IL EST DU DEVOIR DE LA REGION NORMANDIE DE PRENDRE EN CHARGE LE PATRIMOINE NORMAND

Alors que nous arrivons au 26ème billet en moins d'un an consacré au patrimoine normand en péril, l'Etoile de Normandie tire la SONNETTE D'ALARME en espérant que le signal se fera entendre et que le cordon ne nous restera pas dans la main à force de tirer dessus!

"Nous consacrons donc beaucoup de notre temps et de notre énergie à la recherche de financements..."

Guillaume Garbe, jeune propriétaire châtelain enthousiaste sans le sou ou presque à Carneville...

https://actu.fr/normandie/carneville_50101/le-chateau-de-carneville-mis-sous-cloche-pour-un-chantier-exceptionnel_40379128.html

 La situation du patrimoine architectural, historique et culturel n'est pas brillante en ce moment en France. En Normandie comme ailleurs nous observons:

1) Le désengagement du Ministère de la Culture et des DRAC (financements, expertise, conseil,  protection, prévention du vandalisme).

2) L'insuffisance de l'entretien entre deux grandes opérations de restauration.

3) L'état d'abandon et de péril de nombreux bâtiments et sites classés.

4) La destruction et la dénaturation systématique du patrimoine bâti ou végétal non protégé.

5) La déshérence du patrimoine culturel et religieux laissé par la religion catholique.

6) La disparition du petit patrimoine rural.

7) Le massacre du second-oeuvre des immeubles urbains sous prétexte d'isolation thermique et d'amélioration de l'habitat.

8) Le développement de la "France moche" par la dénaturation des paysages ruraux et urbains.

9) Une incompétence et une inculture assez générale à l'égard du patrimoine chez ceux qui prennent des décisions. (maires, architectes, promoteurs, artisans du BTP, propriétaires...)

C'est oublier que le patrimoine est le pétrole de la France et tout particulièrement en Normandie... 

C'est oublier qu'un seul euro investi dans les vieilles pierres peut en rapporter vingt fois plus!

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 La Demeure Historique, numéro de décembre 2020, propose un numéro exceptionnel consacré aux politiques publiques patrimoniales menées par les collectivités territoriales: c'est l'occasion de faire le bilan critique de ces politiques à quelques mois des prochaines élections régionales et départementales...

L'éditorial d'Olivier de Lorgeril, président de la Demeure Historique à l'adresse des élus locaux (communes, départements et régionaux) qui sont désormais en première ligne pour sauver, entretenir et valoriser le patrimoine paysager, architectural et artistique de nos territoires face au désengagement de l'Etat central...

Une bouteille à l'encre jetée à la mer?

Sachant que les élus qui disposent du pouvoir d'autoriser les permis de démolir et de construire mais aussi d'arbitrer les documents d'urbanisme ne sont pas tous sensibilisés au patrimoine faute d'avoir toujours la curiosité intellectuelle ou la culture générale nécessaires...

Pourtant, le patrimoine est souvent, toujours, la première ressource de nos territoires qui ont un intérêt stratégique à valoriser leur identité et leur authenticité pour assurer leur développement économique: la France n'était pas, avant la crise du Covid, la première destination touristique mondiale pour rien...

On trouvera ci-après, un panorama des compétences et des initiatives prises par les principales collectivités concernées: les intercommunalités, les départements et les régions en constatant, cependant, que la plupart de ces politiques publiques interviennent trop souvent en aval du problème principal: notre patrimoine est trop souvent en mauvais état quand il est officiellement protégé et trop souvent menacé directement par les promoteurs et les bétonneurs quand il ne l'est pas. 

Les effets très néfastes sur le patrimoine du retrait de l'Etat (les DRAC ne servent plus à rien ou presque...) ne sont pas assez compensés par l'action publique des collectivités territoriales...

(suite...)

Témoignages d'élus engagés dans la sauvegarde et la valorisation du patrimoine: exemples d'initiatives prises...

Le conseil départemental de la Saône-et-Loire soutient financièrement les propriétaires du patrimoine privé qui investissent dans cette ressource stratégique du territoire: on apprendra qu'un certain Arnaud Montebourg a eu du mal à comprendre l'idée que l'on puisse appliquer au patrimoine les solutions de l'intelligence économique!

Du côté de l'association des Régions de France, l'opportunité est de flêcher vers le patrimoine les crédits du volet culturel des futurs contrats de plan "Etat-régions": le patrimoine est considéré comme le support à l'économie territoriale touristique.  Ne faudrait-il pas qu'il soit enfin considéré pour lui-même? Le patrimoine apparaît comme un vaste champ d'action dans lequel on peut se disperser assez vite.

