Carte isochrone: et si la Normandie des TER prenait enfin sa revanche sur les TGV?
Le 23 octobre dernier, le Figaro Magazine consacrait son dossier à une étonnante géographie de la France: celle qui présente, à partir de cartes par "anamorphose", le rétrecissement de l'espace-temps national au départ de Paris. Le critère de l'éloignement kilométrique n'en est plus un dès lors que l'on se situe sur les des grandes radiales Paris-Province: le critère d'être à x heure de Paris est devenu, à la suite de la révolution ferroviaire du TGV, le critère dominant avec comme conséquence de corréler le prix du mètre carré à cette nouvelle loi d'airain qui fait triompher des siècles de centralisation jacobine parisiano-centrée.
Mais, en observant les anamorphoses suivantes et en lisant les explications données, on se dit que la fin du Tout TGV est en train d'arriver: cette logistique de mettre telle ou telle ville à moins de x heure de Paris est très coûteuse. La SNCF traîne une dette publique colossale. Cette politique profite surtout à la population de la région parisienne qui concentre 20% de la population nationale et, concrètement, au quotidien, pour des raisons professionnelles, "l'universelle araigne" du TGV ne concerne annuellement que 500 à 600000 "cols blancs", ces cadres supérieurs qui ont besoin d'un aller-retour Paris-Province dans la journée: les ailes d'Air Inter en furent, d'ailleurs, brisées sauf pour Toulouse qui est une capitale de l'aéronautique française coincée dans le Sud-Ouest derrière le Massif central...
Bien entendu, on constate que les villes et les régions placées dans l'angle-mort du TGV sont restées à leur place: c'est le cas de la Normandie puisqu'il faut, aujourd'hui, autant de temps pour aller à Cherbourg et à ... Marseille depuis Paris. Bien entendu, la Bretagne a profité à plein du TGV: l'enclavement péninsulaire breton n'existe plus tandis que la SNCF déniait aux Normands le droit d'accéder au TGV sous prétexte que les grandes lignes normandes étaient des lignes de... grande banlieue: l'avance technique ferroviaire acquise par la Normandie grâce au Turbotrain dans les années 1970/1980 a fondu comme neige au soleil pendant les années 1990/2000 tandis que se déployait la toile de la grande vitesse ferroviaire: la médiocrité politique normande avachie dans la division régionale et le localisme n'a pas permis à notre région d'obtenir l'accès à la modernité ferroviaire du TGV.
Mais ce n'est pas la seule raison de l'oubli de la Normandie par le TGV circulant sur une authentique LGV: il y a une raison technologique et industrielle qui fut révélée par un certain... Laurent Fabius au début des années 1990 pour expliquer aux Normands l'abandon du projet de Liaison Rapide Normandie Vallée de la Seine (ancêtre de l'actuel projet de LNPN) à savoir que la proximité en terme d'espace-temps de la Normandie avec Paris empêchait le développement technique d'une LGV: une rame TGV normande n'a tout simplement pas l'espace/temps disponible entre la gare Saint-Lazare et les principales gares normandes pour monter, le temps suffisant, à la vitesse commerciale du TGV c'est-à-dire, plus de 300 km/h.
Pour la Normandie, il aurait fallu développer un concept technique spécifique intermédiaire entre le TGV et le tortillard permettant la desserte d'un réseau urbain régional autour de 200km/h, à l'instar de ce qui se fait en Allemagne, en Suisse ou dans l'Italie du Nord. Mais cette "grande vitesse ferroviaire de proximité" fut refusée aux Normands par l'arbitraire discrétionnaire d'une haute-fonction publique d'ingénieurs d'Etat qui ne jurait que par le tout TGV: l'Etat profond du complexe industrialo-ferroviaire a imposé sa loi.
Une loi qui déraille désormais sous nos yeux tant il apparait qu'il ne fallait pas concurrencer l'aviation par le train mais plutôt l'automobile si l'on devait réellement prendre au sérieux l'urgence environnementale et climatique.
Une loi du tout TGV qui déraille aussi en terme de surcoûts, on l'a dit pour la SNCF mais aussi d'effets indésirables pour l'attractivité des métropoles régionales desservies qui se sont transformées en "petits Paris de province" avec tous les avantages mais aussi tous les inconvénients du Grand Paris, à commencer par l'explosion des prix de l'immobilier.
La crise du Covid, une fois de plus, révèle toutes nos fragilités structurelles, entre autres, celle du Tout TGV alors qu'une sagesse populaire normande nous enseigne de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier!
Justement, à l'heure du développement du télé-travail, des circuits-courts, de la nécessité de maîtriser les coûts, de concilier qualité de vie et de travail avec des coûts maîtrisés, la fin de la domination du Tout TGV est en train d'arriver: s'il s'agit de vivre définitivement en province à une heure de Paris, un train régional de type TER qui fonctionne bien donne au quotidien plus de satisfaction qu'un... Concorde ferroviaire!
Dans ce nouveau contexte, une Normandie ferroviaire pratiquant une grande vitesse de proximité avec une bien meilleur rapport qualité/prix qu'un service TGV classique a toutes ses chances!
A la région, le président Morin en est parfaitement convaincu... Reste à convaincre les technocrates d'une SNCF qui continue de maltraiter NOTRE Normandie ferroviaire!