Pour stopper la fuite des jeunes diplômés normands, la région se mobilise...
3000 jeunes post-bac normands quitteraient chaque année la Normandie soit pour poursuivre leur études, soit pour trouver un travail: une véritable hémorragie! Par ailleurs, il reste assez difficile pour les jeunes diplômés normands de trouver un premier travail qui leur convienne et pour les employeurs normands de trouver les salariés qui leur manquent.
Ce difficultés qui s'expliquent tant par la conjoncture que par des réalités socio-culturelles héritées, peuvent être considérées comme le premier passif de plus de 50 années de division normande, années caractérisées par un manque d'ambition certain généré par la médiocrité localiste qui a laissé partir vers des territoires plus dynamiques et rayonnants le meilleur de nos jeunes diplômés normands.
L'un des principaux enjeux de la réunification est donc de déployer des politiques publiques pour enrayer cette démographie néfaste: la région s'y emploie mais il serait judicieux que les autres grandes collectivités territoriales concernées prennent leur part de responsabilité dans le cadre d'une coopération régionale qui n'existe toujours pas!
https://www.normandie.fr/dispositif-jeunes-diplomes-un-coup-de-pouce-en-mode-gagnant-gagnant
D’un côté, il y a des jeunes fraîchement diplômés, compétents et motivés, qui ont du mal à trouver leur premier emploi sur fond de crise sanitaire et économique. De l’autre, il y a des chefs d’entreprise qui ont des projets à mettre en œuvre pour innover ou se développer mais hésitent à recruter en ces temps incertains. La Région a eu l’idée de les mettre en relation via son nouveau dispositif « Jeunes diplômés ». Explications, mode d’emploi et témoignages…
Le dispositif est accessible aux jeunes diplômés de bac + 2 à bac + 5, âgés de moins de 30 ans. Concrètement, sur 22 semaines au total, le jeune diplômé effectue 17 semaines de stage pour réaliser un projet en lien avec ses ambitions professionnelles. Il passe également 5 semaines en formation afin d’acquérir des compétences complémentaires. A ce jour, 275 jeunes sont en mission en entreprise.
Les petits plus : le coût pédagogique et la rémunération (652 € mensuels) sont pris en charge par la Région Normandie et le Fonds social européen. En cas de stage éloigné du domicile, des aides à la mobilité (50 à 250 € par mois) et au logement peuvent être attribuées.
« C’est vraiment un dispositif gagnant-gagnant-gagnant : gagnant pour l’entreprise, gagnant pour le jeune, mais aussi pour la région qui garde ainsi ses jeunes talents sur son territoire. La durée de 5 mois est très intéressante car elle permet un retour sur investissement, contrairement à un stage de 2 mois qui est trop court. »
L’objectif est double : aider les jeunes diplômés sortis de formation en 2019 ou 2020 à acquérir une expérience valorisante sur leur CV et en même temps, donner un coup de pouce aux entreprises, associations et collectivités - et à l’ensemble de l’économie normande - en permettant la réalisation d’un projet dormant ou émergeant. En d’autres termes, un projet qui n’aurait pu voir le jour autrement, faute de moyens et/ou de compétences, particulièrement en cette période de turbulences.
La Région Normandie va financer 2 000 stages "Jeunes diplômés" d’ici la fin 2021, pour un budget de 11,3 millions d’€, dont 7 millions consacrés à la rémunération.
Au Kaléidoscope, tiers-lieu situé à Petit-Quevilly, il est chargé de superviser l’activité des jardins partagés et des espaces extérieurs, ouverts au public. "Depuis l’été 2020, il s’est créé une petite communauté d’utilisateurs qui viennent partager des savoirs et des expériences. Les gens ont envie de choisir ce qu’ils mettent dans leur assiette. J’anime des ateliers et j’ai reçu une formation pour cela." Parallèlement, il s’occupe d’un laboratoire d’expérimentation autour du végétal. "Nous récupérons et recyclons les déchets du Kaléidoscope (marc de café, copeaux de bois de l’atelier, carton) et le transformons en substrat qui va servir à faire pousser des champignons comestibles."
« J’apprends plein de choses. Il y a aussi beaucoup d’interactions humaines. Cela m’ouvre des horizons nouveaux et cela me permet de me constituer un réseau professionnel que je n’avais pas. »
Il participe également à l’expérimentation du Farmbot (robot maraîcher qui peut semer, arroser, désherber et même mesurer l’hygrométrie du sol). "Notre objectif est de comparer l’apport de la robotique dans l’agriculture et sa complémentarité avec l’action humaine. Nous allons donc planter les mêmes espèces sur les parcelles cultivées par l’homme et par le robot et observer ce qui se passe. Mes semaines sont donc bien chargées !"
Ses études étant plutôt axées sur l’environnement et les milieux naturels, cette nouvelle expérience tournée vers l’agriculture et l’agronomie est un plus.
Du haut de ses 23 ans, Antoine Hugo garde un calme qui contraste avec la taille de l’enjeu. Tout juste sorti de son stage de fin d’études d’ingénieur, il a intégré Normandie AeroEspace, le groupement d’acteurs normands évoluant dans les domaines aéronautique, spatial, de défense et de sécurité, pour défricher un sujet qui pourrait faire l’objet d’une première nationale. D’ici la fin de son stage, avant l’été, ce passionné de nouvelles technologies devra déterminer si oui ou non, faire voler un drone au-dessus de Rouen pour transporter des échantillons de sang et des médicaments entre différents établissements hospitaliers est “faisable”.
