Caen, place de la République ce 23 février 2021: les tilleuls tronçonnés en catimini dans la matinée
Billet de Florestan:
Blitzkrieg ce matin du 23 février 2021 sur la place de la République de Caen, du moins, ce qu'il en reste depuis les bombes de l'été 1944: le maire de la ville, Joël Bruneau, jusque-là quelque peu falot, plutôt discret du fait d'une éloquence laborieuse, se révèle être, à la surprise générale, un vrai général Guderian en pleine opération sur une place publique normande mise en interdit à l'aide de barrières dans la nuit pour un tronçonnage éclair des tilleuls de la discorde malgré son engagement de ne rien faire sur cette parcelle tant que les recours prospérant devant la justice administrative (l'un en appel devant le TA de Nantes et l'autre devant le Conseil d'Etat) n'étaient pas "purgés"...
Mais ces recours devant la justice administrative n'étant pas suspensifs, le général Guderian caennais est donc intervenu ce matin en profitant de l'agenda de la crise sanitaire et des vacances scolaires.
Devant quelques dizaines Caennais médusés derrière des grilles sévèrement gardées par des dizaines de CRS, policiers nationaux et municipaux avec le renfort d'un peloton de gendarmes (on se demandera qui est véritablement responsable de ce trouble à l'ordre public), une société d'élagage venue de l'Orne (Aube) avec de puissants moyens a transformé en moins d'une heure une trentaine de hauts tilleuls plantés dans les années 1950 en deux grands semi-remorques remplis de copeaux à ras-bord: dans la prose pasteurisée de Ouest-France, on lira que les arbres ont été "compostés sur place"...
La propagande officielle ne manquera pas de rassurer les braves gens sur les ondes de la télévision régionale que ces arbres étaient malades, qu'ils présentaient un risque pour les passants et que les plus jeunes sujets ont été laissés sur place afin d'être transplantés (au risque de les faire crever): en revanche, les tilleuls alignés le long des rues bordant la parcelle ainsi ratiboisée ont été conservés car ils ont le bonheur d'être plantés à l'extérieur de l'emprise du futur centre commercial bétonné au-dessus d'un futur parking souterrain qui sont le prétexte à faire des fouilles archéologiques dont on connaît déjà les résultats scientifiques.
Et de cette histoire pathétique en terme de démocratie locale ou de développement urbain, l'analyse suivante, proposée par Pierre Dac en rendra parfaitement compte:
"Parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les deux principes majeurs et rigoureux de tous ceux qui feraient mieux de la fermer avant de l'ouvrir. "
Blablablabla à lire, par exemple, sous le lien suivant:
Car l'affaire était entendue dès le début du premier mandat de Monsieur Joël Bruneau avec le premier promoteur de la ville, le premier investisseur de la ville sous l'oeil vitreux d'un Architecte des Bâtiments de France aussi indolent qu'impotent...
Archive de l'Etoile de Normandie:
http://normandie.canalblog.com/archives/2018/02/05/36117017.html
Voir aussi:
Colère et tristesse des Caennaises et des Caennais qui étaient sur place ce matin:
Il est à craindre que ce coup mal parti restera sous la semelle de Joël Bruneau maire de Caen jusqu'au terme de son actuel mandat: il aura beau rincer sa gaudasse aux grandes eaux de la communication, rien n'y fera! une solide odeur de m... restera.
Car l'épreuve des arbres coupés ce jour n'était que le dernier épisode de la saison 1 et la saison 2 s'annonce saignante avec le sujet de fond:
La construction d'un parking souterrain de trois niveaux dans un sous-sol saturé par une eau déjà mise sous pression par les parkings souterrains cuvelés voisins ne manquera pas de fragiliser très sérieusement le sous-oeuvre de tous les bâtiments historiques dont certains sont classés qui ont eu le bon goût d'échapper aux destructions massives de la Seconde Guerre Mondiale...
Pour mémoire, en 1988 lorsque fut creusé et construit le parking souterrain sous l'actuel centre commercial de la rue Paul Doumer, l'hôtel particulier de Banville du XVIIIe siècle, classé MH et abritant, à l'époque, les locaux de la DRAC de Basse-Normandie, avait failli s'effondrer: les eaux souterraines chassèrent contre les structures en sous-oeuvre au point de lézarder dangereusement une partie de ce bâtiment historique qui fut abattu avec, pour conséquence, le déménagement de la DRAC dans ses actuels locaux de la rue Saint-Ouen.
L'hôtel de Banville déjà victime du parking souterrain du centre commercial Paul Daumer est situé au début de la rue Jean Eudes, soit juste devant le projet controversé de centre commercial de la place de la République avec creusement d'un nouveau parking souterrain au coeur d'une zone qui vient d'être déclarée inondable dans le cadre du plan de prévention des risques majeurs dans la basse vallée de l'Orne.
Archives de l'Etoile de Normandie:
http://normandie.canalblog.com/archives/2020/11/02/38622043.html
Triste moralité:
Ce que la RAF ou l'US air force n'avaient pas réussi à faire par les airs en juin et juillet 1944, le général Guderian-Bruneau risque de le faire par le sous-sol: achever la destruction du patrimoine végétal et architectural de la ville de Caen!
