La forte abstention aux élections de juin 2027 fragilise l'idée régionale en France
Billet de Florestan:
Record d'abstention pour une élection depuis le début de la 5ème République avec ces élections régionales et départementales de juin 2021 avec 67% d'abstention aux deux tours: du jamais vu!
La crise de la démocratie représentative est évidente pour tout le monde sauf pour ses professionnels qui s'en lamentent à chaque scrutin et qui l'oublient bien vite, mandats et pouvoirs pris en mains: on connaît la célèbre maxime attribuée à Bossuet qui nous rappelle que Dieu rigole bien de ces hommes inconséquents qui se plaignent des effets désagréables de causes qu'ils chérissent par ailleurs...
Cette crise de la démocratie est profonde et ancienne: on en a déjà esquissé ici les raisons idéologiques, culturelles, sociales ou économiques sachant que cette crise de la démocratie représentative renvoie à la crise du principe de la souveraineté nationale qui affecte, peu ou prou, la plupart des vieux états-nations d'Europe: nous n'aborderons pas ici cette question car ce n'est pas la raison d'être de l'Etoile de Normandie, webzine régionaliste normand.
En revanche, ce qui nous importe et nous alerte c'est que cette poussée inédite de l'abstention se fait à l'occasion des élections qui sont censées légitimer le lien direct entre les citoyens habitants d'une région et un conseil régional en charge des politiques publiques régionales, des décisions, des projets et des financements qui organisent et préparent les réalités les plus concrètes des habitants, à commencer par le maintien et le développement des emplois disponibles sur un territoire pour l'avenir des gens...
Ce qui nous interpelle c'est que 12% des jeunes adultes normands sont allés votés pour les élections régionales alors que le conseil régional parraine, organise et finance leur avenir professionnel!
De même, les jeunes travailleurs, les précaires et les chômeurs se sont abstenus alors que le conseil régional est la collectivité territoriale qui s'adresse à eux pour proposer des solutions de formation.
On aurait pu croire que l'évidence géographique de la Normandie aurait pu stimuler l'ardeur civique des Normands: il n'en fut rien!
N'allons cependant pas croire que les Normands se contrefichent de leur Normandie: des sondages réguliers démontrent, au contraire, qu'ils aiment leur région et qu'ils apprécient qu'elle soit réunifiée à près de 70% ...
Constatons simplement que la Normandie de la géographie fonctionnelle, la Normandie institutionnelle ou la Normandie politique coincée dans les épaisseurs du fameux "mille-feuilles" territorial de la République n'intéressent pas une majorité de Normands qui n'ont à la Normandie qu'un rapport affectif avec des préjugés positifs ou négatifs ou, dans le meilleur des cas, n'en ont qu'une approche historique, culturelle ou patrimoniale alors que la Normandie, en tant qu'institution est, bel et bien, vivante et active pour le service de l'intérêt régional au XXIe siècle:
Pour le dire clairement, pour une majorité de Normands, la Normandie c'est d'abord l'épopée médiévale de Guillaume Le Conquérant faute de savoir que c'est aussi des milliers d'emplois sauvés et développés dans les entreprises de la région.
Sur ce dernier point, on modérera notre constat en faisant remarquer la forte mobilisation électorale de la minorité de citoyens Normands qui font l'effort de s'intéresser sérieusement et régulièrement aux réalités normandes qu'elles datent du XIe siècle ou du XXIème: c'est cette avant-garde électorale normande qui a littéralement propulsé Hervé Morin, le président normand sortant à plus de 40% des voix malgré une quadrangulaire au second tour des élections régionales. Il y a donc bien eu un vote "utile normand" en faveur du projet normand d'un président normand qui avait clairement dit qu'il ne servirait pas d'autres ambitions que celle de faire rayonner la Normandie à l'occasion d'un second mandat à la tête de l'unité normande, mandat qui sera le dernier de sa carrière publique.
Lire, par exemple, cette analyse proposée par Paris-Normandie (29/06/21):
Voilà donc pour notre consolation normande mais il faut s'inquiéter du fait que cette forte abstention électorale, inédite dans sa puissance, fragilise, de fait, l'idée régionale en France: depuis ce dimanche 27 juin, dans la presse nationale quotidienne ou hebdomadaire, les critiques des Jacobins opposés à toute idée régionale et à tout développement de la décentralisation, pleuvent sur l'institution régionale notamment sur ce que la désastreuse réforme de 2015 en a fait (à l'heureuse exception normande, on ne le dira jamais assez...).
En gros, les Jacobins accusent les régions d'être des machins territoriaux artificiels, éloignés des gens, une complication inutile de la République qui renvoie à la tarte à la crème du "mille-feuilles" territorial sur fond de méconnaissance profonde des citoyens sur les compétences des conseils régionaux, en l'absence de la pédagogie médiatique ou scolaire nécessaire: politiquement, les Français (et notamment ceux qui votent au Rassemblement National) ne connaissent que l'échelon national et l'échelon local pour arbitrer du fonctionnement d'une république plus que jamais hyper-centralisée à Paris et centrée sur la personne même du président de la République.
Dans ce contexte, difficile d'intéresser les gens à d'autres élections que l'élection présidentielle...
En attendant, les "grandes régions" sont accusées de tous les maux:
Abstention: le désarroi des élus locaux...
La légitimité d'Hervé Morin? Celle d'avoir été porté au pouvoir régional pour un second mandat par une avant-garde électorale normande...
Les abstentionnistes, bien entendu, ne le savent pas... Le conseil régional de Normandie est, avec 626 millions prévus en 2021 le premier investisseur public en Normandie, notamment en direction de la jeunesse (lycée, formation secondaire et supérieure, apprentissage, réinsertion professionnelle...): les jeunes adultes de 18 à 25 ans inscrits sur les listes électorales qui n'ont été que 12% à se déplacer pour voter!
