"Il fait un rien beau!" La langue normande déboule parfois dans la télévison régionale (France 3 Normandie Rouen)
Le parler normand, le français régional de Normandie, le cauchois et autres parlers normands déboulent parfois sur l'antenne de la télévision régionale publique...
Dernière apparition en date: au journal télévisé du 31 mars 3021 sur l'antenne de France 3 Normandie Rouen.
https://france3-regions.francetvinfo.fr/normandie/emissions/jt-1920-haute-normandie
Causez-vous le normand par Gilles Mauger.
Présentation du reportage 58’’ après le début du JT et le reportage et interview 13’ ’ après le début du JT:
« Prêchous le Normaund ? »
Docker du Havre, cultivateur du pays de Caux ou encore pêcheur de Dieppe existe-t-il des accents différents, la Langue Normande est-elle bien vivante ? On va en causer ce soir dans le choix de la rédaction de ce 19-20, dans un instant, notre invité, Gilles Mauger nous éclairera sur le Parler normand beaucoup plus répandu qu’il n’y paraît mais avant d’en découvrir le riche vocabulaire, d’où viennent ces accents plus ou moins prononcés qui raisonnent dans nos campagnes, voyez ce reportage.
Aujourd’hui on est sur le marché de Cany-Barville et pis il fait beau, l’autre interlocuteur reprend en faisant remarquer « et pis, il fait beau » ! Au cœur du Pays de Caux, Jean-Philippe et Almond, la vingtaine, pense-t-il avoir un accent ? Lui, a un accent fécampois. L’accent c’est toujours l’autre qui l’a (dixit Iryna Lehka-Lemarchand ), l’accent il existe à partir du moment où on le perçoit, Iryna Lehka-Lemarchand* est une pionnière dans la recherche sur les accents , écrire cette thèse sur les accents de banlieue lui a pris sept ans, sept ans d’enquête dans la banlieue rouennaise, des dizaines d’entretiens, des centaines d’heure d’enregistrements analysés lettre par lettre. On peut avoir un un accent snob, un accent journaliste, on peut avoir un accent populaire de telle autre région, il y en a une multitude d’accents .
Et nous nous posons cette question : y a-t-il une multitude d’accents au sein même de la Normandie ?
Extrait là de sketches , l’accent qu’il a c’est l’accent de Rouen (commentaire là de l’humoriste accentuant) entre l’accent du Nord et la mobylette (en imitant le bruit notamment), retour sur le marché : comment qui va le garçon (une cliente s’adressant à son vendeur) ? Y a-t-il un accent de Rouen, un accent du Pays de Caux , un accent de l’Eure ?
Même entre villes, on a des intonations. Il y a même une ville qui est Yport (prononcé Yporte)qui avait un accent à couper…, sans faire une étude sur sept ans, nous avons mené une expérience :
Michel, le cauchois, et Patrice le havrais ont chacun écouté l’autre parlé, ont-ils perçu un accent différent ?
Ah ! y fait rien beau aujourd’hui, il fait un soleil qui brille ! « Le rien beau » ça étonne tout le monde, le rien qui veut dire beaucoup ; Est-ce que ça c’est propre au Havre ? Ah ! non, non, je crois que c’est propre à tout le Pays de Caux, toujours au moins. Là je me balade actuellement sur le marché de Cany-Barville et j’en suis bien « cotent » (pour content),il est bien « cotent » . Ce que je trouve par rapport au Havre (dixit Patrice Louiset, havrais membre de l’association des Greeters du Havre) c’est l’accent, sans être péjoratif, c’est l’accent de la campagne, la campagne cauchoise, nous c’est l’accent portuaire . Patrice et Sylvie aiment par-dessus tout Le Havre, ses habitants, son accent. Quartier des pêcheurs, on entend les pêcheurs havrais dirent sur leurs bateaux : « ramène, ramène « Patrice rajoute, quand ils ont dit « ramène, ramène » c’est les gars du port, les gars du port du Havre, les dockers aussi causent comme ça.
Une étude menée il y a vingt-cinq ans est pourtant formelle, l’accent du Havre serait un mythe, on aurait généralisé la manière de parler des dockers à l’ensemble de la ville, un autre chercheur nous confirme que des présumées spécificités havraises sont en fait propres à toutes les villes, il s’agit de Damien Hall, un spécialiste anglais de la langue française (Maître de Conférence en sociolinguistique française à l’Université de Newcastle) : au Havre en particulier, au lieu de « sport » on dirait « speurt », au lieu de « Maroc » on va dire « Mareuque », cela est un trait urbain de partout en France mais surtout le Nord.