Pour mémoire, nous avions présenté un projet alternatif pour la place de la République et ses tilleuls:
http://normandie.canalblog.com/archives/2018/03/24/36259144.html
Lire enfin (entre les lignes) le compte-rendu de Ouest-France:
L’abattage de quarante-cinq tilleuls, place de la République, à Caen (Calvados), a débuté très tôt ce mardi 23 février 2021. Une opération menée sans annonce préalable, qui n’a pas manqué de surprendre les Caennais, majoritairement attristés d’assister à cette scène. Une opération également menée tambour battant, achevée en tout début d’après-midi. Reportage.
8 h 40, ce mardi 23 février 2021, un mail conviant la presse en fin de matinée dans le salon du maire LR de Caen (Calvados), Joël Bruneau, est adressé à la rédaction. Le message annonce que les travaux ont débuté sur le parking, rue Saint-Laurent. Aucun bruit n’avait fuité au sujet de l’abattage de quarante-cinq tilleuls, place de la République.
À 9 h, la sidération et la consternation prédominent sur place. « Cela fait mal au cœur des Caennais d’entendre les craquements des arbres », lâche amèrement une habitante. Pierre, un sexagénaire, lance, agacé : « On abat le peu d’arbres qu’on a dans le centre-ville, c’est désolant. »
Des fouilles archéologiques sur le site
Des engins scient les bases des troncs, avant de débiter les tilleuls transformés en sciure, projetée dans de grosses bennes, en quelques secondes.
Impossible d’approcher, les forces de l’ordre, présentes en nombre, et des barrières grillagées maintiennent les riverains à bonne distance. Sur une de ces barrières est affiché un arrêté réglementant la circulation, pris par Joël Bruneau la veille. On peut notamment y lire que les « abattages sont prévus et ont été validés par les autorités aux fins de mener des fouilles archéologiques indispensables ».
Pour Xavier Le Coutour, conseiller municipal d’opposition présent sur les lieux, ces fouilles sont « un prétexte. Nous sommes au service d’intérêts privés ». Référence est faite à la construction de halles commerciales, dans le cadre du Projet République, sujet polémique depuis 2016.
Une Caennaise à vélo observe le ballet des engins : « C’est un grand massacre ! C’est triste… »
« Ce qui est en train de se passer est irréversible »
Toute la matinée, des habitants se sont relayés place de la République. Des vidéos ont été tournées, des photos prises.
Appareil en main, Marie-Joëlle Redor se présente comme l’une des requérantes qui ont formé un recours contre l’autorisation d’abattage des arbres. « Ce recours n’est pas purgé, contrairement à ce qu’annonce Joël Bruneau, s’emporte-t-elle. À mon avis, il engage sa responsabilité et celle de l’État en faisant abattre ces arbres, si c’est finalement reconnu comme étant illégal. J’ai d’ores et déjà appelé l’avocat qui nous représente devant la cour administrative d’appel de Nantes, mais ce qui est en train de se passer est irréversible. C’est une honte. »
En tout début d’après-midi, l’opération est terminée, le périmètre de sécurité a été levé, la circulation est rétablie. Ne restent plus que des palissades en bois entourant l’ancien parking, désormais clairsemé.
Abattage des tilleuls : rien n’avait bruissé
On peut dire que la date d’abattage des arbres de la place de la République fut un secret bien gardé. La presse, les opposants au projet, les riverains… Tout le monde s’est fait cueillir au petit matin par la nouvelle, donnée dans un communiqué de presse succinct : « En prévision des fouilles archéologiques, les travaux ont débuté sur le parking rue Saint-Laurent. »
Lire entre les lignes : les arbres sont en train de tomber. En sus, le maire annonçait un point presse deux heures plus tard : on a rarement connu invitation aussi rapide.
Des opposants devant la mairie
Bien sûr, la surprise n’est pas totale. On savait les tilleuls en sursis depuis la présentation du projet, en 2016. Mais quand même, les principaux détracteurs espéraient que les arbres resteraient bien enracinés, tant que les derniers recours n’étaient pas purgés.
Quelques minutes avant la conférence de presse, une poignée d’entre eux se sont d’ailleurs retrouvés devant la mairie, souhaitant participer à la discussion ou être reçus par le maire. Peine perdue, ils resteront devant les portes de l’hôtel de ville, fermées par les policiers.
Pourquoi cette rapidité d’exécution ? Interrogé, Joël Bruneau évite le sujet. « L’arrêté préfectoral date de 2016. » Certes, mais l’arrêté portant réglementation de la circulation autour du périmètre, qui laissait préfigurer le début des travaux a, lui, été pris la veille… « En effet, pour sécuriser le chantier. »
Un moyen d’éviter une manifestation ? D’éloigner les opposants au projet ? « Il était préférable que personne ne vienne sur le chantier en cours, pour éviter un accident avec les machines », lâche le maire. Au vu des réactions, pas sûr qu’en leur coupant l’herbe sous le pied, il prenne le problème à la racine…