Une mauvaise blague belge affirme que si les Français ont choisi le coq comme emblème national c'est que c'est le seul animal qui soit capable de chanter à tue-tête les deux pieds dans la merde...
Et puisque nous sommes contraints, hélas, d'évoquer le mépris jacobin toujours persistant contre la diversité culturelle de nos langues régionales de France, constatons avec une triste ironie que ce coq français, notamment à Paris, chante en anglais ( ou pire, en globish ou en frangliche) plutôt que dans la langue de Molière ou de Corneille les plus grands auteurs de notre théâtre classique qui ne méprisaient pas les régionalismes puisqu'ils les connaissaient et les pratiquaient: c'est ainsi que l'on trouve tant chez Molière que chez Corneille les fameux vers "normands" consistant à faire rimer un verbe du premier groupe à l'infinitif avec une terminaison verbale à la dernière personne du pluriel...
Passons sur ces subtilités car nos contradicteurs ont des certitudes et pour continuer à nous les asséner ils doivent surtout éviter toute curiosité intellectuelle pour ce qui a le déplorable défaut de persister à être: la bêtise n'a pas besoin d'arguments, elle se pense comme vraie.
Mais quand il s'agit d'agonir dans le mépris et une intolérance suffisante drapée dans les nobles oripeaux universalistes nos mots normands et tous les mots de toutes nos belles langues régionales de France, le mal est grand car nous n'avons jamais assez de mots pour lutter contre tous nos maux...
Michel Feltin-Palas infatiguable défenseur de la cause des langues régionales de France, un patrimoine immatériel séculaire et ancestral menacé d'une disparition imminente, revient dans son dernier billet publié sur son blogue sur ce mépris linguistique jacobin lancinant pour les langues régionales en un florilège plutôt pathétique à lire ci-après:
https://www.lexpress.fr/region/ils-ont-ose-le-dire_2036946.html
Petite anthologie des propos méprisants d'une certaine "élite" contre les langues régionales.
Si l'on veut comprendre pourquoi, de manière apparemment inexplicable,
la France laisse en jachère son patrimoine linguistique, il faut insister sur deux points. Le premier est connu :
le pouvoir central a toujours craint que la pratique d'une langue minoritaire ne débouche sur des revendications séparatistes (le risque, de fait, existe, comme le montre la situation en Catalogne). Le second l'est moins :
une certaine "élite" est éduquée dans l'ignorance et le mépris des langues autres que le français. Pour s'en convaincre, il suffit de consulter l'incroyable recension qu'a effectuée
la lexicographe Josiane Ubaud, sur son site. En voici quelques extraits saisissants.
Claude ALLEGRE, ancien ministre de l'éducation nationale
"Il faudrait que la France fabrique des informaticiens parlant anglais et on nous propose de fabriquer des bergers parlant breton ou occitan." (Sud-Ouest, 30 avril 2001).
CHARLIE HEBDO
"Lou Jospinou annonce que la France va signer la Charte [européenne des langues régionales ou minoritaires] (...). Les Aborigènes vont pouvoir parler leur patois, pardon, leur langue, sans se faire rire au nez. Et peut-être même garder leur accent, c'est-à-dire leur béret et leurs sabots." (7 octobre 1998)
Denis DIDEROT et Jean LE ROND d'Alembert
"Patois (Gramm). Langage corrompu tel qu'il se parle presque dans toutes les provinces : chacune a son patois (...). On ne parle la langue que dans la capitale." (Encyclopédie, 1751-1772)
Jean DUTOURD, académicien
"Monsieur Lang ayant créé un Capes de patois breton, pourquoi ne pas créer un Capes de mendicité ?" (France-Soir Magazine, 1985)
Arlette LAGUILLIER, ancienne porte-parole de Lutte ouvrière
"Je crois que [les écoles bretonnes] limitent le développement, que ça peut limiter le développement intellectuel des enfants." (TV Breizh, avril 2002)
Jules MICHELET, historien
"Mais la dualité éclate ; d'une part, le petit peuple français, brillant, lettré et parlant à merveille. D'autre part, très bas, plus bas que jamais, la grande masse gauloise des campagnes, noire, hâve, à quatre pattes, conservant les patois." (Gloires et Victoires. Traité de Westphalie)
Michel ONFRAY, philosophe
Réintroduire les langues régionales ? "Son équivalent en zoologie consisterait à réintroduire le dinosaure dans le quartier de la Défense." (Le Monde, 10 juillet 2010)
Georges POMPIDOU, président de la République
"Il n'y a pas de place pour les langues et cultures régionales dans une France destinée à marquer l'Europe de son sceau."