Il semble urgent de recentrer sur le plus... urgent: avant de faire du cosmétique, il y a urgence à être financièrement, juridiquement et techniquement aux côtés de toutes les bonnes volontés courageuses qui se battent pour que nos vieilles pierres ne s'écroulent pas définitivement!

La réflexion sur le patrimoine en tant que ressource stratégique du territoire mérite d'être plus approfondie du côté de l'Association des Régions de France.

Hervé Morin, le président de la Normandie donnait un entretien dans ce numéro de la Demeure Historique et c'est ce qui a attiré notre attention.

En lisant les propos du président normand nous releverons objectivement les deux éléments suivants:

1) Le patrimoine architectural, culturel et artistique de la Normandie, vieille région historique reconnue comme telle depuis Arcisse de Caumont au XIXe siècle est exceptionnel par sa qualité, sa densité et sa diversité. Mais il est en mauvais état: on apprend ainsi l'existence d'un "livre blanc, panorama et enjeux du patrimoine normand" qui en fait le constat et le diagnostic suite à l'action d'un mystérieux "comité régional du patrimoine normand" mis en place en 2017: nous regrettons vivement que cette action régionale pourtant essentielle au regard de l'importance du patrimoine dans l'identité normande n'ait pas été davantage rendue publique. Le contenu de ce "livre blanc" demeure, pour le moment, confidentiel:

On attend donc de la part d'Hervé Morin des annonces pour la mise en oeuvre d'une politique régionale plus ambitieuse pour la sauvegarde d'un patrimoine normand en souffrance: la fin de l'entretien à lire ci-après le laisse espérer...

2) L'approche proposée par Hervé Morin pour valoriser le patrimoine normand avec un dispositif nommé "Patrimoine en création(s)" (sic!) nous paraît trop cosmétique et trop située en aval du vrai problème sinon des urgences:

Répétons-le:

Une part notable du patrimoine bâti normand est en péril faute d'entretien suffisant, faute de moyens, faute de volonté ou de projets adéquat, faute de protection suffisante. Il faut intervenir bien plus en amont car le Ministère de la Culture et ses DRAC sont défaillants et ce tout particulièrement en Normandie: la lamentable affaire du saccage du manoir de la Horie à Granville par des promoteurs sans scrupules vient encore d'en témoigner bien tristement!

D'où notre proposition d'appliquer au patrimoine et aux porteurs de projets pour sauvegarder et valoriser économiquement le patrimoine architectural et historique normand les outils de l'intelligence économique... Des outils que maîtrise parfaitement Hervé Morin quand il s'agit des entreprises normandes avec le succès que l'on sait!

En Normandie, l'approche du patrimoine reste encore trop liée à l'urgence de la conjoncture ou trop cosmétique:

Dans la région française du Patrimoine, il faudrait une approche plus structurelle et stratégique à l'instar de ce qui est fait avec succès pour les entreprises industrielles. La structuration d'une filière normande des métiers d'art mise en oeuvre juste avant la crise du Covid peut être le début d'une telle politique...

Commentaire de Florestan:

Tendre une belle tapisserie culturelle dans l'écrin de nos vieilles pierres c'est bien. Mais si les vieilles pierres menacent ruine...

Bien entendu, en Bretagne, ils ont pris une longueur d'avance pour structurer les filières du patrimoine dans une logique de développement économique du territoire:

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La Normandie est LA région française du patrimoine architectural et monumental pour deux raisons:

1) Musée à ciel ouvert reconnu comme tel dès les années 1820, la Normandie fut le laboratoire territorial de l'invention de la notion de Monument Historique, de l'archéologie monumentale et médiévale avec Arcisse de Caumont: la Normandie a inventé le tourisme culturel en France.

2) La Normandie a été la région la plus détruite de France lors des combats de la Seconde Guerre mondiale: la Reconstruction des années 1950 /1960 a marqué notre région et une ville comme Caen propose un livre d'architecture ouvert sur toutes les époques du XIe au XXe siècle.

L'UNESCO reconnaît la densité patrimoniale de la Normandie puisque notre région est la plus labelisée des régions françaises au titre du patrimoine mondial de l'Humanité.

Sur l'architecture et l'urbanisme de la Reconstruction en Normandie, un label régional en reconnaît dorénavant la valeur patrimoniale: la Région s'investit financièrement. C'est bien.