Il y a donc un énorme travail de pédagogie normande à faire!
Nous avions proposé à l'actuelle majorité régionale d'équiper chaque lycéen normand entrant en classe de seconde d'une information complète sur la Normandie: histoire, géographie, culture, économie, informations pratiques régionales et informations pour leur orientation professionelle en Normandie. Puisque les lycéens Normands entrant en seconde vont se voir attribuer une tablette numérique à la prochaine rentrée scolaire, c'est l'occasion de "normandiser" cette tablette...
(Chronique de Normandie, Bertrand Tierce n°697)
La projection proposée par Ouest-France de la composition en nombre de sièges du futur conseil régional de Normandie qui se réunira en séance plénière ce vendredi 2 juillet 2021 à Caen confirme le renforcement de la majorité régionale normande conduite par Hervé Morin qui passerait de 54 à 60 sièges sur un total de 102 conseillers régionaux: une majorité régionale qui s'annonce pléthorique et qui aura aussi à travailler davantage au projet normand dans le cadre des vice-présidences qu'elle n'avait pu le faire lors de la première mandature...
Enfin, lire le rapport dont tout le monde parle de l'institut "Rousseau", une boîte à idées plutôt de gauche ayant une conception jacobine des questions territoriales:
L'idée régionale sort essorée de ce rapport au vitriol qui tourne beaucoup en ce moment dans les rédactions parisiennes...
Ce ressentiment jacobin anti-régional s'exprime aussi de la façon suivante: puisque les élections régionales donnent l'occasion d'une abstention à 67% cassons donc le thermomètre régional pour faire baisser la température!
Chronique
Publié le 03/07/2021 à 14:00
Les forts taux d’abstention enregistrés lors des élections régionales et départementales le prouvent : la décentralisation est un échec.
Le bal des commentateurs a fait, aux deux tours des élections régionales et départementales, ses gorges chaudes des chiffres faramineux de l’abstention, chacun trouvant miraculeusement dans cet événement la confirmation rétroactive de ses biais idéologiques antérieurs.
Pourtant, il semble devoir relever de la prudence la plus élémentaire de ne pas surinterpréter les mots de ceux qui précisément refusent de donner leur voix. D’autant qu’aucune des grandes tendances explicatives avancées ne semble pleinement (ou du moins uniquement) convaincante. Un esprit honnête peinera donc à trouver une satisfaction dans les explications médiatiques d’un tel phénomène.
Quelles conséquences ?
D’un côté, les perpétuels contempteurs des Français, qui ne perdent jamais une occasion de cracher leur mépris à la face d’un peuple qu’ils jugent indigne des immenses privilèges qu’on lui a accordés, tel le droit de vote (oubliant au passage que le propre d’un régime démocratique est de garantir la liberté à ses citoyens en matière d’expression politique et que, jusqu’à preuve du contraire, la liberté peut résider dans le fait de ne pas choisir), ne peuvent qu’horripiler.
De l’autre, les hyperrationnels qui disposent d’une baguette magique explicative : qui la réforme mal faite de 2015 (oubliant de noter au passage que les taux d’abstention en Bretagne ou en Île-de-France, régions qui n’ont pas été redessinées sur un coin de table dans le bureau de François Hollande à l’époque, ont connu peu ou prou une abstention semblable à la moyenne nationale), qui la libération post-Covid rendant les citoyens amorphes etc., nous laissent sur notre faim.
Et si, plutôt que de s’évertuer à réfléchir dans le vide aux causes de cette abstention, nous décidions plutôt collectivement de nous interroger sur ses conséquences ? Qu’elles qu’en soient les raisons, le fait massif est là, et le contourner ne sert strictement à rien.
Mesure radicale
Dès lors, comment sortir politiquement par le haut d’un tel désaveu, lequel, quoi qu’on en dise, constitue une tendance lourde depuis quarante ans aux élections des exécutifs décentralisés ?
Apportons notre pierre à cet édifice, par la réactualisation d’une vieille antienne jacobine à la pertinence toujours recommencée : il faut revenir sur la décentralisation. Non pas tourner autour du pot en se demandant ad nauseam qui de la région ou du département doit encore être dépouillé de ses compétences, ou quel redécoupage serait pertinent, mais purement et simplement revenir sur l’ensemble des réformes, y compris constitutionnelles, commencées dans les années 1980 et revenir à l’histoire millénaire de la nation française, celle d’un État central fort et indivisible.
Pourquoi une telle radicalité ? Un seul bilan de quarante ans de décentralisation suffirait à le justifier, cette dernière n’ayant entraîné principalement que la dilution de la capacité d’action publique, l’accroissement tendanciel des dépenses inutiles et la constitution de baronnies politiques alimentant en permanence la défiance des citoyens.
Mais, plus fondamentalement, à l’heure où la conscience collective s’accroît du risque que fait peser la mondialisation sur l’unité de la nation, jugée à la fois trop petite et encore trop unie par ses détracteurs farouches, la réaffirmation par le peuple français de son souhait de maintenir son unité, par-delà les divisions fantoches et fragiles, et sa capacité d’action collective signeraient une décision courageuse et magnifique.
Il faut réagir!
En raison de l'exemplarité géographique et historique de la Normandie, le conseil régional de Normandie doit engager sans tarder un programme de grande ampleur de sensibilisation à l'idée régionale en commençant par la jeunesse normande.
https://www.le-comptoir-des-normandies.fr/autocollants_normand__p183250.html