« C’est le CHU de Rouen qui commande ce projet, c’est du costaud. Ça me met une certaine pression. »
Antoine vient d’enclencher la deuxième phase de sa gestion de projet : réunir les acteurs concernés par le développement d’une telle initiative, qui permettrait de diviser par trois le temps de transport pour ce service quotidien, et souvent vital. Son tuteur de stage, Samuel Cutullic, en convient : “Pour nous, c’est plus qu’un stage. Il ne va pas s’ennuyer dans cette mission, mais le risque est important : si on lance ces partenaires sur le projet, il faut aller au bout.” De quoi responsabiliser un peu plus le jeune Antoine, qui pourra se vanter, si cela fonctionne, d’avoir été l’un des maillons de cette performance d’innovation.
Florence Delobel a lancé voilà dix ans Vitamines, son cabinet de conseil en stratégie et marketing, à Mont Saint-Aignan. Pour cette cheffe d’entreprise qui fonctionne “au feeling”, un seul échange téléphonique a suffi pour apprécier l’enthousiasme et la détermination de Manon Serre, jeune diplômée issue d’un master Marketing de vente. Déjà, le futur succès de leur collaboration ne faisait aucun doute.
“Manon m’a dit qu’elle avait toujours voulu être consultante en marketing. C’est un métier d’une richesse formidable mais aussi d’une exigence extrême, pour lequel il faut être particulièrement courageux quand on débute. En 48 heures, la convention était signée”, raconte la tutrice, ravie d’accueillir pendant 5 mois l’une des représentantes de la toute première promotion du dispositif Jeunes diplômés.
« Ce type de poste, elle aurait mis 10 ans à l’avoir ! »
En quelques semaines, les deux femmes ont développé une réelle complicité au service de l’entreprise. “Il y a une évidence qui s’est installée. C’est une belle histoire, une belle rencontre”, s’enthousiasme Florence, qui tire profit de la rapide “maturité professionnelle” acquise par son élève. D’études de marché en diagnostics, Manon a endossé des responsabilités, pris en charge “de gros dossiers” et apporte déjà elle-même des recommandations aux clients de Vitamines. “Ce type de poste, elle aurait mis 10 ans à l’avoir !”, se réjouit sa référente pédagogique, Cécile Fondard, de l’organisme Retravailler en charge du dispositif. “Pas étonnant que Manon soit aussi épanouie, à l’aise et active dans sa mission. Avec Florence, elles se sont bien trouvées.”
Louis Pichon et Frédéric Rabin, tous deux âgés de 24 ans, ont rejoint pour 5 mois la start up rouennaise Veragrow, spécialisée dans le lombricompostage. Chacun s’est vu proposer une mission parfaitement adaptée à son profil, dans un environnement de travail convivial et dynamique.
« Pour moi qui veux devenir UX designer et travailler sur les interactions web, c’est l’occasion de cadrer mes envies et mes ambitions. »
Louis est chargé d’améliorer la visibilité et l’ergonomie de la vitrine web de Veragrow, outil essentiel de développement de l’entreprise. Titulaire d’un bac + 3, Louis avait d’abord projeté de trouver une alternance pour poursuivre en master mais compte tenu du contexte, il a dû renoncer. Après un stage de communication dans une entreprise de services, il est tombé sur cette offre de Veragrow : "L’UX design est un nouveau métier, surtout recherché par les banques et les assurances qui ne veulent que des gens expérimentés. Ce stage me donne donc un peu d’avance pour la suite. Alexandre Bocage nous a donné à chacun des objectifs très conséquents pour des juniors, c’est très stimulant."
Pour sa part, Frédéric gère l’import-export de matière agronomique en relation avec une entreprise brésilienne : "Je sers d’intermédiaire pour communiquer avec le contact. Du technique et un volet commerce international, c’est ce qui m’intéressait. J’ai suivi une formation initiale en biologie moléculaire à Mont-Saint-Aignan, puis un master en biologie humaine. La suite logique était un stage en laboratoire public, mais je voulais quelque chose de plus concret, avec un volet international. Louis m’a présenté Alexandre Bocage, qui codirige Veragrow : il cherchait un intermédiaire pour communiquer avec un Brésilien, et je suis Franco-Brésilien !" Un heureux hasard qui lui donne aujourd’hui l’occasion de passer un cap : "Une expérience dans ce type d’entreprises est très enrichissante. Je travaille avec des chambres de commerces internationales, et en tant que responsable des relations internationales : je n’aurais jamais pu faire ça ailleurs !"
par Pauline Guattari, chargée de relations entreprises pour Retravailler Rouen
"Il est important de se mettre à la portée du candidat pour bien lui faire comprendre les tenants et aboutissants de la mission proposée. Plus une mission est détaillée, plus elle est rapidement pourvue. Au-delà du diplôme, il faut aussi insister sur les qualités humaines attendues pour nous permettre de cibler au mieux nos recherches. Nous sommes là pour aider l’entreprise à mieux formuler son offre. Nous avons une vraie mission d’accompagnement des entreprises et des jeunes, avant, pendant et après le recrutement."
Vous êtes une entreprise/association/collectivité normande et vous souhaitez proposer une mission à un jeune diplômé ? Vous avez dans vos contacts des jeunes diplômés qui ont du mal à trouver un emploi ? Invitez-les à envoyer leur CV ou contactez l’organisme référent dans votre département. Et n’hésitez pas à parler du dispositif Jeunes diplômés sur les réseaux sociaux !
Voir aussi:
Le goût de l'innovation chez les jeunes Normands...