Mais il faudrait un cahier des charges réellement protecteur car cette architecture des années 1950 a souvent été saccagée notamment dans ses éléments décoratifs et son second oeuvre par des années d'ignorance et de mépris...

La reconstruction de Flers a été particulièrement qualitative sur le second oeuvre des immeubles de ville: virtuosité d'un garde de corps en fer forgé des années 1950...

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Remise du label « Patrimoine de la Reconstruction en Normandie » aux villes de Caen et du Havre

Hervé Morin, Président de la Région Normandie, a remis le 22 mars, à l’Abbaye aux Dames à Caen, le label « Patrimoine de la Reconstruction en Normandie » aux villes de Caen et du Havre en présence de Joël Bruneau, Maire de Caen, et de Florent Saint Martin, Conseiller municipal du Havre. Cette remise de label est organisée dans le cadre de Chantiers communs, manifestation qui met à l’honneur l’architecture tout au long du mois de mars.

 Consciente des atouts de son patrimoine de la Reconstruction et de la nécessité de le valoriser tout en le préservant, la Région Normandie a lancé un appel à projets en 2017, renouvelé en 2018, en direction de villes reconstruites afin de renforcer l’attractivité de leurs centres. Cet appel à projets portait sur les parties communes du bâti privé de la reconstruction, les équipements publics, les aménagements urbains et la valorisation de ce patrimoine.

 La Normandie compte parmi les régions les plus détruites de France après la Seconde Guerre mondiale. Sa reconstruction a été un laboratoire d’expérimentation architecturale et urbaine sans précédent. Les plus grands architectes y ont travaillé. On pense naturellement à Auguste Perret au Havre ou à Marcel Lods à Sotteville-les Rouen. C’est pourquoi, en parallèle des appels à projets pour renforcer l'attractivité des centres-villes de la reconstruction, la Région a lancé en juillet 2019 le label " Patrimoine de la Reconstruction en Normandie " pour valoriser les actions des communes qui s’engagent dans une démarche de préservation de cet héritage architectural d’après-guerre » déclare Hervé Morin.

Au total, 14 villes ont été retenues pour bénéficier du soutien régional : Avranches, Caen, Le Havre, Vire Normandie, Lisieux, Louviers et Saint-Lô, Argentan, Coutances, Evreux, Falaise, Flers, Rouen et Yvetot. Le soutien régional s’élève à plus de 21 millions d’euros.

 Dans cette optique, en 2019, le label régional « Patrimoine de la Reconstruction en Normandie » a été créé pour mettre en avant l’intérêt historique et architectural, le potentiel culturel et touristique, la place occupée dans l’aménagement du territoire et dans le cadre de vie des habitants de ce patrimoine. La marque « Patrimoine de la Reconstruction en Normandie » a été déposée à l’INPI.

 Les villes de Caen et du Havre rejoignent le réseau normand des communes labellisées après Flers, Saint-Lô et Trévières labellisées en septembre 2020. Caen et le Havre se sont vu remettre des panneaux d’entrée de ville et un certificat de labellisation.

 Les communes labellisées / Caen et le Havre

Issues d’une même cause, la destruction d’une partie ou de toute une ville par les combats de la Seconde guerre mondiale, la Reconstruction en Normandie offre une architecture au style marqué et reconnaissable. Pourtant dans chaque ville, urbanistes et architectes ont su créer une harmonie particulière en lien avec la topographie des lieux, l’existence de monuments historiques, en faisant le choix de la tradition ou celui de la modernité…

 Caen - Architecte en chef : Marc Brillaud de Laujardière, entouré notamment

des architectes Henry Bernard, Georges Dengler et Marcel Clot

Le périmètre de labellisation retenu est le centre-ville comprenant l’îlot Saint Jean, l’ensemble de la cité administrative de la Préfecture, le quartier des Quatrans, le quartier de l’église Saint-Pierre, le château) et le quartier de l'Université, le quartier Saint-Julien, le quartier Saint Paul, la cité du Docteur Calmette, le quartier de la gare, le quartier de la Guérinière, les ponts reliant les deux rives, ainsi que plusieurs éléments isolés, à savoir : la minoterie, l’institut Lemonnier et l’abbaye des bénédictines.

 Sur les 13 275 bâtiments intra‐muros comptabilisés avant‐guerre, 4 226 ont été détruits (soit 31,8%), 2 576 ont été endommagés (soit 19,4%).

