans les négociations, nous avons obtenu un accord avec la sauvegarde du site et le maintien de l'outil industriel pendant un an, jusqu'en juin 2021." Ce délai supplémentaire devrait permettre de trouver un industriel intéressé pour redonner vie à la Chapelle Darblay avec la mise en place, pendant cette période, d'une commission industrielle.
Concrètement, le site va être placé sous gardiennage renforcé et un sous-traitant va être choisi pour inspecter régulièrement les machines et s'assurer que l'électricité fonctionne et qu'il n'y a aucune fuite d'eau par exemple. "C'est un projet qui est clé en main", ajoute Julien Sénécal à l'adresse des éventuels repreneurs.
"Durant cette période, des industriels viendront certainement sur place pour visiter le site, poursuit Arnaud Dauxerre, représentant des cadres de la Chapelle Darblay. Tout le monde a les coudées franches pour s'engager dans un projet." Surtout, les trois représentants indiquent que, le plan de sauvegarde de l'emploi étant désormais signé, il n'est plus question de reprise de salariés, seul l'outil industriel est désormais concerné, ce qui devrait permettre l'aboutissement d'un nouveau projet pour le site de Grand-Couronne d'ici juin 2021.
En attendant, les salariés et tous ceux qui ont envie de soutenir les "Pap Chap" sont invités à venir sur place le jeudi 25 juin pour une grande mobilisation.