Charles-Maurice de TALLEYRAND-PERIGORD, homme politique
"La langue de la Constitution y sera enseignée à tous [dans les écoles primaires] ; et cette foule de dialectes corrompus, derniers restes de la féodalité, sera contrainte de disparaître." (1791)
On pourrait continuer encore longtemps, mais on l'aura compris : la condescendance à l'égard des langues dites régionales est depuis longtemps la règle chez nombre de nos politiques et de nos intellectuels. Une condescendance d'autant plus prégnante que les intéressés n'ont guère de culture en la matière. Lesquels ont lu Frédéric Mistral, prix Nobel de Littérature pour une oeuvre écrite en provençal ? Lesquels savent qu'au XIIe siècle, le prestige du picard était supérieur à celui de la langue du roi ? Lesquels ont étudié l'oeuvre des troubadours qui, avec la langue d'oc, éblouirent à la fin du Moyen-Age l'Europe littéraire? Aucun ou presque. En soi, ce n'est pas bien grave : personne ne peut maîtriser tous les domaines du savoir. Mais par pitié : qu'ils aient à l'avenir la décence de ne plus rien affirmer à propos d'un sujet que, visiblement, ils ne maîtrisent pas.
Et en Normandie, alors que l'on vient à peine de commencer à mettre en place une politique publique régionale de sauvetage de ce qui peut encore être sauvé du français régional de Normandie et de la langue authentiquement normande qui le soutend, nous sommes affigés de constater que ce mépris jacobin qui confine à la haine de soi prospère sur la page Facebook d'un ancien président de région normand socialiste, Laurent Beauvais, en l'occurrence qui avait pourtant fait preuve d'une bonne volonté sinon d'un certain courage normand quand il présidait aux destinées de la seule Basse-Normandie.
Une fois de plus, la peur de l'identité régionale confondue avec un soi-disant replis identitaire ou nationalitaire est le seul et pauvre argument de celles et ceux qui refusent d'en avoir vraiment pour discuter des réalités de la culture linguistique normande qui ne doit plus exister tant ils condescendent à la mépriser! Il est pathétique d'observer, une fois de plus, que la tolérance universelle prêchée notamment par quelques belles âmes qui se disent de gauche se transforme en haine rabique contre toute manifestation d'identité culturelle qui a le malheur d'être d'ici et non pas de là-bas...
Pour s'en convaincre, consulter le lien suivant:
Commentaire de Laurent Beauvais:
Ça veut dire quoi finalement cet engouement pour « la langue normande » ? Quelles valeurs ? Quel projet ? Le DDAY Land ( quid en normand) promu par ailleurs par la région préservera cette langue normande ?
Commentaire de Florestan:
Ce mépris jacobin se porte bien mais la langue française se porte de plus en plus mal...
On ne peut pas s'émouvoir à juste titre de la disparition de nos abeilles et des mots normands qui peuvent aussi les nommer ainsi que les fleurs qu'elles butinent: le souci de l'écologie ne doit pas s'arrêter à la porte de l'être humain, de sa culture et de sa civilisation.
Le sauvetage de ce qui reste du patrimoine immatériel linguistique des parlers normands (en l'état actuel: le cotentinais et le cauchois) est une urgence absolue si l'on est attaché à la défense de la diversité culturelle comme on peut être attaché à la défense de la biodiversité.
La disparition totale et définitive de la langue normande l'une des plus anciennes langues d'oil de France qui a forgé le français de Paris mais aussi l'anglais de Londres (avec plus de 5000 mots anglais ayant une origine normande) serait une perte inestimable pour le patrimoine syntaxique d'une langue française qui est plus sûrement attaquée dans son essence et son avenir par la marée montante d'un globish paresseux et parisien que par les activités très subversives pour la sécurité d'une République une et indivisible des quelques adhérents de l'université populaire rurale du Cotentin ou du pays de Caux qui donnent de courageux cours du soir aux plus jeunes générations afin de transmettre tout ce qui peut encore l'être.
Ma fille de 9 ans est heureuse de savoir qu'il y a près de dix mots normands différents pour parler de la pluie: rippleure étant son préféré puisqu'il décrit l'arrivée d'un arc-en-ciel.
Il faut sauver ce très riche patrimoine de nos mots normands car des mots nous n'en avons jamais de trop pour lutter contre tous les maux: sur ce dernier point on ne peut que déplorer que le manque de curiosité intellectuelle fait prospérer la pire des bêtises: celle qui s'ignore.
Dommage pour les Normands et la Normandie que de persister dans l'épandage du glyphosate d'un jacobinisme linguistique qui n'a plus lieu d'être: la langue française et plus généralement la francophonie a besoin de toutes ses ressources pour lutter contre l'impérialisme culturel anglophone qui domine à Paris qui n'est plus une capitale francophone.
Les langues régionales de France qu'elles soient d'oil ou d'oc doivent continuer à alimenter un français régional dont la diversité syntaxique permettrait de lutter contre l'appauvrissement et l'effondrement de notre langue française dans un globish standardisé mondialisé américanisé sans saveur ni accent ni odeur...