 (Commentaire de Florestan: précisons que ces 31,8% bâtiments détruits correspondaient à... 70% de la surface habitable en mètres carrés avant-guerre! Quant au 19,4% des immeubles endommagés, la plupart ont été rasés lors de la Reconstruction lorsqu'ils n'étaient pas classés au titre des MH. A cela, ajoutons des immeubles qui étaient intactes mais qui ont été rasés faute de pouvoir être intégrés dans le nouveau plan d'urbanisme. Résultat: plus de 50% de la ville de Caen qui existait avant 1944... N'EXISTE PLUS!)

Le quartier Saint‐Jean, îlot central de la ville, a été le plus durement touché. Aujourd’hui, il constitue le plus grand ensemble urbain de la reconstruction à l’échelle de la ville de Caen. Des premiers immeubles reconstruits rue du Gaillon à la livraison du théâtre en 1963, en passant par l’édification de quartiers plus périphériques comme le quartier Saint-Paul (1949- 1953) ou de l’université, la ville de Caen a su renaître de ses cendres. Désormais depuis le château de Guillaume le Conquérant, aux flancs dégagés, s’étend le large panorama d’une ville harmonieuse où domine la pierre de Caen, et où l’avenue du Six-Juin, marquée par la place de la Résistance et la présence des tours Marines (1951-1953 - Pierre Dureuil, architecte) s’apparente à une voie triomphale.

Le choix d’intégrer le quartier de la Guérinière au sein du périmètre labellisé montre également la volonté de la collectivité de faire le lien entre le centre-ville et son expansion géographique naît d’un renouveau de la ville et d’une nouvelle manière d’y vivre dans les années 1950 – 1960.

Le Havre - Architecte en chef : Auguste Perret

Le périmètre de labellisation retenu est le centre-ville reconstruit, correspondant au périmètre reconnu au titre du Site patrimonial remarquable, représentant près de 250 hectares et inscrivant en son coeur les 133 hectares du bien porté sur la Liste du patrimoine mondial « Le Havre, la ville reconstruite par Auguste Perret ».

 Port hautement stratégique, Le Havre a été durement bombardé pendant la Seconde Guerre mondiale et a subi de plein fouet les raids alliés des 5 et 6 septembre 1944 qui marquent le paroxysme des combats. Le territoire central est bombardé de façon systématique. Devant faire table rase d’une grande partie de son centre-ville, la ville a retrouvé un nouveau visage grâce au style de l’architecte Auguste Perret et offre aujourd’hui un exemple unique par la cohérence de son tissu urbain et de son architecture mais surtout par l’importance de l’échelle de sa Reconstruction, 150 hectares sur lesquels veille l’église Saint-Joseph et sa tour-lanterne de 110 mètres de haut. Par sa reconnaissance au titre du Patrimoine mondial délivré par l’UNESCO, la ville du Havre est devenue le fer de lance de la valorisation de l’oeuvre de Perret et de la Reconstruction et a montré sa volonté de rejoindre le réseau normand pour participer à ce nouveau défi. Par ses actions, elle a su ouvrir la voie à toutes les communes qui aujourd’hui redécouvrent leur patrimoine.

Comments

[Hastings]

Oui ! Oui ! Guérin ,je fais le même constat que vous, je suis en colère et déplore le massacre de nos bourgs et de nos paysages normands. Aucune fierté , aucun désir d'identité et d'esthétique . Tout le monde s'en fout ou n'a aucune conscience du beau et du laid , élus comme administrés ! Du moment "qu' ça arrange" et "qu' ça rapporte " !

[Guérin]

la détérioration de la France moche, les premiers responsables en sont ceux qui accordent les permis de construire donc les élus locaux les maires et compagnie, voyez le laxisme dans les contraintes de construction dans un secteur que je connais bien, la communauté de communes Coeur Côte Fleurie ou la communauté Normandie Cabourg pays d'Auge , très faibles contraintes architecturales, le massacre des paysage de bocage pour faire du lotissement bas de gamme et pire, les quelques contraintes existantes ne sont pas respectées et les communautés de communes comme les mairies alertées de non respect des permis de construire déjà laxistes qu'ils ont délivrés ne font RIEN pour faire respecter, faites le tour de ces communes et vous verrez des garages devenant des appartements locatifs, des cubes de béton s'installer dans le bocage à proximité de fermes traditionneles et d'églises classées.

On subventionne l'acquisition de pompes à chaleur, bonne affaire pour les commerciaux, mais on ne donne aucune aide ni incitation fiscale à celui qui relève un bâtiment agricole du XVIII, pire, on arrive même à subventionner le massacre avec l'isolation par l'extérieur d'une maison à pan de bois recouverte de bardage en composite bordeaux qui obtient permis de construire et aides financières....