Conclusion : on trouve bien plusieurs accents en Normandie, ils différent surtout que l’on soit en ville ou à la campagne. Un accent coriace dans les zones rurales là où les patois sont les plus tenaces.
*auteure de « Accent de banlieue : approche phonétique et sociolinguistique ».
Notre invité, Gilles Mauger*, grand défenseur de la Langue Normande et grand chroniqueur à « L’Eveil de Pont-Audemer », en normand s’il-vous-plaît, « boujou », Gilles Mauger « boujou bien », Gréogy Thélu, l’animateur-journaliste de France 3 Normandie Rouen l’interviewant.
On a beaucoup parlé de la Seine-Maritime dans ce reportage, qu’en est-il des différences de prononciation dans l’Eure ? Eh ! bien on a le même problème qu’en Seine-Maritime et partout vraisemblablement en Normandie c’est-à-dire qu’on a des clivages entre villages, on a des clivages entre cantons, on a des intonations, on a même des écritures différentes , par exemple si vous prenez Pont-Audemer on remplace le « ei » par un « a », on ne dit pas "Bé un coup té qu'a sé!", on dit « bé un coup ta qu’a sa » …. ».
Combien de personnes parlent le normand ?
Difficile à savoir (dixit Gilles Mauger)puisqu’ils n’ont pas enquêté, ils ne cherchent pas, ils ne veulent pas le savoir (remarques de Grégory Télu : » c’est pas comme le breton ou le corse ? »), on pense qu’environ (poursuit Gilles Mauger) il y a à peu près une trentaine de milliers de locuteurs en Normandie mais c’est une supposition l’enquête n’a pas été faite. Il y en a beaucoup plus qu’on pense, il y en a beaucoup plus qu’on pense, les gens utilisent en particulier beaucoup de vocabulaire normand sans le savoir, comme Monsieur Jourdain qui fait de la prose en fait, tout à fait comme Monsieur Jourdain qui fait de la prose, et ils sont persuadés que ce n’est pas du normand mais que c’est une tradition familiale, un parler familial.
Des exemples ?
Ben, des exemples, si vous voulez, au supermarché une jeune femme de 35 ans qui me vendait du poisson me dit, « attention, ça se dépiche », alors je lui dis, tiens, vous parlez normand, vous, à votre âge? Elle me fait en réponse : bien non, je ne parle pas normand, lui rétorquant alors « ça se dépiche » c’est du normand. Ah ! bon, enchaîne-t-elle , je croyais qu’on disait cela dans la famille.
C’est un peu comme « clencher la porte » ?
Clencher la porte c’est typiquement normand, ça il n’y a pas de problème.
On le sait peu mais le parler normand (Grégory Thélu) a beaucoup infusé la langue anglaise, racontez-nous !
Gilles Mauger : Eh ! bien, après la conquête de l’Angleterre après le 7ème Duc de Normandie, le normand est devenu la langue officielle de l’Angleterre pendant plusieurs siècles à la Cour, l’armée, la police, tout le monde parlait le normand, c’était obligatoire. Les commerçants parlaient aussi le normand parce qu’il fallait faire du commerce avec la Normandie, avec la France et tout ça et donc ce normand a abouti, cette influence normande en Angleterre a abouti à une très belle langue, l’anglo-normand, la plus belle langue et la plus belle littérature du XIème, XIIème et XIIIème . Marie de France écrivait en anglo-normand à la Cour anglo-normande !
Et ça a donné beaucoup de mots en langue anglaise comme street (questionne Grégory Thélu). Gilles Mauger : vous avez pocket, vous avez basket, vous avez design, vous avez vintage qui est beaucoup à la mode, the voice qu’on voit beaucoup….
Avant de se quitter, Gilles Mauger, le normand pour les nuls, quelques mots et phrases à connaître absolument pour briller en société (questionne Grégory Thélu)?
Gilles Mauger riant : pour briller en société, oui, bien les formules pour dire bonjour ou pour dire au revoir : « boujou, cha va t-i ?», « boujou tertous », « boujou bien », par exemple.
Eh, bien, "c’était rien intéressant" reprend, pour finir, le journaliste Grégory Thélu …….
*Auteur de « Comme disait ma grand-mère ».